N’Djaména est privé des diffusions radiophoniques ce 1er décembre. En cause, l’appel à une journée sans radio lancée par l’Union des radios privées du Tchad (URPT). L’équipe d’Ialtchad Presse est allé faire un tour dans les rédactions. Reportage.
Une « Journée sans radio ». C’est ce que vivent les Tchadiens, particulièrement les N’Djaménois ce mardi 1er décembre. C’est silence radio dans la capitale tchadienne. Cette journée sans radio a été décrétée par l’Union des radios privées du Tchad (URPT) en signe de protestation à la violation et à l’arrestation des journalistes en formation dans les locaux de la radio FM Liberté le 27 novembre passé.
Ce matin du 1er décembre, les bandes des radios telles que Vision Fm, Dja Fm, Oxygène et FM Liberté sont vides. Dans les rédactions, le silence est maître.
« Il n’y a personne. C’est fermé aujourd’hui », nous fait savoir le vigile de la radio Vision Fm, située à Atrone dans le 7e arrondissement de la ville. Sur la page Facebook de la station, les responsables ont posté ce message : « En raison du mot d'ordre de l'URPT pour une journée sans radio ce mardi 1er décembre 2020, votre radio n'est pas en mesure de respecter ses programmes habituels. Nos émissions reprendront demain 5h30. Veuillez-nous en excuser. »
Même scénario à la radio Oxygène à Kamnda dans le 7e arrondissement. « En raison de la '' Journée sans radio'' lancée par l'Union des radios privées du Tchad, la RADIO OXYGENE informe ses auditrices, auditeurs, abonnés, partenaires qu'elle n'émet pas ce 1er décembre 2020 de 00h00 à 23h59. Elle ne fera pas également des publications sur sa page Facebook. La RADIO OXYGENE reprendra ses programmes le mercredi 2 décembre 2020. Merci de votre compréhension », a posté la direction.
À la radio Dja Fm, au quartier Ambassatna dans le 3e arrondissement, c’est aussi le vide. La rédaction et le studio sont désertés par les journalistes. À la radio Arc-en-ciel, par contre quelques journalistes sont présents. Mais l’antenne est restée fermée. De la salle de conférence au studio, c’est le vide. « Nous avons répondu à l’appel de notre organisation faîtière », a indiqué Rolande, la rédactrice en chef. Pour elle, c’est une question de solidarité. « Hier, c’est à FM Liberté. Demain, cela sera où ? », s’interroge-t-elle.
À la radio FM Liberté, le scénario n’est pas différent. Les bureaux, les studios ainsi que les salles de rédaction et de réunion sont hermétiquement fermés. D’après le directeur de la radio, Djekourninga Kaoutar Lazare, la scène qui s’est déroulée dans les locaux de sa station n’est pas seulement de la violation, mais une « agression armée. Les éléments du Groupement mobile d’intervention de la Police ont tiré des gaz lacrymogènes et de balles réelles. Heureusement qu’il n’y avait pas eu mort d’homme. En tant que membre de l’URPT, nous observons cette journée », soupire-t-il.
Selon le directeur, la radio FM Liberté ne compte pas s’arrêter là. D’autres actions sont en vue. « Nous organisons une journée de deuil, demain 2 décembre. La radio va émettre, mais que de la musique engagée et des bandes d’annonces », dit Djekourninga Kaoutar Lazare. La radio va reprendre ses programmes normalement le jeudi 3 décembre.
Selon le président de l’Union des radios privées du Tchad, Mékondo Sony, joint au téléphone, le pari est gagné malgré la mise en garde et le rappel à l’ordre du ministère de la Communication et de la Haute Autorité des médias audiovisuels (HAMA). « Le mot d’ordre est respecté à 100% sur toute l’étendue du territoire », déclare-t-il. Il souligne que l’appel ne concerne que les radios membres de l’URPT. Ce qui justifie la diffusion des programmes sur certaines stations radiophoniques privées. Toutefois, ajoute-t-il, il y a des responsables des radios non affiliées à l’URPT qui ont manifesté leur solidarité à ce mouvement.
L’appel à l’interruption des programmes sur les stations radiophoniques privées a provoqué l’indignation du ministère de la Communication et de la Hama. Ces deux institutions ont interpellé les responsables des médias à respecter les dispositions de leurs cahiers de charge et la loi. De la plaisanterie, rétorque le directeur de FM Liberté. « Je crois qu’à ce niveau, le ministère et la Hama sont passés à côté de la plaque », dit-il. Pour lui, l’Hama et le ministère devraient condamner l’acte qui a été posé par les éléments de la Police. Malheureusement, dit-il, « ces deux institutions ont gardé le silence et se plaisent à raconter des choses. » Interrogé sur les possibles représailles de l’organe régulateur, Djekourninga répond en reprenant cette citation philosophique, « dès qu’un homme est né, il est assez vieux pour mourir. »
Christian Allahadjim
Ngon Lokar Maurice
C’est la 30e année pour marquer la journée anniversaire de la Liberté et de la Démocratie qu’une cérémonie de prise d’armes et de défilé militaire s’est déroulée ce matin, 1er décembre à la Place de la nation de N’Djamena, capitale tchadienne. Reportage.
