Chers amis,
Je romps le silence que je me suis imposé depuis mon dernier article sur www.ialtchad.com/opinion/’’L’illusion de pouvoir pour lequel les tchadiens s’entredéchirent…’’ du 06/12/07, article que les tristes évènements de février dernier ont largement confirmé, une fois de plus pour ma peine. Je connais mieux que quiconque les risques encourus d’une arrestation, d’une élimination ou d’une disparition en cette période de folies fratricides qui anime les élites de notre pays. Mais nous est-il permis de se taire face à la menace et à la probabilité tangible d’une disparition tragique de notre pays, hypothèse encore plus insupportable pour des gens sensés que la somme des désastres et des folies consommées ?
Dès le départ, nous avions dénoncé le fait que la majeure partie de nos élites (qui s’expriment) et de la diaspora est fortement acquise à l’apologie de la violence politique, comme s’il s’agissait d’un jeu d’enfants, après plus de trois décennies d’expérimentation de cette recette. Aujourd’hui, au grand jour à N’Djaména en ce mois de février 2008, après que les compatriotes ruraux de l’Est et du Centre l’avaient déjà maintes fois subies depuis trois ans sans répit et dans l’indifférence générale, l’opinion découvre la réalité de la mise en œuvre des théories fratricides des uns et des autres. La population de la capitale, réfugiée, déplacée, déguerpie ou non, vit amèrement dans sa chair et dans son âme ce déclin collectif, dans l’impuissance totale. Tandis que les tons, les préjugés, les mesquineries et l’insensibilité des élites positionnées sont restées les mêmes, comme si cela ne suffisait pas encore ?
Il y a eu plusieurs évènements classés ‘graves crises’ au Tchad depuis le tout premier d’envergure, la révolte populaire du 16 septembre 1963 à Fort-Lamy (Quartier Mardjane Daffek et Centre-Ville), matée dans le sang par la jeune armée nationale de l’époque sous Tombalbaye. Mais ce qui s’est passé dans la semaine du 02 au 08 février 2008 à N’Djaména dépasse encore l’entendement. Non pas que février 1979 ait été déclassé en horreur et en folie. En 1979, il y avait cette cassure nord-sud qui atteignait son apogée, drainant ses préjugés, ses rancunes, ses revanches, ses victimes, entre l’école revancharde du FROLINAT et les pouvoirs fantoches en place. Février 2008 a-t-il quelque chose en commun avec 1979 ?
1) Le contexte est différent : une guéguerre fratricide et interminable de clans apparentés ou rivaux, instrumentalisés, financés et lourdement armés par les mêmes puissances qui n’ont cessé d’endeuiller la nation tchadienne depuis plus de 35 années ;
2) Comme ce fut le cas avec les régimes précédents, ces milieux gangrenés par le virus de la contestation armée, usent d’arguments fallacieux pour prendre en otage tout processus de normalisation de la vie publique et de la construction d’un Etat de droit moderne ; rien ne peut se faire de façon durable et pour le bien des générations futures, tant que l’appât d’un pouvoir juteux, qui est censé délivrer toute une communauté de la misère endémique, devient un motif suffisant pour déclencher les aventures politico-militaires ruineuses ;
3) Avec la multitude des accords signés et aussitôt dénoncés ou violés, il est probant que les acteurs publics ne seraient pas tous prêts à sacrifier leurs ambitions et leurs tares pour donner une chance historique à notre pays ; pire : quand le péril physique est mis en relief, la méfiance épidermique et les arrières- pensées obscures conduisent inévitablement à des incidents malheureux, comme ce fut le cas des disparitions d’hommes politiques le 03 février dernier ;
4) Il y a un choix absolu à faire au niveau politique entre les deux modèles, démocratique ou à main armée, qui se disputent la scène publique ; il n’y a pas d’autres alternatives. C’est une question préjudicielle qui mérite une réponse claire de tous : pouvoir, opposition, société civile et rébellion armée. On ne peut pas continuer de faire cohabiter les deux modèles dans un même pays en ce 21e siècle. Chaque modèle procède d’une vision de société et d’un historique différent. Les intérêts en jeu sont aussi divergents. Si l’écrasante majorité des tchadiens choisit finalement la démocratie et l’Etat de droit universellement pratiqué, alors il restera aux politico-militaires de se référer intégralement aux Accords de Syrtes du 25 octobre 2007 qui les concerne exclusivement. En considérant ces accords comme une annexe de l’Accord du 13 août 2007 qui est fondamental. Dans l’optique d’un dialogue inclusif, c’est l’une des premières questions préalables sur laquelle chacun doit se prononcer !
5) Comme il est aussi illusoire de croire qu’un simple dialogue inclusif, face à face entre tous ces acteurs autoproclamés suffirait à purger le pus du mal tchadien. Le fond du problème est l’enjeu du pouvoir et de la survie des groupes ethno –claniques qui se battent pour son contrôle. Dans l’ambiance de désordre régnant, d’aucuns croient fermement ne pas trouver leur compte si jamais le Tchad redevenait un pays normal, avec des règles consenties et respectées par tous et une certaine égalité entre les citoyens. Ceux-là, de quelque bord qu’ils soient, sont malheureusement les plus présents et actifs sur la scène et les mieux connus et soutenus de l’étranger, auxquels s’ajoutent de nombreux opportunistes. Les autres tchadiens paieront toujours plus chèrement le prix de leur apathie !
6) La guéguerre tchadienne n’est pas une fatalité mais un vrai business pour certains : pourquoi le courage manque-t-il tant aux élites de faire l’analyse critique et le bilan humanitaire et économique du phénomène de la violence politico-militaire de manière impartiale et rigoureuse ? Pourquoi des élites trouvent normal l’instrumentalisation de groupuscules sans véritables projets de société et se confondant de surcroît avec des clans en train de se faire décimer inconsciemment sous ces illusions de domination guerrière ? Pourquoi un tchadien digne de ce nom ne se poserait-il pas des questions sur la prospérité du commerce des armes en direction de son pays, soit disant pour soutenir tel contre tel ? Nos élites auraient-elles perdu le bon sens, à cause de la haine viscérale, jusqu’à ce niveau insoutenable d’archaïsme intellectuel ?
7) Un constat amère : le silence voire l’impuissance des organisations de défense des droits humains durant cette énième crise majeure, à quelques exceptions près ; tous n’étaient pas directement menacés et il y avait des marges pour agir ne serait-ce que vérifier les infos, pour contrecarrer les ravages occasionnés par la rumeur folle, ou encore interpeller les belligérants sur les dégâts collatéraux subis par la population ? Malheureusement ces évènements ont mis à nu l’absence de stratégie de gestion de crise et de capacité d’anticipation qui faisait la notoriété d’antan de ces organisations. La recherche de positionnement personnel, le goût de la villégiature offerte aux leaders à la faveur de l’évacuation des étrangers, sans justifier dans bien des cas d’une menace directe réelle et la confusion de rôle avec les partis politiques ont démobilisé la base militante, et pire dévoilé l’incapacité de gérer la proximité des citoyens dans une telle kermesse de violations massives des droits humains. Cette carence se ressent fortement, sauf qu’elle relève encore de tabous ! La presse indépendante a été plus responsable en justifiant sa mise en quarantaine volontaire.
Avec tout ce qui se passe, nous devons aussi admettre l’échec collectif de notre processus démocratique par le comportement inqualifiable et récurrent d’une frange importante de notre population, lors de chacun de ces évènements politico-militaires, C’est l’échec sans appel de tous : des gouvernants, des partis politiques et de la société civile qui n’ont pas su éduquer le peuple dans le sens souhaitable ! Ainsi, tout le monde est devenu dangereux et anarchiste au Tchad. (Comme écrit sur le mur d’une des prisons secrètes de l’ancien régime : ‘l’homme tchadien est devenu un loup pour l’homme tchadien’).
Notre jeunesse, abandonnée à elle-même, est une source de grandes inquiétudes. Au vu de ses agissements quasi-quotidiens notoires, dans les cours d’école jusqu’au vandalisme honteux des 2-4 février dernier, elle ne s’illustre que par les casses, à l’image lamentable des aînés. Les ravages causés en deux jours de folie seulement sur les patrimoines publics et privés à N’Djaména devraient faire réfléchir les uns et les autres. Certaines personnes ont poussé le cynisme à trouver normal la casse des patrimoines des proches du pouvoir, mais restent silencieux sur les ravages du centre médical populaire ‘Assiam Vantou’, de MASOCOT (Programme Vih-SIDA) et même de l’OANET (pourtant siège des Associations !), fait d’armes des mêmes pillards en quête de ‘libération’ ? Ceux qui y voient l’expression d’un ras-le-bol populaire autant que ceux qui conviennent que c’est le summum de l’incivisme et de l’inconscience collective : dans un cas ou l’autre, il y a danger en vue pour l’Etat de droit démocratique !
Chose encore plus curieuse, c’est le fait qu’après le drame du début février, aucun sursaut patriotique n’est au rendez-vous : l’état d’esprit actuel des acteurs politiques et politico-militaires ne pourra que difficilement favoriser des entreprises de cohabitation pour le bien du pays. Il n’y a plus de confiance et l’argent perfide n’y changera rien. Il est très possible que la population subisse encore des drames plus critiques que celui des 2-3 février 08 à cette allure, en y participant elle-même.
Pour le dialogue inclusif (si cette solution pouvait encore marcher ?), il va falloir se montrer sérieux, trouver des tchadiens sérieux et conséquents pour les mettre autour de cette table ronde, définir les contours, la portée et les limites de ce processus, les thèmes-clés (étant entendu qu’on ne peut répéter une CNS bis), les qualités des acteurs et de quelle légitimité se prévalent-ils pour engager le peuple sans être mandatés, qui va garantir l’application des décisions ou résolutions, etc. Cette question de la garantie est de loin la plus difficile, car la versatilité et la perfidie passent pour des vertus au sein de la classe politique en général. Quand il est question de trahir pour une miette, on rivalise en ridicules !
Si l’on place l’Accord du 13 août 2007 au centre du dispositif de sortie de crise, avec comme annexe 1 les Accords de Syrtes du 25 octobre 2007 pour les politico-militaires de tous bords, il restera la racine du problème à discuter, à savoir la définition politique et consensuelle du profil d’une Armée Nationale et Républicaine véritable et les mécanismes contraignants pour sa mise en œuvre avant la fin du mandat actuel, avec une implication forte de la Communauté internationale. Voilà, à notre humble avis les éléments clés de la sortie de crise !
On est habitué aux rififis tchadiens : un dialogue inclusif précipité étalera au grand jour les supercheries et les perfidies, en plus de cette capacité incroyable de diaboliser ; aucune solution miracle qui n’aie été déjà proposée auparavant et, à la fin du spectacle le meilleur : une course effrénée et sans pitié pour les postes dans les organes retenus. Peu importe le prix des crises qui surviendront pour les populations, les bonus de morts, les nouveaux déplacés et exilés, les casses du patrimoine administratif des villes!… Nul n’imagine à ce point combien les acteurs publics devraient avoir comme problème de conscience ? Alors, face à face, yeux dans les yeux une fois encore, pourquoi pas ?
Nous souhaitons nous tromper pour une fois dans notre analyse, mais seul Dieu fera en sorte que les uns et les autres soient réellement au rendez-vous de la paix et de la justice ! La déchirure de février dernier semble plus profonde qu’en 1979 et, en plus des faits de l’état d’urgence, aura de graves conséquences sur la vie publique à court et à moyen terme. Il faut que les uns et les autres en prennent conscience et évoluent dans leur vision du pays, sinon la chute collective dans le gouffre somalien sera irrémédiable au prochain couac ! Si la griffe de l’état d’exception ne nous emporte pas, nous sommes toujours disposés aux échanges francs avec ceux qui le souhaitent et qui aiment réellement le Tchad.
Enoch DJONDANG
Auparavant, je voudrais faire une remarque d’ordre méthodologique relative au ton critique que je vais utiliser par rapport à l’expérience Tchadienne. Comme la sociologie est une science critique et, à ce titre, sa vocation est de faire prendre conscience du caractère social des institutions et des représentations, surtout lorsqu’elles se cristallisent, s’ossifient et perdent leur vitalité et leur pertinence. À cet effet, critiquer l’archaïsme ou bien l’ignorance de la société Tchadienne, ce n’est pas dénigrer les Tchadiens, ni porter atteinte à sa valeur culturelle, mais plutôt attirer l’attention sur des chemins culturels hérités du passé et ne véhiculant plus l’humanisme qui était le leur à une époque où ils étaient en harmonie avec l’environnement. La sociologie n’est pas un discours idéologique ou apologétique ; elle est une analyse des pratiques sociales dans leur historicité et leurs contradictions. Par pratiques sociales, j’entends l’interaction entre les hommes dans la vie de tous les jours, à travers les institutions que sont les entreprises, les administrations, l’école, l’université, les hôpitaux, la famille, le voisinage, les associations, etc.
Toutes ces interactions se fondent sur des représentations qui leur donnent leur légitimité et leur pertinence. Or la modernité à laquelle nous avons aspirée, a détruit les structures sociales antérieures que nous semblons incapables de maîtriser. Chacun de nous, pauvres ou riches, exprime un malaise, en ayant le sentiment que la « vie normale » se déroule ailleurs. Cet ailleurs mythique, source de frustrations individuelles et collectives, est l’expression de notre incapacité à nous organiser pour profiter des vastes potentialités humaines et naturelles de ce pays. Le Tchadien vit un malaise profond et un désespoir total dont les causes sont objectives, renvoyant à la crise profonde et globale du lien social, perceptible dans la violence politique, et aussi dans les formes brutales des rapports entre individus dans la rue, dans l’entreprise, entre fonctionnaires et administrés, dans les familles, entre frères, entre frères et sœurs, bref une crise dont l’origine est à rechercher dans la formation des classes sociales et la naissance de l’individu. Elle marque le passage d’une forme de sociabilité à une autre, une sociabilité incarnée jadis par l’oncle généreux et le voisin solidaire à une sociabilité désincarnée, asséchée, et qui ne répond qu’a l’injonction de l’argent. C’est l’argent qui aujourd’hui remplace l’affabilité de l’oncle, la générosité du cousin, la disponibilité du voisin et la solidarité des gens anonymes. Ceci indique que la société Tchadienne est en cours de formation et que l’individu mesure désormais son effort sur le critère monétaire qui structure le lien social sur le donnant-donnant et « les eaux glacées du calcul au comptant ».La crise provient de ce que le nouvel ordre social se construit dans l’anarchie, dans le rapport de forme et dans la brutalité, sans que les individus aient conscience de ce qui leur arrive. ON se plaint de ce que X a changé, ou que Y a perdu le sens des valeurs ou que Z n’a rien de son père. Certains disent que DIEU a été oublié, d’autres disent que peut être Dieu à maudit TOUMAÏ. Et pourtant les mosquées et les églises sont aussi pleines que par le passé.
