Elle est jeune. Elle est artiste. Elle est chanteuse, mais une chanteuse à part. Pas comme les autres avec son concept de « dje noon pah », qu’elle a défini par « celle qui pleure » Entrevue.
Jeune chanteuse, vous démarrez dans ce métier. Qui êtes-vous ?
Je suis Matibeye Geneviève artiste musicienne, je ne suis pas une chanteuse ordinaire je suis « dje noon pah » celle qui pleure la chanson et Entrepreneur sociale parce que j’aime les gens. J’aurais facilement fait travailleuse sociale si on avait un pays mieux organisé pour venir en aide au plus fauché d’entre nous. Ceux dont la vie n’a pas souri et parfois même handicapés physiquement.
Votre parcours d’artiste ? Comment tout a commencé ?
Très jeune. J’ai commencé à la chorale de l’Église. J’ai toujours été fasciné par les harmonies et la musique. J’ai été choriste en studio et sur scène pour accompagner des artistes. C’étaient en 2012. J’avais envie de tracer mon chemin sans trop des tracasseries. Après réflexion, la seule façon d’y arriver c’est de commencer ma carrière solo. Cette décision m’a permis d’apprendre beaucoup de choses. Et d’assumer mes responsabilités. Si je ne réussis pas un coup, je ne chercherais pas à blâmer autrui. Cela sera ma faute. Et je continuerais à apprendre.
Quel est votre genre musical ?
Du Word beat ou Word musique ou encore musique du monde, c’est selon. C’est un mélange de la musique traditionnelle et de la musique moderne, du jazz & bleus sur un style Noon pah avec mes touches personnelles.
Votre discographie ?
J’ai enregistré plusieurs singles. Ils sont déjà en écoute sur les plateformes digitales, les radios et un album toujours en route faute de moyen. Au Tchad il n’y a pas un fort soutien à la culture, à l’artiste. Il n’a pas de statut donc c’est un inconnu. C’est comme un errant sans pièce d’identité. Alors que ce sont les artistes qui sont les meilleurs ambassadeurs. J’ai le sentiment qu’on déteste l’artiste dans ce pays du Tchad.
Quelle est votre opinion sur le milieu de la musique tchadienne en particulier et de la culture en général ?
Je dirais que la production est très satisfaisante. L’évolution a été très rapide et positive. Ces dernières années, il y a une grande révolution de la musique tchadienne avec un grand nombre d’artistes, un travail de qualité, un retour à la source, et une recherche identité. La musique tchadienne est prête à être exportée au-delà de nos frontières.
Si demain le ministère de la Culture vous convoque pour vous demander conseil sur la musique et la culture, qu’est-ce que vous leur direz ?
Déjà de penser au statut de l’artiste, Créer un fond d’accompagnements des artistes Créer une école des arts et de la culture, Créer des salles d spectacles aux normes internationales
Mettre en place une politique de diffusion et de valorisation de la musique tchadienne. On espère bien qu’avec notre nouveau ministère les choses font changer rire
Quels sont tes projets ?
Je travaille sur mon projet de recherche sur le « noon pah ou pleureuse de la chanson » qui est une recherche identitaire. J’ai pu grâce à cela rencontrer des griottes dans le sud et le nord. J’étais accompagné d’une musicologue française. J’ai monté une résidence de création en 2019. Elle a permis de réadapter les chansons. La deuxième phase du projet est en quête d’accompagnement et de financement rire. J’ai participé au marché des arts et des spectacles d’Abidjan en mars avec un projet Women Power. C’est un projet qui regroupe des chanteuses africaines et un groupe féminin marseillaises qui étais prêt à être lancé, mais Mme Covid-19 a décidé de tout arrêter. On attend que les activistes reprennent de sitôt.
Votre mot de la fin
Un grand merci à vous et tous ceux qui soutiennent la musique tchadienne et les arts. Il faut que les Tchadiens aiment et encouragent leurs œuvres en les consommant, en les partageant, l’exporter. C’est ainsi nous allons faire connaître notre culture.
