Pour que notre pétrole ne signe pas l’inanité de notre espoir !

Written by  Mar 31, 2005

Le 10 octobre dernier notre pays le Tchad a marqué son entrée officielle dans le cénacle des pays producteurs de l’or noir à l’occasion d’une grande messe sur le site pétrolier à Komé. Depuis cette date qui a vu le chef de l’Etat ouvrir les vannes, jamais tout un peuple n’a autant cru en son avenir au point où même les plus sceptiques ont fini par céder aux sirènes d’un lendemain meilleur. Normal non !

Pays très pauvre et meurtri par plusieurs décennies de guerre fratricides qui ont fini par hypothéqué complètement son développement, l’exploitation du pétrole sonne aujourd’hui comme une aubaine et tout le monde s’est mis à rêver, à faire de grands projets et à parler développement, bref que CHAD IS BACK.

Seulement voilà dans cette l’euphorie et dans cet élan de rattrapage économique, il semble que la question de fond inhérente à la gestion de l’économie pétrolière ait été occultée ou du moins laissée entre les mains des spécialistes, pourtant c’est là que les contributions sont attendues le plus.

Etant producteur de l’or noir, le Tchad sera confronté à des problèmes particuliers de gestion de son économie, non seulement parce que les prix et les recettes pétroliers sont très instables et difficiles à prévoir, mais aussi, parce que le pays doit déjà penser au tarissement du pétrole. Cette grande incertitude qui entache les recettes pétrolières est une contrainte supplémentaire, et a des implications  budgétaires à court terme, tout comme le fait que le pétrole puisse tarir un jour soulève le problème complexe de viabilité et d’affectation des ressources entre les générations.

Certes, aujourd’hui il est peut-être tôt de parler du tarissement du pétrole tchadien alors même que son exploitation vient à peine de commencer et que de l’autre côté il est fait état de découvertes de nouveaux gisements qui ne demandent qu’à être exploités. Dans ce contexte, la contrainte liée au volume des réserves étant pour le moment levée, il reste que, le poids ce secteur dans l’économie, l’inexistence même de l’industrie pétrolière nationale, les lacunes de la fiscalité pétrolière ainsi que la taille du secteur non pétrolier et la situation des finances publiques sont entre autres des difficultés majeures à ne pas perdre de vue.

Alors se posent véritablement les enjeux d’une politique budgétaire qui cherche non seulement à satisfaire les besoins immédiats, mais aussi qui tienne compte des générations futures. Par conséquent dans une perspective de long terme, il est judicieux que la richesse pétrolière soit utilisée de manière à ne pas hypothéquer la vie les générations futures. Par souci d’équité et de responsabilité intergénérationnelle, voire par prudence financière, la politique budgétaire doit veiller à préserver la richesse publique, le pétrole y compris. Cela suppose d’après la théorie du revenu permanent que la consommation dépende du revenu permanent et dans le cas d’espèce, au rendement implicite de la richesse publique. Or le Tchad comme la plupart des pays petits producteurs de pétrole est price taker et de ce fait les autorités publiques doivent faire face à la volatilité des recettes pétrolières, liées aux fluctuations des cours du brut. Cette problématique demeure tant à court terme qu’à long terme, amplifiée par l’incertitude qui affecte la richesse pétrolière elle-même (évolution des cours, volume des réserves et coût d’extraction).

Il ressort donc de tout ce qui précède que tout consommateur rationnel adopterait une gestion budgétaire prudente, les pouvoirs publics tchadiens à juste titre se doivent de mener une politique budgétaire plus prudente que si les facteurs d’incertitude étaient saisis avec certitude. Ainsi, il est nécessaire de séparer les recettes et dépenses pétrolières et non pétrolières pour dégager un solde budgétaire non pétrolier comme variable principale dans la formulation de la politique budgétaire. Or si on se réfère aux statistiques budgétaires, jamais les recettes non pétrolières n’ont couvert les dépenses de la même nature, c’est pourquoi cette démarche qui vise à isoler dépenses et recettes pétrolières permettrait de mettre l’accent sur le solde primaire non pétrolier et de le rapporter à la richesse publique. Les revenus générés par le pétrole ainsi exclus par principe constituent tout simplement un financement (comme les dons) et permettent l’orientation de la viabilité de la politique budgétaire. Ainsi, les pouvoirs plaçant le solde non pétrolier au cœur de leurs préoccupations, se doivent de le soutenir en accumulant les actifs, une fois que le pétrole aura tari. En particulier le rendement de ces actifs devrait être tel qu’ils pourront financer le déficit non pétrolier et compenser l’épuisement des recettes pétrolières. Il faut éviter surtout de financer ce déficit non pétrolier en mobilisant les actifs ainsi accumulés au risque de drainer tous les actifs du pays et à pousser les pouvoirs publics à l’endettement qui nous installerait dans une dynamique de la dette explosive. Parce que les stratégies d’élimination des dettes ou de stabilisation du ratio (positif) dette nette/PIB ne sont généralement pas compatibles avec la viabilité budgétaire.

