Sa passion pour l’agriculture ne date pas d’hier. Il continue par la nourrir. Et plus concrètement par la pratiquée. Aujourd’hui, il est promoteur de la première marque de riz local « made in Tchad ». Avec un sens du marketing élevé, il l’a soigneusement nommé Adjiriz, combinaison de son prénom Adji et de son produit. Portrait d’un jeune homme qui ne doute pas de son choix.
Le rendez-vous est pris pour le 16 novembre. Et ce n’est pas n’importe où. Son champ de riz situé à Koundoul, une localité à 20 km au sud de la capitale tchadienne, N’Djamena. Le choix du lieu laisse déjà deviner son amour pour le travail de la terre.
Chemise en pagne, jeans délavé en mode destroy, chapeau à l’envers, basket aux pieds, Adji Zamtato nous reçoit l’air bien heureux. Le « Rambo des champs », comme l’a surnommé une de ses connaissances est en pleins travaux de récolte. Il est sur place depuis 7 heures du matin avec ses deux cousins et sa tante.
Économiste financier de formation, Adji Zamtato est un mordu de l’agriculture. Déjà dans son enfance, il aidait ses parents dans la culture du riz à Karwai à la lisière de Ngueli. « L’agriculture est une activité que nous pratiquons dans ma famille depuis tout petit. Et avec le temps je continue à nourrir cette passion », dit-il d’emblée. Ses voyages au Cameroun et au Sénégal l’ont aidé à comprendre davantage combien l’agriculture peut impacter positivement le développement d’un pays. « J’étais au Cameroun et au Sénégal. C’est à mon retour en 2015 que je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose en agriculture », raconte M. Zamtato.
À ses débuts, il a essayé la culture de la noix de cajou et de l’anacarde. Mais la formation en entrepreneuriat dans le domaine de l’agrobusiness qu’il a suivie aux USA en 2019 a remis le compteur à zéro. « C’est à partir de ce moment que les choses se sont précisées pour moi », dit Adji Zamtato. Et c’est à ce moment que l’idée d’investir dans l’agriculture et la transformation du produit est née. « Je me suis engagé dans l’agriculture pour produire et transformer le produit local. C’est possible », s’est-il fixé comme ambition. La culture du riz étant une activité la plus pratiquée dans la famille, Adji Zamtato s’est rabattu sur ce produit pour en faire sa principale activité.
La marque Adjiriz
Adjiriz, est une combinaison du prénom du promoteur et du mot riz. C’est une marque de riz local. Adjiriz est la première marque du riz local au pays. L’idée de créer cette marque a traversé l’esprit du promoteur lorsqu’il était en formation aux États-Unis dans le cadre du programme Mandela Washingtonship en 2019. « Lors de cette formation, je me suis rendu compte de la présence d’un centre spécialisé dans la création des marques dans l’université dans laquelle je suivais la formation », dit Adji Zamtato. Dans ce centre, les cultivateurs venaient avec leur produit et demandaient de l’aide pour le transformer en produit fini et faire ensuite une marque, selon le jeune agriculteur « Je me suis fixé comme défi de proposer aux marchés tchadiens un riz local de qualité », affirme-t-il. Le Tchad importe 99% du riz manufacturé d’Asie alors qu’il en produit assez.
Adjiriz existe depuis un an. À ses débuts, le promoteur achetait de la matière première pour ensuite la transformer. Ce qui ne lui convenait pas. C’est pourquoi pour sa deuxième année, il a préféré produire lui-même du riz. Il a loué ¼ d’hectare à Koundoul. Et la première expérience n’a pas été de reposant tellement les difficultés semblaient insurmontables.
La première difficulté, c’est l’accès à l’eau dans la zone rizicole. Il a fallu faire usage des motopompes pour renforcer la quantité d’eau dans les champs. La deuxième est la montée des eaux du Chari. Elle a provoqué des conséquences fâcheuses aux riziculteurs. « Dans mon second champ, j’ai reçu la visite des hippopotames. Ils ont tout dévasté. J’ai dû abandonner », regrette Adji. La troisième difficulté est le manque de subvention de l’État. « L’État a promis mettre à notre disposition des engrais et des semences. Malheureusement je n’ai rien reçu », déplore le promoteur d’Adjiriz. Ces difficultés n’ont pas été un frein à l’ambition de ce passionné de l’agriculture. Il s’est remué comme il a pu. Et il est aujourd’hui fier de procéder à la récolte de sa semence. « C’était difficile, mais en récoltant aujourd’hui mon produit, je suis satisfait », se réjouit l’économiste financier. Et le projet va s’agrandir l’année prochaine, promet Adji.
Après la récolte suivra la phase de stockage et clore avec la transformation. Mais déjà, le promoteur d’Adjiriz déplore l’absence d’un centre de stockage de l’État. « On va devoir chercher un endroit pour stocker. Après le stockage, on va passer à la transformation du riz pour les mettre en paquet », dit l’agriculteur.
Dans une autre vie professionnelle, Adji Zamtato, travaille pour une société de téléphonie mobile de la ville. Surnommé le « le Rombo des champs » par une de ses connaissances, il tient à travailler la terre. C’est sa passion. « Il est bien d’entreprendre parce que notre environnement économique est assez faible et n’est pas trop riche. Il y a de la place pour tout le monde pour faire des activités », dit Adji à l’adresse des jeunes.
Enfin, le promoteur d’Adjiriz demande à l’État d’aider à structurer les différentes filières agricoles. C’est la seule condition, selon lui, qui donnera de la crédibilité face aux doutes de certaines institutions internationales. « L’État a toutes les cartes entre ses mains. Il lui revient d’aider des différents acteurs à s’organiser pour leur donner une certaine légitimité vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux », dit M. Adji Zamtato.
Comme un signe avant-coureur de succès, le « Rambo » des champs a mis tous ses concurrents «KO debout» avec son projet Adjiriz. Il a reçu, il y a deux jours, le premier prix de la compétition Entrepreneurship World Cup lors de la Nuit des entrepreneurs.
Christian Allahdjim