La marche du 13 février dénommée la marche pour la Justice, l’inclusion et l’alternance a eu lieu malgré l’interdiction. Ialtchad Presse était présent et vous décrit le fil des événements. Reportage.
Samedi 13 février. 6h 30 min. Le jour J de l’acte 2 de la marche du peuple pour l’inclusion, la justice et l’alternance initiée par une partie de l’opposition. Dix minutes ont suffi pour rallier le QG des initiateurs, le parti Les transformateurs, de cette marche politique.
Tout au long du trajet, aucun élément ne laisse présager une quelconque manifestation. Au rond-point du pont à double voie, quelques éléments de la commission mixte de sécurité sont visibles. Sur l’espace appelé « terrain Koulamallah » qui jouxte le siège du parti, rien en vue. Pas de mouvement. Pas un élément de la Police. À l’angle de la rue du terrain, un groupe de jeunes tenant des affiches avec des inscriptions se concerte. Au siège, quelques militants sont présents. Le président des Transformateurs s’y trouve aussi. Un point focal de la marche nous notifie qu’il n’y pas un point de départ. « Les gens s’organisent par secteur et là ils sont déjà en action. Il faut les chercher », nous dit-il. Par où commencer ? Nous nous sommes résolus à sillonner le quartier Habbena et Chagoua, dans le 7e arrondissement de la ville de N’Djamena.
6h 55mn. Départ du QG des Transformateurs à la recherche des manifestants. 4 véhicules des unités du Groupement mobile d’intervention de la Police (GMIP) se déploient tout autour du lieu.
7h 03 min. Avenue Mathias N’garteri. Un pneu brûle au loin, mais aucun manifestant en vue. Les éléments de la Police antiémeute s’activent pour éteindre le feu afin de libérer le passage. Tout au long du trajet, des habitants de la zone, tous curieux, observent les mouvements qui se font dans leur quartier. La Police patrouille dans le secteur. Sur l’avenue principale, la circulation est libre, les habitants vaquent à leurs occupations. Le marché Taradona commence à s’animer peu à peu.
7h 08 min. La Police se retire. Les premiers manifestants apparaissent. Ils ne sont que 3 âmes. Jouent-ils au chat et à la souris avec les forces de l’ordre ? Tous les trois sont des diplômés sans emploi. Ils traversent la voie bitumée et s’engagent sur la rue du marché Taradona. Ils avancent en chantant en arabe local. « Deby ne veut pas de nous. Donc, allons-y. Les armes c’est pour vous, mais la liberté c’est pour nous. Allons-y », entonnent-ils sous le regard étonné du public. « Nous revendiquons la liberté comme le président Deby nous l’a promis en 1990. Nous réclamons aussi de l’emploi », dit le leader de ce petit groupe. Il a un master 2 en Transit et Transport. « J’ai 32 ans je vis toujours chez mon tuteur. C’est inacceptable. J’en ai assez de ce régime », s’emporte-t-il. Le deuxième du groupe explique que c’est la peur qui empêche les Tchadiens de manifester, « les Tchadiens ont la rage, mais ils ont peur de la manifester à cause de la répression. Ce que le pouvoir fait du n’importe quoi ».
Pendant ce temps, les policiers du GMIP étaient en approche. Le leader du groupe hausse le ton, « personne ne fuit ». Les membres du groupe s’agenouillent, les mains sur la tête. Ils se sont laissés arrêter, sans résister, en entonnant l’hymne national.
Nous reprenons notre chemin vers Dembé. Direction : ambassade des États-Unis où le leader des Transformateurs M. Masra a trouvé refuge lors de la première marche. La zone est quadrillée par le GMIP. Sur presque chaque rue est posté un véhicule de l’Unité spéciale d’intervention de la Police (USIP) et du GMIP. La sécurité est renforcée à l’entrée. Aucun mouvement n’est à signaler.
7h : 42 min. Retour au QG des Transformateurs. En route un groupe de jeunes, plus de 100 sont sur une rue du quartier Habbena. Ils brandissent des inscriptions contre le pouvoir du président. Ils scandent le nom du leader des Transformateurs, Succès Masra. L’un d’eux s’adresse au public, « venez-vous joindre à nous. Il faut que nous exprimions ce que nous ressentons ». Personne n’a rejoint les marcheurs. Le groupe réussit à atteindre l’axe CA7. Il progresse sur le marché Taradona. La Police intervient : tire des gaz lacrymogènes. Les manifestants se dispersent. Les Transformateurs ont marché 5 min.