Entrevue réalisée par Habiba Abdelhakim
Le 2e forum national inclusif tenu du 29 octobre au 1er novembre 2020 est terminé. Des débats ont eu lieu. Des résolutions et des recommandations ont été adoptées. Ialtchad Presse a échangé, au lendemain du forum, avec les leaders religieux. Reportage.
Le Tchad a 3 grandes organisations confessionnelles. Pour les musulmans, le Conseil Supérieur des Affaires Islamiques (CSAI) joue le rôle d’autorité morale. Les chrétiens catholiques sont représentés par l’Archidiocèse. Pour les chrétiens protestants, il y a l’Entente des Églises et les Missions Evangéliques du Tchad (EEMET). Ces organisations jouent auprès du gouvernement le rôle de consolidateurs de la paix et de la cohésion sociale. Ils y ont activement participé aux travaux du forum.
Serment confessionnel
Selon le Coordonnateur de département Éthique et Justice de l’EEMET, Pasteur Dogos Victor, il faut remercier les hautes autorités pour avoir pensé à organiser ce 2e forum national inclusif. Pour lui, ce forum est l’exaucement de leurs prières adressées à Dieu. Pour le pasteur, jurer sur la Bible est contraire à la recommandation biblique. « En tant que chrétiens, nous avons notre ligne de conduite. Ce serment confessionnel, instauré précisément le 20 avril 2018, est contraire à notre doctrine religieuse. », dit le pasteur.
Il affirme qu’à l’époque, le secrétaire général de l’EEMET en accord avec le président de l’Alliance des églises pentecôtistes ont écrit au bureau du président de parlement pour demander le retrait du ce serment. « Il porte atteinte à notre foi parce que c’est dit très clairement dans la Bible (Matthieu 5/37) de ne pas jurer par le ciel parce que c’est le trône de Dieu ni par la terre ni par aucune autre représentation. Que votre oui soit oui et votre non soit non de façon claire. Cette lettre était restée sans suite », dit le Pasteur Dogos Victor.
Pour marquer le désaccord, le Secrétaire Général de l’EEMET Rev. Pasteur, Batein Kaligue, a écrit une lettre pastorale à toutes les églises pour dire que le serment ne rime pas avec les recommandations bibliques. Et que les chrétiens doivent accepter toutes les responsabilités, mais de refuser de prêter serment tout en refusant de démissionner. A l’époque estime-t-il, l’EEMET les leaders protestants ont demander une rencontre avec le Président de la République afin d’évoquer le sujet. Cela n’a pas été possible. « Aujourd’hui, la suppression du serment confessionnel est la réponse de Dieu à nos prières. Nous sommes joyeux et reconnaissants à Dieu », s’est-il réjoui. Pour l’EEMET, c’est peut-être par ignorance que le 1er forum a instauré le serment confessionnel, mais le débat est désormais clos.
Selon Abdadayim Abdoulaye Ousman, Secrétaire Général du CSAI, le serment confessionnel n’est pas venu des religieux. C’est retiré et c’est une bonne chose. Mais ce qu’on veut des autorités déclare le SG, c’est d’avoir la foi et de changer le comportement. « Dieu nous observe et nous surveille, si nous ne le voyons pas Lui nous voit. Il faut vivre dans la crainte d’Allah, si Allah est dans notre cœur nous ne devons pas faire de bêtises », dit le SG. Pour lui, le forum a débattu de plusieurs thèmes : le régime politique, le réaménagement des grandes institutions, le régime parlementaire, et les reformes en vue de la conciliation, de la paix etc. Ce qui l’a marqué ce sont les participants. Ils ont, dit-il, débattu en toute fraternité. En 1993, rappelle-t-il, lors de la Conférence Nationale Souveraine (CNS), les Tchadiens de l’extérieur et de l’intérieur ont tenu des débats très chauds en s’accusant de tous les noms d’oiseau, parce qu’il y a un changement de régime. « Plus de 300 personnes, la moitié des participants a pris la parole, ce forum est à 80% une réussite. Ce qui m’a marqué c’est l’entente entre l’opposition et la majorité présidentielle. Je dis, les Tchadiens ont grandi et sont capables de conduire leur pays sans ingérence de quelque, manière que ça soit. », dit-il.
