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La marche organisée par la coordination des actions citoyennes Wakit Tama le 14 mai dernier a fait tache d’huile dans la sphère politique tchadienne. Au lendemain de cette marche, le président du Conseil Militaire de Transition (PCMT) Mahamat Idriss Deby a présidé la réunion mensuelle sur la sécurité avec les membres du gouvernement de transition. Il a instruit les forces de sécurité et le corps judiciaire d’appliquer la loi dans toute sa vigueur face au débordement de la marche. Ainsi, les leaders de Wakit Tama dont Me Max Loalngar sont mis aux arrêts. Chronique décryptage avec un analyste politique.

Dans sa communication à la réunion mensuelle de sécurité au lendemain de la marche organisée par la coordination des actions citoyennes Wakit Tama, le PCMT a instruit son gouvernement à appliquer la loi dans toute sa vigueur. Il appelle ainsi les magistrats et les acteurs de l’appareil judiciaire à jouer pleinement leur rôle face à ce qu’il appelle dérive et trouble à l’ordre public. Allusion est faite ainsi au débordement des marcheurs le 14 mai dernier qui sont allés saccager quelques stations-service de la compagnie française Total Énergies. Pour lui, la marche est une grande responsabilité au même titre qu’elle doit être un droit fondamental. Il lève l’équivoque sur l’amalgame qui règne entre marcher pacifiquement pour exprimer son opinion et marcher pour causer des troubles à l’ordre public. « La marche doit strictement être soumise à des règles bien définies et comprises par tous. Le droit implique de devoir, le non-respect des règles qui définissent le droit et les devoirs des uns et des autres doit être établi et soumis à la rigueur de la loi », a-t-il précisé. Il ajoute que nul n’a le droit de porter préjudice aux avoirs des étrangers qui vivent légalement au Tchad ni les pays amis et frères qui ont fait le choix d’investir au pays. Au lendemain de cette communication, les leaders de la coordination des actions citoyennes Wakit Tama sont traqués et mis aux arrêts. La dernière arrestation est celle du coordonnateur de Wakit Tama Me Max Loalngar ce mardi 17 mai 2022. Ces arrestations sont parfaitement illégales et sont exécutées de la manière la plus rébarbative possible.

Pour l’analyste politique Dr Evariste Ngarlem Toldé, une menace réelle plane sur les libertés collectives et individuelles suite à cette communication du PCMT. Et que l’on est en train de restreindre le droit de manifester qui est un droit constitutionnel. Selon Dr Évariste, le Tchad amorce un recul démocratique même si le pays est sous un régime d’exception. Il souligne que ce sera désormais un bras de fer entre les sociétés civiles et les pouvoirs publics parce que les partisans de Wakit Tama ne se laisseront pas faire. « Ce sera une situation chaotique vu les répressions, les arrestations et les tueries. Cette communication du PCMT laisse présager que le gouvernement prendra des dispositions pour interdire les marches prochaines. On est en train d’avancer sur un chemin glissant où on risque d’arriver à une transition sans un dialogue national et souverain et qui aboutira à d’interminables manifestations ». L’analyste politique de préciser que e gouvernement ferait mieux d’encadrer les manifestations que d’empêcher les gens de manifester. Il suffit de les encadrer. Sinon cela donne l’impression que le gouvernement et le Conseil militaire de transition (CMT) avaient, bien avant, l’intention d’arrêter les leaders de Wakit Tama même s’il n’y avait pas ces casses.

Kouladoum Mireille Modestine

Selon l’article 182 et suivant du Code de procédure pénale tchadienne, seuls les officiers de la police judiciaire doivent garder à vue une personne pour des besoins d’enquêtes. M. Taoka Bruno, Procureur général 1er substitut de la Cour d’Appel de N’Djamena a accordé un entretien à Ialtchad.  Il déplore que la garde à vue devienne une pratique dans toutes les unités de sécurité. Elle aboutit même à des jugements à l’insu du Procureur de la République. Entrevue éclairage sur la garde à vue.