8h : 05mn. Retour au QG. Le gardien nous informe que le président des Transformateurs est parti avec les membres de son Bureau Exécutif pour marcher aussi. Où ? Personne n’a été à mesure de nous indiquer. Nous avons décidé de faire le tour de la zone en espérant croiser M. Succès Masra, en vain. Le cortège de Max Loalngar, président de la Ligue tchadienne des droits de l’Homme et/ou de l’artiste Raïs Kim, est introuvable aussi.
8h : 22 min. Quartier Moursal. Les rues sont vides. Des boutiques fermées pour raison de salubrité. Elles ouvrent à partir de 10h 00. Nous avons fait un tour chez l’Union Nationale pour le Développement et le Renouveau (UNDR). Le chef de ce parti M. Saleh Kebzabo, opposant historique soutient cette marche en affirmant qu’il allait lui aussi marcher. Au moment de notre détour, il était à sa résidence.
L’acte 2 de la marche du 13 février s’est déroulé de manière sporadique et en petits groupes comme le premier. Les manifestants promettent de ne pas lâcher.
Christian Allahadjim
Djilel-tong Djimrangu
Situé derrière la Direction Générale de l’agence Tigo Tchad sur l’avenue Charles de Gaulle, le marché communément appelé « marché Dubaï » est démoli par la mairie centrale. Reportage.
Les habitués du marché « Dubaï » ou « Wall Street » situé en face de la direction des ressources humaines du ministère de l’Éducation ne peuvent plus aller faire des affaires. Ce petit marché de vente des téléphones de seconde main ou neufs est démoli.
Vendredi 15h 00 sonnante. L’ambiance au marché « Wall Street ou encore Dubaï » n’est pas habituelle. Les clients déambulant et discutant les prix sont remplacés par des tractopelles, des bennes, des agents de la police municipale et des militaires. Ils sont partout. Et c’est depuis la matinée. Au coup des tractopelles, des hangars, kiosques et boutiques sont balayés, mâchés, écrasés comme du papier. Les commerçants sauvent ce qu’ils peuvent. Les vendeurs à la sauvette continuent de faire leurs affaires comme si de rien n’était.
Selon Mahamat Saleh Hissein Lamine, directeur de l'Urbanisme, de l'Aménagement et du Transport urbain de la mairie de N’Djamena, cet espace est une suite logique de la voie publique. Et c’est depuis 2016 que l’État demande à ces commerçants de quitter les lieux occupés anarchiquement, d’après ses explications. « Ils sont venus s’installer anarchiquement sur la voie publique et en faire un marché, » dit-il. D’après lui, dans n’importe lequel des pays du monde, il y a différentes zones appropriées octroyées par les pouvoirs publics. « Ici, c’est une zone administrative de services publics. C’est inacceptable d’occuper cet espace pour le commerce. Il y a différents services publics : la direction des ressources humaines, le ministère des Postes et des télécommunications, et les consulats », explique Mahamat Saleh Hissein Lamine.
Plusieurs ultimatums non respectés
Pour le directeur de l’Urbanisme de la mairie de N’Djamena, ce déguerpissement n’est pas une surprise. « Une équipe était passée il y a deux mois avertir les commerçants. La mairie a octroyé un nouveau site au quartier Klémat pour les relocaliser. Ils ont donné leur accord de principe pour quitter ».
Ramadane, un jeune homme nous prend pour des clients. « J’ai des téléphones de bonne qualité à bon prix », nous dit-il avant de répondre à nos questions. Selon lui, certes la mairie était passée il y a presque deux mois pour demander de quitter les lieux, mais le nouveau site ne convient pas aux commerçants. « On ne sait où aller maintenant. Ils nous ont donné un terrain au quartier Klémat, mais c’est le terrain d’un particulier », dit-il.