La paix
Le SG estime pour sa part que la politique de notre pays concerne tout le monde y compris les religieux. « Certains estiment que nous ne devrons pas nous impliquer. Il faut que cela soit clair. Lorsque nous participons à des forums, conférences, nous ne nous impliquons pas dans la politique. Nous sommes des hommes de foi. Nous participons à la consolidation de la paix et la cohésion sociale », dit-il.
Pour le CSAI, les religieux sont dans leur rôle. Ils ont été par exemple plusieurs fois des médiateurs entre les syndicats et le gouvernement. Toujours selon le SG, les religieux sont de nos jours des intellectuels il ne faut pas qu’on les prenne pour des analphabètes. Nous sommes exemplaires, affirme le SG du CSAI. « Sans la paix, il n’y a pas la vie, le développement et la liberté d’aller et venir. Nous sommes contre toute personne qui voudra détruire l’unité du Tchad. On va le combattre parce qu’il veut détruire nos vies », a signifié Abdadayim Abdoulaye Ousman. »
À propos du code de la famille il affirme que le CSAI se réserve sur 93 points, « les Tchadiens n’ont pas suffisamment lu ce Code. On ne peut pas coudre un boubou de 1.50 m à quelqu’un qui a 1. 20 m. Le code ne s’impose pas, on ne le rejette pas non plus, mais il faut que ce Code soit consensuel », conclut-il
Ialtchad Presse n’a pas pu recueillir les impressions du leader religieux catholique pour des raisons d’agenda.
Moyalbaye Nadjasna
Donc, le Forum national inclusif-2 a clos ses travaux ce dimanche 1er novembre en présence du Maréchal Deby Itno. Il en a sorti 28 résolutions et recommandations sur 7 grands axes. Mais ce forum visait-il seulement à évaluer le premier forum qui s’est déroulé il y a 2 ans ? Pas vraiment.
Rappel : le forum inclusif-1 de 2018 avait accouché d’une nouvelle Constitution et d’une Nouvelle République : la fameuse 4e République.
Pour cela, il a fallu, entre autres, à l’époque.
Un, supprimer le poste de Premier ministre.
Deux, instaurer un serment confessionnel dans une république laïque. Pour dit-on, stopper la corruption en s’appuyant sur la Bible et le Coran. La magie des livres saints n’a visiblement pas opéré. Le forum 2 retire le serment confessionnel. 24 mois en perte temps. 750 jours en perte d’énergie. Alors que le serment républicain suffisait amplement.
Deux ans plus tard…
Est-il sérieux d’évaluer des institutions républicaines seulement 2 petites années plus tard? C’est trop court. Ce n’est pas sérieux. Pour la modernité qui devait naître avec cette 4e République, il faudra attendre encore et encore. La majorité des Tchadiens l’a compris. Ils ne se sont pas intéressés à ce forum. Et une grande partie de l’opposition et de la société civile l’ont boycotté.
Alors que peut-on retenir de majeur à la fin de ce forum inclusif-2? Un fait majeur : la création du poste de Vice-Président (VP). La « rumeur N’Djamenoise » l’avait annoncé il y a quelques années, le forum inclusif-2 l’entérine.
Mais la vice-présidence, pour en faire quoi? Suppléer le Président ? Lui succéder en cas d’empêchement majeur? Est-ce une recommandation? Est-ce une résolution? Ce poste sera-t-il adopté par voie référendaire ou par l’Assemblée nationale? Quand? Il faudra l’inclure dans la Constitution. Comment le faire? Il faudra modifier la nouvelle constitution de la nouvelle 4ème République. Trop des questions sont sans réponses.
En lisant les 28 résolutions et recommandations, le passage sur la création de ce poste tient en une courte phrase de 6 mots. Y a-t-il d’autres intentions derrière ce nouveau poste? Il semblerait que le VP sera un nommé par le Président. Il est révocable en tout temps. Il sera alors un VP « postiche » sans véritable pouvoir. Il doit avoir une qualité : la force d’avaler les couleuvres et se tenir au carreau comme un héritier. Oui un héritier.
D’autres sujets mineurs pour noyer la création de la VP y figurent dans la synthèse des travaux de ce forum-2.