Selon les dispositions de l’article 282 et suivant du code de la procédure pénale, un officier de la police judiciaire (PJ) agissant en enquête préliminaire en cas de flagrance ou sur commission rogatoire ne peut retenir une personne à sa disposition pour nécessité d’enquête au-delà de 48 heures. Passé ce délai, la personne est relâchée ou conduite devant le procureur ou devant le magistrat compétent. Le magistrat compétent est immédiatement informé par un officier de la PJ de tout placement en garde à vue. Le magistrat compétent peut autoriser pour un nouveau délai, de 48heures de prolongation de la garde à vue des personnes contre lesquelles, existaient des indices sérieux de culpabilité. L’autorisation donc est donnée par écrit après que le magistrat s’est assuré au besoin que personnellement, que la personne retenue n’a fait l’objet d’aucuns sévices. Cependant en matière d’enquête de flagrance, la prolongation de la garde à vue peut être accordée sans présentation. Sur instruction écrite ou téléphonique, les allégations téléphoniques ou écrites doivent être confirmées dans les 12heures.

La loi dit : il n’y a que les officiers de la police judiciaire. Autrement dit, ce n’est pas tout le monde. Ce n’est pas qu’on est une unité de force de l’ordre qu’on doit retenir des citoyens pour 48heures. Ou bien les détenir pour une à deux semaines. Malheureusement le constat est amer.

Aujourd’hui on a des citoyens qui sont gardés dans de petites unités, dans les locaux de police, chargée peut-être de maintien de l’ordre. Il n’y a que la police judiciaire qui garde les personnes pour les besoins d’enquête. Le procureur seul donne des instructions et l’officier de la police judiciaire prend sa disposition pour déposer la personne devant.

Exception au délai de la garde à vue

Une personne gardée à vue a le droit de rencontrer ses avocats, à l’alimentation, aux soins. C’est quelqu’un qui est seulement présumé coupable. Il n’a pas été condamné donc il jouit de tous ses droits. On ne doit pas lui administrer les coups et blessures.

En matière de terrorisme, le délai de garde à vue va au-delà, pratiquement 1 mois. En cas de corruption aussi le délai varie selon article 283 « pour les enquêtes, portant sur les infractions en matière de corruption, le délai assimilé prévoit au titre IV du livre II, le magistrat compétent peut accorder un troisième délai de 48heures pour la prolongation de la garde à vue. » Donc le délai de 48h qui est d’abord le principe, l’exception viendra lorsque le législateur l’édicte expressément ou autrement. En toute honnêteté, il y a tellement de bavures dans nos brigades, dans nos commissariats à assurer la sécurité publique. Bizarre lorsqu’on se rend là-bas, on s’indigne. On peut dire que tel est à la disposition de tel. Aujourd’hui vous allez constater qu’au commissariat central il y a des personnes qui sont aussi gardées. Or on ne peut que garder quelqu’un. On ne garde que quelqu’un pour des besoins d’enquête des faits qui sont susceptibles d’être portés devant le procureur qui qualifiera et l’orientera vers la chambre de tribunal où va l’orienter vers le cabinet d’instruction pour que cette affaire suive sa procédure normale.

On ne garde pas des citoyens au commissariat pour un jugement. Malheureusement la plupart de ceux qui sont gardés on leur impose le procès au commissariat. Ça peut être le commissaire lui-même ou des gens destinés pour juger. Et le plus souvent avec de fortes amendes. Et cela se passe à l’insu du Procureur de la République (PR). Normalement le PR a aussi un rôle important qui est le contrôle des violeurs de la loi. En principe on doit effectuer de contrôle inopinés pour desceller ces genres de choses qui frustrent pratiquement les droits de l’homme. Aujourd’hui, il y a des gens qui sont gardés 4 à 5 mois, mais il vous le dit après être libéré. Les cellules ou les violons sont transformés en maison d’arrêt.

