Ils sont exposés à toutes les sortes d’intempéries. Les sinistrés du site de Toukra peinent à se nourrir. Ialtchad Presse a passé quelques heures dans leur quotidien pour vivre leur détresse. Reportage.
Dénuement. C’est le mot juste pour décrire les conditions dans lesquelles vivent les sinistrés des inondations sur le site aménagé de Toukra. Des tentes construites avec des morceaux de tissu, de pagne, de tapis, etc. Et leurs vies semblent emportées par le fleuve Chari, les laissant perdus, les esprits ailleurs et les corps recroquevillés sous des pseudo tentes. Rien n’est normal ici, surtout pour eux. Pas le minimum du minimum. Un proverbe en pays Gor dit, « quand ta mère n’a pas de seins, tu te rabats sur ceux de ta grand-mère ». Les sinistrés sur le site de Toukra sont résignés. Ils disent n’avoir pas d’autres choix que de vivre entassés comme des bêtes. Pour survivre, pour combattre la faim, ils font tout ce qui s’offre à eux dans leur vie de misère.
Neloum Josephine est une sinistrée. Veuve, elle a 8 enfants à sa charge. Tous vivent sur le site aménagé. Elle vit là depuis trois semaines. Pour elle, les conditions de vie sont pénibles. Leur abri se résume juste à une vieille bâche entourée des pagnes. « Le jour où il fait vraiment froid, je fais partir en ville certains enfants pour éviter qu’ils ne tombent malades », dit-elle, émue aux larmes. Elle se reprend, le regard un peu honteux d’avoir été emportée par l’émotion. Et rajoute, « je m’initie au petit commerce. Comme c’est difficile de trouver à manger, je suis obligée de tenir un petit commerce sur le site ».
Fatiguée d’être humiliée, elle se serre les dents et décide de demander à un commerçant, bon samaritain au grand cœur, de lui donner de la marchandise à crédit pour démarrer son petit commerce. « Je lui ai expliqué ma situation. Il m’a regardé dans les yeux. Il a compris ma détresse. Il m’a livré un sac de patates à crédit », raconte Joséphine. Le contrat est simple : après épuisement du produit, elle rembourse le prix du sac. Et prend un autre, toujours à crédit. Avec les bénéfices, elle nourrit ses enfants. Compte tenu des conditions sociales des sinistrés, le marché n’est pas du tout rose. « Pour liquider un sac, je mets deux à trois jours », affirme-t-elle.
Neloum Josephine n’est pas la seule à tenir un petit commerce pour survivre. Plusieurs femmes le font sur ce site. Certaines vendent des légumes et des ingrédients pour la cuisine. D’autres des pistaches, des concombres, des poissons frits, etc.
Mbairi Rosalie, mère de 4 enfants, a choisi de vendre du fagot (bois de chauffe). C’est la denrée la plus sollicitée sur le site. Chaque jour, elle part dans la forêt du quartier Walia de l’autre côté du goudron pour ramasser des bois morts. Et les revend sur le site. Avec les revenus générés, elle assure les besoins de sa famille. « C’est le seul moyen qui permet de survivre ici avec mes enfants », dit-elle, le visage triste. Ce matin, elle a vendu 2 tas. Devant, elle, il ne reste plus qu’un tas. Le tas est à 500f.
Une autre dame tient une petite caisse de pharmacie. Elle vend toute sorte de pullules. Elle a trouvé son créneau. Le site est infesté de plusieurs maladies. Elle s’est décidée à faire quelque chose, à saisir cette circonstance malheureuse pour être « Docteur Chouckou ». Elle exerçait déjà ce métier quand elle habitait le quartier Walia. « Il manque sur ce site une structure sanitaire. Nous vivons presque à l’aire libre dans le froid. Et nous n’avons pas des couvertures, pas de nourriture. Pas de soins, heureusement qu’elle est là », témoigne Joséphine.
Sur le site le drapeau du parti au pouvoir, le Mouvement patriotique du Salut (MPS), flotte au vent. Interrogé sur cette présence, celui chez qui le drapeau est hissé affirme, un peu gêné, « c’est juste à titre indicatif. Il n’est point question de faire de la politique ici ».
Christian Allahadjim
Orthom L’Or