Peu d’engouement ce matin à la Place de la nation pour la célébration du 30e anniversaire de la Liberté et la Démocratie au Tchad. Différentes hautes personnalités étaient présentes. Notamment, les membres du gouvernement, le président de l’Assemblée nationale, le Chef d’État-major des Armées, la première Dame et le Président de la République, Idriss Deby Itno.
Les troupes sont passées en revue par le Chef d’État-major des armées debout dans son véhicule de circonstance. Ensuite, c’est au tour du président Deby Itno de saluer les troupes. Et a procédé au dépôt des gerbes des fleurs sur le monument des martyrs. Un acte pour honorer leur mémoire. S’en est suivi, le défilé militaire, ouvert par l’armée de l’air par le survol des chasseurs et des hélicoptères. Sous le rythme des fanfares militaires, différentes troupes se sont succédé dans une cadence toute militaire. Le cortège présidentiel est parti après la fin des défilés. La cérémonie s’est ainsi terminée.
Pour Miskine, jeune citoyen, le pouvoir a réalisé beaucoup de choses, il faut le reconnaître. Selon lui, des écoles et hôpitaux ont été construits un peu partout dans la ville de N’Djamena. « Je souhaite bon anniversaire et longue vie à notre démocratie. Surtout, il faut que l’État assure toujours et continuellement la sécurité de tous les Tchadiens. Il faut que le coût de vie soit un peu moins cher », dit Miskine.
M. Mekasse, un peu amoché par une journée arrosée reconnaît que le Tchad fête le 30e anniversaire de la liberté et de la démocratie. Selon lui, c’est une fête qui rappelle l’entrée du Président Idriss Deby Itno au pouvoir en 1990. « Je remercie le Bon Dieu parce que je vis en paix. Ce qui me permet d’aller travailler dans les chantiers et gagner mon pain. Je demande à Dieu de garder notre pays toujours en paix », insiste M. Mekasse.
Rappelons que le pays a été indépendant le 11 août 1960. Plusieurs régimes se sont succédé. Le pays a connu des soubresauts politiques, des dictatures et des guerres fratricides. À la chute de la dictature de l’ex-président Hissène Habré, le 1er décembre 1990, le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) prend le pouvoir et proclame la liberté et la démocratie. Dans son discours à la nation, au lendemain de sa prise de pouvoir, le président, Idriss Deby Itno a déclaré, « je ne vous apporte ni or ni argent, mais la liberté. »
Plusieurs partis politiques et organisations de la société civile voient le jour. Un vent d’espoir a balayé le pays. 30 ans plus tard, le bilan est contrasté. Certaines voix s’élèvent pour dresser un bilan négatif. D’autres dressent un bilan positif selon d’autres.
Moyalbaye Nadjasna
Donc, il y a 30 ans depuis qu’un 1er décembre 1990, le président Idriss Deby Itno et ses compagnons arrivent au pouvoir. C’était comme hier. Le temps est passé. La plupart des compagnons d’hier qui ont renversé la dictature n’y sont plus. Beaucoup sont morts de mort. Beaucoup sont morts de politique. Beaucoup se sont éloignés de la politique.
30 ans au pouvoir. Que peut-on retenir ?
D’abord la démocratie et les libertés fondamentales. Difficile de ne pas reconnaître la démocratie. Difficile de la reconnaître. Il y a quelque chose qui n’est ni démocratie pleine et entière ni libertés fondamentales solidement ancrées. On sent des fragilités partout dans le pays. Quelque chose d’insaisissable et d’indescriptible. Une démocratie un peu inachevée. Bâtarde. Au goût sans goût. Fade. Un peu amer par la faute de nous tous. Surtout par la faute de cette génération au pouvoir qui n’a pas su asseoir un pays agité. Et qui léguera certainement à beaucoup des braves tchadiens, vaillants et généreux un pays désorienté. Peut-être encore agité. Sans boussole. Sans chapeau. Et pourtant, ces braves gens ont tant sacrifié. Tant enduré. Ils sont si endurants, si croyants qu’ils finissent toujours leurs phrases par des « InchAllah » et par « Grâce de Dieu ». Il y a donc raison d’espérer qu’une vraie démocratie, pleine et entière va éclore.