Par exemple, le Senat. Une institution qui ne sert pas à grand-chose. Sinon à récompenser les amis politiques.
De plus, dans un système politique les règles sont claires. Il y a le système présidentiel, semi-présidentiel ou le système parlementaire etc. Il est évident que « les têtes pensantes » de cette 4e République ont plongé le Tchad dans un régime qui n’existe nulle part. Qu’ils se préparent alors à nous l’expliquer. Ils ont osé appeler leur trouvaille « Régime Présidentiel Intégral ».
Enfin, tout ce brouhaha du forum inclusif 1 au forum inclusif 2 ne semble viser qu’une chose : instaurer le poste de vice-président. Tout ça pour ça !
Bello Bakary Mana
Dès qu’on met les pieds dans les grands marchés de N’Djamena, capitale tchadienne, on est rapidement entouré par une ribambelle d’enfants. Tous très jeunes. Ils offrent leurs bras contre quelques pièces de monnaie pour transporter marchandises et provisions. Qui sont ces enfants ? D’où viennent-ils ? Reportage.
Jeudi 23 octobre. Marché central de N’Djamena, le soleil est presque au zénith. Le thermomètre indique 32°. À l’entrée sud du grand marché, vendeurs et clients se bousculent. A droite, des vendeuses de légumes et d’épices installent pêle-mêle leurs marchandises sur des étals ou à même le sol. À gauche, des vendeurs à la criée des habits, des chaussures, de la viande, des biscuits sous l’œil des agents de la Police municipale qui filtrent les entrées et les sorties.
Sur l’allée principale, Mme Solange, ménagère, est prise en chasse par un groupe de jeunes vendeurs de paniers. « Veux-tu un panier ? », disent en chœur ces jeunes. « Oui, j’en veux un. Et je voudrais aussi une personne parmi vous pour m’aider à faire mes courses », dit-elle. Cet échange témoigne de l’activité que mènent en parallèle les enfants mendiants : la vente des paniers et garçons de course.
Appelés communément « mouhadjirines » ou encore les enfants-talibés, ces enfants mendiants ont créé, depuis quelques années, d’autres formes d’activités pour gagner de l’argent. Certains vendent des paniers. D’autres proposent de transporter les paniers remplis de produit. D’autres encore font les deux. Ils sont visibles dans tous les grands marchés de la ville.
« Je fais ce travail par obligation », déclare Souleymane, un enfant talibé. Ce mineur, envoyé par ses parents pour faire des études coraniques, se retrouve en train de mendier, de vendre et transporter des paniers au marché central de N’Djame. Au début, il ne mendiait pas. Mais cette pratique, selon lui, ne lui rapportait pas grand-chose (argent) pour satisfaire son maître. Ce qui lui valait des coups de chicote chaque soir à la rentrée. Pour éviter ces traitements inhumains et dégradants, Souleymane se lance dans d'autres activités : celles de vendre les paniers et d’aider des personnes à faire leurs courses au marché. « J'ai décidé de prendre le chemin du marché où je vends les paniers et je me porte volontiers de les transporter pour les courses des clients », explique-t-il.
Moussa fait partie également de ces enfants. À l'âge de 5 ans, il quitte ses parents qui sont à Moundou pour regagner son maître à N’Djamena. Aujourd’hui âgé d’une dizaine d’années, il est porteur de panier. Il le fait depuis 3 ans. Il ne se plaint pas. Il dit gagner sa vie au quotidien. « Du matin au soir je peux gagner plus de 1 000F, avec l'argent de la vente de mes paniers, je peux avoisiner les 1 500F à 2 000F », se réjouit-il.
Après constatation, ces enfants proposent d’abord leurs paniers aux clients. Une fois acheté, ils se proposent d’aider le client à faire ses courses en portant son panier. Si l’offre est acceptée, celui-ci devient garçon de course. Le contrat est de transporter le panier durant toute la tournée du marché jusqu’à la station des bus ou des motos. Le prix du service est laissé à l’appréciation du client qui donne selon son bon gré. 50F, 100F, 250F. Rarement le montant dépasse 250F. Leur service est très sollicité.