C’est le procureur seul qui va qualifier et orienter l’affaire vers la chambre de tribunal où vers le cabinet d’instruction pour une procédure normale. Il regrette que beaucoup de choses se passent à l’insu du Procureur de la République dans les unités de sécurité. Pour lui, le PR a aussi un rôle important du contrôle des violeurs de la loi. « En principe on doit effectuer de contrôle inopinés pour desceller ces genres de choses qui frustrent les droits de l’homme. Les cellules ou les violons sont transformés en maison d’arrêt », conclut le 1er substitut.

Moyalbaye Nadjasna

Plusieurs personnes ont été interpellées par la police judiciaire suite à la manifestation du samedi, 14 mai 2022. Entre les 16 et 17 mai 2022, quelques leaders de la société civile qui ont marché ont été aussi arrêtés et placés sous mandat de dépôt à la maison d’arrêt de Klessoum à N’Djamena, la capitale tchadienne. Des réactions ne se sont pas fait attendre. Reportage.

Ce 17 mai 2022, à l'issue d'une assemblée générale extraordinaire organisée au Palais de justice de N'Djaména les avocats ont décidé de cesser toutes les activités. Ils arrêtent le travail jusqu'au 6 juin 2022, date fixée pour juger leurs deux collègues Me Max Loalngar et Me Koudé Mbainaïssem et les autres leaders, arrêtés hier et aujourd'hui. 

Selon Moussa Wade Djibrine, procureur de la République près le tribunal de grande instance de N'Djamena, les détenus ont été inculpés d'attroupement ayant causé des troubles à l'ordre public, atteinte à l'intégrité corporelle de personnes, incendie et destruction de biens. Me Adoum Mahamat Boukar, président par intérim de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH) soutient que la LTDH condamne l’arrestation des leaders de la société civile. La LTDH, dit-il, exige leur libération immédiate et sans condition, car c’est une marche autorisée. « Les actes de vandalisme constatés çà et là sont la défaillance de la police. Les initiateurs de la marche se sont bien comportés sur l’itinéraire et il n’y a aucun dégât. Et cela ne peut pas être imputé aux leaders de la société civile. Le maintien de l’ordre relève de la mission régalienne de l’État. On ne peut pas demander aux initiateurs de marche d’assurer la sécurité. Mais c’est aux forces de l’ordre d’assurer la sécurité des personnes et de leurs biens », confie le président de la LTDH.

Selon Ngartoïdé Blaise, secrétaire général du syndicat des enseignants du Tchad (SET), ces arrestations sont arbitraires. « Elles sont sans fondements lorsqu'une marche est autorisée et cadrée par la police. Ce que nos gouvernants doivent comprendre c'est que nous avons vécu il y a 30 ans ne peut plus se répéter. Les Tchadiens sont de matures », assure-t-il. A son avis, ces actes de vandalisme dont ils font allusion ne proviennent pas des marcheurs de Wakit TAMMA. « Ces actes sont produits de façon inattendue et par ceux qu'ils connaissent bien. De gré ou de force, ils libéreront ceux qu'ils ont arrêtés innocemment pour éviter qu'on arrive au pire de cas », martèle le SG du SET national. 

Dans un communiqué de presse, le Front pour l’alternance et le changement au Tchad (FACT) dit condamné l'arrestation, illégale, des manifestants et exige leur libération immédiate et sans condition. Les autres leaders arrêtés sont, Gounoung Vaima Gan-Faré, secrétaire général de l'Union des Syndicats du Tchad, Youssouf Korom Ahmat, secrétaire général du Syndicat des commerçants fournisseurs tchadiens, Massar Hissène Massar, président du Rassemblement des Cadres de la société civile, et Allamine Adoudou Khatir, ancien ambassadeur.

