Elle est artiste. Elle est reconnue comme celle qui n’a pas sa langue dans sa poche. Elle se démarque des autres par son parlé franc, cru, dru et sans détour. Rencontre avec une rebelle.
Comment définissiez-vous votre musique ?
Mon style musical? C’est du foufou. Alors qu’est-ce que le fou? C’est un mélange de Zouk, RNB et tout le reste. Mais maintenant je connais ma culture et ma tradition. Je prends le traditionnelle et le moderne. Je les mélange un peu avec la mélodie étrangère.
Au-delà de ce mélange, quelles sont réellement vos sources d’inspirations ?
Mes inspirations viennent des réalités, je raconte des histoires vraies, ce que les jeunes vivent, de leur quotidien. Par exemple, l’histoire d’une fille qui a été violée par son père. Pourquoi ne juge-t-on pas cet acte? J’ai aussi raconté l’histoire d’un enfant qui a perdu ses parents, après la perte de ses parents, il a été rejeté. Aujourd’hui, il est devenu un homme battant. Je donne de l’espoir aux gens. C’est le vécu de tout un chacun. Je chante aussi l’amour.
On reconnaît votre voix au-delà de nos frontières. Vous puissiez dans nos croyances traditionnelles, est-ce le principal atout ?
Ma voix est un don. Je ne l’ai pas emprunté, je ne l’ai pas travaillé avec des coaches. Je me suis entraînée seule, en écoutant beaucoup d’artistes influentes.
Que pensez-vous de la musique tchadienne ?
La musique tchadienne est en phase de croissance. Il y a beaucoup de talents tels que les Saga, Asalfo, Youssouf Dior et plein d’autres. Notre différence, c’est notre originalité. Je ne peux pas me comparer à Menodji ou à Geneviève, mais chacune a quelque chose de différent.
Pourquoi donc elle n’existe presque pas dans nos médias locaux, C’est la musique étrangère qui est prisée ?
Les Tchadiens n’aiment pas leur musique. Ils ne l’encouragent pas. J’accuse les Tchadiens. Ils n’aiment pas ce qui vient de chez eux. Les Sénégalais écoutent du M’balakh, les Ivoiriens écoutent du coupé décalé, les Congolais du lingala, les Sud-africains écoutent plus musique de zoulou, etc. Nous Tchadiens n’écoutent pas leur musique. Ils préfèrent la musique d’ailleurs.
Est-ce n’est pas par la faute des artistes qui ne produise pas une musique de qualité ?
Alors je vais vous dire quelque chose de très simple, quand un enfant est encore dans le ventre de sa maman, il appartient encore à la maman. Quand l’enfant né, il appartient à tout le monde. Il faudrait que ce tout ce monde, les tantes et les oncles, y participe à son éducation. Tout ça pour dire qu’il faut apprendre à accepter ce qui vient de chez nous. Et accompagner les artistes avec des critiques positives. Aujourd’hui n’importe qui peut se lever, il critique tel, clash tel autre. Les Tchadiens n’écoutent pas leur musique. Par exemple je publie une vidéo, elle fera 20 vues en 3 semaines. Ils préfèrent cliquer pour écouter du AKON, du Lil Wyne, du Byoncé, ils ne comprennent rien dans les chansons de ses artistes, mais ils écoutent. Du coup, ça leur donne de la visibilité avec des milliers voire des millions de vues. Le tchadien est très complexé. Il n’aime pas ce qui vient de chez lui, mais ce qui vient de chez les autres. C’est dommage.
Quelle est la solution, une stratégie pour que la musique locale reconquière le cœur des Tchadiens ?
Arrêtez de mettre dans tous les bars les chansons de Ynos B, de Fally Ipupa, de passer de la musique congolaise dans nos bars. Il faut d’abord payer les droits d’auteur des artistes tchadiens. Je sais que ce n’est pas facile, mais il faut commencer quelque part, tout revoir de la diffusion à la consommation. Regardez, des blancs viennent au Sénégal pour apprendre du M’balakh. Pourquoi les gens ne viennent pas au Tchad pour apprendre la culture tchadienne? Parce que je suis désolé, le tchadien ne veut pas faire savoir à son prochain que ça vient de chez lui. Il est trop timide. Il a trop honte.
En termes de stratégie, ce n’est pas compliqué par exemple, de prendre certaines décisions au niveau de l’État, en matière de quota de diffusion. Ce n’est pas interdire, mais mettre des stratégies pour amener les gens à aimer la musique tchadienne. Le ministère ne doit pas seulement les accompagner, il faut aussi prendre des initiatives concrètes en finançant par exemple des festivals, etc.
Quels sont vos projets à court terme ?
J’ai un projet professionnel dans un domaine connexe. La musique pure ne paie pas au Tchad. Je vais créer un label qui aura pour mission d’accompagner de jeunes artistes à signer des contrats. Une espèce d’agence entre les maisons de production et l’artiste. Voilà mon projet maintenant on ne sait pas ce Dieu dispose.
Vous ne faites plus de la musique à plein temps ?
Oui et non. Oui parce que je suis toujours dans l’industrie de la musique. Non parce que je tente de faire aussi autre chose en rapport indirect avec la musique. Je vais vous donner quelques exemples. Prenez le cas d’Angélique KIDJO elle a un diplôme, les Magic system ils ont leur Fondation, Youssouf Dour il est un magnat des médias sénégalais. Je ne peux pas me limiter seulement à la musique. On ne vit pas de la musique dans un pays où il n’y a pas de droit d’auteur.
2020 est là, que souhaitez-vous aux Tchadiens ?
Bonne et heureuse année. Santé, succès et bonheur à tous et toutes. Bon retour et vent à IALTCHAD.