Ensuite, il y a le pétrole. Oui le pétrole. On croyait que le président Deby Itno avait la « baraka » avec lui. Il a pu faire jaillir l'or noir avec un immense espoir. Le chemin a été long. La pente raide. Il a réussi, enfin. Le pays respirait la confiance parce que le projet était bien ficelé. Une première dans l’histoire. Un modèle pour contrecarrer la malédiction du pétrole. Hélas, la malédiction était plus tenace. Le fameux modèle a volé en éclat. Aujourd’hui, l’or noir tchadien n’a laissé que des regrets. Et les regrets sont stériles. La faute là aussi à cette génération incapable d’anticiper l’avenir, à être des gens humbles, malgré des airs d’hommes et des femmes austères et solidaires de leurs compatriotes. Ils se sont jetés dans le matériel, le luxe, les dépenses futiles, la corruption. Ils se querellent comme pour alimenter ce besoin. Le pétrole aidant, ils se sont lancés à corps perdu dans d’interminables rebellions asphyxiant le pays, le déstabilisant forçant ainsi le prince à investir lui aussi dans les engins de mort. L’eldorado n’est plus atteignable. Le monde a changé. Le pétrole n’est plus ce qu’il a été. Il est arraché du jour au lendemain par « les fonds vautours ». L’or noir est presque passé entre les mains d’autrui. Le pays est endetté. L’économie est à terre. Les Tchadiens ont l’air fous. Les responsables encore plus fous.
Enfin, les politiques. La politique. Quel spectacle. Opposition et pouvoir sont sans espoir. Les tchadiens ont décroché. Les partisans du régime se sont couchés. Plus personne ne raisonne le raïs. Ils lui tapissent le chemin avec des offrandes inutiles. Ils empoisonnent à dose homéopathique le Président : maréchalat, forums, nouvelle constitution, nouvelle République, etc. tout est nouveau, mais dans les faits tout est compliqué. Ils y vont à fond. Eux-mêmes ne s’y retrouvent dans le système qu’ils ont créé. Un système qui ne rime à rien, mais qui ne profite qu’à eux, peu importe les conséquences sur leurs concitoyens. Peu importe l’incongruité de leurs idées.
Et l’opposition démocratique. Incapable de se réinventer. Elle est vieillissante, croulante empêtrée dans ses querelles. 30 ans déjà pour elle aussi. Elle s’accommode au vide. Elle a aidé à faire fuir les Tchadiens de la politique. 30 ans après, le Tchad est un désert politique. Les Tchadiens errent dans ce désert à la recherche du messie politique. Ils cherchent dans le silence ce messie. Ils psalmodient « inchAllah », « grâce à Dieu » ça ira. Ils ont foi en leur pays. Ils sont croyants. Dieu semble les avoir oubliés dans le désert. Dieu aussi oublie ceux qui s’oublient.
Bello Bakary Mana
Le paiement des titres de transport aux enseignants fait des mécontents. Mbairis Ngartoidé Blaise, Secrétaire Général (SG) du Syndicat des Enseignants du Tchad (SET) explique les critères. Reportage.
Chose promise, chose due, dira le gouvernement. Les titres de transport pour le compte de l’année 2016 sont enfin versés par le gouvernement. Appelé « 13e mois », les titres de transport ont été pour longtemps le point de revendication du SET. Mais le paiement de ces titres fait encore des mécontents parmi les enseignants.
Il est 7h00 ce vendredi 27 novembre. Devant les guichets des différentes banques de N’Djamena, la capitale tchadienne, les fonctionnaires de l’Administration publique font la queue pour percevoir leurs salaires. Parmi ceux il y a des enseignants. Ils sont tous impatients de savoir si le fameux « 13e mois » est versé ou non. Les agitations ou les questionnements devant les guichets automatiques en disent long. « Le truc là (13e mois) est versé? », se renseigne un enseignant auprès d’un monsieur qui vient de sortir de la pièce où est logé le guichet automatique. « Je ne suis pas de l’Éducation », lui rétorque son interlocuteur. Cette réponse n’a pas découragé l’enseignant qui ne cesse pas d’interroger ceux qui sortent de la chambre guichet. Enfin, un collègue en sortant lui répond, sourire aux lèvres : « c’est bon pour moi ». Cependant, ce n’est pas bon pour tout le monde.
« Je n’ai pas eu le 13e mois », rapporte un autre enseignant, la mine triste. Il dit ne pas comprendre le système de paiement. « Le gouvernement nous a dit qu’il va verser pour tous les enseignants. Mais là, il y a des enseignants qui sont plus enseignants que d’autres. On ne comprend plus ce système », dit-il indigné.