Moyalbaye Nadjasna

Le réseau des journalistes reporters tchadiens (RJRT), en partenariat avec National Endowment for Democraty (NED) a organisé un atelier de formation des responsables des rédactions des médias publics et privés sur la couverture médiatique de la transition. Cette rencontre de 2 jours a pour objectif de renforcer la capacité des médias à booster la participation citoyenne à la transition politique au Tchad. Reportage.

Pour booster la participation des citoyens à la transition en cours, le réseau des journalistes reporters tchadiens(RJRT), en partenariat avec National Endowment for Democraty (NED) organise un atelier de renforcement de capacité des responsables des médias publics et privés. Pendant deux les responsables de ces médias vont échanger sur les voies et moyens pour encourager les citoyens tchadiens à participer pleinement au processus de la transition en cours.

Pour le président de l’Union des journalistes du Tchad (UJT) Abbas Mahamoud Tahir l’organisation de cette formation répond à un objectif impératif : celui de renforcer les compétences des responsables des médias chargés de décider du contenu et de la publication d’une information. Selon lui, l’un des résultats attendus, est d’assurer une organisation et un management optimal des rédactions respectives, en serrant au plus près la question de l’éthique et de la déontologie du journaliste, dans le traitement et la publication des informations en période de transition. Le président de l’UJT souligne que le Tchad, à l’instar des pays de la sous-région très instables en termes institutionnel, sécuritaire, social et politiques, cherche la voie qui est la sienne. Il rappelle que la transition militaire, intervenue à la mort de l’ancien président Idriss Deby en Avril 2020, est l’une des étapes majeures devant emmener les tchadiens de tous les bords politiques à asseoir le fondement de la République et de promouvoir les valeurs républicaines pour restaurer la stabilité et, partant enclencher la marche résolue vers le développement. « Vous conviendrez certainement avec moi, que cette phase que les tchadiens souhaitent de décisive, porte en elle assez des questions susceptibles de mettre en branle l’élan, si l’on n’y porte pas attention, de la voie de sortie de la crise par les autorités publiques » dit le président de l’UJT. Pour cela, dit-il, les journalistes tchadiens, du public ou du privé, ont l’impérieux devoir d’apporter des informations vérifiées pour réduire, voire contenir significativement ces tensions sociales et politiques.

Dans son allocution, le secrétaire exécutif du réseau des journalistes reporters tchadiens (RJRT), Leubnoudji Tah Nathan, affirme que cette activité fait suite à celle que le RJRT a organisé l’année dernière qui consistait à la promotion de la liberté de presse et d’opinion, mais aussi de l’engagement civique au Tchad. Pour l’objectif de cette rencontre avec les responsables des médias publics et privés est de booster une participation citoyenne. Selon lui, la transition en cours met en prise plusieurs acteurs politiques, tels que les partis politiques, les acteurs et activistes de la société civile et les politico-militaires. Le secrétaire exécutif du TJRT soutient que dans cette bataille sans merci, il arrive que les médias oublient le détenteur du pouvoir qui est le citoyen. C’est cet optique, ajoute Leubnoudji, il faudrait amener le dépositaire du pouvoir qui est le citoyen à savoir quel rôle il doit jouer objectivement et positivement pour qu’au bout de cette transition qui doit amener à un retour à l’ordre constitutionnel. Pour cela ni les acteurs politiques, c’est-à-dire ceux qui cherchent à conquérir et à conserver le pouvoir, ni les politico-militaires qui cherchent de par voies diverses à arriver au pouvoir. Il souhaite que la population s’engage et soit au centre des décisions et au centre de ce qui doit être fait. « Et pour cela, les professionnels des médias puissent jouer pleinement leur rôle eux-aussi acteurs politiques » explique-t-il.