David est un client satisfait. Il apprécie l’initiative de ces enfants. « Je trouve très bien cette initiative. Par exemple, j'ai trois paniers plus d’autres choses à porter. À moi seul, je peux faire 3 à 4 tours pour pouvoir amener à ma voiture, mais grâce à eux, je n'ai pas besoin de me fatiguer», dit-il. Mais pour d’autres personnes, c’est une forme d’exploitation de ces enfants.
Parmi ces enfants qui cherchent à gagner leurs pains quotidiens, il y a des brebis galeuses. Celles-ci disparaissent avec les paniers garnis de leurs clients. Mme Solange en a été victime. Un jour, elle a assisté au vol d'une femme au grand marché par ces enfants. Depuis ce jour, elle est vigilante. « Le jour où j'ai assisté à ce vol, quand je remets mon panier, je prends le soin qu'il soit devant moi afin de le surveiller », dit-elle.
Un commerçant du marché, qui requiert l’anonymat, « il y a une excuse des autorités qui font croire que la majorité de ces enfants sont venus des pays voisins, tels que le Niger, le Nigéria ou encore le Cameroun. Cela n’est pas aussi vrai. La plupart sont tchadiens. Ils sont confiés par les parents à des maîtres pour apprendre le Coran (le livre saint). Beaucoup d'entre eux sont des orphelins. Les maîtres leur mènent la vie dure, ils se réfugient au marché et empruntent d'autres chemins. Voilà la vérité », dit-il en colère.
Christian Allahdjim
Au quartier Abena dans le 7e arrondissement de la ville de Ndjamena, capitale tchadienne, le marché de poisson fumé appelé communément « Tarodona » « les déguerpis » en arabe tchadien, les prix flambent. Qu’est-ce qui justifie cette flambée des prix ? Ialtchad Presse s’est rendu sur les lieux pour comprendre pourquoi ? Reportage.
L’ambiance de ce mercredi 21 octobre au marché « Taradona » n’est pas celle d’antan. Les allées sont quasiment désertes. Les marchands attendent les clients en tuant le temps dans des longues causeries. Sur leurs visages, il se lit un mélange de tristesse et de lamentation. Selon les vendeurs, les affaires sont aux arrêts. Pour Moussa Abdoulaye, vendeur semi-grossiste, les prix du poisson flambent à cause du problème d’insécurité dans certaines zones de pêche au Lac Tchad. Il rajoute que le sac de poissons vendu à 20 000 FCFA auparavant est actuellement à 45 000 FCFA. « Nos clients n’arrivent pas à nous croire. Ils demandent le pourquoi cette montée des prix. Ils pensent que nous spéculons, mais c’est le prix d’achat du produit qui revient cher. Il nous faut bien faire un bénéfice, c’est ce qui fait tourner nos affaires. Nous ne pouvons pas vendre à perte tout de même. » Un second vendeur et pêcheur soutient « en période de crue, les poissons descendent en profondeur se cacher sous les herbes. Donc en tant que pêcheurs nous comprenons ces étapes, mais c’est toujours difficile du côté des clients. »
Les ménages désemparés
Une dame assise face aux étals d’Oumar Alhaji dit être dans une confusion totale et ne sait quoi faire. Sous le sceau de l’anonymat, elle déclare, « je vous assure, je n’ai que 5 000 F en main et je croyais comme d’habitude prendre le poisson pour 3 000 F, mais le tas que vous voyez devant moi coûte 5 000 f. » Impossible pour cette dame d’acheter. Si elle achète, elle n’aura pas assez d’argent pour se procurer de la farine pour la boule de mes enfants. « Ce que je crains si j’achète les petits poissions mon mari risque de ne pas me croire et me créer de problème. C’est cela ma crainte. Voilà les difficultés pour nous les ménagères Tchadiennes. »
Kostoingué Florent, la cinquantaine révolue, rencontré sur place, est en compagnie de sa femme. Selon lui, il faut se déplacer des fois pour découvrir certaines réalités. « J’accompagne ma femme pour baisser les coûts de transport surtout que nous habitons Toukra. Je me rends compte de ce dont endurent nos épouses sur les marchés. Les hommes être compréhensibles envers leurs femmes. Si nous voulons manger à notre souhait qu’on augmente l’argent de popote », dit M. Kostoingué.