De l’autre côté de la rue, Abdoulaye, un boutiquier s’est installé à même le sol étalant ses téléphones. Lui également reconnaît que la mairie leur a donné un préavis. « Oui au mois de mars lors du premier confinement, ils étaient venus nous donner un délai de 48h pour quitter les lieux, mais nous n'avons pas respecté le délai, » explique-t-il. Comme Ramadane, il se plaint du nouveau site. « Ils nous ont montré un lieu à Klémat pour s’y installer, mais malheureusement, ce lieu n'est pas pour l'État c’est pour un particulier et il a refusé qu’on l’occupe. Où irons-nous ? » S’interroge-t-il.
Quelques heures plus tard, la tension entre les déguerpis et les forces de l’ordre est montée d’un cran. Il a fallu faire usage des gaz lacrymogènes pour disperser les mécontents.
Djilel-tong Djimrangué
Orthom L’Or
La famille de l’ancien Président tchadien en prison au Sénégal a introduit il y a quelques jours, une demande de grâce auprès du Président sénégalais Macky Sall. Informée, l’association des victimes des crimes et répressions de Hissène Habré (AVCRHH) réagit. Reportage.
Alors que les victimes attendent leur indemnisation, une autre nouvelle leur glace le sang. La famille de l’ancien président tchadien introduit une demande de grâce auprès du Sénégal. Une nouvelle qui a fait bondir les membres de l’association des victimes de Habré. Au siège de l’association, les victimes sont en colère. On peut lire ces messages « Cabris morts n’a pas peur de couteau. Plus jamais cela. Nous réclamons justice, etc ». Pour Abaïfouta Ndokhot Clément, président de l’AVRCHH, rien n’est nouveau et surprenant. Dans la vie, il faut toujours attendre des surprises, dit-il. « C’est de la vernie. Et au point de vue juridique, le dossier est géré par l’Union Africaine (UA). C’est un dossier continental. Par conséquent, le Sénégal n’a pas, seul, autorité de gracier un criminel, un dictateur », dit-il.
Abaïfouta, affirme que la seule chose qui devrait attirer l’attention, c’est l’interminable attente des victimes (5 ans) pour être indemnisées. D’après lui, tous les biens de Habré n’ont pas été saisis pour constituer le fonds d’indemnisation. La réflexion pour trouver une solution doit porter sur cette matière. « Habré est condamné. Il doit purger sa peine. C’est quelqu’un qui a un cœur de pierre. Il est insensible à la douleur du peuple tchadien. Le moment n’est pas arrivé pour demander la grâce », a martelé Abaïfouta Clément. Selon lui, il faut indemniser plutôt les victimes que de se laisser distraire à la longueur de temps par la famille de Habré. En outre, l’AVCRHH se dit être sereine. Ce que déplore le président des victimes, c’est la lenteur de l’UA dans le processus d’indemnisation des victimes. « Ce fonds leur permettra de refaire une vie, se soigner et s’occuper de leurs familles », dit-il.
Deux poids deux mesure
Selon le président de l’AVCRHH, il y a deux ans, le directeur de Cabinet du Président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat est venu au Tchad. L’équipe en mission, informe-t-il, a rencontré les autorités. « Les autorités tchadiennes leur ont concédé un bureau d’où ils devraient travailler de concert avec le conseil d’Administration et le secrétariat du fonds. Mais jusque-là rien de concret », explique-t-il. D’après lui, si ce fonds s’installait, il pourrait inciter d’autres organisations à contribuer pour l’indemnisation des victimes. Il soutient qu’il pas deux poids deux mesures. « Non je ne pense pas qu’une telle demande soit jugée recevable. Comme je l’avais susvisé, le Président Macky Sall n’est pas habilité. C’est une décision africaine et seule l’UA peut se prononcer sur grâce ou pas grâce », insiste-t-il.
Pour Abaïfouta Clément, si le Sénégal déclare recevable la demande de grâce, ce serait vraiment dommage. Depuis que Hissène Habré a été condamné, le Sénégal est devenu la fierté de l’Afrique. Et les Africains sans la Cour Pénale Internationale (CPI), ont réussi à juger et à condamner un dictateur sur le sol africain. « Si le contraire se réalise, je pense que cela va être apocalyptique. Toutefois, les victimes auront toujours des arguments solides pour contre attaquer ».