Jules Doukoundjé  

Le monde célèbre du 17 au 23 mai 2022  la semaine mondiale pour la sécurité routière placée sous « la gestion de la vitesse, en particulier les zones de 30km/h dans les villes et autres zones où les piétons et cyclistes se mêlent à la circulation ». Reportage.

Comme le reste des pays, le Tchad célèbre également la semaine mondiale pour la sécurité routière. Elle est placée sous le thème « comportement responsable sur la route ». Depuis le début de cette année, plusieurs accidents ont été enregistrés,  endeuillés des familles, des blessés graves ainsi que d’importantes pertes matérielles.

Pour Aidigne Mako, Chef de service transport urbain et circulation routière de la Commune de N’Djamena, les accidents routiers sont la plupart causés par la maladresse, l’imprudence des conducteurs, l’état d’ivresse au volant et l’excès de vitesse. Il ajoute, pour assurer la sécurité routière, des efforts considérables ont été et continus d’être faites par la Commune de N’Djamena afin que la population circule en toute quiétude, « des campagnes de sensibilisation sur le Code de la route ont été faites et des panneaux de signalisation sont en train d’être installés afin de réduire le risque d’accident » dit-il.

Pour la ministre des Transports et de la Sécurité routière, Fatimé Goukouni Weddeye les accidents sur la voie routière sont dus le plus souvent à l’excès de vitesse, à l’alcool, aux stupéfiants, à la somnolence, à la dégradation des routes et à l’usage de téléphone. La majorité des accidents est liée à des erreurs humaines et au non-respect du Code de la route qui a fait au total 3000 morts en moyenne par an dont 79% ont moins de 30 ans. Elle affirme que les accidents de la route entraînent d’énormes pertes économiques pour les victimes, leurs familles et le pays dans son ensemble. « Au Tchad, les pertes annuelles s’élèvent à plusieurs dizaines de milliards de FCFA », affirme-t-elle.

Mme Fatimé Goukouni Weddeye confirme que la situation des accidents de la route demeure un défi pour le gouvernement à travers le Ministère des Transports et de la Sécurité routière ainsi qu’aux usagers de la route. Elle rappelle également que l’État et ses partenaires investissent de moyens colossaux dans la construction des infrastructures de transport. Elle appelle les usagers au respect strict du Code de la route en limitant l’excès de vitesse et à ne pas conduire en état d’ivresse, car « la sécurité routière, c’est l’affaire de tous. Soyons responsable » dit-elle.

Il faut le rappeler, plusieurs thèmes seront abordés durant la semaine mondiale pour la sécurité routière au Tchad. À savoir : l’usage de téléphone au volant, l’excès de vitesse, la conduite sous l’emprise d’alcool et de stupéfiants, l’état des véhicules et enfin les bonnes pratiques.

Ousmane Bello Daoudou
Abderamane Moussa Amadaye

La marche pacifique organisée par la plateforme des organisations de la société civile Wakit Tama le samedi dernier contre la présence et les intérêts de la France au Tchad a dégénéré. Des manifestants ont vandalisé certaines stations-service du groupe français Totale à N’Djamena, capitale tchadienne. Ces actes de vandalisme ont contraint les responsables de la multinationale à fermer boutique. Une fermeture interprétée de différentes manières. Reportage.

La manifestation contre la présence militaire française et les intérêts français au Tchad le samedi 14 mai dernier a laissé des traces. Plusieurs N’Djamenois étaient sortis massivement dénoncer l’ingérence française dans les affaires tchadiennes et surtout le départ de l’armée française au Tchad. En furie, certains manifestants ont vandalisé certaines stations pompages de la multinationale française Totale de la capitale. Ces actes de vandalisme ont poussé les responsables de Totale Tchad à fermer toutes les stations de la Ville de N’Djamena. Pour protéger ces stations, les autorités ont mobilisé les forces de l’ordre qui ont quadrillé ces stations-service.