D’autres par contre ont reçu des messages de leurs banques attestant le virement du 13e mois. Mais une fois face au guichet, oh surprise, il n’y a que leurs salaires. Des sources disent que la Direction de la Solde a versé ces primes par erreur à ceux-là et a vite fait d’alerter les banques de retirer le 13e mois sur le compte de ces derniers.
Quels sont les critères d’éligibilité ?
Selon Mbairis Ngartoïdé Blaise, SG du SET, il ne suffit pas d’être enseignant pour bénéficier de cet avantage. Il y a des critères, précise-t-il. « Pour être éligible au titre de transport, il faut que l’enseignant exerce pendant au moins 3 ans de service après son intégration et sa titularisation ». Pour le SG, à la base de cette incompréhension, le désintéressement de certains enseignants à prendre connaissance des textes. Il invite ses collègues, « le décret 567 qui donne lieu au titre de transport est là. Allez-y lire pour comprendre ».
Pour le non-paiement d’une partie des enseignants, Mbairis Ngartoidé Blaise explique qu’en 2016, le gouvernement avait déjà versé pour une partie. « Cette fois, ça ne concerne que ceux qui n’ont pas perçu en 2016. Moi-même, je n’ai pas reçu le 13e mois », dit-il.
Mbairis Ngatoidé Blaise soutient que d’autres points de revendications ne sont pas encore pris en compte. Il cite notamment la couverture sanitaire et les allocations pour les funérailles. D’après lui, 85% de l’accord signé avec le gouvernement est réalisé. « Il ne reste que 15% », dit avec force le SG.
Christian Allahadjim
Djilel-Tong Djimrangué
Le 16 novembre dernier, le Président de la République, Idriss Déby Itno, par un décret, a prolongé le couvre-feu en vigueur pour une période de deux semaines. Cette prorogation a fait réagir plus d’un Tchadien. Si le couvre-feu aide à contrecarrer la propagation de la pandémie à coronavirus, il est aussi à l’origine des cas d’accidents et d’autres exactions constatées à travers la ville de N’Djamena.
A l’approche de l’heure du couvre-feu, dans les quartiers périphériques de N’Djamena, la circulation devient intense et dangereuse. Motocyclistes et chauffeurs roulent à tombeau ouvert pour regagner leurs domiciles, rapidement. Entre temps, dans certains carrefours, certains agents des forces de sécurité, matraques et chicottes en main, attendent impatiemment les « malheureux » qui dépasseront l’heure du couvre-feu.
Vers fin octobre, une scène, du moins scandaleuse, s’est produite au rond-point dit « double voie », sur l’axe Jacques Nadjingar dans le 7e arrondissement de N’Djamena. Une jeune dame au volant de sa moto a été interceptée vers 21h05mn par les forces de sécurité en faction pour veiller aux horaires du couvre-feu. Selon ses dires, elle se rendait au chevet de sa maman mourante à l’hôpital. « Je veux voir ma maman ! Ma maman est en train de mourir » lance-t-elle. Notre reporter qui a été lui également arrêté, malgré la présentation de sa carte professionnelle, suit de près la scène. La jeune dame, la trentaine environ, tente de s’expliquer en vain. Elle éclate en sanglots. Exacerbée par le comportement des forces de sécurité qui refusent d’entendre mots, elle se déshabille. Cet acte, une femme dénudée, qui devrait interpeller les éléments de force de sécurité ne les gêne absolument pas. Au contraire, « raboutoua » lance l’un d’eux en Arabe locale pour dire « attachez-là ». Sur la vingtaine de personnes arrêtées, personne n’arrive à venir au secours de la jeune dame. Il a fallu l’arrivée du « chef secteur » aux environs de 00h00 pour commencer à libérer certaines personnes, notre reporter y compris.
Ce fait n’est pas isolé. Si de manière formelle, aucun acte officiel, ne fait exceptions aux personnes pouvant circuler au-delà des heures du couvre-feu, certaines catégories socioprofessionnelles en souffrent. Journalistes et personnels de santé par exemple qui finissent leurs services tard sont souvent victimes des exactions des forces de sécurité. Certains agents qui savent lire et écrire couramment le français comprennent facilement les « hommes de la presse », à la présentation de leurs cartes professionnelles. Mais, il y en a d’autres qui refusent toutes explications. Parfois certains responsables des médias en sont victimes. C’est le cas du rédacteur en chef de la Radiodiffusion nationale tchadienne qui a été battu par la force mixte alors qu’il rentrait du travail. L’affaire est actuellement pendante en justice. Les exemples sont légion. La sous-directrice de l’information en ligne de l’Agence tchadienne de presse et d’édition avait vu également sa moto arrachée à l’approche de l’heure du couvre-feu par les mêmes éléments de force de sécurité, alors qu’elle rentrait du bureau, après une séance de travail.