Moyalbaye Nadjasna
Le Collectif des associations et Mouvements des Jeunes du Tchad (CAMOJET) a organisé une marche le 10 février passé à N’Djamena, capitale tchadienne. Le cortège des manifestants est parti de la rue de corniche de Sabangali avec pour objectif d’atteindre l’esplanade du Palais du 15 janvier au quartier Njary. En route, ils ont été dispersés au niveau du boulevard Sao au quartier Moursal. Ialtchad Presse a rencontré le coordonnateur national du Comojet, Hamlha Douksia Senghor pour en savoir plus. Entrevue.
Quel est l’objet de votre marche du 10 février ?
Nous avons entrepris cette marche pour dénoncer la situation dans laquelle se trouve la jeunesse tchadienne. Elle est dans la misère partout au pays. Il y a des milliers des jeunes diplômés sans emplois. En 2019, le président Deby Itno a promis de faire intégrer 20 000 jeunes à la fonction publique. Nous sommes en 2021 et rien n’a été fait. Au jour d’aujourd’hui, moins de 7000 jeunes sont intégrés. Parmi eux, il y a ceux qui ont été intégrés soit par la corruption, soit par des astuces politiques, soit ils ont été parrainés par des gens tapis dans l’Administration publique. Où est l’égalité des chances ? Nous avons organisé cette marche pour dénoncer tout cela. Nous réclamons deux choses. Nous réclamons l’intégration des 20 000 jeunes à la fonction publique et demandons au gouvernement de trouver une solution définitivement à la grevé de la plateforme qui paralyse l’Administration publique, particulièrement le secteur de l’éducation. Tout le monde sait que l’avenir d’une nation c’est l’éducation. Nous ne voulons plus la fermeture des établissements scolaires et universitaires.
Il y a d’autres raisons ?
Cette marche a pour objectif d’exprimer notre désaccord avec la méthode du gouvernement qui consiste à marginaliser en piétinant la jeunesse tchadienne.
Cette marche a été à la veille interdite par un arrêté du ministre de la Justice garde des Sceaux ?
Oui, l’arrêté a été pris à la veille de notre marche. Mais nous avions au préalable introduit une demande pour l’autorisation de cette marche. Tenez-vous bien, la demande a été tout purement et simplement rejetée. Nous sommes rentrés avec notre demande. Sur quelle base cet arrêté a été pris ? Ils devaient réceptionner d’abord la correspondance et ensuite donner un avis favorable ou non favorable. Non, cela n’a pas été fait. Nous avons la constitution de la République nous. Elle nous donne le droit de nous exprimer. La marche pacifique c’est aussi l’expression de la démocratie. Nous avons marché ce matin dans une logique constitutionnelle.
Vous avez réussi à marcher de votre point de départ (rue de la corniche de Sabangali) à votre point d’arrivée (Palais du 15 janvier) ?
Non. Tous les endroits stratégiques où nous avons défini nos itinéraires ont été pris d’assaut par la police. Toutefois, nous avons quitté la rue de Corniche pour être dispersés sur le boulevard Sao. Nous ne voulons pas conquérir le pouvoir avec cette marche. Nous exigeons l’insertion sociale de la jeunesse. Il faut que cette jeunesse soit équitablement traitée et sans discrimination.
Au sujet de l’intégration, une commission a été mise sur pied pour vérifier l’authenticité des diplômes. Est-ce n’est pas à ce niveau que ça blogue ?
Justement une commission a été mise en place. Cette commission devait faire un travail sérieux pour un bon résultat. Malheureusement, elle ne fait pas un travail juste et équitable en faveur des jeunes. Elle est influencée par les politiques. Elle reçoit tout le temps les listes des politiques, des parrains de X, Y. La lenteur administrative n’a rien à voir avec ce qui se passe. C’est une volonté manifeste du gouvernement de maintenir la jeunesse tchadienne dans la misère.
Et pourtant, l’intégration de 20 000 diplômés à comprendre le ministre de la Fonction publique, c’est de prioriser les anciens dossiers en instance. N’est-ce pas le cas ?
Malheureusement sur les arrêtés sortis, ce sont des nouveaux diplômés qui viennent à peine de finir leur formation. C’est pour dire que ce sont des paroles politiques avec un grand écart sur ce qui est dit et ce qui est fait sur le terrain. Si réellement cela est appliqué, nous pensons que ce serait un grand soulagement pour ceux qui attendent depuis des années. En toute sincérité, la jeunesse tchadienne est délaissée.