Plus loin dans le marché, une vendeuse pour confirmer la flambée des prix, affirme, « je ne gagne rien, j’achète cher ». Et les clients poursuit-elle, « veulent toujours payer moins chers. ». Une autre vendeuse qui refuse de décliner son identité, déplore l’ambiance déprimante du marché.
Les vendeuses de poissons fumés demandent que l’Etat et toutes les sociétés paient le salaire les quinzaines du mois et la fin du mois pour relancer l’engouement des clients du marché de poissons « Taradona ».
Moyalbaye Nadjasna
A peine la saison de pluie est finie que le fleuve Chari déborde sort de son lit. Les habitants des quartiers Walia et Toukra dans le 9e arrondissement de N’Djamena, capitale tchadienne sont victimes du débordement fulgurant des eaux du Chari. Reportage.
Le fleuve Chari a débordé. Il a vomi ses eaux sur certains riverains. Tous les autres sont inquiets. Ce n’est pas tous les carrés des quartiers Walia et Toukra qui sont touchés. Il suffit d’être sur les deux ponts pour voir une étendue d’eau à perte de vue. Ici au quartier Ngomna où nous nous sommes rendus, certaines concessions sont sous les eaux, des maisons se sont écroulées sous la pression du fleuve.
Dans une maison non loin de chez le chef de carré 5, cinq chambres construites en banco se sont écroulées. Les victimes ont récupéré les morceaux de tôles pour se bâtir un abri de fortune. « Les hippopotames et les serpents nous menacent chaque nuit », dit Hervé Baloua. Il ne sait pas où aller. « Je suis chômeur, il y a plusieurs personnes comme moi. Nous ne pouvons pas louer. Nous demandons aux ONGS et les personnes de bonnes volontés de ne pas nous oublier. Dans ce carré, il y a beaucoup de veuves et des orphelins voire des retraités. C’est difficile. », dit-il.
Selon Ngarlem Mougata, chef de carré 5 de Ngomnan malade et couché, sa zone était épargnée même pendant la période de fortes pluies et des inondations de cette année. « C’est un cauchemar. C’est depuis 4 semaines que le fleuve Chari nous inquiète. En saison pluvieuse, nous n’avons pas eu de difficultés. L’eau a coulé directement dans le grand Bouta. Mais avec la montée du Logone et du Chari, l’eau s’est déversée sur nous. Depuis 3 semaines, nos jeunes gens ne dorment pas la nuit », dit le chef sur un ton de dépit.
Ngarlem Mougata affirme que lorsque l’eau se fraie un chemin, les jeunes accourent avec des sacs remplis de terres pour construire des barrages de fortunes. Les résidents demandent assistance aux autorités communales qui les ont aidés avec seulement 80 sacs de sable. « Heureusement une ONG de la place nous a donné 150 sacs, 2 brouettes et 3 pelles. Cela a permis aux jeunes de faire un travail impeccable, mais nous sommes toujours inquiets. Nous redemandons à la mairie centrale sinon aux plus hautes autorités de nous venir en aide, nous sommes dépassés. »
Un site aux sinistrés
Madame la maire 1er Adjoint de la commune du 9e arrondissement affirme que depuis que l’eau a commencé à reprendre son lit, la mairie suit l’évolution de l’eau. « Comme vous le voyez, c’est un phénomène naturel. Le maire est à nos côtés matin et soir. Il est entrain de lutter pour mobiliser le gouverneur et des organismes qui sont ici au Tchad. Les gens sont descendus sur le terrain pour faire le constat, mais le constat est amer. » Pour elle, la commune a mis à la disposition de la population des sacs, des terres, des personnes ressources, etc. « C’est horrible à tel point que nous ne pourrons rien en cette période. Toute dépend de la volonté de Dieu et Il pourvoira. La commune seule ne pourra rien. Nos cris d’alarme ont fait échos partout et nous osons croire que dans les jours à venir, le gouvernement prendra des mesures », poursuit-elle. Pour elle, ils sont auprès de leur population. Au quartier Ngoumnan, explique-t-elle, même le curé à retrousser les manches pour aider la population, il est exemplaire, conclut-elle.
