Tidjani Brahim est né le 10 mai 1960 à N’Djamena. C’est un artiste peintre contemporain et muséologue de formation. Il est diplômé de l’École Nationale des Beaux-Arts (ENBA) et l’École de Formation à l’Action Culturelle (EFAC), de l’Institut National Supérieur des Arts et de l’Action Culturelle (INSAAC) d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Ialtchad est parti le rencontrer dans son atelier, nous vous invitons à le découvrir.
Ialtchad Presse : Qui est Brahim Tidjani ?
Brahim Tidjani : Artiste peintre tchadien d’expression plastique contemporaine.
Ialtchad Presse : Comment votre carrière a commencé ? Quel a été votre parcours ?
Brahim Tidjani : Cet engagement dans le domaine de la teinture artistique est jalonné d’un long parcours doté d’expériences pertinentes, périlleuses mais aussi passionnantes. Aux prémices de cette carrière en 1987, grâce à des manifestations artistiques organisées par des institutions culturelles telles le Centre des collégiens et lycéens (CCL) actuel Centre Emmanuel où j’ai exposé pour la première fois, le Centre culturel français (CCF) de N’Djamena et de Ougadougou où quelques prestations collectives s’en sont suivies successivement autour des expositions communes à des artistes locaux et étrangers, ont permis au peintre autodidacte que j’étais de montrer mes productions et les faire découvrir au public. L’aventure artistique commence avec un style particulier de l’art populaire dit “art naïf”, inspiré des scènes de vie quotidienne. C’était la période productive de tableaux décoratifs, exécutés au moyen de la gouache, chargée de sens et d’humours, aux formes et aux couleurs multiples, intéressant bon nombre d’adeptes. C’est bien entendu suite à cette relative “popularité” que vînt tout a fait l’occasion saisie pour une formation académique aux Beaux-arts d’Abidjan.
Au Beaux-arts d’Abidjan, j’étais confronté aux dures réalités académiques où je dois réapprendre tout ce que je croyais savoir et dont je ne maitrisais pas réellement. Ayant présenté le “presse book” montrant la photographie de mes productions dites “naïves”, celle-ci ont fait l’objet de remarques, de critiques acerbes et virulentes. Elles ont été qualifiées de nulles, de vides, de rien du tout, de n’importe quoi! Cette situation inattendue m’a fait subir un choque moral à tel point que j’ai tenté de démissionner. Il a fallu les précieux conseils des amis et le soutien moral de ma famille malgré la distance qui nous sépare, pour m’encourager à affronter l’adversité, en acceptant les avis comme tels et continuer ainsi, les études artistiques. Le compteur une fois remis à zéro, ce fût un nouveau point de départ dans le temple du savoir intellectuel artistique. Depuis lors mon style d’autodidacte s’est heurté à l’enseignement académique de 1993. Heureusement cette formation a été bénéfique à plus d’un titre, non seulement dans l’acquisition de connaissances théoriques de base utiles à la compréhension des données liées au savoir artistique et les méthodes pratiques du savoir-faire nécessaires au perfectionnement, mais aussi dans l’accumulation des expériences professionnelles sur le marché de l’art ivoirien, à travers diverses prestations individuelles et collectives. Ce fût la métamorphose totale à travers une maturité artistique, une ouverture d’esprit, une nette vision, dans un changement de style radical, sous l’influence positive d’une nouvelle tendance d’expressions artistiques contemporaines africaines.
D’où l’initiative de créer l’Association “des peintres de l’Échange”, avec diverses prestation autour d’expositions d’œuvres conceptuelles à Abidjan. Suite aux événements malheureux survenus en Côte-d’Ivoire, je suis de retour à N’Djamena depuis décembre 2002 où je mène diverses prestations ; l’enseignement des arts plastiques à l’école et parallèlement des cours de peinture à des particuliers.
Par ailleurs, je consacre le libre de mon temps à des productions en atelier, et bien d’autres actions menées en terme d’animation d’atelier de créativité dans la formation des peintres locaux tchadiens, autodidactes aux techniques de base de la peinture abstraite, mais aussi l’encadrement de bon nombre d’enfants aux techniques de base du dessin, d’illustration et de couleurs.
Outre diverses expositions individuelles ou collectives, s’inscrivent à mon actif des contributions d’actions sociales au moyen des ventes aux enchères et autres réalisations de fresques, illustrations de cartes de vœux etc.
Ialtchad Presse : Quelles sont vos sources d’inspirations actuelles ?
Brahim Tidjani : Je m’exprime dans un langage plastique à connotation plurielle à travers diverses sources d’inspirations conceptuelles puisées dans mon terroir notamment, les traditions tchadiennes en particuliers et africaines en général.
Ialtchad Presse : Et si on veut comprendre les démarches plastiques ?