Votre marche a été dispersée. C’est un échec ?
Notre marche n’est pas un échec parce que malgré l’interdiction, la jeunesse tchadienne a bravé l’interdiction pour s’exprimer. Si le gouvernement ne trouve pas de solution, nous mènerons une action plus grandiose cette fois-ci sur toute l’étendue du territoire national.
Réalisation Moyalbaye Nadjasna
Le cancer est la cause de beaucoup des décès au monde. Au Tchad, des organisations comme l’Association DONAMA, sont dans la lutte contre cette maladie depuis 5 ans. Ialtchad Presse est allé à la découverte de cette association. Reportage.
N’Djamena 10h. Quartier Bololo. Sur une grande porte d’une maison banale, sur une petite plaque est placardée sur le mur. Il y est écrit Association DONAMA avec cette expression « Donnons-nous la main ». C’est le siège de DONAMA. Il n’y pas eu d’activités commémoratives lors de la journée mondiale de lutte contre le cancer. Mais cela n’entame en rien la raison d’être et la vision de DONAMA dans son engagement de lutter contre le cancer, dit Samira Alkhalil Mahamat, présidente de l’association. Selon elle, le 04 février dernier le monde s’est arrêté pour marquer la lutte contre le cancer. « DONAMA est créée en 2014. Nous travaillons avec des moyens limités. Mais on doit commencer à sensibiliser le public sur cette maladie », explique la présidente.
Pour elle, le cancer est une maladie comme tant d’autres. En respectant certaines règles, 41% des cancers sont évitables. Notre objectif, poursuit-elle, est de donner de bonnes informations par des personnes référencées. Elle affirme son association est accompagnée par des médecins dans cette lutte. « Cette année avec la Covid-19 depuis 2020, toutes nos activités sont presque gelées. Nous faisons de la sensibilisation de masse, mais avec les restrictions dues aux coronavirus, nos actions sont limitées. Nous avons changé de stratégie. Nous utilisons les médias audiovisuels », dit Mme Samira Alkhalil Mahamat. Aussi, elle souligne qu’aujourd’hui avec les réseaux sociaux et l’Internet c’est plus facile, même si beaucoup de Tchadiens n’en ont pas accès. « Stratégiquement nous faisons des émissions interactives, de bouche à oreille en échangeant avec les femmes dans les tontines ». Pourquoi les femmes ? « Parce qu’au Tchad ce sont les femmes qui sont les plus touchées. Et la plupart ne sont pas instruites. Donc les rencontres dans les quartiers sont très efficaces. Elles sont à l’aise. Elles posent leurs questions. Et on leur donne des orientations ». Pour les dépistages, la présidente de DONAMA note qu’après conseils, les malades sont orientés vers les médecins gynécologues. Par exemple dit-elle, le cancer du col de l’utérus est dépistable, celui du sein aussi. « Nous faisons les dépistages de masse à l’hôpital Mère et Enfant ».
« Le hic du cancer au Tchad, c’est le traitement »
Samira Alkhalil Mahamat affirme qu’au Tchad, il n’y a pas encore des plateaux de prise en charge. Grâce à la sensibilisation de son association, toujours selon elle, le ministère de la Santé publique réfléchi sur l’ensemble de la question de cette maladie, « très récemment il y a eu une signature de convention pour la construction d’un centre de prise en charge du cancer. Il y a au Tchad, une seule unité de traitement du cancer à l’hôpital de la Renaissance. Cette unité manque de matériels et de personnel, mais c’est un début encourageant ». Déjà dit-elle, il faut reconnaître que, la Première Dame Hinda Deby Itno a beaucoup contribué à cette lutte et la signature de la convention en est la preuve.
En plus, en 2018, il a été créé une Ligue des associations de lutte contre le cancer au Tchad. « C’est un nouvel organe. Il tâtonne encore. Ça sera plus facile pour tous de faire de plaidoyers auprès des autorités ou partenaires avec une telle organisation ».