Quelques sinistrés regroupés déjà sur un site non aménagé en face de la commune sont en train d’être enregistrés par les agents communaux. Une opération qui va permettre d’avoir dans les jours à venir le nombre exact des sinistrés.
Moyalbaye Nadjasna
À la veille de la célébration de la Toussaint, une marée humaine envahit les cimetières pour nettoyer les tombes de leurs regrettés parents. Reportage.
Le ciel très bleu au cimetière de Ngonba ce matin du 31 octobre. Situé au sud de la capitale, N’Djamena, dans le 9e arrondissement, le cimetière de Ngonba n’accueille plus des corps. Ces personnes ne sont pas venues à l’enterrement, mais elles nettoient les tombes de leurs regrettés en cette veille de Toussaint. Pelles, râteau, balaie, l’eau, pioche, des cris des youyous, des chants de joie, l’ambiance contraste avec ce lieu où les parents viennent dans le silence se recueillir. Avec vivacité, hommes et femmes travaillent, balaient, astiquent les tombes pour les débarrasser des herbes et autres encombrements. Debeney Germaine, pelle à la main, remet la terre sur la tombe de son père, « ce n’était pas facile pour moi ce matin lorsque j’ai revu la tombe de mon père. Mais la parole de Dieu nous rassure qu’un jour nous verrons nos bien-aimés. Donc avec les conseils de mes grandes sœurs qui sont à mes côtés j’ai vite retrouvé ma sérénité », dit-elle.
Plus loin, Solkam Nodjigoto et sa famille nettoient les tombes de leur père et de leur oncle maternel. Ils ont construit les deux tombes depuis six ans. « Une fois le nettoyage terminé, nous allons prier et rentrer. À la maison, nous allons partager le peu qu’on a et nous allons chanter et encore prier pour leurs âmes afin qu’elles trouvent la miséricorde de Dieu », dit Mme Solkam.
Djikoloum Fulbert, la quarantaine révolue, a accompagné ses voisins. Pour lui lorsqu’on perd un être cher on ne l’oublie pas. « Dieu nous recommande de pleurer avec ceux qui pleurent et de nous réjouir avec ceux qui se réjouissent », alors je suis ici pour compatir.
Juste à côté de M. Fulbert, Quatorze Laporte Boyo semble très occupé. Il est le grand-père de feu Koumassem Ndolengar, administrateur scolaire, décédé depuis 2010. Il travaille avec une énergie débordante à coup de pioche pour retourner la terre argileuse du cimetière de Ngonba. Il arrange la tombe de son petit-fils en compagnie d’un autre de ses petits-fils. Selon lui, cela fait 10 ans qu’il vient remettre la terre sur la tombe de feu Koumassem. « J’ai toujours envisagé construire cette tombe, mais les moyens me font défaut. Franchement, je regrette que ce petit meure à fleur d’âge, mais Dieu est souverain. Notre prière est que Dieu lui accorde sa miséricorde », dit-il.
À propos de la célébration de la Toussaint, ABBE Allangomadji Hony Maximes, responsable de la Paroisse Saint-Paul de Kabalaye affirme qu’il y a une mauvaise compréhension de la Toussaint. Selon lui, lorsqu’on parle de Toussaint, les gens ou certains fidèles pensent directement aux défunts et se rendent dans les cimetières. « La Toussaint ce n’est pas la fête des morts », insiste-t-il.
Selon Jacques de Voragine, archevêque de Gênes, dans son écrit « la Légende dorée » vers 1260, la fête de la Toussaint a été instituée pour quatre objectifs entre autres : commémorer la consécration d'un temple, suppléer à des omissions, expier les négligences, faciliter l'accomplissement des vœux des fidèles. À l'origine, elle est célébrée en mai. On l'a ensuite déplacée au 1er novembre.
Pour des raisons pratiques, selon Jacques de Voragine, cette fête a lieu le 2 novembre. Cependant, parce que la Toussaint est un jour férié, il est donc plus facile de se rendre au cimetière ce jour-là.
