Son portrait géant trône en veillant majestueusement sur la Place de la nation. Mais sa personne et son histoire sont peu connues. En cette semaine de la fête de la femme, Ialtchad Presse vous présente capitaine Sarla. Portrait d’une géante.
Elle est encore vivante et en pleine forme. Toujours en service au sein de l’armée. Sarla Samandjou Tato est la militaire dont le portrait géant trône à côté de celui d’un autre officier à la place de la nation à N’Djamena.
Née dans les années 1976 à N’Djamena, Sarla Samandjou Tato n’est pas arrivée dans l’armée comme par hasard. Non plus parce qu’elle est déçue de la vie, mais par passion. Dès sa tendre enfance, elle avait envie de porter la tenue militaire. Et celles qui l’ont donné encore envie sont ses cousines, Bella et Assiam Vangtou, deux femmes militaires. « Chaque fois qu’elles venaient chez nous, cela m’excitait. Et je disais toujours il faut que moi aussi je devienne comme elles », se souvient Sarla, sourire aux lèvres. Mais avant d’intégrer l’armée, celle qui a la morphologie d’un homme s’intéresse au football. « Je jouais à la défense donc je cassais les attaquantes », s’esclaffe-t-elle. D’après elle, elle est prédestinée à exercer les métiers des hommes. « J’étais plus imprégnée dans le milieu masculin ».
L’entrée dans l’armée
Si déjà en son temps (1980-1999), l’armée comptait dans ses rangs des femmes, aucune n’est passée par l’école des sous-officiers. Et ce qui fait la particularité de l’histoire de capitaine Sarla Samandjou Tato, c’est son passage à cette école. Elle est la première femme tchadienne à intégrer l’école des sous-officiers, le Groupement des écoles militaires interarmées (GEMIA).
1999, deux ans après l’obtention de son baccalauréat. Le concours d’entrée à l’école des sous-officiers est lancé. Sarla, la passionnée du métier des armes, n’est pas au courant. Un de ces condisciples qui connaît son désir l’informe presque à la clôture des dossiers. Informée, Sarla n’a pas de l’argent pour constituer son dossier. Sa mère non plus n’a d’argent. « Heureusement elle m’a remis une chèvre que j’ai vendue à 12 000F. Ce qui m’a permis de constituer le dossier », souligne-t-elle. Grâce à l’aide de son ami, elle dépose son dossier, le jour de la clôture des candidatures. Seule femme a ce concours, les hommes l’intimidaient. « Ils me disaient : ici c’est réservé aux hommes. Pas aux femmes », dit Sarla. Déterminée, elle ne s’est pas laissé décourager. Elle passe le concours et au bout de 2 ans (2001) elle sort Sous-lieutenant puis Lieutenant en 2003. « Le premier jour où j’ai porté la tenue militaire, je me suis dite j’ai relevé le défi. Ma joie était grande », raconte celle qui est aujourd’hui capitaine.
L’immortelle Sarla
À sa sortie de l’école, Sarla a intégré l’Intendance de l’État-major général des armées. Faisant ses preuves, elle a occupé différents postes de responsabilité. Ces compétences et son abnégation au travail ont payé. Elle a participé à plusieurs reprises à des missions extérieures. À Bangui, dans le cadre de FOMUC et de FOMAC puis à Kidal avec la MINUSMA.
En 2010, le gouvernement décide de l’immortaliser. Celle qui est la première femme à intégrer l’école des sous-officiers voit son portrait dressé à la place de la nation à N’Djamena à côté d’un autre officier. Ce, dans le cadre du cinquantenaire de l’indépendance du Tchad. « Je suis très enthousiasmée par cet hommage. Avec cette statue, même si je meurs je sais que je suis vivante », ironise-t-elle.
Rentrée récemment du Mali, Sarla a regagné son service, la direction des services administratifs et financiers (DIRSAFI), mais sans poste. Mariée à un militaire et mère de trois filles, capitaine Sarla dit faire la différence entre la vie civile et la vie militaire. « À la maison, je fais mon devoir d’épouse et de mère. Au service, j’assume mes fonctions avec rigueur ».
Interrogée sur le traitement de la femme dans l’armée, capitaine Sarla ferme affirme, « dans l’armée, il n’y a pas de catégorisation. Tout le monde est traité sur le même pied d’égalité. » L’élève de la 16e promotion des sous-officiers dit faire l’objet d’une considération remarquable de la part de ses collègues. Sur son avenir dans l’armée, Sarla ne compte pas s’arrêter au grade de capitaine. « Pourquoi pas être aussi la première femme avec le grade de Général », rêve-t-elle.
Voici donc l’histoire qui se cache derrière la statue de la dame militaire dressée à la place de la nation.
Christian Allahadjim