La recrudescence de ces exactions a fait réagir le bureau de l’Union des journalistes tchadiens (UJT). Par un communiqué, l’UJT a dénoncé « un traitement malveillant dont sont continuellement victimes les journalistes, souvent pris à partie par ceux-là mêmes qui sont censés les protéger dans le cadre de leur mission d’informer le public ». Selon l’UJT, il est aberrant qu’au nom de la lutte contre le Coronavirus soient quotidiennement l’objet de brimade, brigandage et de traitements dégradants de la part des éléments des forces de l’ordre malintentionnés déployés dans les rues.
Le couvre-feu fait vraisemblablement plus de victimes que la pandémie de coronavirus elle-même. Chaque semaine des cas d’accidents sont enregistrés à l’approche de l’heure du couvre-feu. Ces faits doivent interpeller les autorités afin de recadrer les choses. Car, on le sait tous, les mesures barrières édictées pour contrecarrer la propagation de la Covid-19 sont foulées au pied par la population. Les attroupements et autres rassemblements ont repris de plus belle. Les débits de boisson sont pris d’assaut à condition de libérer les lieux avant 21h00. Seul le port de masque est d’actualité.
Enfin, le couvre-feu est devenu un vrai business à grand profit. Les engins récupérés sont systématiquement conduits à la Coordination située au quartier Moursal, plus exactement à l’École de Police. Pour récupérer son engin, le propriétaire doit débourser un montant. Le propriétaire d’une camionnette doit payer 100 000 F CFA. Une voiture berline, c’est 60 000 F CFA. Et 20 000 F CFA pour une motocyclette. Une fois collecté, personne ne sait où va cet argent. En cette période de crise, certains Tchadiens font les poches d’autres au nom de la Covid-19. Ce couvre-feu insensé devient de plus en plus un « couvre poche » au grand dam des citoyens. Il faudra, rapidement, arrêter ce couvre-feu sinon les dérapages iront grandissants.
La grogne aussi. Elle a déjà commencé avec les personnels soignants du centre de tests PCR à l’hôpital de la Référence de N’Djamena où le corps médical a décidé de travailler seulement de 8h à 14h. Alors qu’avant, ils travaillaient de 8h à 16h. Raison : Ils ne perçoivent pas les avantages liés à leur mobilisation par exemple de l’eau et de quoi se nourrir. Pourtant les tests PCR destinés à la gratuité au début, se paient aujourd’hui 15 000 F CFA par tête. L’argent dit on est collecté pour être acheminé vers une destination inconnue. Et les agents de santé mobilisés en première ligne pour combattre la pandémie sont abandonnés, le ventre creux et la gorge sèche, sans aucun scrupule. Cela aussi doit changer.
Ngonn Lokar Maurice
Située au quartier Sabangali, dans le 3ème arrondissement de la ville de N’Djamena, la Radiodiffusion Nationale Tchadienne (RNT) a bercé les oreilles des milliers des générations des Tchadiens. Une radio, quoi qu’on dise, à laquelle les Tchadiens s’identifient et y sont attachés d’un amour presque charnel. Quelles sont ses origines ? Comment fonctionne-t-elle ? Quels services offre-t-elle ? Ialtchad Presse vous ramène aux origines de ce média de service public dans le cadre d’une série de reportages consacrés aux médias tchadiens.
A la Radiodiffusion nationale tchadienne, la conférence de rédaction se tient tous les jours de lundi à vendredi à partir de 9h00. C’est le moment crucial pour, comme on dit dans le jargon des journalistes, « caler » les sujets à traiter. A l’approche de cette heure, la cour de la radio se vide de ses journalistes. Tous se réunissent autour dans la salle de rédaction. C’est un moment culte. Les nouvelles du jour sont inscrites au tableau à l’entrée, après désignation des reporters. Comme dans toutes les rédactions, les propositions de sujets sont débattues et les angles de traitements retenus. Cette pratique date de depuis la création de la radio. « On avait des conférences de rédaction tous les jours à 9h00. Ceux qui doivent aller en reportage y vont et ceux qui sont sédentaires restent à la radio », se souvient M. Evariste Ngarlem Toldé, ancien journaliste de la radio.
Figure de la RNT, Evariste Ngarlem Toldé est entré en 1987. À l’époque, il n’y avait pas encore la télévision nationale. La radio était reine. « Le bâtiment de la radio était construit sur un pilori. Il arrivait que l’eau entre sous l’immeuble. Il y avait les reptiles, les varans, les tortues, les lapins qui sortaient sous l’immeuble de la radio, comme si on était en brousse. C’était un spectacle » raconte avec sourire celui qui était rédacteur, animateur, producteur et même réalisateur jusqu’en 1999.