Au sujet de la fermeture des stations, beaucoup de Tchadiens n’ont pas les mêmes points de vue.  Les uns encouragent une marche pacifique contre la présence française au Tchad, d’autres, par contre soutiennent certains marcheurs qui ont vandalisé les stations.

Pour Fatimé Nour, étudiante en 3e année à la faculté de science de la santé humaine de N’Djamena, il est normal que les Tchadiens manifestent contre la présence de l’armée française au Tchad. La jeune étudiante soutient qu’il est logique que les gens demandent le départ de l’ancienne puissance colonisatrice, mais vandaliser les intérêts français tels que les casses des stations dans certains quartiers de la capitale est inadmissible. Selon elle, même si Totale appartient à la France, elle est au Tchad et elle sert les Tchadiens. Fatimé Nour ajoute que cette fermeture va certainement causer du chômage de centaines d’employés tchadiens. Abondant dans le même sens Georges Nguéma, informaticien souligne que manifester contre l’ingérence de la France dans les affaires est à soutenir, mais faire de la casse dans les stations est à son avis une déviance qu’il faut condamner. L’informaticien qui a fait une partie de ses études en France dit avoir compris la colère des marcheurs, mais souhaite qu’ils épargnent les intérêts français, car les premiers bénéficiaires sont des Tchadiens.

Même si Totale Tchad emploie de jeunes Tchadiens, elle est avant tout une entreprise française, rétorque Mahamat Ahmat Adoum, un conducteur de moto taxi, appelée communément « clandoman ». Pour ce conducteur de moto taxi, le Tchad n’est pas indépendant et c’est depuis plus de 60 ans que le pays est sous le contrôle français. Il attribue l’échec du système éducatif et sanitaire tchadien à la France, car, dit-il, c’est elle qui soutient depuis des années nos gouvernants qui ne font rien de bon. Dans la même veine Hassana Béchir, chauffeur de taxi exprime son ras-le-bol en disant que le départ de la France au Tchad ne doit pas faire l’objet d’une négociation, ils doivent quitter. Selon lui, il n’y a pas que les stations Totale à N’Djamena. Il y a aussi des hommes d’affaires tchadiens qui ont implanté plusieurs stations-service dans la capitale.

Pour avoir le point de vue sur les raisons de la fermeture des stations Totale, la rédaction ialtchad a contacté ce matin la direction générale de l’entreprise mais l’administration de l’entreprise n’a pas voulu répondre.

Plus tard en soirée, elle a organisé un point de presse pour faire le bilan de saccage et de pillage de 7 stations de services Total. « Les dégâts et le manque à gagner s’élèvent à plusieurs centaines de millions de francs CFA. Nous porterons plainte contre X afin d’identifier les auteurs et les complices de ces actes », a dit Almoktar Allahoury, directeur général de Total Énergies Marketting Tchad.

Il annonce que Total travaille avec les autorités tchadiennes pour rouvrir dès que les conditions sécuritaires seront remplies.

Jules Doukoundjé
Abderamane Moussa Amadaye

La manifestation contre l’installation des bases françaises commencée depuis le samedi 14 mai, continue jusqu’à ce jour. Dans les provinces précisément à Oum-Hadjer et Ati, les populations se sont levés pour manifester leur ras-le-bol contre la présence militaire française au Tchad. La manifestation a fini par des arrestations. Reportage.

À Oum-Hadjer chef-lieu du département du Batha-Est, les habitants ont suivi le mot d’ordre de la marche donné par la coalition des actions citoyennes Wakit Tama contre l’installation des bases militaires françaises au Tchad. Selon les organisateurs toutes les couches sociales sont sorties manifester. 9 manifestants ont été arrêtés et gardés au commissariat central d’Oum-Hadjer.