 Une autre approche, celle-là très prudente qui consiste à se fixer une règle qui cible un déficit non pétrolier égal au rendement prévu des actifs financiers : la règle du « un tiens vaut mieux que deux tu l’aura » qui prend bien en compte le risque qu’un choc réduise à néant la valeur des réserves pétrolières restantes( Ce peut l’apparition d’une source d’énergie concurrente, plus efficiente et plus rentable qui pourrait rendre le pétrole  pas obsolète mais ferait chuter ses cours tel que son exploitation se serait plus rentable) C’est une forme extrême d’épargne de précaution qui suppose la disparition des recettes pétrolières dans l’avenir.

Les enjeux pour le court terme se posent en termes de poids des recettes pétrolières dans le total des recettes. En particulier les recettes pétrolières constituant la grosse part comme c’est le cas actuellement, la gestion budgétaire à court terme se trouve être compliquée notamment la planification budgétaire et l’utilisation efficiente des ressources publiques du fait que les cours du pétrole sont extrêmement volatiles et imprévisibles. Parce que cette quasi-dépendance des recettes budgétaire par rapport au pétrole ainsi établie rend les finances publiques vulnérables, la volatilité des cours du brut entraînant celle des flux de trésorerie. Il est donc impérieux de lisser les dépenses publiques au lieu de les faire évoluer au gré des fluctuations des prix du pétrole. Ce qui suppose que les pouvoirs publics puissent modérer leurs appétits et non s’adonner à des dépenses somptuaires, à relents fortement électoralistes par exemple. Car les variations marquées et imprévisibles des dépenses et du déficit non pétrolier ont pour conséquence la déstabilisation de la demande globale, l’exacerbation de l’incertitude et la volatilité macroéconomique. Aussi une variation abrupte des dépenses publiques gêne–t-elle les investissements privés et pèse lourdement sur la croissance de l’économie non pétrolière. Il apparaît donc clairement que les variations marquées et imprévisibles des dépenses publiques sont coûteuses et qu’il est nécessaire que les autorités publiques les lissent face aux fluctuations des cours du brut.

Tout cela pourrait donner à croire que les autorités publiques n’auraient pas de marge de manœuvre, inquiétude d’ailleurs exprimée par le grand Enoch Djondang. Mais qu’on se rassure ! Les pouvoirs publics auront bien les moyens de leurs politiques à conditions qu’ils conjuguent ajustement et financement face aux fluctuations de leurs liquidités. En cela une solide position budgétaire et financière semble être la clé de réussite. Par exemple dissocier l’utilisation des recettes pétrolières des recettes courantes renforce le rôle stabilisateur de la politique budgétaire. Toutefois, il sera difficile à l’Etat de tenir s’il finance ses déficits budgétaires par des emprunts extérieurs et/ou intérieurs. Car si les craintes concernant la viabilité budgétaire augmentent, les taux d’intérêts extérieurs seront très élevés ou les biens les nouveaux prêts diminueront fortement. Quant aux emprunts intérieurs, l’effet d’éviction pourra jouer à plein tout comme des effets inflationnistes se manifesteront. Pour ce faire les pouvoirs publics devraient éliminer le biais inflationniste de la politique budgétaire pendant les périodes de vache grâce (le boom pétrolier) et viser des soldes budgétaires non pétroliers prudents, voire réduire à terme le déficit budgétaire non pétrolier. Ainsi pourrait se dessiner la marge de manœuvre budgétaire qui aura pour avantage de renforcer la côte de crédit du pays et de faciliter son accès aux marchés des capitaux.

Par cette contribution j’espère avoir apporté un éclaircissement sur cet arbitrage fait par la loi 001 en fixant à 10 % la part des recettes dites réservées aux générations futures et qui a donné lieu à un débat passionné et passionnant. Ainsi cette épargne constituée répond à des préoccupations amplement développées ci-dessus et les Tchadiens doivent comprendre cette nécessité, même si les besoins de l’heure sont immenses et tenaces. Ne pas le faire obéirait à cette logique qui dit qu’à long terme nous sommes tous morts. Pas vrai n’est-ce pas ? l’autre objectif de la contribution c’est de faire ressortir les conséquences économiques de la loi 001. Il a été démontré que si les dépenses publiques ne sont pas conduites pendant cette phase de boom pétrolier avec toute la prudence nécessaire, le pays doit se préparer à faire face à des crises certaines.

Lapia JAJOWAYE

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