Artiste accompli, il a définitivement choisi la musique. Ingénieur de formation, il aime mieux sa vie d’ingénieur des âmes (artiste) que celle d’ingénieur en bâtiments. Il nous parle de son parcours, de sa passion pour la musique, déplore le manque d’intérêt des autorités pour la culture, etc. Entrevue avec l’ingénieur des âmes, Abdoulaye N’Derguet.
Comment vous présenter aux Tchadiens comme artiste ou ingénieur ?
Je préfère artiste musicien, auteur et compositeur. Je suis l’un des fondateurs du groupe TIBESTI et HSAO. Tibesti est le premier orchestre tchadien qui organisé un concert en France. C’était en 1996. J’ai commencé la musique très jeune. Cela fait 40 ans que je suis dans la musique. C’est un beau métier. Il m’a permis de beaucoup voyager et de rencontrer des gens très intéressants aux profils divers. J’ai bossé avec le groupe H’SAO aussi. Après leur départ pour le Canada. J’ai décidé d’évoluer seul.
Quel type de musique faites-vous ?
Je fais de la musique du monde communément appelé la « world music ». Je mélange la musique traditionnelle avec d’autres instruments.
Vos sources d’inspirations ?
Le quotidien des gens. Je chante l’amour. Je chante la paix et la patrie.
Combien d’albums à votre actif ?
5 au total dont 2 albums avec le groupe HSAO et 3 autres en solo.
Dans une de vos chansons, vous soulignez qu’on peut réussir sans le bac ? Pourquoi ? Comment ?
Oui, j’insiste. Je persiste et je signe. Dans la vie, il faut savoir prendre des initiatives. Et faire jouer son intelligence pure, sans les conventions apprises à l’école. Le bon sens. On peut réussir à partir de rien. Sans le sou et sans le diplôme. L’exemple du grand homme d’affaire M. ABASSI est éloquent. Il est aujourd’hui l’un des hommes le plus riches du Tchad, sans aucun diplôme. Puis, aujourd’hui, l’école ne marche pas. Il faut savoir faire autre chose. Prendre comme je le dis de l’initiative. À chacun son talent. Cela peut être dans la coiffure, l’artisanat, la musique, etc.
Quelles sont vos difficultés ?
J’ai des difficultés comme beaucoup d’autres dans ce métier. Je ne veux pas la ramener à moi. Je voudrais juste dire que le Tchad est un pays de forte tradition. Il a été influencé par la colonisation et les différentes religions monothéistes. Ici au Tchad, on n’aime pas les artistes ni le métier d’artiste. L’artiste est rejeté. L’art est considéré comme une distraction, c’est tout. Une chose de banale qui n’apporte rien, mais conduit seulement en enfer. La musique est piétinée. Elle n’est pas élevée au rang de métier. Il n’y a aucune politique culturelle. Si le ministère responsable songe à quelque chose, il se prend tellement mal que n’en sort que du mauvais. Cela fait que jusqu’aujourd’hui, on n’a aucun producteur. Et pourtant le développement d’un pays commence par la valorisation de sa culture.
Un pays, c’est comme un arbre. Les racines sont les richesses des différents groupes communautaires. Le tronc est la nation. Les branches sont les générations. Les feuilles représentent la prospérité. Et les fleurs sont la culture.
Que proposeriez-vous pour surmonter ces difficultés ?
Il faut s’inspirer des autres. Il des exemples. Prenons le Nigeria, c’est le premier pays africain a évolué grâce à l’art. Le Cinéma et la musique nigériane influencent toute la musique africaine. Et depuis quelques années la musique et les arts de ce pays sont sollicités à New York, Hollywood, Londres, etc. Regardez le PIB des USA est constitué de 60 % des fruits de la culture. Donc, il faut considérer le métier de l’art et y investir. Il faut vendre notre musique à l’international et attendre un retour sur l’investissement.
Plusieurs disent que la musique tchadienne relève de « l’auto dictat » et de l’amateurisme. Que pensez-vous de cette affirmation ?
Je suis d’accord. Pour moi, les amateurs ce sont de gens qui font de la musique que pour l’argent, que pour devenir une vedette. Je les appelle les aventuriers de la musique. Mais quand tu fais de la musique par passion avec respect, il y a une valeur ajoutée. Que cela te rapporte au pas, il faut la faire par passion.
Normalement la musique doit être enseignée. Moi par exemple j’ai appris la musique sur le tas pendant 40 ans. Or si j’avais été enseigné, cela allait être très rapide. Maintenant, ça commence à s’apprendre dans certaines écoles, il y a des matières diverses dans l’art. Ce n’est pas seulement les dessins.
Peut-on vivre de son art au Tchad ?
Oui, bien que je sois ingénieur de bâtiment, je ne vis que de la musique. La musique m’a rapporté beaucoup d’argent au Tchad.
Des projets à court terme ?
Je prépare une tournée de 6 mois en France. Je compte donner des cours de musique aux enfants via YouTube.
Votre dernier mot
Bon retour, Ialtchad Presse, continuez à mettre au-devant la culture et les talents du Tchad.
Entrevue réalisée par Habiba Abdelhakim