DONAMA, affirme sa présidente, reçoit la visite d’une vingtaine de personnes par jour. « Nous travaillons parfois jusqu’à 2h du matin. Maintenant ce n’est pas pareil, on ne reçoit que 2 à 3 personnes par semaine. La faute à la Covid-19 peut-être. Le vrai problème c’est le manque d’appuis financiers. Cela handicape nos actions de sensibilisations et d’informations ». Dieu merci, poursuit-elle, nous avons signé une convention avec le ministère de tutelle depuis 3 mois et il nous accompagne dans nos activités.
Samira Alkhalil Mahamat témoigne avoir été victime du cancer. « Je sais ce que c’est. Ma lutte c’est d’avoir un centre de traitement palliatif. Au stade final, le cancer est très douloureux. C’est au-delà de ce que peut supporter un être humain », a témoigné la présidente. Un centre palliatif, parce que « j’ai vu les gens en fin de vie et je me dis tout être humain a le droit de mourir dans la dignité », précise-t-elle d’un air passionnel.
Pour le responsable de DONAMA, le cancer n’est pas une malédiction, tout le monde peut avoir le cancer, mais on peut en guérir comme on peut en mourir. « La prévention est une arme plus redoutable contre toute maladie ». Elle conseille les Tchadiens d’éviter la sédentarité, de faire du sport, de manger équilibrer, de soigner les infections, d’être à l’écoute de leur santé et de leur corps. Selon elle, une infection mal traitée peut se développer en cancer après 5, 6 ans, 10 ou 20 ans. « Prévenir c’est la chose la plus facile et accessible à tout le monde ». DONAMA dispose aussi de la documentation qui accompagne ses actions et ses conseils prodigués aux malades et à toute la population.
Rappelons que la Journée mondiale contre le cancer est une initiative de l’Union internationale contre le cancer, organisation internationale qui rassemble plus de 1 200 organisations à travers 172 pays et dont la Fondation ARC est membre.
Moyalbaye Nadjasna
Le candidat de l’opposition démocratique réunie au sein de l’Alliance victoire est connu. Me Bebnoné Bongoro Théophile est préféré à Saleh Kebzabo. Reportage.
Ils sont 16 partis politiques de l’opposition à se donner rendez-vous ce mardi 9 février dans un hôtel de la capitale tchadienne. 15/16 ont répondu présent à cette invitation. Tous sont membres de l’alliance de l’opposition dénommée « Alliance victoire », créée le 3 février. À l’ordre du jour : l’élection du candidat unique de l’Alliance pour l’élection présidentielle d’avril 2021.
Après présentation des critères, deux candidats se sont déclarés sur les 15 chefs des partis présents. Il s’agit de Saleh Kebzabo, président de l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR) et Me Bebnoné Bongoro Théophile, président du Parti pour le rassemblement et l’équité au Tchad (PRET). À huis clos et à bulletin secret, les chefs des partis ont procédé au vote.
La défaite du vieux renard
10h30mn, le modérateur de la séance invite les journalistes à entrer dans la salle. Le coordonnateur de l’Alliance invite M. Deubalbé Damagoh, huissier de son état, a présenté les résultats. D’après les décomptes des voix, sur les 15 votants, M. Saleh Kebzabo a recueilli 5 voix et Me Bongoro Théophile 9 voix. Il y a un bulletin nul. « Tirant donc les conséquences de ce résultat Me Bongoro Théophile est déclaré candidat élu de l’Alliance victoire pour les élections présidentielles d’avril 2021 », a annonce Me Deubalbé Damagoh. L’heureux élu se lève, salut l’assistance les deux mains levées et se présenter. Il est ovationné avant d’être invité par le modérateur à livrer ses impressions.
Dans sa première déclaration à la presse, le candidat élu de l’Alliance dit mesurer l’immensité de cette responsabilité. « C’est une lourde responsabilité, car je dois porter le flambeau haut pour remporter l’élection à venir », a-t-il déclaré. Pour lui, la solidarité déjà exprimée par les autres chefs des partis membres de l’Alliance doit tenir jusqu’au bout. « Tant qu’on ne reste pas souder, ce cadre qui nous a réunis ne servira à rien », a-t-il prévenu. Il assure gagner cette élection au nom de l’alliance et non de sa corporation politique.