Sans nier l’intérêt individuel, la société traditionnelle, celle de la génération de nos parents et grands-parents, a toujours su canaliser l’appétit pour les richesses matérielles par les valeurs morales, le sens de l’honneur, le nife, etc. Aujourd’hui, l’échange monétaire, l’urbanisation et le salariat ont libéré les logiques de l’intérêt individuel. L’évolution de la structure morphologique, malgré des résistances bien réelles, est portée par un individualisme imposé par les formes d’organisations des sociétés occidentales : Une chambre pour famille conjugale, salariat, voiture etc. Important cette morphologie, sans qu’elle n’ait le choix, le Tchad n’a pas mis en place les institutions et le droit qui vont avec cette dernière.
Interface entre les familles Tchadiennes et le marché international, l’Etat est pris d’assaut par les réseaux de corruption que favorise la structure néo-patrimoniale du régime dans lequel des castes sont au-dessus des lois. Détenir une position dans l’appareil de l’Etat, particulièrement dans l’armée, la douane, les services des impôts, dans le service de marché public et récemment au ministère de contrôle d’Etat et de moralisation, c’est s’assurer une place stratégique dans le noyau de l’économie basée ces dernières années sur la rente pétrolière, or les secteurs traditionnellement créateurs de richesses de ce pays ont connu un recul énorme. Certes la corruption n’est pas propre à la culture Tchadienne ; mais elle est une tendance naturelle dans toutes les sociétés individualistes, que la modernité a neutralisée par l’autonomie de la justice et la liberté de presse. Dans l’économie rentière que nous connaissons tous, ce qui est consommé par une famille est retiré à une autre, selon le modèle du jeu à somme nulle. C’est ce qui explique la corruption à tous les niveaux de l’appareil de l’Etat et aussi la dureté des rapports dans la vie quotidienne marqués par la jalousie, avec ce sentiment que le voisin ou le collègue du travail a pris la part qui ne lui était pas due. En un mot, économie rentière a peu de chance de donner naissance à une société civile où le pouvoir économique se sera émancipé du pouvoir politique. Cette théorie est confirmée par l’expérience historique des sociétés civiles occidentales, expérience qui montre en outre que le développement économique suppose que l’autorité soit publique et institutionnalisée et que le pouvoir soit séparé en branches exécutives, législatives et judiciaires. C’est à ce prix que les occidentaux sont sortis de l’état de nature de Hobbes pour construire l’espace public de l’Etat de droit. Avant de voir si le Tchad a les moyens de cette évolution.
Que Dieu bénisse le pays de TOUMAÏ
Adam Abdramane Mouli alias Djidda
Le culte du pétrole
"Jeune homme, vous êtes encore trop jeune pour parler du pétrole" rétorqua Tombalbaye à un jeune du Lycée Félix Eboué âgé d'à peine une vingtaine d’années, c’était en 1974, lors des assises de "l’Ecole des cadres". Aujourd’hui, l'ex-lycéen, agronome de son état, a la cinquantaine et le pétrole vient à peine de couler. "Oncle Tom", comme l'appelaient familièrement les jeunes de l'époque, savait pertinemment que l’exploitation pétrolière des deux compagnies présentes au Tchad à l'époque (CONOCO dirigée par Voegeli et la compagnie libanaise par Abdoulwahab) échappera à une série de chefs d'Etat tchadiens, et lui en premier.
A la fin des années 60, Tombalbaye a négocié en vain avec la France pour son engagement dans une vaste campagne de prospection. L'ancienne puissance coloniale ne croît pas cependant au projet. Tombalbaye se tourne alors vers les États-Unis et concède à CONOCO (Continental Oil Company) un permis de recherche sur près de 604.000 km², entre le Lac-Tchad et la frontière sud du pays.
A l'inauguration officielle des locaux de la CONOCO sis au Canal St-Martin ce 31 mars 1973, étaient présents le Président Tombalbaye et son futur successeur Félix Malloum, deux chefs d'Etat qui seront à tour de rôle emportés par la houle de cette huile minérale qui détruit autant qu'elle préserve et dont la présence au Tchad été découverte en 1969. Le Ministre des Travaux Publics, des Mines et de la Géologie de l'époque, M. Raymond NAIMBAYE a fait remarquer dans son discours que "si la CONOCO a pris des risques d'ordre technique et financier, le Tchad également a pris des risques en donnant de permis de certaine importance à ses partenaires". Le Ministre conclut son allocution par un vœu : "que l'esprit de franchise, de sincérité puisse persister entre nous et nos partenaires"[1][1].
N'est pas franc et sincère qui veut. Le présent article, débuté en février 2003 et achevé en novembre 2004, n'a nullement la prétention de donner de quelconques leçons sur la gestion du pétrole du Tchad, ni d'égaler tant de documents de qualité ayant traité du pétrole à problème qu'est celui du Tchad, mais se propose de suggérer quelques pistes de solutions au regard de nos faiblesses face aux partenaires, lesquelles solutions sont de toutes les manières, sujettes à critiques. À travers cet écrit, je commets sans nul doute, l'imprudence de mettre le doigt dans l'engrenage, les goûts du détail et du risque aidant ; qu'à cela ne tienne, puisque ayant pour seule arme, le bic et un peu de courage. Et puis, je serai mauvais serviteur si je parle de notre pétrole avec bienveillance et sans prévention. Quoique dépassé, un rappel des conditions des négociations s'avère nécessaire, non pas dans le but de jeter de l'anathème sur qui que ce soit, ni de suggérer de changer de partenaires au milieu de la rivière, mais d'attirer l'attention sur les écueils à éviter. Bien que survivant sous assistance respiratoire, le Tchad est une vaste nappe pétrolifère, d'où d'éventuels contrats.
Par ailleurs, je me réjouis des effets produits par mon modeste article intitulé " lettre à Koumbo " publié dans l'hebdomadaire " L'observateur " n° 299 du 6/10/04, parlant entre autres du pétrole, du gaz et de l'électricité et qui a été suivi 48 heures plus tard, par une réaction très positive du Gouvernement. Les visions sont identiques sur ces points et je m'en félicite. Le repentir vient de faire le quart du chemin, la bonne gouvernance doit faire le reste.
Des leçons à retenir : sur un milliard de francs que rapporte le pétrole, le Tchad touche moins de 20 millions de francs si l'on intègre tous les investissements extérieurs à récupérer par le consortium. Pourquoi donc cette différence ?
Trois documents juridiques lient le consortium americano-malaisien ExxonMobil-Chevron-Petronas aux deux Etats (Tchad et Cameroun). Les conventions d'établissement de Tchad Oil Transportation Company (Totco) et de Cameroon Oil Transportation Company (Cotco) pour la partie aval et la "convention de recherches, d'exploitation et de transport des hydrocarbures "pour la partie amont, datant de 1988 et qui a fait l'objet d'une révision ultérieure importante (l'avenant n° 2, de mars 1997). Les deux premiers fixent les modalités de la gestion de l'oléoduc (redevance, fiscalité et droit applicable, règlement des litiges entre les parties …). Le second, passé entre le Tchad et le consortium, fixe les règles relatives à l'exploitation et, ce qui nous intéresse plus particulièrement, royalties et dispositions fiscales.
Les conventions de Totco et de Cotco sont des documents publics, ce que les autorités tchadiennes et camerounaises paraissent ignorer. On se les procure aisément auprès du consortium lui-même, qui refuse en revanche de communiquer la convention "amont", la plus intéressante. Explication du chargé des relations extérieures au siège d'Exxon à Houston : "le propriétaire des ressources en question étant un pays peuplé de 7 millions d'habitants, cette confidentialité est une atteinte à l'exercice de la citoyenneté. Mais il est vrai qu'au Tchad, comme ailleurs, le pétrole est une affaire très privée [2][2].
Les négociations menées avec les partenaires ressemblent à un secret ésotérique qui n'est accessible qu'aux seuls initiés puisque le dossier a été traité avec une opacité merveilleuse. Alors qu'au Tchad les informations relatives au projet pétrole sont restées dans l'ombre du confidentiel, au Cameroun par contre, on a minutieusement préparé la population afin d'en tirer un maximum de profit. Là-bas, on sait que dans toute situation de combat, la défense est tout aussi importante que l'attaque. Initialement, "le dossier pétrole" du côté camerounais a été confié à la Société des Hydrocarbures du Cameroun pour sa confection. Cette première étape finie, il fut ensuite passé en revue par des bureaux d'études étrangers spécialisés en la matière qui ficelèrent inextricablement tous les liens. Une fois le colis suffisamment compacté, on attendit de pied ferme les Tchadiens qui se sont fait cueillir comme des fruits mûrs puisqu'en plus d'un document bien fait, les hauts responsables politiques camerounais se sont fait appuyer chacun, par des techniciens chevronnés face à une poignée de responsables tchadiens sans arme ni protection, usant apparemment d'un langage gestuel lors des négociations sinon comment comprendre… et ce, malgré tout ce que notre pays dispose comme cadres. Où sont-ils, les premiers négociateurs tels que Georges Diguimbaye, Raymond Naïmbaye, Abdoulaye Djonouma ? Et les pétrochimistes à l'instar de Mahamat-Saleh Alhabo? Et nos 300 étudiants, des "très proches" du régime, envoyés aux USA depuis plus d'une décennie pour étudier la pétrochimie et quasiment invisibles depuis lors. Tout portait à croire que la défaite tchadienne était inéluctable. Les Tchadiens auraient pu encore à cet instant précis, retourner la situation en leur faveur s'ils étaient perspicaces, en simulant avec le truchement de notre ambassadeur au Cameroun, un rappel urgent de la délégation, par le Président de la République, n'en déplaise à nos interlocuteurs camerounais. De toutes les manières, nous étions en position de force, même si des pressions externes persistent. Cela aurait permis de rendre compte de la situation désastreuse à qui de droit et de demander le report des négociations, le temps matériel de monter des dossiers par une expertise en la matière et amoindrir le déséquilibre face aux Cameroun et au Consortium. On serait alors très loin des déboires notoirement connus aujourd'hui. Les dirigeants camerounais pour leur part, n'ont fait que protéger l'intérêt de leur pays, ce qui est tout à leur honneur.
"Vaincre la rage" n'est pas synonyme de "la rage de vaincre". A mauvais négociateur, mauvaises garanties. Le projet a plus de 6.800 travailleurs, avec 2000 Tchadiens et 4.800 Camerounais. Sur 111 millions de dollars US dépensés en biens et services, 38 millions de dollars sont dépensés au Tchad et 73 millions au Cameroun. Au cours du 3ième trimestre 2001, sur 240 consultations, 57 ont eu lieu au Tchad avec 3.205 participants et 183 au Cameroun avec 5.326 participants [3][3]. Le quotidien "Cameroon Tribune", dans sa parution du 20 octobre 2000 a écrit dans ses colonnes " ce que le Cameroun gagnera : - Sur le plan financier : (1) redevance de transit égale à 0,41$ sur chaque baril de pétrole soit 35 à 80 milliards/an pendant 30 ans ; (2) 5% d'impôt sur le bénéfice de COTCO/an ; (3) taxe foncière ; (4) indemnisation des populations sur le tracé pour plus de 5 milliards - Sur le plan des infrastructures : (5) construction de la route Bertoua-Garoua Boulaï ; (6) route Ngaoundéré-Touboro-Moundou ; (7) nombreuses routes secondaires ; (8) construction de nombreux ponts ; (9) densification du réseau téléphonique ; - Sur le plan de l'emploi : (10) création des milliers d'emplois de chauffeurs, conducteurs d'engins, gardiens de parcs, de matériels, défricheurs; - Sur le plan de l'environnement : (11) création des parcs nationaux de Campo et de Mbam Djerem ; (12) développement de la conscience écologique ; (13) création d'une fondation pour l'environnement (FEDEC) pour les Pygmées et les Bakota ; (14) renforcement des capacité en matière de gestion environnementale[4][4] ". Comme ils aiment bien le dire, le Tchad a blessé un éléphant qui est allé mourir au Cameroun. Et pourtant c'était l'occasion toute indiquée d'exiger de notre méthodique et malicieux voisin, des largesses. Outre des conditions plus souples pour l'évacuation du brut, on pourrait pousser les pions le plus loin possible pour en gagner un minimum : fourniture en électricité, un chemin de fer le long de l'axe Ngaoundéré-Baïbokoum, une portion du port de Douala réservée au Tchad, des franchises sur certaines marchandises, une inscription de nos étudiants dans des universités et instituts camerounais à des tarifs de cession, le respect scrupuleux de la libre circulation des Tchadiens etc… Une belle bataille sera alors gagnée.
Infrastructures : En matière de transport du matériel pour la construction de l'oléoduc long de 1070 km reliant Doba au port de Kribi sur l'Atlantique, le Cameroun s'est vigoureusement illustré là aussi en se taillant la part du lion indomptable et sa stratégie était la suivante : le gouvernement camerounais a donné feu vert à la Chambre de commerce du Cameroun de parrainer les transporteurs pour l'acquisition à crédit, des véhicules gros porteurs, l'Etat se portant garant ; alors que de l'autre côté, le Tchad n'a guère eu la présence d'esprit d'orienter nos hommes d'affaires dans le bon sens. Pour le transport dudit matériel, le Cameroun et une étrange société soudanaise dont le siège fait face à l'immeuble de la STAR Nationale à N'djaména, RAIBA TRANS TCHAD LTD, sous la fourrure de laquelle se cacheraient également des Tchadiens de souche et d'adoption, ont littéralement raflé le marché. Les bénéfices réalisés par la société RAIBA ont été entièrement rapatriés au Soudan, au moment des amours avec notre grand voisin de l'est naturellement. La fameuse société fictive de transport aérien ROMA … est encore dans les mémoires.
La route du pétrole bâtie le long des pipe-lines par Bouygues alias "David Terrassement" porte un déséquilibre selon que l'on se trouve du côté tchadien ou camerounais. Au Cameroun, la surveillance de l'ouvrage a été confiée à des ingénieurs nationaux qui ont veillé à ce que la qualité soit respectée : la route plus large, les rigoles à fortes pentes fortifiées, les garde-fous solides, les portions de route traversant des agglomérations humaines bitumées afin que la poussière ne se déverse sur la population et l'administration équipée quand il s'agit d'une ville, le tout sur fonds pétroliers. Mbaïboum, le village camerounais situé de l'autre côté du pont de la Mbéré en est un exemple. Et pourtant, la ville de Doba, capitale du pétrole est toute couverte de poussière latéritique pendant la saison sèche et toute gluante après une seule pluie. A Doba, c'est l'envers du décor de luxe. Les responsables administratifs dans leur majeure partie ne sont pas véhiculés et s'adjugent quelquefois les services des motocyclistes pour leurs déplacements. Les résidences (si résidences il y a) de ces autorités sont éclairées à la lampe tempête alors que tout à côté, la société "Tchad Cameroun Construction" (TCC) rayonne d'électricité et de surcroît refuse de prêter ses services électriques. Et pour cause : rien ne figure dans les documents officiels. Quels degrés de respect peuvent avoir les populations à l'égard de leurs administrateurs sans moyens et jetés dans les quartiers par manque d'habitation comme de vulgaires individus et de surcroît dans une ville qui accueille tant d'étrangers de marque ?