Au début de l’histoire, le colon. La Radio-Tchad est un projet de l’administration territoriale coloniale française. Elle a été inaugurée en 1955, date des premiers essais. Sa mission : relier la radio coloniale de l’AEF (Afrique Équatoriale Française), émettant de Brazzaville au Congo. L’émetteur appartenait aux PTT (Postes, Téléphone et Télégraphe) et la radiodiffusion ne l’utilisait qu’aux heures vacantes de la Poste.
Arrive l’indépendance le 11 août 1960. Un décret signé le 10 août 1963, par le premier président du Tchad François N’garta Tombalbaye, fixe l’organisation et le fonctionnement de la radiodiffusion officielle du Tchad. La RNT n’est plus une propriété française. Elle appartient désormais au jeune État du Tchad. La même année, des conventions ont été signées entre le Tchad et la France pour lui donner un caractère solennel, national et d’intérêt public. La Radio-Tchad devient un établissement public à caractère industriel et commercial doté d’une personnalité juridique. Elle a une autonomie financière et est placée sous l’autorité directe du président de la République.
Hier comme aujourd’hui, l’organisation du travail de la maison n’a pas beaucoup changé bien qu’il ait quelques modifications. La structure aussi reste presque la même. Il y a une Direction avec des sous-directions. Entre autres celle de l’information qui a 2 services : celui de l’Actualité et le service des langues nationales. Les services pivots de la RNT. Il y a aussi la sous- direction des programmes et la Sous- direction des services techniques. Le service de l’actualité est placé sous la responsabilité des rédacteurs en chef. Ils sont chargés de l’organisation et du contrôle de l’ensemble des activités nécessaires à la diffusion des informations. Ces derniers collectent et mettent en forme les informations nationales et internationales de toute nature et les présentent sous forme de bulletin, de journaux et des flashs. L’organisation de la couverture des événements nationaux et internationaux d’actualité, la rédaction des chroniques et des éditoriaux relèvent de leurs attributions.
La force de la RNT, c’est sa proximité avec la population est le service des langues nationales. C’est un service qui est chargé de la présentation des journaux dans les langues nationales retenues à la RNT. Il se charge aussi de la promotion de ces langues que de la gestion des speakers en langues pour les reportages et les émissions. Ces langues sont entre autres : le Français, l’arabe littéraire, l’Arabe locale, le Sara, le Foulfouldé, le Toupouri, le Moundang, le Massa, le Boudouma, le Mousseye, le Kanembou, le Beri, le Gorane, le Boulala etc. Cette myriade de langues parlées est une immense richesse culturelle et linguistique. La RNT est la seule radio au monde où foisonnent tous les accents, les origines et les provenances.
La grille des programmes de la RNT privilégie l’animation, l’éducation, les réalités locales et l’actualité. Selon les responsables, cette grille consacre : 15 % aux éditions de l’actualité, 15% de ses émissions à l’alphabétisation, 15% à l’environnement, 15% à la santé, 10% à la culture, 5% à la politique, 5% à la religion, 5% aux droits de l’Homme, 5% au sport, 5% à l’armée, 5% aux émissions de divertissement. Les matinées sont consacrées aux programmes d’animation, d’éducation au développement et à l’actualité.
« Aujourd’hui, j’ai l’impression que les choses ont évolué positivement parce que les moyens ont été mis à disposition. Je vois que le parc auto est un peu garni, les journalistes ont les matériels qui sont miniaturisés. Ce qui est vrai, il y a quand même d’aménagement par rapport à notre temps où on n’avait pas le téléphone portable », dit M. Evariste Ngarlem Toldé.
Néanmoins, dans le traitement de l’information, il estime qu’il y a beaucoup de légèreté. « On a l’impression la relève ne maîtrise pas l’écriture journalistique. Il y a trop de confusion de genres. La qualité n’est plus la même qu’à notre temps. On dirait que ces journalistes travaillent pour juste avoir une place. Ils ne cherchent pas à être des grands professionnels », regrette Evariste Ngarlem Toldé.
Orthom L’Or
Maurice Ngonn Laukarr
Sa passion pour l’agriculture ne date pas d’hier. Il continue par la nourrir. Et plus concrètement par la pratiquée. Aujourd’hui, il est promoteur de la première marque de riz local « made in Tchad ». Avec un sens du marketing élevé, il l’a soigneusement nommé Adjiriz, combinaison de son prénom Adji et de son produit. Portrait d’un jeune homme qui ne doute pas de son choix.
Le rendez-vous est pris pour le 16 novembre. Et ce n’est pas n’importe où. Son champ de riz situé à Koundoul, une localité à 20 km au sud de la capitale tchadienne, N’Djamena. Le choix du lieu laisse déjà deviner son amour pour le travail de la terre.