Moyalbaye Nadjasna
La fête de Toussaint est célébrée tous les 1ers novembre de chaque année à travers le monde par les fidèles de l’Église Catholique. Quelle est l’origine et le sens de cette fête ? ABBE Allangomadji Hony Maximes, responsable de la Paroisse Saint-Paul de Kabalaye répond. Entrevue.
Que signifie la Toussaint ?
Abbé Allangomadji Hony Maximes,
Nous célébrons dans quelques heures de la Toussaint comme vous venez de le dire. C’est une fête que nous fêtons comme Noël ou la pâque. C’est une grande fête chrétienne qui célèbre la sainteté des hommes et des femmes qui ont témoigné de leur foi en Jésus-Christ. Dans le calendrier liturgique catholique, nous avons des Saints. Nous portons leurs noms. Nous les fêtons tout au long de l’année liturgique. Il y a aussi des saints de l’église que les humains ne connaissent pas. Ils sont vivants en présence de Dieu parce qu’ils ont vécu ici sur terre. En fêtant Toussaint, nous demandons aussi de la communion avec les saints à toutes ces personnes qui vivent dans la félicité de Dieu. Ils prient Dieu pour nous parce qu’ils contemplent déjà la face de Dieu. Telle est la célébration de la Toussaint en un mot. Dans la Sainte Bible au livre d’Apocalypse, qui nous sert de la lecture demain, dans sa vision, Saint-Jean a vu, ceux qui sont marqués par le sceau de Dieu et qui sont au nombre de 144 000 en raison de 12 000 par tribus sur les 12 tribus d’enfants d’Israël. Cela concerne ceux qui sont connus. Cependant dans la suite de sa vision il a vu encore une multitude innombrable des gens que lui-même affirme de ne pas connaître. Il a fallu qu’un vieillard lui explique que « cette foule est composée de ceux qui ont lavé leurs robes dans le sang de l’Agneau. C’est-à-dire ceux qui ont témoigné de leur foi ici sur terre. Témoigner c’est la traduction littéraire du mot martyr. Le grand martyr ne consiste pas seulement à mourir, mais c’est de manifester l’amour quotidien dans notre vie.
Fêter la Toussaint dans un contexte différent cette année avec la Covid-19. Comment la fêtez-vous ?
Abbé Allangomadji Hony Maximes,
Dans le contexte de la pandémie, nous essayons de voir, depuis la reprise des activités dans les églises, toutes les dispositions ont été prises pour que les célébrations eucharistiques soient limitées à un nombre acceptable. Les fidèles respectent la distanciation sociale. Nous célébrons cette fête en respectant toutes les consignes données par nos autorités religieuses. Même dans la salle, les bancs sont marqués laissant la distance entre les personnes et c’est ce qu’on va continuer à faire.
Vous parlez d’une mauvaise compréhension de la Toussaint, que voulez-vous dire exactement ?
Abbé Allangomadji Hony Maximes,
Une équivoque est à lever. Nous avons une mauvaise compréhension de la Toussaint. Lorsqu’on parle de la Toussaint, nous pensons directement aux défunts. Les fidèles viennent à la célébration en pensant à ceux qui sont morts. Mais ce n’est pas la fête des Morts. Rappelons-nous de la parole que Jésus Christ a dite à Marie de Magdala le dimanche de Pâques le matin, le 1er jour de la semaine après sa mort, « pourquoi chercher parmi les morts le vivant ? » Nous avons l’obligation les saints dans la communion de prier pour les morts parce qu’ils sont en train de traverser une période de purification. L’Église appelle ce lieu le purgatoire. Mais la célébration de la fête n’est pas pour aller aux cimetières. C’est une joie parce que Dieu a permis à l’humanité de vaincre le mal. Et de vivre en sa présence dans son paradis. C’est ce que nous célébrons. Nous célébrons aussi notre espérance, nous les vivants qu’en témoignant Le Christ ici sur terre. Nous allons avoir accès à cette vie de félicité avec Dieu. C’est le 02 novembre que nous allons commémorer avec les fidèles, toutes ces personnes qui sont mortes pour que par nos prières Dieu puisse leur accorder la grâce du péché qu’ils n’ont pas pu obtenir ici sur terre pour entrer dans son royaume.
Entrevue réalisée par
Moyalbaye Nadjasna