Un des termes de contrat lourd de conséquence contenu dans les documents signés avec le consortium est qu'après les travaux, le consortium devra laisser le milieu tel qu'initialement trouvé. L'illustration a été faite à Bam sur l'axe Komé-Baïbokoum qui disposait, pendant la construction de l'axe Komé–Kribi, de maisons, électricité, terrain de sport etc. Une fois les travaux terminés, tout mais alors tout a été démonté. Les remblais aussi ont été dégagés pour respecter les termes du contrat alors que dans cette zone sévit à outrance, l'onchocercose. Les maisons même démontables, auraient pu servir de centre de santé, d'école ou toute autre infrastructure sociale. Les engins lourds des travaux une fois jugés désuets (bien qu'en état de marche), ne sont pas rétrocédés au Tchad mais détruits et enterrés puisque aucune clause ne le prévoit. Ce que le gouvernement ignore, c'est que le cœur du consortium ne bat pas au même rythme que les cœurs des humains. En somme, aucune trace du consortium ne doit figurer après son passage ce qui rend davantage moins visibles les traces de pétrole. Le Cameroun pour sa part, a exigé des bâtiments fixes, la rétrocession des véhicules et engins lourds, tandis que le Tchad n'ayant pas exigé cette conditionnalité, ne dispose que de maisons démontables et les ouvriers des champs pétroliers habitent dans des conteneurs démontables à volonté. Par rapport à la tour de Shell construite à Brazzaville, un joyau du Congo visible depuis Kinshasa, ici à N'djaména, le consortium n'a bâti aucun immeuble à la taille de sa stature dans notre pays, une conditionnalité omise nous dira-t-on. Une fois de plus, de quoi a-t-on discuté avec les partenaires ?
Sur le terminal flottant dans la mer à 12 km de la côte de Kribi, un tanker d’une capacité de 2 millions de barils [5][5], amarré en permanence et où viennent s'approvisionner les navires pétroliers, séjournent six fonctionnaires tchadiens (4 inspecteurs pétroliers et 2 inspecteurs des douanes) relevés toutes les deux semaines. Que font-ils exactement ou que contrôlent-ils sur ce machin ? Ces inspecteurs ont été formés en France pendant un mois, c'est-à-dire à peine la première leçon bûchée que les voilà arrivés en fin de formation et propulsés sur le tanker, incapables d'interpréter un compteur d'eau de la STEE. Que peuvent-ils contrôler, les pauvres ? Surtout pas la quantité du brut exploitée (225000 barils/jour) apparemment entachés d'une marge d'erreur [6][6].
En effet, les cuves de récupération construites en prévision à un surplus de brut des 300 puits, sont toutes pleines après l'exploitation d'environ 200 puits alors que le nombre total de puits a dépassé 600 dont bon nombre non encore exploité (y compris ceux d’ENCANA). Le brut extrait des puits est d'abord conduit vers un collecteur, puis vers un séparateur qui en extrait le pétrole de l'eau, des sables et autres déchets. Le brut nettoyé est ensuite envoyé dans l'oléoduc pour Kribi vers le terminal où des bateaux viennent s'en approvisionner. Mais que se passe-t-il exactement. Les compteurs posés au niveau de chaque puits afin de quantifier le volume du brut original ne fonctionnent pas. Premier couac. En d'autres termes, l'on ne sait guère la production de chaque puits, ne serait-ce que partiellement. Ni au niveau des collecteurs ni au niveau des séparateurs, les compteurs ne fonctionnent. Comment comprendre qu’ESSO installe des compteurs non fonctionnels ? Mystère ! Dans ce magma d'indélicatesses, le Ministre du pétrole a cru bon pallier à ce manquement surprenant par un arrêté 035 qui autorise ESSO à poser des compteurs à Kribi plutôt que Doba ; de caribe dans sylla ! Donc le pétrole sort du territoire tchadien vers le Cameroun sans aucun contrôle, sans aucune estimation. En amont comme en aval, c'est ESSO qui est le seul détenteur de la vérité ; le ministère du pétrole ne maîtrisant sans doute ps toutes les données. Pour jauger le brut, on estime la capacité du bateau plein à Kribi, lesquels bateaux se succèdent à un rythme effréné à telle enseigne que des pénalités sont prévues pour deux types de retardataires : ceux qui accostent à Kribi avec retard (le bateau est pénalisé) et ceux qui quittent Kribi avec retard (le consortium est pénalisé), l'essentiel étant de charger au plus vite pour faire place aux suivants. Qui sait avec exactement la capacité des différents bateaux ? Certainement pas les Tchadiens. Lors d'une rencontre sur le pétrole, à la question de savoir comment les Tchadiens allaient-ils contrôler les compteurs ? Un responsable du projet a rétorqué que des essais ont été menés à Houston aux USA avec de l'eau et ce, pendant plus de deux semaines et la conclusion est que les compteurs sont en très bon état de marche et aucune malversation n'est possible. À une autre rencontre, un responsable a affirmé que " le Tchad est le premier pays au monde à contrôler véritablement son pétrole ". Vol ou pas vol, à chacun de trouver un qualificatif pour cette sinueuse opération "cleptopétrolière". Ce n'est nullement la faute aux autres, loin s'en faut mais aux Tchadiens uniquement.
Lors de la visite au Tchad en 1976 de M. Kurt WALDHEIM ancien Secrétaire Général des Nations Unies (1972 à 1981), il était question de créer une division pétrolière avec un centre de documentation. À cet effet, une mission des Nations Unies conduite par un certain Rouyer, a séjourné au Tchad et a jugé concluante et très positive, l'extraction du gisement de Sédigui. Pour ce qui est des formations des cadres, le PNUD s'en chargera. Puis arrive la guerre qui remet les compteurs à zéro. Arrivé au pouvoir, Hisseine Habré s'empare du "dossier pétrole" et crée au niveau de la Présidence de la République, le Bureau des Affaires Pétrolières (BAP). Depuis lors, c'est la Présidence qui s'immisce contradictoirement dans le dossier pétrole jusqu'à nos jours. Et c'est là, le péché originel !
Économie : Sur le plan économique les résultats de l'Enquête sur la Consommation et le Secteur Informel au Tchad (ECOSIT, 96/97), donnent des seuils de pauvreté alimentaire de 173 frs CFA et de pauvreté globale de 218 frs cfa par tête et par jour. Tous ces seuils sont inférieurs au standard international d'un dollar US par tête et par jour. L'incidence de la pauvreté alimentaire est de 42% et celle de la pauvreté globale de 54% (ECOSIT). L'Indice de Développement Humain (IDH) de 2003 place le Tchad au 165 ième rang sur 175 Etats du monde, avec un taux d'inflation de 5,2%. Le PIB par habitant est estimé à 230 $ par an, moins de la moitié de la moyenne de l'Afrique subsaharienne. Le Tchad, dont 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté, connaît une situation d'insécurité alimentaire chronique. Les investissements directs étrangers en 2003 sont de 901 millions de dollars US, les importations de 775 millions de dollars et les exportations de 196 millions de dollars [7][7].
Malgré l'arrivée de l'or noir, le Tchad reste un pays à vocation agricole, dont le potentiel est encore largement sous-exploité : faute de moyens, seuls 10% des 20 millions d'hectares de terres arables sont en culture. Avec un cheptel de 16 millions de têtes (principalement de bovins et d'ovins mais également de caprins, de camelins, d'équins, d'asins), l'élevage représente le second poste d'exportations, alors que le secteur cotonnier, qui fait vivre plus de 350.000 exploitants, a fortement souffert de la chute des cours mondiaux.
De 1997 à 2004, la croissance du PIB réel par habitant a été en moyenne de 7,6%, taux deux fois supérieur à celui de la population, ce taux relativement élevé est dû essentiellement aux investissements massifs dans le secteur pétrolier supportés exclusivement par les bailleurs car il aurait fallu plus de trois ans et 3,7 milliards de dollars d'investissement pour achever la construction du complexe pétrolier de Doba et de l'oléoduc de 1070 km le reliant au port de Kribi, sur la côte camerounaise. Un défi que le consortium américano-malaisien ExxonMobile-Chevron-Petronas n'a pas hésité à relever. Mais depuis la commercialisation du brut, le Tchad devrait connaître, au cours des prochaines années, une croissance à deux chiffres. Son PIB devrait passer de 2,6 milliards de dollars en 2003 à 4,2 milliards de dollars en 2004, soit une croissance record de … + 58% en un an, ce qui devrait vraisemblablement amener à une légère amélioration des conditions de vie au Tchad plutôt qu'une constante décroissance en tout de vue.
Les ventes de pétrole du site de Doba pourraient rapporter, au cours des vingt-cinq prochaines années, et en fonction du prix moyen du baril, jusqu'à un milliard de dollars par an, une somme sur laquelle l'Etat tchadien percevra 12,5% de royalties (redevances). Sous la pression de la Banque Mondiale, avant le lancement des travaux, les autorités tchadiennes se sont vues dans l'obligation de promulguer une loi sur l'utilisation de leurs futurs revenus pétroliers. Celle-ci stipule que 80% des recettes doivent être versées à des secteurs prioritaires (santé, éducation, infrastructures), 10% déposés sur un fonds destiné aux générations futures et 5% consacrées au développement de la région de Doba. Restent donc 5% que le gouvernement peut, en quelques sorte, utiliser à sa guise [8][8]. Ce qui est sûr, les générations futures risqueraient de vivre longtemps avec les ruines et les décombres qui sont l'œuvre de leurs prédécesseurs.
Sur 225.000 barils/jour, le Tchad en a 27.000, le reste au consortium. Le Cameroun perçoit 0,41 dollar sur chaque baril passant par Kribi. Initialement, le baril devrait coûter 13 dollars mais avec la flambée du cours mondial du pétrole, le baril vient de dépasser les 55 dollars soit plus de 4 fois le prix initial. Et pourtant, celui du Tchad ne vaut qu'à peine 28 dollars parce que de "qualité inférieure" dit-on. Cela signifie qu'au lieu de percevoir 75 milliards de frs CFA par an, somme initialement prévue, le Tchad percevrait environ le double par an, toujours insuffisant car si notre douane était performante, elle rapporterait environ 100 milliards par an, donc supérieur au revenu du pétrole. Est-ce acceptable ? Déjà à son temps, l'ancien responsable du consortium M. Petit faisait croire, lors d'une rencontre avec les cadres à Moundou, que " le pétrole du Tchad est de mauvaise qualité, trop parcellisé et dont le transport dans l'oléoduc consomme une quantité fabuleuse d'énergie ". Dans ce cas alors, pourquoi voir accepté avec tant d'engouement d'en être le patron ?
Energie : En matière énergétique, les négociations n'ont pas porté sur la fourniture en énergie pour la population et les services étatiques, alors que le pétrole c'est d'abord et avant tout l'énergie. "Le pétrole de Doba est de qualité très moyenne, selon les documents techniques, et sa valeur marchande subit une décote de deux dollars par rapport au baril brent, le pétrole de référence sur les marchés internationaux. Il s'agit d'une huile lourde visqueuse, avec une forte teneur en eau, mais toujours selon les documents du consortium, pratiquement exempte de soufre (à vérifier). L’exploitation des champs pétroliers de Doba générerait 424,7 millions de tonnes de gaz carbonique". Notre analphabétisme pétrolier ne nous autorise aucune critique de cette aubaine qui se transforme en catastrophe.
"Tout le gaz naturel produit sera utilisé, selon toujours les documents techniques adoptés, pour la génération d'électricité destinée aux installations. Il n'y aura donc pas de surplus utilisables pour la consommation énergétique du Tchad ni de champs de torchères brûlant dans l'atmosphère le gaz libéré et non exploité, dégageant fumées noires et quantités massives de gaz carbonique". En d'autres termes, il n'y a pas de gaz naturel pour le Tchad alors que le gaz est torché à longueur du temps et notoirement visible dans la zone pétrolière. " Conscient du rôle vital que l'industrie du pétrole s'est assurée à travers le monde, l'Etat tchadien a accordé au mois de septembre 1969, un permis exclusif de recherche d'hydrocarbures liquides et gazeux, dans notre pays à la Société américaine "CONTINENTAL OIL COMPANY" (CONOCO) pendant une période de cinq années renouvelables ".[9][9] Comme on peut le voir dans les documents originels, l'exploitation de gaz au bénéfice du Tchad a bel et bien été prévue dès les premiers accords.
La situation énergétique au Tchad demeure toujours délicate. Au niveau de la STEE, outre les appuis matériels fournis par les pays (Libye, France) et les bailleurs, le Tchad a bénéficié de 55 millions de dollars de la Banque Mondiale pour soutenir la STEE, puis très récemment, de 30 millions de dollars fournis par la Banque Islamique de Développement pour l'achat des groupes afin d'amener la puissance de la STEE à 30 mégawatts plutôt qu'à peine 13 MW actuellement. Toutefois, l'électricité tchadienne est excessivement chère, avec un coût au kilowattheure qui est l'un des plus élevés du monde : 0,32 euro (210 frs cfa) au Tchad contre, par exemple, 0,16 euro (105 frs cfa) au Mali et 0,04 euro (26 frs cfa) au Ghana (soit 8 fois moins qu'au Tchad). En cause : le prix du carburant, qui représente 80% du chiffre d'affaires de la STEE. Le Tchad a beau être producteur de pétrole depuis juillet 2003, le brut ne peut être utilisé pour fournir de l'électricité à la capitale, car le pays ne dispose pas des infrastructures nécessaires. La mise en exploitation du gisement de Sedigui, au nord du Lac-Tchad, doté d'un brut léger donc plus facilement utilisable, permettrait d'obtenir un carburant moins cher. Jusqu'à présent, ce projet n'a pas abouti. La construction d'une raffinerie et d'un pipeline confiée, de gré à gré, à une société soudanaise du nom de CONCORP n'a jamais été achevée, et la société a disparu avec des millions de dollars du contrat. Pour relancer le secteur énergétique du pays, il faudra donc également assainir la gestion de la STEE, minée par des défauts de paiement. Véolia, filiale de Vivendi, s'y est essayée sans succès et a résilié, en avril 2004, le contrat de gestion qui la liait à la société depuis 2000. Depuis lors, l'Etat a repris les commandes [10][10].