Brahim Tidjani : Concernant les démarches plastiques, la technique de productions picturale se résume essentiellement à l’usage de la peinture à huile et l’acrylique avec des insertions d’objets et de collage des matières sur des toiles marouflées, sur du bois ou sur du fer comme supports. Au niveau de la conception, les lignes de construction et les formes tantôt dynamiques tantôt statiques sont saisies en surface, dans l’équilibre des masses. Au niveau des couleurs, la palette à dominante chaude est en rapport avec l’environnement immédiat. Il s’agit des couleurs terre, rouge, ocre jaune etc. avec une opposition d’ombre et de lumière, une vibration des rythmes et la force des symboles, l’équilibre de masse en perpétuel mouvement. Quant au collage des matières pour leurs textures, je cherche la structure du volume et le relief pour leurs effets par la procédure d’exploitation de matériaux de récupération et du recyclage. D’où l’intégration de sable, argile, sciure de bois, feuille morte, cendre, morceau de tissus, ficelles, papier mâché, poudre de verre, perles, plastiques, métaux etc. Cette opération de construction aux multiples aspects fait appel à la combinaison d’éléments réels aux formes imaginaires. Le tout exprimé dans une confrontation d’idées, un affrontement à mille et une variations avec le support.
Ialtchad Presse : Avez-vous des références dans votre domaine ?
Brahim Tidjani : En termes de référence dans le domaine de la peinture artistique au Tchad, je cite l’artiste plasticien tchadien Badaoui qui est aussi peintre, calligraphe, sculpteur et designer. C’est un professionnel au parcours exceptionnel, doté d’expérience artistique multidimensionnelle qui fait preuve d’un grand talent remarquable connu pour son art d’expression majeur et qui demeure incontestablement le pionnier de la peinture artistique au Tchad. J’admire son esprit de professionnalisme et l’exigence de la qualité. Aussi, j’admire bien d’autres professionnels du métier artistiques en Afrique et dans le monde.
Ialtchad Presse : Lorsque vous entamer une toile, avez-vous déjà une idée du travail final ?
Brahim Tidjani : Objectivement oui. Subjectivement non. En ce sens que le sujet faisant l’objet de production n’est qu’un prétexte. Par ailleurs, une œuvre d’art ne finit jamais, on l’arrête à un niveau de satisfaction donné. Cependant je suis toujours animé par les soucis de bien faire et du bien accomplis.
Ialtchad Presse : En plus de votre métier d’artiste peintre, vous êtes professeur d’art plastique au Lycée Montaigne. Comment concilier vous les deux ?
Brahim Tidjani : L’enseignement des arts plastiques à l’école est un auxiliaire pratique d’instruction à l’éducation, dans l’esprit d’éveil, de créativité mais aussi dans la culture générale. Le travail en atelier libre est une activité personnelle menée à loisir certes, mais exige aussi plus de temps et de concentration maximum pour parvenir à des bons résultats. Je saisi donc les moments qu’il faut pour cela. Les deux types d’activité avec et sans contraintes.
Ialtchad Presse : Qu’aimeriez-vous que les gens retiennent de vos œuvres ?
Brahim Tidjani : Des œuvres qui donnent à réfléchir sur l’art comme structure de vie du passé qui rappelle une perception du présent. Un apport esthétique contemporain comme sources de savoir intellectuel et de médiations, d’éducation et d’action positive, des formes artistiques formidables, extraordinaires, agréables et symboliques d’expressions modernes, subtiles, aux dimensions plurielles, d’échos intérieurs et extérieurs, d’aspects situationnels, d’interrogations en quête de solutions, en tant que fruit de réflexion, de sensibilité, de pensée, de la destinée humaine.
Ialtchad Presse : À quel endroit aller pour découvrir vos œuvres ?
Brahim Tidjani : En permanence dans mon atelier de production, dans des institutions publiques ou privées ( ambassade des USA au Tchad, ambassade de France, le Centre Culturel Français de N’Djamena, le Lycée Montaigne etc.) et ailleurs telles la représentation du Tchad aux Nations-unies, au Musée municipal d’Abidjan et chez des particuliers.
Ialtchad Presse : Est-il facile de s’immiscer dans ce monde de la peinture ?
Brahim Tidjani : Relativement non. Le domaine de la peinture artistique nécessite des sacrifices énormes à consentir, des consécrations tant sur les plans physiques et intellectuels. Cet univers passionnel et contraignant est comme un magma souterrain où il faut se fonder en tant que matière, résister au bouillonnement, survivre dans la température ambiante et s’éclore le moment venu pour être fertile. Les vraies œuvres d’art naissent dans la douleur. Ce domaine est aussi et surtout celui de la persévérance.
Ialtchad Presse : Des projets d’expositions ?
Brahim Tidjani : Projet en cours si Dieu le veut, avec des peintres professionnels tchadiens d’expressions contemporaines d’ici à décembre 2010 à N’Djamena.
Ialtchad Presse : S’il vous est demandé de portraiturer ialtchad, que vous vient à l’esprit ?
Brahim Tidjani : Comme son nom l’indique ialtchad est une structure médiatique qui concerne de près et même de loin tous les fils et filles du Tchad qu’elle symbolise. C’est un joyau précieux, une lumière scintillante qui alimente l’esprit humain par des informations utiles et agréables. Nous vous sommes reconnaissants pour votre apport au développement de notre société sur le chemin de la modernité. Vous faites preuve de sagesse, de talent et de professionnalisme dans l’évolution de la presse au Tchad.
Entretien réalisé par Yasmine Kaman