Chemise en pagne, jeans délavé en mode destroy, chapeau à l’envers, basket aux pieds, Adji Zamtato nous reçoit l’air bien heureux. Le « Rambo des champs », comme l’a surnommé une de ses connaissances est en pleins travaux de récolte. Il est sur place depuis 7 heures du matin avec ses deux cousins et sa tante.
Économiste financier de formation, Adji Zamtato est un mordu de l’agriculture. Déjà dans son enfance, il aidait ses parents dans la culture du riz à Karwai à la lisière de Ngueli. « L’agriculture est une activité que nous pratiquons dans ma famille depuis tout petit. Et avec le temps je continue à nourrir cette passion », dit-il d’emblée. Ses voyages au Cameroun et au Sénégal l’ont aidé à comprendre davantage combien l’agriculture peut impacter positivement le développement d’un pays. « J’étais au Cameroun et au Sénégal. C’est à mon retour en 2015 que je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose en agriculture », raconte M. Zamtato.
À ses débuts, il a essayé la culture de la noix de cajou et de l’anacarde. Mais la formation en entrepreneuriat dans le domaine de l’agrobusiness qu’il a suivie aux USA en 2019 a remis le compteur à zéro. « C’est à partir de ce moment que les choses se sont précisées pour moi », dit Adji Zamtato. Et c’est à ce moment que l’idée d’investir dans l’agriculture et la transformation du produit est née. « Je me suis engagé dans l’agriculture pour produire et transformer le produit local. C’est possible », s’est-il fixé comme ambition. La culture du riz étant une activité la plus pratiquée dans la famille, Adji Zamtato s’est rabattu sur ce produit pour en faire sa principale activité.
La marque Adjiriz
Adjiriz, est une combinaison du prénom du promoteur et du mot riz. C’est une marque de riz local. Adjiriz est la première marque du riz local au pays. L’idée de créer cette marque a traversé l’esprit du promoteur lorsqu’il était en formation aux États-Unis dans le cadre du programme Mandela Washingtonship en 2019. « Lors de cette formation, je me suis rendu compte de la présence d’un centre spécialisé dans la création des marques dans l’université dans laquelle je suivais la formation », dit Adji Zamtato. Dans ce centre, les cultivateurs venaient avec leur produit et demandaient de l’aide pour le transformer en produit fini et faire ensuite une marque, selon le jeune agriculteur « Je me suis fixé comme défi de proposer aux marchés tchadiens un riz local de qualité », affirme-t-il. Le Tchad importe 99% du riz manufacturé d’Asie alors qu’il en produit assez.
Adjiriz existe depuis un an. À ses débuts, le promoteur achetait de la matière première pour ensuite la transformer. Ce qui ne lui convenait pas. C’est pourquoi pour sa deuxième année, il a préféré produire lui-même du riz. Il a loué ¼ d’hectare à Koundoul. Et la première expérience n’a pas été de reposant tellement les difficultés semblaient insurmontables.
La première difficulté, c’est l’accès à l’eau dans la zone rizicole. Il a fallu faire usage des motopompes pour renforcer la quantité d’eau dans les champs. La deuxième est la montée des eaux du Chari. Elle a provoqué des conséquences fâcheuses aux riziculteurs. « Dans mon second champ, j’ai reçu la visite des hippopotames. Ils ont tout dévasté. J’ai dû abandonner », regrette Adji. La troisième difficulté est le manque de subvention de l’État. « L’État a promis mettre à notre disposition des engrais et des semences. Malheureusement je n’ai rien reçu », déplore le promoteur d’Adjiriz. Ces difficultés n’ont pas été un frein à l’ambition de ce passionné de l’agriculture. Il s’est remué comme il a pu. Et il est aujourd’hui fier de procéder à la récolte de sa semence. « C’était difficile, mais en récoltant aujourd’hui mon produit, je suis satisfait », se réjouit l’économiste financier. Et le projet va s’agrandir l’année prochaine, promet Adji.
Après la récolte suivra la phase de stockage et clore avec la transformation. Mais déjà, le promoteur d’Adjiriz déplore l’absence d’un centre de stockage de l’État. « On va devoir chercher un endroit pour stocker. Après le stockage, on va passer à la transformation du riz pour les mettre en paquet », dit l’agriculteur.
Dans une autre vie professionnelle, Adji Zamtato, travaille pour une société de téléphonie mobile de la ville. Surnommé le « le Rombo des champs » par une de ses connaissances, il tient à travailler la terre. C’est sa passion. « Il est bien d’entreprendre parce que notre environnement économique est assez faible et n’est pas trop riche. Il y a de la place pour tout le monde pour faire des activités », dit Adji à l’adresse des jeunes.