Interrogé lors de la conférence de presse qui a suivi les premières impressions du candidat de l’Alliance, le perdant Saleh Kebzabo a fait preuve de fair-play. « On ne peut pas parler de défaite. Que ce soit lui ou moi, c’est toujours l’opposition », a-t-il dit avant de se refuser à tout commentaire.
Selon Mahamat Ahmat Alhabo, Secrétaire Général du parti pour les libertés et le développement (PLD) l’initiateur de cette alliance, c’est un grand pas dans l’histoire de l’opposition démocratique tchadienne. « Pour la première fois, les partis politiques de l’opposition se mettent ensemble pour désigner un candidat. C’est inédit », s’exclame-t-il. Mais toujours selon lui, l’idéal n’est pas là. « L’alliance n’est pas le but en soi. Le but c’est d’aller aux élections, les gagner pour permettre l’alternance. C’est ça l’objectif final », a-t-il précisé.
L’Alliance Victoire semble avoir duré le temps de la prononciation des résultats et de la conférence de presse. En soirée un communiqué de l’UNDR se désolidarise des résultats. Et soutiens que le choix de l’Alliance Victoire ne reflète aucune crédibilité, le candidat « désigné » ne remplit pas les critères préétablis. Le même communiqué affirme que les militants et militantes rejettent le résultat. Ils ne considèrent pas Me Bongoro comme membre de l’opposition, mais « …un sous-marin introduit par le MPS ».
Selon le chronogramme de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), l’élection présidentielle est prévue pour le 11 avril 2021. Le 13 février va s’ouvrir le bal du dépôt des candidatures. Déjà 4 candidats sont investis. Il s’agit des candidats Idriss Déby Itno du MPS, Dr Nasra Djimadoum de Un Nouveau Jour, d’Alladoum Djarma Baltazar d’ASTRE et de Romadoumngar Nialbé Félix de l’URD. Me Bongoro Théophile est le cinquième candidat désigné. Dans les prochains, il sera investi comme candidat de l’Alliance Victoire. Il faut rappeler que toute l’opposition ne fait pas partie de cette caolition.
Christian Allahadjim
Djilel-tong Djimrangué
Au moins 14 personnes arrêtées suite de la marche du parti Les Transformateurs le 06 février dernier, placées en garde à vue, ont été déférées en Justice sur instruction du parquet. Ialtchad Presse a rencontré quelques responsables politiques des Transformateurs et l’avocat des prévenus. Reportage.
Officiellement, elles sont 14 prévenues à être déferrées en Justice ce lundi 8 février. Sur les antennes de Radio, FM-Liberté, le porte-parole de la police nationale Paul Manga, a soutenu que la marche a été interdite par les autorités publiques. La police a appliqué la décision d’interdiction en arrêtant 14 personnes pour « trouble à l’ordre public, atteinte à l’intégrité physique des agents et destruction des biens publics ». Selon lui, la police les met à la disposition du procureur de la République pour la poursuite des procédures. Selon Adam Mahamat Zène, 5ème substitut, les 14 personnes répondront de leurs actes devant la justice.
Pour le vice-président du parti les Transformateurs M. Moustapha Mahamat Masri, c’est une marche du peuple qui est pacifique. Et c’est droit inscrit dans la constitution tchadienne et des instruments internationaux. Selon lui, l’objectif est de réclamer : justice, équité, inclusion et alternance. « L’idéal aurait été que la police encadre cette marche. Si elle le faisait, on ne serait pas là où on est aujourd’hui. Le parti les Transformateurs ont toujours été pacifistes, nous prônons la paix, le dialogue et nous y tenons », explique-t-il. Nous ne sommes pas dans un concept de bras de fer absolu, nous suivons juste la constitution, répète-t-il. En outre, il déplore que la police, censée encadrer la marche, la disperse en utilisant une force disproportionnée face à des citoyens qui marchaient pacifiquement. « La marche était pacifique et j’y insiste. Elle a été pacifique jusqu’à la fin. Notre exigence pour le moment est la libération absolue de tous nos camarades arrêtés. Bien qu’ils soient déferrés, la justice tiendra compte que c’est une marche pacifique, un acquis constitutionnel »
Selon le vice-président, Succès Masra, président des Transformateurs et certains militants, sont dans une zone de droit. Ils ont été accueillis avec humanité par les officiers de l’Ambassade des États-Unis. « Ils sont en sécurité à l’ambassade des États-Unis ».