Dans la zone de Komé-Miandoum-Bolobo par contre, où que vous vous tournez c'est face à l'énergie électrique. Quatre turbines développant chacune 30 mégawatts (soit 120 mégawatts au total dont 60 seulement utilisés), fonctionnant directement avec du gaz ou du fuel lourd (donc une source d'énergie gratuite en quelque sorte) sont installées. Les négociations n'ayant pas abordé l'aspect énergétique du pays, le consortium a cru bon installer du 110 volts au lieu du 220 volts, tension électrique incompatible à la plupart de nos appareils. Aucune clause d'éclairage des villes n'a été signée. Résultat, Doba, la capitale du pétrole vit dans l'obscurité la plus totale. Un projet d'électrification est en cours à partir d'une source autre que celle du consortium. Sur le site pétrolier existerait une mini raffinerie étant donné que les appels d'offres relatifs aux travaux n'ont guère fait mention de la fourniture en carburant. De surcroît l'importation de carburant dans la zone pétrolière semble invisible. Et pourtant, ils tournent à l'essence et au gasoil, ces centaines d'engins et de véhicules loués par le consortium ou lui appartenant.
Environnement : Les écoulements du brut sont une certitude. Cependant, le traitement des produits aux abords de la Pendé entraîneront la pollution du Logone, puis du Chari et donc du Lac-Tchad qui contient plus de 300 espèces vivantes. La disparition de ces espèces sera une perte du patrimoine non seulement national mais régional, voire mondial. Qu'adviendrait-il des personnes qui auront consommé ces eaux polluées ? Par ailleurs l'absence de sincérité du consortium ne cache-t-elle pas des conséquences funestes ? Les moyens sécuritaires sont-ils à la hauteur du désastre encouru ? Le Tchad, ce pays de lumière et de beauté ne se retrouvera-t-il pas hors du temps ?
Impréparations et/ou sournoiseries : Nos méchancetés et sournoiseries nous ont rendus très vulnérables. Le projet prévoit pour la partie amont (l'extraction du pétrole) le forage, et les installations ce qui suit : centre de contrôle des opérations et logements du personnel, construction d'un aérodrome permanent permettant l'atterrissage d'avions gros porteurs, construction et/ou réhabilitation de routes, installation des infrastructures des média etc…, le tout dans la zone de Bebedja, ce qui entraînera inéluctablement des infrastructures connexes : hôtels, restaurants, manèges pour distraction, établissements scolaires pour enfants des expatriés, bancaires, des industries agroalimentaires, médias, supermarchés, laiterie, pressing, autres services, etc. Rien n'a été fait parce que les Tchadiens eux-mêmes s'y sont opposés. À qui la faute alors ? Comme quoi ici chez nous, on ne change pas une équipe qui gâche. L'impréparation au Tchad est légion à tout point de vue. À titre d'exemple, plus de 6000 ouvriers se salissent les tenues chaque jour. En estimant que 3000 tenues sont nettoyées quotidiennement à 2000 frs la pièce, la société de pressing qui s'y installera, récolterait quotidiennement 6 millions de francs. Aussi curieux que cela puisse paraître, Doba ne dispose d'aucune station d'essence ni de gasoil. Que vaut une poubelle sans ordures ?
Lors du lancement des travaux, le consortium a demandé l'existence d'une personne ou entreprise capable de fournir 35.000 œufs par semaine en prévision à l'atteinte de la vitesse de croisière des travaux. Personne n'était capable de fournir cette quantité et les Camerounais auraient sans nul doute gagné le marché. Il avait sollicité les services d'une entreprise spécialisée en soudure des pipelines, il n'en existe pas au Tchad. Les Philippins ont gagné donc le marché. La construction d'habitations démontables gagnée par la "Tchad Cameroun Construction" (TCC), une entreprise étrangère et les routes par Bouygues alias "David Terrassement". "Catering International & Services" (CIS) dont le siège est en Europe a raflé la fourniture en alimentaire. Les ouvriers sont alimentés en fruits à partir du Cameroun, fruits issus des arbres plantés cinq années plus tôt en vue de desservir les travailleurs des chantiers. Un débrouillard de Bébédja est parvenu à obtenir un petit marché de fourniture de poulets, pour un chiffre d'affaires d'environ quatre millions de frs cfa seulement par mois. Un jour, le responsable des achats de CIS, un certain M. Escalier lui écrit en ces termes : " Nous n'achetons que du poulet PAC congelé, empaqueté individuellement, d'un poids minimum de 950 grammes et d'un poids maximum de 1100 grammes", une manière simple de l'exclure. Décidément, le marché a été attribué à une entreprise étrangère. Pour l'heure, les légumes, la fourniture de poisson et quelques insignifiants marchés sont acquis par quelques nationaux courageux. C'est à peine si les Tchadiens arrivent à décrocher des postes moyens.
En fin juillet 2002, David Terrassement alias BOUYGUES quittait le Tchad pour le Gabon. Les chauffeurs tchadiens réquisitionnés à cet effet, n'ont droit qu'à 100.000 frs maxi pour une durée de 16 jours pour y convoyer les véhicules en traversant le Cameroun et le Gabon. Aucun autre droit ni protection ne leur ont été accordés même si le délai imparti s'avère insuffisant. Tant pis pour leur retour ou en cas d'accident. En somme, les travailleurs sont laissés pour compte, leurs droits n'étant pas protégés par l'Etat. Il faut saluer ici la société civile tchadienne, quelques partis politiques qui ont pu faire fléchir le consortium afin de dédommager des paysans.
A cette allure, le Tchad parviendra-t-il pour autant à résorber la pauvreté qui touche la majorité de sa population avec le pétrole ? Rien n'est moins sûr, tant les problèmes à résoudre sont nombreux… . Ici comme ailleurs, rien n'indique qu'il n'enrichira pas, en premier lieu, une caste politico-économique gravitant autour du pouvoir. Le processus de répartition des recettes pétrolières fait bien, en théorie, l'objet d'une "surveillance" internationale imposée par la Banque Mondiale dont l'objectif est de favoriser le développement de secteurs socialement prioritaires (santé, éducation, infrastructures). La définition de ces secteurs et l'application de mesures de contrôle restent néanmoins des plus incertains puisque les premiers 4,5 millions de dollars reçus lors de la signature du contrat d'exploitation des gisements de Doba, ont été utilisés par le gouvernement pour l'achat d'armes [11][11]. Les Tchadiens n'ont pas honte d'être pauvres mais leur pauvreté est bigrement incommode.
Quelques pistes de solutions :
Plus on cherche, plus on se rend compte que le domaine du pétrole est un endroit où les secrets sont aussi immenses qu'un océan de sable. Cependant, point n'est besoin de doigter nos partenaires. Les régimes successifs ont enseigné aux Tchadiens la résignation étant donné que le glaive l'a toujours emporté sur le bouclier. Le résultat est édifiant car même dans les négociations avec des tiers, l'ombre de la résignation plane. Belle leçon intériorisée.
Malgré les déboires et maladresses ayant entachées le parcours sinueux de jaillissement du pétrole, tout n'est pas perdu car nous ne sommes pas encore assis sur le tranchant d'un rasoir. il existe encore des pistes de solutions devant conduire le Tchad à majorer sa part quand bien même le Cameroun et le consortium le tiennent virtuellement par la gorge à travers le débouché. Pour beaucoup subsistent l'envie de changer et la peur du changement. C'est là une histoire de conversion de la monnaie sans dépréciation.
Point 1 : Bonne gouvernance : les dirigeants tchadiens pourraient redresser la barque s'ils pensent légitimement avoir commis des gaffes. Mais hélas, rien ne peut se faire sans l'application d'une bonne gouvernance, ce qui parait tard puisque les choses vont en empirant. Tout ce qui se passe est proportionnel à la faiblesse d'un gouvernement en matière de gestion du pays. " Gérer c'est prévoir, ne pas prévoir c'est gémir ". Le cri strident de tout un peuple pour arrêter le désastre des accords, est monté jusqu'à Dieu mais il n'est pas arrivé à l'oreille du Gouvernement qui a choisi une gestion solitaire avec les siens. Pour le cas d'espèce, le non tripotage des textes constitutionnels fait bel et bien partie de ladite bonne gouvernance.
Point 2. : Réajustements : les Tchadiens doivent refuser ce qu'on leur refuse et que l'important soit dans le regard, non dans les choses regardées ; première attitude à adopter. De temps à autres, des réajustements des termes de conventions sont à suggérer voire imposer à nos partenaires afin de remédier à certaines insuffisances car rien n'est statique. Réfléchir sur d'autres types de débouchés est plus qu'une nécessité, c'est une obligation. En cas de refus, le Tchad se devra de déroger sans pour autant dériver. Il faut oser car mauvais est le soldat qui ne rêve pas d'être général.
Point 3 : Non extrapolation de la présente convention : la convention signée avec le consortium ne peut être dupliquée et servir de modèle à d'autres accords futurs à l'instar de ENCANA, cette société à laquelle le Gouvernement a attribué, les yeux fermés, de grands espaces (plus de 300.000 km²) et qui, au grand dam des cieux, a emboîté le pas à la convention du consortium puisqu'il s'agit d'une sous-traitance avec ce dernier, ce qui est désormais à proscrire.
Point 4. Syndicat des travailleurs pétroliers (STP) : le STP sera affilié à l'Union des Syndicats du Tchad (UST), l'objectif étant de protéger les droits des travailleurs, bref d'accorder aux travailleurs le droit d'avoir des droits. Désobéir est également un devoir. C'est illégal mais légitime. À Komé, même les professionnelles du sexe, les prostituées sont constituées en association avec comme présidente, une camerounaise… Il faut montrer ce qu'on n'ose pas dire et dire ce qu'on n'ose pas montrer.
Point 5. Création d'une Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT) : véritable bureau d'études en la matière, la SHT disposera outre les services techniques ad hoc et l'administration, des services juridiques, économique, socio-environnemental. La SHT aura des rôles techniques : conception et analyse des documents techniques, contrôle, propositions en tous points de vue, recueil tous azimuts des informations relatives au pétrole, bref elle se professionnalisera et produira des consultants dont la compétence sera sollicitée tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays plutôt que de regrouper de manière hâtive, anarchique, ponctuelle, et occasionnelle, des individus (très souvent non qualifiés) dont le rôle à chaque rencontre, ne se limite qu'à écouter et à signer les documents sans lecture profonde. Cette société devra s'atteler à élaborer des contrats types en bonne et due forme pour des éventualités.
Point 6. Raffinerie : une raffinerie de grande capacité pour satisfaire les besoins tant intérieurs qu'extérieurs ; ce qui baissera de manière drastique le coût de l'électricité, du transport et partant, stimulera la création des petites et moyennes entreprises, un moyen de juguler substantiellement la fraude. Le pétrole du Tchad étant qualifié de lourd, ses dérivés quoique l'on dise sont multiples, notamment le bitume pour le revêtement des routes.
Point 7. Énergie : des turbines devront être mises à la disposition du Tchad pour la fourniture en électricité. Étant donné la disponibilité en carburant, le Tchad devra se doter de quatre turbines de 30 mégawatts, une quantité nettement capable de supporter l'électrification de tous les chefs-lieux de région, de département et de sous-préfecture à un coût accessible à tous les citoyens.
Point 8. Gaz : l'usage de gaz par les ménages est un problème d'information, d'éducation et de formation à l'endroit des citoyens. On n'y gagnerait beaucoup en substituant le gaz au bois dont la coupe devient de plus en plus onéreuse aussi bien pour l'Etat que pour les populations. Certains pays limitrophes du Tchad en excellent.
Point 9. Réseau de chemins de fer : Contrairement à l'eau, le pétrole ne durera pas une éternité. Le Tchad doit donc se prendre très tôt afin de trouver dans la décennie courante, un débouché autre que celui du Cameroun : un réseau des chemins de fer reliant en priorité le Tchad à l'Afrique de l'Ouest à partir du Nigeria. De par sa situation géographique, le Tchad pourrait disposer de marché potentiel au sein duquel une portion du pétrole aussi infime soit-elle sera aisément écoulée. Il s'agit de la fourniture en carburant de la région ouest africaine. Carrefour économique potentiel, il jouit d'une position stratégique à tout point de vue puisque limité à l'ouest par le pays le plus peuplé d'Afrique, le Nigeria ; à l'est le pays le plus vaste, le Soudan ; au nord, l'un des pays les plus riches, la Libye ; quoi de plus envieux ! Par ailleurs, le développement du réseau routier national facilitera non seulement la circulation mais favorisera l'éclosion des activités connexes, les brassages intercommunautaires, un gage pour la paix à partir duquel naîtra le nouvel embryon d'une nation. C'est à ce prix seulement que les Tchadiens regarderont le projet avec un léger optimisme.
En somme, les exigences des Tchadiens sont à l'échelle de leurs malheurs et ce serait pour nous une lourde faute que de ne pas apercevoir notre propre bonheur. Au regard de tout ce qui précède, on ne peut se vouer à personne, moins encore au gouvernement et au consortium. Les gestes de victoire sur un fond de ruine ont conduit le bas-peuple à l'optimisme, à la jubilation, à l'imprudence et au silence, lors qu'il n'en est rien. Par conséquent, le mutisme, l'indifférence de chacun de nous, nous rattraperont. Descartes l'avait déjà vu avec une admirable clarté : " la liberté d'indifférence est le plus bas degré de la liberté ". Et puis, à quoi servirait l'archo-profito-situationnisme ? Si ce n'est qu'aux individus qui tirent leurs profits dans des situations anarchiques ! En dernier ressort les Tchadiens demeurent les seuls responsables de leur avenir car "tout esclave a en main, le pouvoir de briser sa servitude" (Jules César). L'avenir est-il seulement entre les mains de Dieu ? Non ! Aide-toi et le ciel t'aidera. Ce serait donc une utopie meurtrière que d'attendre la délivrance promise par le ciel. Il faut lutter pour la vie sans avoir peur de la mort même si depuis, nous luttons avec l'énergie du désespoir.
Caman Bédaou Ouma
Héritage politique de Fronçois NgartaTombalbaye et les origines de la crise institutionnelle permanente
L’éditorialiste du pouvoir MPS M. Djonabaye Dieudonné dit Bendjo, ex-porte-parole du journal N’Djaména Bi-hebdo et de la Ligue Tchadienne des Droits de l’Homme (LTDH), avait réalisé un reportage très intéressant diffusé à la Télé- Tchad, avec des images d’époque montrant feu le président François N’garta Tombalbaye dans sa croisade contre le Soudan du général Djafar El-Nimayri en 1965. L’objectif déclaré était d’établir un parallélisme quasi- absolu entre les déclarations et le combat « natio- naliste » de Tombalbaye d’avec celui du général Idriss Deby Itno (IDI) qui serait, selon le réalisateur, l’héritier spirituel du premier président.