Rama Ibrahim Rama coordonnateur des associations des sociétés civiles du Batha affirme que les démarches sont entreprises auprès des autorités judiciaires pour leur libération. Bien avant cela, une vérification est faite dans les commissariats pour se rassurer de la détention des manifestants, a-t-il souligné.  Rama Ibrahim évoque les raisons qui ont poussé les autorités à arrêter ces manifestants. « Les autorités leur reprochent d’avoir cassé le véhicule de la garde nomade du Tchad et d’avoir manifesté sans demander une autorisation au préalable. Ce sont des citoyens de la localité qui ont manifestés et c’était un désordre total, raison pour laquelle les forces de l’ordre ont ciblé quelques-uns pour les mettre aux arrêts », explique-t-il.

Mêmes scènes de manifestation à Ati, chef-lieu de la province du Batha-Ouest. Ici, les jeunes s’organisent en petit groupe pour faire une manifestation sporadique. Les manifestants auraient pris en otage le commissariat central d’Ati. Quelques blessés sont à signaler du côté des manifestants. Le maire de la ville d’Ati Abdelkerim Abdallah indique que les autorités ont fait appel aux forces de l’ordre constituées de forces mixtes pour maintenir l’ordre dans la ville. Le calme est revenu cet après-midi, mais les manifestants ont promis reprendre avec la manifestation demain 17 mai.

Autre coin du pays, autre crise. À Danamadji dans le département de la grande Sido, province du Moyen-Chari, un conflit intercommunautaire a dégénéré dimanche 15 mai 2022. Selon des sources indépendantes, un commerçant aurait poignardé et tué un jeune homme. Le présumé assassin s’est réfugié à la brigade de Danamadji. Furieux, les parents de la victime se sont rendus à la brigade pour l’extirper de la prison et le tuer. Ne cautionnant pas cet acte, le commissaire à tirer quelques coups de somation avant d’être attaqué et blessé. Les forces de l’ordre ont réagi tuant 8 assaillants. Selon plusieurs sources, on dénombre beaucoup des blessés graves admis à l’hôpital de Sarh. Depuis la semaine passée, le pays vit au rythme des marches, des manifestations et des conflits intercommunautaires.

Kouladoum Mireille Modestine
Ousmane Bello Daoudou  

Ce samedi 14 mai, la plateforme Wakit Tama a organisé une marche pacifique à N’Djamena, la capitale. Une manifestation qui va de la rue de 40 m au rond-point Sonasut pour protester contre la présence de l’armée française et la politique de la France au Tchad. Des milliers des personnes ont pris part à cette manifestation. L’équipe Ialtchad Presse était sur place. Nous avons recueilli les propos de quelques manifestants. Vox pop sur l’humeur colérique des manifestants contre la France.

Yangna Makissam, « Nous marchons pour exprimer notre ras-le-bol par rapport à l’ingérence de la France dans les affaires internes de notre pays. Elle devrait maintenant se limiter par rapport aux accords qui nous lient. Nous nous sommes rendus compte que la France est entrain d’aller au-delà, il faut que cela cesse. Elle doit arrêter de soutenir le Conseil Militaire de Transition (CMT), une suite logique du régime dictatorial du système d’Idriss Deby » 

Haram Ahmat Oumar « Nous manifestons aujourd’hui pour dire non à la France. Nous voulons un Tchad libre, un Tchad pour les tchadiens. On en a marre de l’ingérence de la France dans les affaires internes de notre pays. Nous exigeons son départ du Tchad dans un bref délai. »

Baylonan Samson « Nous avons marché pour dénoncer la position de la France au Tchad et les installations de ses bases militaires dans certaines villes du pays. On dit non à la France parce que depuis l’indépendance, nous demeurons toujours dépendant d’elle, sur le plan économique et même militaire. On en a marre, on ne veut plus de la France au Tchad ».

Karassem Dita  « Je marche pour la souveraineté du Tchad, nous n’acceptons plus que la France nous marginalise ou nous impose quoi que ce soit. Nous voulons vivre libre et en paix ».

Propos recueillis par Abderamane Moussa Amadaye

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