Selon l’avocat des prévenus, Me Kagonbé Alain, il viendra, le moment démontrer devant le tribunal l’égalité ou l’illégalité de la marche pacifique organisée par mes clients. Pour lui, l’article 28 de la constitution est du côté des manifestants. « Ce qui s’est passé au palais de justice est inédit. C’était un numéro de cirque qui est joué. C’est flagrant. Tout a été préparé pour déférer les prévenus à la maison d’arrêt », dit-il. Selon l’avocat, les prévenus n’étaient même pas auditionnés par le procureur que les gendarmes avaient le dossier et remplissaient déjà les mandats de dépôt. En principe dit-il, « le procureur chargé du dossier devrait d’abord les auditionner et qualifier le dossier. Ce qui s’est passé est une grosse honte, un coup porté à la démocratie », déplore Me Kagonbé Alain.
L’audience publique aura lieu d’ici au 15 février au Palais de Justice de N’Djamena.
Moyalbaye Nadjasna
La date du 06 février 2021 est pour certains une date butoir, pour d’autres, une colère sans merci. Au palais du 15 janvier, c’est l’investiture du président du Mouvement Patriotique du Salut (MPS), Idriss Deby Itno. Et dans les rues c’est le Mouvement les Transformateurs. Reportage.
« Nous avons prévenu cette marche. Nous n'avons plus peur », disent les militants, sympathisants et alliés des transformateurs. Sifflets, casserons, pneus usés, pancartes, les jeunes du mouvement les transformateurs ont défié l’interdiction de manifester avec leur slogan « Peuple tchadien debout et à l’ouvrage, Ta liberté naitra de ton courage, » lisible sur les banderoles.
6h du matin. Les quartiers Gassi, Habena, Atrone, Chagoua, les jeunes occupent les rues en scandant, « nous sommes fatigués ». Leur seul objectif, disent-ils, est faire entendre leur voix. « Ouvrez les écoles », « justice et égalité », « non au 6e mandat de Déby », sont les phrases écrites sur les pancartes des manifestants. Selon eux, trop c’est trop, le pays appartient à tous les Tchadiens. Il n’y a pas un super tchadien, réclament-ils. « Nous allons marcher jusqu’au dernier goûte de notre sang », s’exclame l’un d’eux. Bonnet sur la tête, tee-shirt bleu avec une écriture « le Tchad d’abord », visage ferme, jeune diplômé sans emploi il brandit la photocopie de sa licence en gestion pour témoigner du chômage des jeunes. « Si l’on meurt et revient encore en vie, je ne naîtrais plus au Tchad », s’indigne-t-il. Selon lui, une manifestation pacifique comme celle-ci ne doit ni être interdite, encore moins être réprimée. Nous réclamons la justice, la liberté, mais c’est décevant, relate-t-il.
La colère de la rue prend très vite l’ampleur. De Gassi à Atron, D’habena à Chagoua, les forces de l’ordre sont débordées. Les manifestants sont galvanisés par ce débordement. La colère tourne mal lorsque les forces de l’ordre lancent des gaz lacrymogènes. Les manifestants répondent par les jets de pierres, les pneus brûlés, des voitures de police et des voitures administratives sont attaqués, etc.
Une femme est assise devant sa porte au quartier Habena. Elle est en colère. Pour elle, il est inacceptable de voir ces jeunes souffrir. « Nos enfants sont à la maison depuis le 1er janvier alors que leurs enfants sont dans les bonnes écoles », a-t-elle déploré.
« Je vais mourir pour la liberté de mon pays », dit un manifestant avec un pneu et une bûchette d’allumette en main.
Pour ce faire, plus de 6 heures de manifestation instance, la fatigue la faim et la soif dispersent peu à peu ces jeunes, le calme est revenu, les rues sont un peu dégagées. Le président du Mouvement les Transformateurs, M. Succès Masra, M. Mahamat Nour Ibedou sont poursuivis par les policiers après les avoir aspergés de gaz lacrymogène. M. Masra a trouvé refuge à l’ambassade des USA tandis que M. Ibedou a été arrêtés avec une centaine de manifestants.
Djilel-tong Djimrangué