Nous n’allons pas nous intéresser à cet aspect de la question ; nous saisissons la balle au bond pour faire plutôt une analyse historique sommaire, surtout à l’attention des jeunes tchadiens qui ne disposent d’aucun repère pour connaître la vraie histoire de leur pays.
À l’origine
Qu’est-ce qui avait amené Tombalbaye à s’attaquer au Soudan en 1965 ? Pour mieux le comprendre, il faut revenir au contexte de l’époque. Cette année-là, le premier mouvement armé contre le pouvoir central de Fort-Lamy venait de se créer au Soudan, en l’occurrence le FLT de Mahamat Ahmat Moussa[1][2]. Un autre groupe, le FROLINAT (Front de libération nationale du Tchad), celui qui allait bouleverser le destin de ce pays, était en gestation et sera créé l’année suivante à Nyala, toujours au Soudan. Donc, à l’origine du conflit tchado soudanais, il y eu le rôle majeur du grand voisin dans la formation de la contestation armée contre un pouvoir X installé à N’Djaména. Le Soudan était sous la forte influence du régime nationaliste pan arabiste de Gamal Nasser en Égypte. L’idéologie dominante était la lutte contre l’impérialisme occidental qui chercherait à détruire l’identité culturelle et religieuse du monde arabo- musulman. Tous les mouvements de contestation armée qui verront le jour ici et là reprendront à leur compte cette idéologie comme base de leur programme politique. Les mouvements armés tchadiens ne seront pas du reste [2][3]. C’était le prix du soutien des pays arabes !
Les causes
Ce que ne disait pas Tombalbaye, c’est sa propre responsabilité dans la tournure des évènements. En effet, Tombalbaye une fois au pouvoir à la faveur de l’Indépendance, se soucia plus de la conservation de son fauteuil et fit les mauvais choix politiques qui lui coûteront finalement la vie. En 1962, il imposa une révision constitutionnelle renforçant ses prérogatives et imposa le parti unique pour couper l’herbe sous les pieds de ses adversaires, à l’époque presque tous originaires du « grand Nord » (Koulamallah, Abbo Nassour, etc.). La démocratie parlementaire fructueuse de 1946 fut abolie au profit de la dictature et du pouvoir personnel. Ce qui déboucha sur la première révolte populaire du 16 septembre 1963 à Fort-Lamy (Quartier Mardjane Daffack et consorts) réprimée dans le sang par la toute jeune armée tchadienne encadrée par des officiers français.
Les soutiens extérieurs
Tombalbaye s’appuya sur le soutien de la Françafrique et de la Légion étrangère française pour nourrir son arrogance politique et son penchant pour l’exclusion. Ses opposants, qui ne pouvaient pas se renier en ralliant le parti unique PPT RDA, préférèrent jouer sur l’opportunité du soutien arabe via le Soudan, pour organiser leur réplique à cette dictature. La géopolitique régionale leur allait être favorable, car avec le boom pétrolier des années 70, les pays arabes allaient disposer de grands moyens de pression sur l’Occident pour imposer leur volonté hégémonique sur l’Afrique subsaharienne. Dès lors, nos deux grands voisins du Nord et de l’Est prendront de l’ascendance sur la quasi-totalité des élites dites « nordistes » du Tchad, devenant les parrains incontournables de leur marche progressive vers le pouvoir. Tombalbaye désabusé se retournera contre le Sud à qui il imposera, sous couvert d’initiation ‘Yondo’[3][4] chez les Saras d’une part et en lançant la périlleuse et brutale « opération 750 tonnes de coton » au village de Kalgoua de l’autre, un climat insupportable d’oppression des fonctionnaires, de délation et d’incarcérations de dignitaires militaires soupçonnés de prendre conscience de l’état déliquescent du régime, (le mythe de Moabaye planton au ministère du plan’[4][5]). La trahison et la mort clôtureront son épopée politique.
Les premières illusions de victoire
Cependant, le FROLINAT ne connaîtra sa véritable apogée qu’après Tombalbaye. Pourquoi ? Parce que l’ancien président était un homme intelligent et rusé. Après avoir utilisé la Légion française pour affaiblir les foyers rebelles du Centre- Est entre 1968-1970 (Le fondateur Ibrahim Abatcha a été capturé, tué et décapité vers Am Timan, sa tête exposée au bâtiment de l’actuel Ministère des Relations Extérieures), Tombalbaye se tourna brusquement vers les pays arabes, rompit avec Israël, libéra et réhabilita ses opposants « nordistes » devenus ses plus farouches partisans. Des transfuges du FROLINAT furent récompensés avec des postes sensibles dans l’appareil d’Etat. Tombalbaye s’allia les faveurs de certaines chefferies puissantes du grand Nord, tel que Iriba ou des tribus hostiles au FROLINAT en l’occurrence les arabes Missiriés de feu Acyl Ahmat, qui lui prêteront main forte jusqu’à sa chute et sa mort. Ces manœuvres mirent un temps en difficulté les groupes rebelles du FROLINAT.
Le tournant
Après avoir joué pour Tombalbaye, un personnage obscur allait marquer une rupture dans les plans machiavéliques de celui-ci. Il s’agit de Hissène Habré (HH). Initialement « infiltré », semble-t-il par Tombalbaye et les services secrets français dans la rébellion pour la contrôler de l’intérieur, HH allait vite trouver ses propres marques, ayant constaté le vide intellectuel et idéologique qui prévalait au sein de ladite rébellion. Favorablement accueilli par Goukouni Oueddeï et placé à la tête de la 2e armée basée au Tibesti, HH allait organiser le rapt des européens dont Mme Françoise Claustre en 1972 à Bardaï. La rébellion du FROLINAT allait bénéficier durablement du coup médiatique de cette affaire « terroriste » de prise d’otage. Tombalbaye échouera aux portes de Bardaï. Sa volte-face anti-française (opération authenticité, campagne contre « Dopelé » Foccart [5][6]) lui coûtera la vie des mains des membres de sa propre armée et non pas du FROLINAT son ennemi juré !
L’incompétence des successeurs
Arrive au pouvoir, le 13 avril 1975, le Conseil Supérieur Militaire (CSM), pratiquement le régime le plus médiocre qu’a connu le pays. Les officiers de Tombalbaye, mal préparé à la gestion du pays et manquant de culture politique, allaient précipiter l’Etat dans la déchéance irrésistible. Le général Félix Malloum, chef de l’Etat, se trouva bien seul à croire en sa « politique de réconciliation nationale » avec la rébellion du FROLINAT, la fameuse politique de « la main tendue ». Dans son entourage militaire, deux tendances opposées : les partisans de la force autour de Kamougué d’un côté et de l’autre ceux de la neutralité de l’armée avec feu général Djogo. Très vite, les incohérences des militaires donnèrent le change aux deux grands groupes du FROLINAT issus de la scission [6][7] de 1976 entre HH (CCFAN) et Goukouni Oueddeï (FAP) de se réorganiser, de s’équiper d’armements modernes et de menacer directement la capitale N’Djaména. La spécificité arabe blanche vaudra la création du Conseil Démocratique et Révolutionnaire (CDR) de Acyl Ahmat, souvent considéré à tort ou à raison comme la marque de l’invasion arabe et islamiste sur le Tchad.
La fin d’un système de gouvernance
Avec la chute de la prestigieuse garnison de Faya-Largeau en février 1978, la plupart des cadres civils et militaires « nordistes » furent convaincus que le pouvoir « sudiste » vacillant de Malloum ne se relèverait plus jamais et que la route de N’Djaména était désormais ouverte. C’est alors qu’interviendra la lutte des tendances dites « politico-militaires » pour la conquête du pouvoir par les armes dans le jeu politique tchadien. Le premier qui s’installe aux bords du Chari devra s’imposer aux autres, telle sera jusqu’à ce jour la règle cynique de l’alternance, après le coup de force institutionnel fait par Tombalbaye ! La défaite de Faya-Largeau, qui démontra l’irresponsabilité des membres du CSM accrochés aux délices du pouvoir à N’Djaména, causera le basculement de la grande majorité des « sudistes » dans la tendance radicale « anti-nordiste FROLINAT », civils et militaires compris. Désormais, le mot d’ordre politique des « sudistes » sera jusqu’à ce jour « La Survie » à tout prix. Sans entrer dans trop de détails connus ou volontairement occultés, on retiendra simplement qu’après avoir perdu pied à N’Djaména (le pouvoir central), les « sudistes » tenteront l’expérience de l’autonomie dans un premier temps avec Kamougué sous le Comité permanent pendant 3 années au Sud (« Zone méridionale »). Cette expérience finira en queue de scorpion à cause des divergences inter-sudistes ravivées : une partie de l’ex-armée nationale tombée dans le piège de la défense du « terroir d’origine » de la majorité des soldats « sudistes » et devenue simple tendance, se rallia à HH et mis fin à l’aventure du Comité permanent.
Cependant, la propension à la résistance « sudiste » ressuscitera une première fois sous HH avec les groupes Codos, sans réussir l’unité idéologique des « sudistes ». Puis, sous le régime actuel avec les groupes de Ketté Moïse et Laoukein Bardé, disparus. Il parait évident que les « sudistes » ont bien abandonné l’option de la lutte armée qui ne leur a pas réussi, en comparaison avec les mécontents du grand Nord. Aujourd’hui, certains « sudistes » attendraient comme des sujets hébétés l’avènement d’un Tchad unitaire, laïc, républicain (égalité des citoyens) et démocratique (Accord du 13 août 08 ?), qu’ils croient que d’autres, confusément « les rebelles », « les français » ou autres qui prennent des risques, accepteraient de le leur gratifier généreusement ?
Le nœud du problème
La grande leçon à tirer du règne chaotique du CSM étant que la résolution du problème tchadien dépend du contenu qu’on lui donne et de la capacité des hommes à s’assumer. Le CSM a perdu pour avoir marginalisé les forces vives du Nord, les cercles d’influences ethniques et religieuses, le recrutement et le bon traitement des « nordistes » dans l’armée. Malgré la valeur militaire incontestable et la bravoure de nombre d’officiers et soldats « sudistes » de l’époque, ils seront pris au piège dans une guerre qui n’était plus celle d’une armée nationale mais des fractions tribales, régionales, religieuses. Ils ne pouvaient plus tenir sur un terrain hostile avec des populations réclamant leur départ et ne reconnaissant plus le pouvoir vacillant qu’ils défendaient. Aux « sudistes » d’en faire le bilan aujourd’hui !
Le recours
Pour revenir au Soudan, ce pays continuera à jouer un rôle grandissant dans le placement des chefs de guerre à la tête du Tchad, en l’absence d’une vision commune de l’Etat et de la république défendue par nos élites. Le Soudan n’est que le cheval de Troie d’un faisceau de puissances étrangères qui décident du sort des tchadiens restés immatures politiquement. Ce sont toujours des tchadiens qui vont, comme en 1965, demander l’aide soudanaise pour venir détruire leur pays, en tentant de s’emparer du pouvoir. Au contraire d’un autre voisin puissant du Nord qui avait un véritable conflit frontalier avec le Tchad, le Soudan attend patiemment d’être sollicité sans se fatiguer. À qui la faute ?
Leçons
Il est de la responsabilité des compatriotes qui ont souvent flirté avec le Soudan depuis ces lointaines années, de faire le bilan de leurs gains, par rapport à tout ce que le pays a perdu et continue de perdre encore à cause d’eux. La vision rétrograde de l’Etat butin de guerre et vache à lait, la stratification de la société selon une logique pro esclavagiste, la violence qui fonde le droit et la tribu qui doit dominer sur l’Etat, qu’est-ce qu’ils ont apporté de « révolutionnaire » et qui pourrait être retenu comme tel tant par les tchadiens avertis que par les historiens ? Personne n’assumera cette responsabilité à leur place devant l’Histoire. Il est vrai que les luttes dites de « libération nationale » en Afrique et ailleurs se sont appuyé sur le soutien transfrontalier pour gagner. Cependant il n’y pas d’exemples, à notre connaissance, aboutissant à l’aliénation de l’identité et de la souveraineté d’un pays, comme ce fut le cas chez nous.
En résumé, l’héritage politique de Tombalbaye n’est pas étranger aux tentations qui détournent l’esprit des pseudos révolutionnaires une fois au pouvoir. Un, que ce serait-il passé si Tombalbaye n’avait pas changé la florissante démocratie parlementaire des années 46-60 par le système de la pensée unique et le culte de la personnalité pour assouvir sa soif de pouvoir personnel ? Deux, voyons un seul instant la liste des évènements lugubres de notre sombre passé qui n’auraient peut-être pas eu lieu : révolte et répression urbaine du 16 septembre 1963, disparition des hommes politiques tels que Jean Baptiste, Silas Sélengar et d’autres en prison sous la torture (prémices de la DDS), révolte de Mangalmé 1965, coup d’Etat militaire du 13 avril 1975, etc., etc. Trois, y aurait-il eu le phénomène de la rébellion armée et de tous les cauchemars qu’il ne cesse d’infliger aux tchadiens ? Quatre, Tombalbaye aurait-il été tué par sa propre armée fatiguée de poursuivre un « ennemi intérieur » perpétuellement reconvertible ?
Gains et pertes
Tombalbaye avait bien géré la république, avec un petit budget d’une dizaine de milliards CFA, une gendarmerie de 1500 hommes mal équipés mais formés, disciplinés et déterminés, une administration territoriale tenue avec prudence par des cadres dont le niveau dépassait rarement le Bac mais qui se souciaient de la Loi , etc. Ce qui l’a perdu, c’est son obstruction à la démocratie qui l’avait pourtant amené au pouvoir, la soif du pouvoir personnel, éternel. La majorité des Saras Madjingaye[7][8] n’avaient pas connu physiquement Tombalbaye durant son règne, mais eux et les autres « sudistes » paieront chèrement et injustement pour lui jusqu’à ce jour, même les faits imaginaires inventés pour recruter et motiver plus de combattants contre son régime !
Erreurs fatales
Tombalbaye a voulu torpiller la règle du suffrage universel et du pluralisme démocratique, dans un pays complexe, pour être toujours « l’homme providentiel » ou « l’ombre du manguier » selon des griots de l’époque. Tous ses efforts et ses succès éphémères ont favorisé sa déchéance dans la folie du pouvoir, sa chute et sa mort violente. Son ami El Hadj Ahidjo du Cameroun fut plus sage en partant à temps : son pays tient encore debout et continue d’attirer les responsables tchadiens qui veulent « décompresser » le week-end !