Enfin, le promoteur d’Adjiriz demande à l’État d’aider à structurer les différentes filières agricoles. C’est la seule condition, selon lui, qui donnera de la crédibilité face aux doutes de certaines institutions internationales. « L’État a toutes les cartes entre ses mains. Il lui revient d’aider des différents acteurs à s’organiser pour leur donner une certaine légitimité vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux », dit M. Adji Zamtato.
Comme un signe avant-coureur de succès, le « Rambo » des champs a mis tous ses concurrents «KO debout» avec son projet Adjiriz. Il a reçu, il y a deux jours, le premier prix de la compétition Entrepreneurship World Cup lors de la Nuit des entrepreneurs.
Christian Allahdjim
Situé entre la radio FM-Liberté et le commissariat du 7e arrondissement, le centre Don Bosco est l’un des cadres rassembleurs des jeunes de N’Djamena, capitale tchadienne. Nous publions le deuxième article d’une série sur les lieux de Culture N’Djamenois. Reportage.
Un léger froid sévit dès 8h ce matin devant la guérite du Centre Don Bosco sis au quartier Abena dans le 7e arrondissement. En face de l’Avenue Jacques Nadjingar, il est difficile de traverser à cette heure de pointe. Travailleurs du secteur public et privé ainsi que les « débrouillards » s’entremêlent sur cette prestigieuse voie. Chacun cherche à atteindre son lieu de travail. Forçant un peu la traversée de l’avenue, nous voilà arrivés à l’accueil. Les agents nous donnent de badges visiteurs, Covid-19 oblige, on se plie aux rituels de lavage des mains. Dans la cour réservée aux sports, élèves et professeur d’Éducation physique et sportive jouent au football et basket-ball.
Père Marius Jiojo, la cinquantaine révolue, cheveux grisollant nous reçoit. Il est le directeur du Centre Don Bosco (CDB) de la ville. « Le CDB a été inauguré en 1999 en présence de l’ancien Archevêque de N’Djamena, Monseigneur Charles Vandam. A l’origine dit-il, le centre Don Bosco devait être installé à Mongo, grande ville du centre du pays », affirme le directeur. L’Objectif majeur du CDB est : la formation professionnelle et humaine des jeunes. Le CDB s’est implanté aussi dans d’autres villes. Notamment à Sarh, Doba et Mandalia. Pour être plus efficace, en 2009, le centre s’est transformé en association. « Beaucoup d’artistes et joueurs de football en vogue ont commencé tout jeune ici à Don Bosco », dit père Jiojo.
Dans l’enceinte du centre, des jeunes filles et garçons suivent différentes formations. Certains suivent une formation en informatique et en couture. D’autres élèves du secondaire, primaires et maternelles, poursuivent des études ordinaires. Le Lycée et collège du Centre Don Bosco créé en 2013. Il a aujourd’hui un effectif d’au moins 900 élèves. En 2020, la 1re promotion des bacheliers a fait son entrée à l’Université.
Noubadoumbaye, est en formation de couture. Il est envoyé par l’ONG Handicap International. « Ce métier va répondre à nos besoins. Nous avons fait déjà 2 mois de formation et l’évolution est bonne. Nous avons appris le découpage des tissus, son assemblage et enfin la couture. Le rythme de la formation est bon. Nous avons un bon formateur », dit l’apprentis couturier.
Noubadoumbaye souhaite avoir un stage de perfectionnement à la fin de sa formation. Pour le formateur, M. Koyoumta Raymond, certains apprentis sont envoyés par des ONG comme Handicap International et UNHCR. D’autres sont venus à titre personnel. « Ce sont des apprentis qui n’avaient au premier jour aucune connaissance de la couture. Depuis qu’ils sont ici, 2 mois en tout, leur progrès me réjouit. J’ai confiance qu’en 6 mois comme prévus, ils auront maîtrisé beaucoup de choses », dit-il.
Penser aux jeunes
Selon le père Jiojo, la formation professionnelle des jeunes est à la raison d’être du Centre Don Bosco. L’encadrement des apprentis dure 9 mois. Trois promotions formées sont déjà sur le marché d’emploi. Les domaines de formation sont variés. Il y a la couture, l’informatique, le secrétariat bureautique, la cuisine, l’électronique, l’électricité bâtiment, le solaire, etc. « Nous pensons grand. Ce qui nous préoccupe ce sont les besoins des jeunes », dit-il.
Pour les responsables du CDB, la plupart des pays adoptent des politiques de retour à la terre, c’est-à-dire à l’agriculture. Le Centre estime qu’au Tchad, la terre ne manque pas. Mais il faudra innover, faire quelque chose de différent. Sortir de l’agriculture ordinaire. « Il faut faire de l’agrobusiness. Travailler la terre, élever les animaux, transformer les produits pour donner de la valeur ajoutée et être à mesure de les commercialiser », dit le religieux.
Moyalbaye Nadjasna