Conséquences
En plus du conflit graduel Nord-Sud, Tombalbaye avait laissé faire son entourage tribalisé qu’il voulait transformer en cour royale haïtienne. Résultats : en 1978, au plus fort de la débâcle de l’armée majoritaire « sudiste » au grand Nord, des émeutes éclatèrent au Mayo Kebbi, contre l’hégémonie politique des Saras, les supposés « parents » naturels de Tombalbaye. Cette blessure sud-sud continue encore à entretenir des rancunes entre « sudistes » à l’esprit primitif, se traduisant par des coups bas et des incompréhensions systématiques à tout bout de chemin, pour leur grand malheur ! Si les élites du grand Nord seraient en train de vivre tragiquement le revers de la médaille du FROLINAT, leurs compatriotes « sudistes » ont baissé les bras depuis longtemps. Les leaders publiques « sudistes » sont restés handicapés par leur réflexe unique de survie et l’indifférence quasi volontaire envers la situation chaotique généralisée dans le grand Nord, telle une cynique revanche. Comme si personne ne devrait franchir le vrai faux mûr Nord-Sud qui est déjà pourtant tombé de lui-même, faute d’arguments, sous le coup des évènements contradictoires !
Le chant du cygne
Si aujourd’hui la classe politique crie à l’unisson que la solution passe par la mise en œuvre de l’Accord du 13 août 08, a-t-elle tiré les bonnes leçons depuis Tombalbaye, quand on sait que les leaders de cette époque s’accrochent encore au perchoir sans rien apporter de nouveau ? Qui est réellement pour le triomphe du suffrage universel : un bulletin = une voix = un (e) citoyen ayant réellement qualité pour voter ? Qui est prêt à abandonner les armes, par amour pour son pays et à se plier aux règles communes dans tous les domaines ? Pourquoi depuis plus de vingt ans, en matière pénale et criminelle, on consacre deux catégories de tchadiens irréconciliables : d’un côté les gens de la dia au-delà du 16ème parallèle et de l’autre l’écrasante majorité des ethnies préférant l’entente et la conciliation entre elles ? Quand un jour le pouvoir inévitablement changerait de pôle socio idéologique, quelle sera la coutume qui sera imposée ? Etc.
Et demain ?
Quand on sait ce qui se passe au Darfour, après avoir été pratiqué plus de 2O ans dans le Sud Soudan, quand on se réfère aux modes préconisés par ceux qui préfèrent le chemin de Rabah pour arriver au pouvoir et s’y maintenir en pratiquant la cruauté légendaire de ce dernier, on est encore loin de trouver une élite affranchie pour écourter les maux et fléaux importés au pays des Sao et de Toumaï. Le Harmattan souffle toute l’année du Nord-Est au Sud-Ouest et assèche tout sur son passage. Quand les Toyota ayant remplacé les chevaux de Rabah s’en mêlent, petit à petit, le Tchad devient un gigantesque désert, avec comme décor les champs de combats fratricides, une nature dégradée et des populations cannibalisées qui s’entredévorent çà et là loin de ce qui pourrait leur apporter réellement la paix et un peu de repos sur cette terre !… Tombalbaye avait-il pensé à tout cela ?
Enoch DJONDANG
[8]1] Des erreurs pourraient être faites sur les dates, les lieux et certaines nominations sans changer le fond du dossier ;
[9][2] Ce mouvement rebelle rallia le CSM du général Malloum avec 150 hommes ;
[10][3] Contrairement aux autres mouvements de libération nationale africains, ceux du Tchad n’avaient pas de véritables références idéologiques hormis la reprise laconique du discours nassérien
[11][4] Cette campagne ‘initiatique’ était politisée et visait à rééduquer les potentiels opposants de son groupe ethnique
[12][5] Matraquage médiatique organisé sous forme de satyres injurieuses et lues à la radio avant les infos
[13][6] Imitation aveugle du Mobutisme et caricature de Jacques Foccart sous le sobriquet de ‘Dopelé’
[14][7] ‘Officiellement’, la cause serait l’occupation de la bande d’Aouzou par la Libye ;
[15][8] Ethnie d’origine du premier président de la république, région de Koumra dans le Sud ;
Dossier: « A l’occasion du 4e anniversaire de son investiture, le 08 août 05 : Portrait d’Idriss Déby, ses atouts et ses faiblesses »
Pour commencer, nous tenons à signaler que cet article ne relève pas de l’utilisation « des procédés détestables, indignes et mensonges pour provoquer le scandale [1][1][1]», et ne donnerait lieu en France à aucune poursuite de la part de la DGSE ou du Secrétaire Général du Gouvernement français, moins encore aux menaces d’escadrons de la mort. Il est en symbiose totale avec la Constitution et la loi n°029 sur le régime de la presse au Tchad. Pourquoi dresser un portrait du Président Idriss Déby (ID) ? D’abord parce qu’il est un homme public, sa vie privée n’est pas concernée. Il gère le sort de tout un peuple au quotidien, donc nos destinées individuelles sont liées d’une certaine manière aux faits et gestes de ce seul personnage. Ceci étant, qui est celui qui dirige le Tchad depuis une quinzaine d’années ?
Les atouts du Président Idriss Déby
Il faut comprendre une chose : il n’y a pas d’école ou de diplôme de référence pour devenir Président de la République. Tout part d’une conjugaison de circonstances et de la personnalité. L’histoire du général Déby est couramment remontée à l’époque où il était Commandant en Chef (COMCHEF) des Forces Armées Nationales Tchadiennes (FANT) d’Hissène Habré, avant sa révolte le 1er avril 1989. Or, il faut aller plus loin dans le temps.
Un, Idriss Deby est avant tout un militaire, un vrai militaire engagé régulièrement pour faire carrière avec l’uniforme. Il n’est pas un maquisard produit du FROLINAT, comme beaucoup d’autres chefs de guerre. IDRISS DÉBY avait été moulé dans le système politico-militaire qu’il combattra par la suite, celui des régimes dits « sudistes » de Tombalbaye-Malloum. De ce fait, il détient les mots de passe nécessaires pour maîtriser et neutraliser cet ancien système de gouvernance. C’était un atout considérable pour sa destinée, face aux « lobbies sudistes ».
Deux, du côté des « nordistes », la logique du rejet systématique des « sudistes » a fonctionné à merveille pour verrouiller complètement l’expression politique démocratique et s’assurer l’allégeance grâce aux vieux démons du conflit « nord-sud » ; jusqu’à ce que ce créneau atteigne sa saturation et cède définitivement la place au clanisme pur et dur qui n’a plus rien à voir avec la solidarité coreligionnaire. IDRISS DÉBY s’impose aujourd’hui comme la seule réalité politique et militaire du Nord, situation ambiguë puisqu’il a en face de lui une pléiade d’expressions politiques divergentes au Sud : Ce déséquilibre entretenu est-il un atout pour lui et pour les nordistes ou un danger à moyen terme ?
Trois, Idriss Deby était entré dans les rangs du FROLINAT-FAN (Front de Libération Nationale du Tchad-Forces Armées du Nord) au bon moment, comme du sang neuf ; ainsi, il pourra mieux s’adapter à la logique dictatoriale de Hissène Habré pour devenir l’un des piliers du pouvoir de celui-ci. D’ailleurs, Hissène Habré se méfiait beaucoup d’IDRISS DÉBY qu’il croyait utiliser comme un pion. En 1985 déjà, les mouchards de la DDS de la région de Biltine soupçonnaient IDRISS DÉBY et son cousin feu Brahim Mahamat Itno[2][2][2] d’avoir massivement recruté des Bidéyat[3][3][3] (300 éléments) à Aramkolé dans l’intention de tenter un coup d’Etat. Rien d’étonnant que trois ans plus tard, les officiers et combattants Béri soient obligés de quitter précipitamment N’Djaména et les autres garnisons pour le Darfour, pour créer le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) actuellement au pouvoir. C’est le grand atout d’IDRISS DÉBY : la solidarité active de son groupe ethnique ne lui a jamais fait défaut ! Jusqu’à preuve du contraire, la minorité clanique dissidente du groupe Abbas Koty et du CNR est restée marginale. Aucun autre chef politico-militaire, excepté Habré en son temps, n’a eu tant de soutien de « ses parents » comme IDRISS DÉBY.
Quatre, Idriss Deby considère ses amis et collaborateurs comme de potentiels adversaires : ainsi, il sait mieux que quiconque, même mieux que les marabouts, à quel moment la puissance et l’aura d’un collaborateur pourrait devenir un danger pour lui. Et il évite au mieux de se laisser surprendre, quitte à pousser à la gaffe. Nombre de chefs rebelles sont tombés dans son piège, en croyant être plus malins. Toutes les oppositions politico-militaires en gestation actuellement sont nées des préoccupations sécuritaires du général IDRISS DÉBY. À cela, il faut ajouter tous ceux qu’il a habilement ralliés à sa cause après les cures de diète sèche imposée aux partis d’opposition. Disposer des armes de ses adversaires pour les combattre est un art qui constitue l’un des atouts incomparables d’IDRISS DÉBY.
Cinq, Idriss Deby connaît les mentalités tchadiennes mieux que quiconque, que n’importe quel leader politique ou de la société civile. Sa capacité de s’adapter à la diversité de ses interlocuteurs lui permet d’avoir toujours une marge de manœuvre secrète, quelle que soit la situation. Si ses pourfendeurs l’accusent de ne pas être un homme de paroles, c’est parce que dans la pratique politique locale, il y a deux paroles qui font foi selon : ce qui se dit pour l’opinion et ce qui se concocte dans les salons de thé. En usant couramment de la délation, les interlocuteurs du Président IDRISS DÉBY le conforte et le légitime dans son rôle de maître des jeux. Tout ce qu’ils vomissent pour gagner un poste ou une place au soleil, IDRISS DÉBY y trouve des données supplémentaires pour décider en son âme et conscience. Peu importe qu’on l’accuse de favoriser l’instabilité politique institutionnelle permanente : pour le Président IDRISS DÉBY, premiers ministres, ministres, colonels, préfets et autres ne sont que des passagers qui peuvent être débarqués à tout moment, en l’air, lors d’une escale, selon la seule volonté du commandant de bord qu’il est, après Dieu. Il connaît l’insatiabilité des cadres tchadiens pour les postes, en l’absence d’un sens civique et de dignité élevée. En les remplaçant constamment, il s’assure le zèle des plus cyniques prêts à tout pour satisfaire leurs ambitions mondaines. Et il semble avoir pleinement raison puisque les candidats se font toujours plus nombreux !
Six, Dans le même ordre d’idée, selon la logique des états-majors, IDRISS DÉBY a toujours le dernier mot sur ses adversaires : ceux qui se retrouvent en prison ou clochardisés dans la rue peuvent s’estimer heureux d’avoir la vie sauve ! Même en exil, il ne faudrait pas croire échapper facilement au poing du général IDRISS DÉBY. Seul Dieu pourrait vous protéger si vous êtes dans la ligne de mire et non pas vos mille précautions ! Cet aspect des choses rend IDRISS DÉBY extrêmement redoutable, comme César, et apprécié des stratèges politico-militaires français qui n’en demandent pas mieux. Pour ces milieux à la logique implacable, c’est plutôt un grand atout.
Sept, ses traits de caractère lui auront souvent porté chance sur le plan stratégique. Par exemple, ce fut en douceur qu’il acheva de régler le litige tchado-libyen d’Aouzou et il devint tactiquement le pilier de la CENSAD. Dans cette position, il s’impose comme le garant de la paix des braves entre les visées libyennes et le nationalisme tchadien. Malgré les méfiances, en dépit de l’existence du Mouvement pour la Démocratie et la Justice au Tchad (MDJT) Toubou, le remuant voisin du Nord ne pourra se passer si vite des services du général IDRISS DÉBY, s’il veut prétendre viabiliser son espace vital CENSAD. Paradoxalement, l’arrivée en force des intérêts pétroliers américains dans le décor est un atout supplémentaire pour dissuader le voisin du Nord de ne plus réitérer les aventures d’invasion et de déstabilisation d’antan.
Huit, par rapport aux Français, IDRISS DÉBY reste la seule carte encore valable à moyen terme. En effet, le général Déby a rendu d’immenses services à la préservation du pré carré français en Afrique Centrale, par les interventions militaires en RDC, au Rwanda, au Congo, en Centrafrique. L’armée française a donc une grosse dette envers lui. Aucun autre leader, même ancien militaire, ne peut rivaliser sur ce point de relations soudées entre les généraux légionnaires de Paris et IDRISS DÉBY. Leur lobby ayant la mainmise totale sur la politique de la sous-région, c’est une garantie et un atout supplémentaire pour le général Déby. Paris n’est toujours pas prêt d’accepter l’arrivée au pouvoir à N’Djamena d’un civil, de surcroît par la voie légitime des urnes. Patassé en avait fait l’amère expérience en Centrafrique et IDRISS DÉBY dut être sollicité pour mettre un terme à « son imposture » (selon ses propres termes). Ce rôle de gendarme régional, à lui seul, justifie aux yeux de Paris, la préférence perpétuelle pour IDRISS DÉBY.
Ce sont là quelques atouts principaux qui font d’IDRISS DÉBY l’homme indispensable du point de vue des puissances intéressées par le Tchad. Peu importe les tableaux sombres que les Tchadiens eux-mêmes, à travers les partis politiques et les associations civiles, font de l’œuvre du Président Déby et de son régime. Pour le moment, l’ensemble des intérêts collectifs des Tchadiens pèse peu sur la balance par rapport à ce que représentent, en terme de garantie par les atouts d’IDRISS DÉBY, les intérêts mercantilistes et stratégiques à court et à moyen terme des puissances étrangères. Le pouvoir au Tchad est avant tout un point d’équilibre entre intérêts géostratégiques étrangers, et cela pour des années encore. Le président Déby l’avait lui-même déclaré un jour.
L’exploitation du pétrole ne fera qu’accroître ces pesanteurs d’ingérences extérieures : les acteurs politiques tchadiens devraient définitivement cesser de jouer aux choristes naïfs en continuant de ne voir que des principes et des idéaux charitables du côté des partenaires de leur pays. Il faudrait désormais s’exercer à faire les parallèles avec des intérêts implacables, en vertu desquels des surprises fort désagréables pourraient leur être servies collectivement. S’en prendre à la personne de Monsieur Jean-Pierre Berçot est une marque de naïveté indélébile des auteurs de la pétition adressée au Quai d’Orsay contre ses propos du 14 juillet 2005. Car il n’a fait qu’exprimer une position très officielle de son pays, qu’on le comprenne ou non ! Les élites tchadiennes sont peut-être en retard sur la nouvelle lecture de la réalpolitique africaine, sur la Françafrique et le redéploiement américain, qui est déjà d’ordre public international. N’est-il pas temps de se décoloniser mentalement et d’évoluer ?
Alors IDRISS DÉBY aurait-il, par ces atouts relevés ci-haut, une baraka éternelle ? Tout homme, quoi qu’il fût par sa puissance, par sa fortune ou sa réussite sociale, a des faiblesses qui peuvent parfois causer sa ruine totale, mieux que les coups de ses adversaires.
Les faiblesses du président Deby
Premièrement, la plus grande faiblesse du Président IDRISS DÉBY, c’est sa faiblesse envers les siens, ses proches Béri des clans Kouryara et Ourara. Il est vrai qu’il avait pu compter sans limite sur leur solidarité tribale, mais le destin de chef d’Etat est personnel et unique. Ni en monarchie, ni en république dans l’histoire de l’humanité, ce rôle ne se partage avec un clan, une tribu, une ethnie entière. En pratiquant la discrimination en faveur des siens, d’une ampleur jamais connue auparavant, dans un pays où plus de deux cent ethnies différentes cohabitent tant bien que mal, IDRISS DÉBY a créé une confusion et un danger difficilement contournable pour l’avenir des siens. Ceux-ci auraient de meilleures perspectives s’ils avaient gardé leur place naturelle parmi les composantes de la nation. Malheureusement, la confusion profonde et aveugle entre eux et le pouvoir d’IDRISS DÉBY amplifie les risques de péril qui planent sur la fin éventuelle d’un régime quelconque en Afrique. Même si nous autres sommes si vulnérables et méprisables, nous devons avoir le courage et l’amour de prévenir ceux de nos compatriotes qui ne savent pas là où ils vont, quitte à ne récolter que violence et souffrance.
Deuxièmement, tout tient à la personne physique du Président IDRISS DÉBY. Personne dans son entourage ne dispose des mêmes atouts que lui pour profiter un jour de son héritage politique. Tous ces pantins, avec les mêmes appuis extérieurs et la même baraka, n’auront pas la trempe nécessaire. C’est pourquoi, dans les milieux des puissances, la disparition d’IDRISS DÉBY est d’abord perçue comme une catastrophe. Et c’est IDRISS DÉBY qui l’aurait voulu ainsi, dans la pure tradition napoléonienne. Car avec ses atouts, il pouvait, s’il le voulait, très bien construire une véritable armée nationale sous contrôle. Une telle armée serait seule en mesure de mieux stabiliser les acquis de son pouvoir et éviter les revanches génocidaires. Une armée clanique, en son absence, cristallisera les ressentiments de la majorité des Tchadiens contre elle (et le groupe tribal de référence). À court terme, l’armée tribale sera gagnante dans une confrontation post-Déby, mais à moyen terme on ne voit pas comment elle échapperait au rouleau compresseur des milices populaires et fragments d’armée résiduelle des autres groupes ethniques du Nord au Sud, qui se seraient réarmés et réactivés entre temps ? La seule possibilité d’éviter une telle probabilité chaotique, c’est de régler tout de suite la question de la réorganisation de l’armée nationale. La conscience du général Idriss Déby, en tant qu’officier supérieur formé dans les traditions républicaines, est vivement interpellée en faveur de la paix pour les générations montantes, lasses des guerres pour la guerre sans fin !
Troisièmement, dans le même ordre d’idées, le sujet étant très sensible et dangereux, il y a en vérité moins de risques pour IDRISS DÉBY en décidant de ne plus briguer un autre mandat qu’en insistant pour rester coûte que coûte au pouvoir. Car les tares et les avaries de son régime, en prenant des proportions incontrôlables, priveront IDRISS DÉBY de ses atouts plus rapidement et mieux que ne l’auraient fait ses adversaires. Pour se donner une carrure et une légitimité propre qu’ils n’ont pas, ceux-là même qu’il a fabriqué et tant chéri contre les autres, déclencheront par maladresse et excès de confiance l’apocalypse tant redoutée. Et ils y seront cyniquement encouragés jusqu’à l’autodestruction totale du clan. Cette hypothèse, le Président Déby l’avait lui-même émise dans ses commentaires lors de l’affaire brumeuse du coup de force manqué du 16 mai 2004. Ce n’est donc ni une diffamation, ni une injure ni une incitation à la haine tribale, mais une probabilité reconnue par le Président lui-même ! Alors, comme un adage de chez nous le dit : « Qui peut détacher de ses liens l’hyène, mieux que celui qui l’a attachée ? ».
Nous préférons nous arrêter là, car pour ça seulement on peut vous couper la tête ou vous jeter dans la fosse aux lions ! Mais vraiment, si l’on devait approfondir cet exercice d’analyse politique, on aboutirait quand même à la confirmation de l’adage selon lequel « les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent ». Nous voyons venir la clameur et la réprobation virulente, de part et d’autre contre cet article. Cependant, en empruntant une logique de « militaro », comme l’aurait mieux dit notre regretté ami Roné Béyem, nous sommes sûrs d’une chose : nous serons mal lus et mal compris, une fois de plus ! Advienne que pourra !
Djondang Enoch
[1][1][1] Propos de Son Excellence Jean-Pierre Berçot Ambassadeur de France au Tchad le 14 juillet 2005, et qui tient lieu actuellement de leitmotiv pour la répression sévère et « pour l’exemple » de l’exercice de la liberté d’opinion.
[2][2][2] Redoutable Ministre de l’Intérieur d’Hissène Habré, arrêté et tué après le 1er avril 1989 par la DDS, terrible police politique de la dictature déchue.
[3][3][3] Sous-groupe ethnique des Zaghawa vivant entre Fada et Iriba dans le Nord-Est du Tchad voisin Darfour soudanais. Zaghawa et Bidéyat se regroupe sous l’appellation Béri distincte des Goranes et Toubous.
Nul ne peut ignorer que notre culture tchadienne avec toutes ses diversités, est en nette stagnation, pour ne pas dire en état de régression ,cela est dû évidement à plusieurs raisons subjectives et objectives, je peux citer parmi tant d’autres, le manque de considération et du respect aussi bien populaire et officiel à l’égard des hommes et des femmes de la culture, (artistes, humoristes, musiciens, etc.),la quasi inexistence des infrastructures à caractère culturel, à savoir les maisons culturelles, les centres de formation ,et la liste peut s’allonger. mais au-delà de toutes ces raisons qui menacent l’existence de notre riche culture tchadienne, nous devons d’abord déterminer les responsabilités qui sont à l’origine de cette régression remarquable que vit notre culture dans toutes ses formes, en commençant par la musique et les chansons traditionnelles et modernes qui ne comptent qu’une poignée des professionnels, la plus part d’entre eux sont inconnus au niveau national, tandis que les autres malgré leur notoriété médiatique et sociale .n’incarnent pas la vraie culture tchadienne, qui fût incarnée par des talentueux comme Ahmat Pecos, Ahmad Djalali et Moussa Chauffeur, quant au niveau théâtrale et cinématographique, je peux dire avec regret que jusqu’à maintenant le Tchad n’a pas pu enregistré de succès dans ce domaine, ni sur le plan populaire, ni sur le plan institutionnel, puisque tous ceux qui s’engagent dans ce genre des domaines, se heurtent finalement à des difficultés socio-économique qui les obligent à abandonner cette voie et à chercher une autre alternative, à titre d’exemple : toutes les troupes théâtrales ou presque, disparaissent après une courte durée d’existence. !!!
Quelles sont les causes déterminantes de ce fiasco culturel ?
D’après mon humble analyse, La non considération, le mépris et le rejet qui sont réservés par notre société à tous ceux qui veulent incarner, interpréter et diffuser notre culture, sont l’une des principales causes.
Nous pouvons certes, nous ouvrir à la culture des autres, sans que cette ouverture soit au détriment de notre propre culture.
Les responsabilités sont-t-elles partagées ?
Les responsabilités sont sans nul doute partagées entre l’individu et la société sans pour autant oublier l’Etat, qui lui aussi se taille la part du Lion dans ce cette sérieuse crise. D’abord chacun d’entre nous est appelé à respecter, avant les autres, ses valeurs culturelles et traditionnelles, les montrés aux autres, si l’occasion se présente, malheureusement, l’individu tchadien s’est désintéressé de ce devoir.
La transmission des valeurs culturelles et coutumières d’une génération à l’autre doit être garantie par la société (la famille, l’école, l’entourage…) et cette dernière doit jouer son rôle dans ce sens, cela ne se réalise qu’à travers une renaissance culturelle générale, prônée par les élites les plus influentes culturellement dans notre société, à savoir les Musiciens, les Artistes, les Journalistes, les Ecrivains, les Educateurs et tous les intellectuels.
Je ne saurai terminer sans rendre un sincère hommage au courageux cinéaste tchadien Mahamat Saleh Yacoub, ainsi qu’à tous ceux qui militent à l’intérieure comme à l’extérieure du Tchad, pour la renaissance de l’identité tchadienne.
Abdelsemi Ahmad Djibrine
A - une terre, des hommes, des animaux et des plantes.
L’homme sent toujours la chaleur de ce qu’il aime. Vers où orienter son affection si ce n’est vers son terroir ? Comment ne pas percevoir les sanglots de sa terre natale lorsque les méandres d’un destin tragiques s’unissent en bregma et portent des coups aussi fatals que compromettants ?
L’Ennedi (c’est d’elle que je veux parler), éternel paysage, bombait son bréchet en sorbet de grège et embrassait tous les peuples par son sol avenant, riche d’eau, de pâturages et de gibiers. Des hommes persécutés par d’autres hommes, des familles acculées par l’histoire, des communautés en quête de ciel bienveillant, tels des oiseaux migrateurs qui faisaient une ultime halte, trouvèrent en Ennedi une terre de refuge. Depuis plus de trois milles ans l’Ennedi accordait l’asile et le gîte à tout martyrisé qui cherchait protection. Hérodote, l’historien grec et natif d’Halicarnasse (vers 484 avant J.-C.) de passage pour la Cyrénaïque et côtoyant les plateaux en grés de l’Ennedi, baptisa les peuplades qui y habitaient « les Ethiopiens troglodytes. » Extrême méfiance de la survie obligeait, ces tribus faisaient le vide devant tous les aléas de l’histoire, dans leur agilité des biques. Depuis la visite de l’historien grec, des peuples sont venus de tous les horizons pour peupler les coins les plus retranchés, les vallées les plus foisonnantes de gibiers, les pâturages les plus accueillantes et les points les plus aquifères. La montagne leur servait de forteresse, de bouclier et de refuge dans le cas de moindre alerte!
Le climat, jaloux de l’hospitalité de ce terroir, décida d’instaurer sa dictature d’assèchement et les terres humides se vidèrent de leur vitalité, s’essorant comme des peaux de chagrin. Les hommes se rendirent compte que la terre, en cet endroit-là, ne voulait plus les contenir. Des grands exodes vers le Sud se présentèrent comme une nécessité. Les hommes hommes poussèrent alors leurs vaches aux cornes en rapières pour descendre vers le Bhar-el-ghazel pour fonder le royaume mythique du Kanem. Tous ne furent pas partis et les uns s’obstinèrent à braver la sécheresse et à jurer fidélité à leur matrice. Des hommes sont certes restés, mais aussi les animaux et les plantes dont la présence contrastante continue de subjuguer l’esprit des hommes et des sciences.
De nos jours, parmi ces dévoués parmi les dévoués, se trouvent les crocodilus niloticus, proches congénères du crocodile du Nil et retranchés dans les gorges du Guelta d’Archy. Ces sauriens, sobriété impose, réduisent leur physiologie et leur anatomie pour parer à la rudesse de la terre ennedienne devenue radine. Maîtres incontestés des eaux intarissables du Guelta, les seuls sauriens rescapés de tout le Sahara perpétuent leur existence par un pacte avec le dieu de la survie. Ils hébètent les visiteurs par leur présence insolite et inattendue. Majestueux, ils communiquent leur hospitalité en cédant les berges et les bans d’Archy par une apnée discrète dans les profondeurs de leur biotope.
Les damans, grassouillets ruminants, se jettent du haut des acacias au signal de leur factionnaire en poste et regagnent leurs terriers creusés dans l’âme des montagnes. Après le passage du passant qui passe son chemin, objet de leur précipitation vers les abris, ces sortes de suricates de l’Ennedi répondent à l’appel des bourgeons et feuilles des acacias et savonniers.
Le mouflon à machette scrute l’horizon du haut d’un piémont avant de regagner la vallée et dévorer les gousses d’arbres généreux.
Les fouettes-queues, localement appelés dounedoune et scientifiquement l’uromastyx dispar dispar, nuques collées aux parois des rochers, résistent aux efforts des bergers qui raffolent leur chair douce et savoureuse. Quand le soleil bascule de son zénith et ses rayons portent la chasuble de la clémence, ces lézards de palmiers se lancent en quête d’une nourriture frugale. Leurs ébats amoureux se bercent aux roucoulements des colombes bleues qui, elles-mêmes, vivent leurs amours, gésiers remplis des graines sauvages providentielles.
L’oiseau lourd ou l’outarde ou localement kourouloukou, chair susceptible de réveiller la virilité évanescente d’un prince du Golfe, accorde peu d’attention à sa sécurité précaire et déambule de gommier en gommier, en glanage des gommes arabiques qu’elle avale avec appétit.
Les lycaons, carnassiers voraces, rebelles et faussant compagnie au chien qui a accepté son adoption par l’homme, vivent en meutes solidaires depuis la nuit du temps et défient l’homme de l’Ennedi en s’attaquant à tout animal domestique loin des pâtres.
L’hyène dans sa robe rayée, son train bas et son garrot haut, jette mufle en l’air, avant d’engager nuitamment un assaut meurtrier dans une bergerie mal gardée. Ses crocs de plusieurs tonnes se serrent sur sa proie qu’elle emporte vers sa tanière, semant les bergers qui se lancent à ses trousses.
Le chacal, bruyant par ses glapissements nocturnes, a vainement tenté d’avertir les chevriers de l’arrivée inamicale de sa lointaine parente, l’hyène, à qui il emboîte les pas avec prudence. Profitant du tohu-bohu occasionné par la visite de la dame hyène, le malicieux chacal s’approche à son tour de l’enclos des cabris et s’empare d’un agneau qu’il l’étouffe entre ses crocs effilés.
Bien qu’en mutation régressive, la terre de l’Ennedi reste encore un havre d’une flore variée : de l’anodin et commun Caletropus procera ou sanou à l’Acacia aegytiaca et autre Cornulaca monocantha, en passant par l’Acacia scorpioïde ou téréli, l’Acacia seyal ou Edzri, l’Aristida plumosa ou maly, l’Acacia radiana ou téhi, Hyphaena thebaïca ou palmier-doum, Panicum turgidum ou guin-chi, Salvadora persica ou ouyou, Boscia augustifolia ou arkinn, Acacia laeta ou touhou-i, Phoenix daeta ou timi (palmier dattier) etc… Une mystérieuse plante subsiste encore dans la gorge rocheuse humide de Bachikélé et ses congénères se trouvent à trois mille kilomètres, au Cameroun. Cette présence insolite laisse inextinguible et inoxydable la mémoire de l’Ennedi à sauvegarder ses vieilles relations hospitalières. Une mémoire taillée dans le roc et gravée sur le papyrus des temps pharaoniques.
Dès les premières pluies d’une saison peu grippe-sou, la vie végétale ressurgit et chaque plante donne sa dîme à l’homme et aux animaux. Les plus démunis des arbres servent aussi à quelque chose, par exemple servir de support à une niche ou à un nid d’oiseau.
Cette narration qui apparaît de prime abord comme une éloquence à la nature est loin d'être l'objet de mon opinion. En effet des drames qu'a connus l'Ennedi seront relatés dans un second article qui sera intitulé: les sanglots de l'Ennedi (2)
(à suivre donc!)
Sidimi Djiddi Ali Sougoudi
Les rites sexuels d’origine préhistoriques ne sont jamais regardés en face. Nul n’osait et n’ose le faire tant ils sont mystérieux, choquant et affreux. La prostitution sacrée, le droit de cuissage (femme confiée à un monarque pour un temps avant de regagner son futur conjoint), le culte de lingam et du yoni, la circoncision sont les vestiges les plus connus de ces pratiques mystérieuses dont la propagation a été universelle et dont le rôle, dans la formation des religions et des sociétés, a été capital. L’accouplement bestial (entre Eve et le serpent) fait apparaître une hypothèse surprenante sur les origines de l’humanité. L’accouplement rituel entre une prêtresse et un prêtre (ainsi que les fidèles entre eux) a été un usage si répandu que, au temps d’Hérodote, « sauf les grecs et les égyptiens, tous les peuples faisaient l’amour dans les temples.» En 1877 le clergé orthodoxe tolérait encore - une fois par an- des accouplements de fidèles dans une église chrétienne.
Ne faut-il alors survoler une foule de croyances, superstitions, usages sociaux ou religieux pour édifier les esprits sur l’arlequinade de ces pratiques ?
1 - les cultes sexuels : la femme et l’animal.
Pendant une période certainement très longue, il a existé partout une cérémonie consistant à livrer les femmes vierges à des animaux, en vue de défloration.
* le bouc de Mendès : la ville de Mendès en Égypte vénérait le bouc et ses habitants avaient une cérémonie religieuse au cours de laquelle une femme et un bouc étaient accouplés.
* le rite de Kenelcunnil (Irlande) : dans cette partie de l’Irlande, près de l’Ulster, les païens de l’époque procédaient à un accouplement d’un homme et un animal. A l’occasion d’une intronisation du roi, la tribu se réunissait autour d’une jument blanche. L’homme destiné à devenir roi devait s’accoupler en public avec la jument. Ensuite l’animal était égorgé et la viande cuite. Le futur roi devait prendre un bain dans le bouillon (rite de baptême) tandis que la chair était partagée (communion) entre lui et les membres de la tribu. Cette cérémonie regroupait quatre rites : accouplement, meurtre, baptême et communion.
* de nos jours chez certaines peuplades totéistes d’Afrique ou d’ailleurs, le jeune homme doit avoir commerce avec un animal vivant ou avec le premier gibier tué, lors de l’initiation.
*l’asvamedha dans l’Inde ancienne : l’on sacrifiait un cheval en l’étranglant (sans égorger) ou étouffé par des étoffes précieuses. Les femmes du roi faisaient une procession autour du cadavre, trois fois vers la droite et trois fois à gauche. La première épouse s’approchait du corps de l’animal, saisissait le membre viril du cheval et le faisait entrer dans son …vagin.
*Stavorinus, un hollandais qui voyagea dans l’Inde entre 1768 et 1771 notait que les femmes et les hommes s’accouplaient aux animaux dans la localité de Batna. Une femme indigène avait voulu assouvir sa fureur érotique avec un étalon. Cela lui coûta la vie quelques heures plus tard.
2 - l’accouplement rituel :
Le mot harem dériverait du HRM selon Pierre Gordon et désignait le lieu sacré, le sanctuaire en plein air. D’où la notion de la présence des femmes dans les sanctuaires en vue de l’accouplement rituel.
En Afrique, chez les Yorouba du Nigeria du Sud, la cérémonie de l’accouplement rituel commence par l’union entre le prêtre et la prêtresse. Ensuite les fidèles s’isolent par couples dans les ténèbres. Les hommes doivent prendre autant des partenaires qu’ils le peuvent. Dans une secte de la tribu de Balouba, les femmes doivent se livrer à tous les hommes présents à la réunion.
La « danse des chefs » chez les bushmen : au cours de cette danse les femmes se rangent en cercle. Le « chef », le sorcier et le magicien se place au centre. Lorsque la danse commence, le chef se met à sauter à quatre pattes comme un animal. Les danseuses s’agitent alors en prenant les postions les plus licencieuses. Au bout d’un moment le chef bondit sur la femme la plus avantageuse sur le point de vue de la lascivité.
3 - la défloration rituelle : (la défloration = faire perdre la virginité d’une fille)
Pendant une longue période, les hommes reçurent leurs épouses des animaux. La défloration rituelle a continué, l’animal étant remplacé par un prêtre, un roi, un étranger etc.
- La nuit de noces : dans de nombreuses traditions anciennes appartenant à toutes les religions de la terre, il fut jadis une époque où les filles étaient obligées d’aller se faire déflorer par des religieux vivant dans les forêts, revêtus de peaux de bêtes et de cornes d’animaux. Ces religieux préhistoriques appartenaient à des confréries initiatiques. Ils étaient hommes-taureaux, hommes-chevaux, hommes-loups, hommes-lions. Ils revêtaient pour l’occasion selon le cas la dépouille de l’un ou de l’autre de ces animaux. Les hommes-lions existent de nos jours dans le Sud du Tchad mais l’on ne sait s’ils jouent aux rites de défloration !
- La défloration matriarcale : c’est la défloration rituelle par les femmes dans le matriarcat. L’animal, la femme et l’homme ont exercé tour à tour la fonction de déflorateur, dont le mari est devenu le titulaire dans les sociétés
Musulmanes et chrétiennes patriarcales. À une époque reculée, la défloration de la jeune fille par une femme constituait un rite très répandu.
Au Pérou, la mère déflore sa fille dans un lieu public. C’est également le cas au Kamtchatka et à Madagascar. Aux Philippines et en Afrique centrale, la défloration est effectuée par les vieilles femmes du clan. Elle est souvent suivie de la dilatation forcée du vagin.
Au Béloutchistan, elle est pratiquée avec un rasoir.
Diodore de Sicile parla des mœurs des habitants des îles de Baléares : « pendant le festin de noces, les parents et les amis vont l’un après l’autre, depuis le premier jusqu’au dernier, d’après le rang d’âge, jouir des faveurs de la mariée. Le jeune époux est toujours le dernier qui reçoive cet honneur.
En Océanie, chez les tribus Aruntas, le fiancé confie sa future épouse à plusieurs de ses amis qui l’entraînent dans la brousse où ils la déflorent avec un couteau de pierre, avant d’avoir des relations sexuelles avec elle. Les autres hommes de la tribu peuvent se satisfaire autant. Le jour de la cérémonie, la fille vient s’asseoir sur les genoux de sa mère et pleure. Le fiancé la demande en mariage. La mère prend la main de sa fille et celle de son futur gendre, les met l’une dans l’autre. Le mariage est considéré comme conclu. La fiancée passe sa nuit de noce… chez sa maman !
Aux îles Marquises, les invités participent à la nuit nuptiale, du plus vieux aux plus jeunes.
La défloration avant la puberté est une coutume plus particulière à l’Inde. Chez les Todas, elle est pratiquée par un homme venu d’une tribu voisine et qui passe la nuit avec la fillette.
Au Cambodge, c’était le prêtre qui déflorait la fille pendant la cérémonie avec son doigt trempé dans du vin. Ensuite le vin est bu par la famille du mari.
La défloration aux enchères : actuellement la défloration rituelle est pratiquée en Afrique. Elle s’est occidentalisée, donc commercialisée. Quelquefois le jeune époux noir, après la cérémonie du mariage met la défloration de sa femme aux enchères. Le bénéficiaire de l’adjudication est enfermé dans une case avec la jeune femme et le mari attend à la porte.
4 - Le mariage par le rapt et violence
Autrefois, quand la bête déflorait les filles, celles-ci, effrayées, prenaient la fuite. Une rejointe, on devait user de violence pour la ramener et on la contraignait à subir l’assaut de la bête qui, probablement, était quelquefois mortel.
La fuite de la femme et sa capture ont dû tellement impressionner nos lointains ancêtres qu’à une époque récente il se pratiquait la fuite de la femme, la poursuite de l’homme et la résistance simulée de la fuyarde. Une vierge prend toujours la fuite. Il s’en toujours une poursuite et parfois une lutte.
Dans les régions du Nord du Tchad, chez les Toubous (Gorane) ce rite est toujours d’actualité. La fille est d’abord prise par un enlèvement socialement accepté après la « fatiha » ou dot. Le fiancé et les siens doivent impérativement veiller sur elle pour l’empêcher de s’évader. Au moment du rapt il peut s’en suivre une violence, si la jeune fille est entourée de ses amies ou parents collatéraux.
En Laponie, il n’existait naguère de mariage que par enlèvement et la plus grande violence y présidait. De même qu’en Océanie.
Chez les Araucans, le mariage traditionnel consiste en un rapt d’une rare violence.
En Russie, en milieu chrétien, le fouet jouait un rôle important au siècle dernier. Il figurait dans chaque foyer et c’était un devoir pour le mari de fouetter son épouse. Au BET qui est trop loin de la Russie, « angouli-karah », la cravache en cuir d’hippopotame est très souvent employée pour mener la fiancée récalcitrante. Elle est l'emblème qui accompagne tout nouveau marié qui la brandit en toute circonstance.
5 - la prostitution rituelle :
Les cités sacerdotales et les temples ont pris la suite des anciens cultes en plein air. Il y eut des accouplements rituels. C’était la prostitution sacrée !
Hérodote disait : « il y avait à Babylone un temple de Mylitta. Toute femme née dans le pays était obligée, une fois dans sa vie de se rendre à ce temple pour s’y livrer à un étranger. »
Chez les arméniens les filles de gens distingués se prostituaient dans les temples d’Anaitis pendant très longtemps avant de se marier.
En Lydie, les filles s’adonnaient dans les temples à la prostitution, puis se mariaient en apportant comme dot le fruit de leur prostitution. Dans ce royaume de Lydie, au II° siècle, Aurélia Aemilia reçut d’un Oracle le conseil impératif d’aller se prostituer dans le temple comme c’avait été la coutume de ses ancêtres (coutume tombé en désuétude à son époque.)
À Babylone, le mariage consistait en une vente aux enchères. Les plus jolies femmes trouvaient sur-le-champ des maris opulents qui payaient le prix fort. Le produit de la vente était partagé entre les hommes qui consentaient à prendre pour épouses les plus laides et celles qui n’avaient pas trouvé acheteur. Ce marché de filles avait lieu dans chaque ville deux fois par an ; il était présidé par trois habitants connus pour leur honnêteté.
Les Sonah du proche orient étaient des prostituées au service de sa grande déesse.
À Jérusalem, dans l’enceinte du temple, des femmes devaient vivre confinées dans des cellules. Elles tissaient des vêtements pour les pieux sacrés qui étaient des piliers, colonnes, obélisques et phalles qui reproduisent l’organe sexuel masculin. Il y avait dans les temples des hommes consacrés qui s’acquittaient d’une fonction religieuse : défloration des vierges. Ces hommes furent chassés du temple à une époque où fut publiée la défense d’y apporter le prix de la prostitution.
6 - la dot
La dot apportée par l’épouse au mari est constituée à l’origine par le salaire de prostitution de jeunes filles. Ce genre de tribut, quand les mœurs évoluent, sera versé par un cadeau fait par le beau-père.
Le tombeau du père de crésus – Alyatte- avait été payé avec la contribution des marchands, des artisans et des prostituées. La part de celles-ci était la plus considérable.
A Hiérapolis, près de l’Euphrate, des femmes se tenaient assises devant le temple pour faire commerce de leurs corps. Le gain était soit utilisé pour obtenir la protection de la déesse soit pour se constituer une dot en vue de se marier.
Dans la nouvelle Numidie, à Cicca, existait une colonie phénicienne qui se rendait dans les temples pour se prostituer et amasser une dot. La coutume fut supprimée par l’empereur Constantin.
Dans l’île de Chypre, le soir venu, les femmes avaient coutume d’errer sur les rivages dans le but de séduire les étrangers. Toutes les filles qui naissaient à Chypre étaient vouées au service de la déesse et devaient s’offrir aux hommes.
En Grèce, pour le culte d’Aphrodite à Corinthe, les femmes libres venaient se prostituer dans le temple du Mont Eryix qui était aussi ancien que riche, dans l’enceinte duquel d’innombrables colombes, oiseaux consacrés à Aphrodite étaient nourris.
7 - La prostitution hospitalière
Si les grands de ce monde peuvent bénéficier du droit de cuissage, la prostitution hospitalière est une adaptation à l’usage des gens communs.
En Perse, une coutume existait à l’époque où Alexandre Le Grand envahit la Perse. Lors d’une invitation, quand un mari organisait un dîner, pendant le festin et le vin, ses épouses se déshabillaient. C’était une invite à l’accouplement.
La tribu africaine des Wagogo, on pratique l’échange des femmes entre les amis. C’est également le cas des Basouto.
Chez les gallois, dans la confrérie de chevalerie, quand un membre de la secte visite un autre, celui-ci laisse son hôte avec sa femme, prétextant aller donner de l’avoine au cheval du visiteur. Celui-ci consomme alors la femme.
En Suisse, en juillet 1760, il subsistait un genre de prostitution hospitalière.
Parler des rites sexuels dans le monde est une tâche titanesque. La liste des bizarreries sexuelles est longue, très longue. En apportant ces quelques repères, j’ose croire que beaucoup auront compris que la sexualité est multiple dans ses rites. Ce qui est une infamie ou une outrance dans certains milieux demeure une vertu dans d’autres endroits. Comme quoi à chacun son passé et surtout à chacun ses coutumes et ses convenances. Les hommes du passé lointain nous auraient huée s’ils apprennent que l’on fait l’amour le sexe enveloppé dans des caoutchoucs (condom) ou l’on s’échange des salives lors de kiss french. Cependant il n’est pas interdit de jeter un regard dans la préhistoire de nos rites sexuels qui subjuguent par leurs singularités et leurs monstruosités.
Sidimi Djiddi Ali Sougoudi