Rien ne nous révèle autant au monde que les combats que nous choisissons de livrer. Dans tous les coins du Tchad, des voix s’élèvent aujourd’hui pour dénoncer les agissements des responsables administratifs et militaires qui n’en font qu’à leur tête. Au Sud, nombre de gens portent encore le deuil de leurs parents massacrés à l’arme de guerre par des compatriotes éleveurs ou commerçants originaires du Nord. L’ensemble des Tchadiens s’interrogent sur ce qui nous attend au-delà du référendum de mars prochain.
Et c’est ce moment que choisit l’Union des cadres musulmans du Tchad (UCMT) pour brandir ses revendications d’un autre âge. Avant d’aller plus loin, quelqu’un peut-il me dire à quand remonte la dernière prise de position de l’UCMT en faveur des droits humains au Tchad ? De quand date la dernière dénonciation, par cette organisation, de ces coups d’Etat réels ou imaginaires, et dont on a si peur des auteurs qu’on n’a pas osé les identifier publiquement jusqu’ici ? Je ne me souviens pas du dernier appel de cette organisation à une meilleure gestion des ressources nationales. Acquis à la cause du prince, les militants de l’UCMT se gardent bien de faire des vagues de ce côté.
Khadija Marfouk pensait sûrement à de pareilles gens que lorsqu’elle écrivait : « Fuir sa responsabilité par le silence des lâches, devenir sourd aux cris des opprimés sous les fouets des oppresseurs, devenir aveugle devant le sang des innocents versé injustement. S’évader pour ne pas témoigner, trouver mille et une excuse pour s’éloigner : le travail, la famille ou une prière qui ne s’achève jamais… » [i][I] Et c’est pour masquer cette scandaleuse fuite de responsabilités que l’UCMT et ses militants relancent le débat sur le code de la famille, avec pour unique argument que le projet de code « FNUAP » de la famille… ne leur plaît pas et viole la loi islamique.
Dans son dernier communiqué, l’UCMT s’insurge ainsi contre « la mise en chantier d’un projet de code pénal interdisant le mariage avant l’âge de la majorité fixé à 18 ans et en s’attaquant sans raison au droit de la succession musulman. » Estimant qu’on « se livre à un dénigrement en invoquant la scolarisation des filles pour condamner leur mariage » cette organisation avertit qu’elle « s’opposera à tout projet tendant à imposer, arbitrairement et par la ruse, des lois sans fondement. »
Comme à leur habitude, les commanditaires de cette association jouent les victimes d’un système socio-politique hérité des traditions judéo-chrétiennes. Ils usent du chantage religieux pour empêcher tout débat, au sein de la communauté musulmane, sur ce dossier. Toute critique à leur égard est présentée comme une hostilité à l’égard de l’Islam et des musulmans ; un chantage auquel très peu d’intellectuels tchadiens – musulmans ou autres – sont en mesure de faire face de nos jours.
Traiter les chefs de file l’UCMT de « fondamentalistes » ou « d’islamistes » est un doux compliment à leurs oreilles, d’autant plus que cela leur épargne la tache de nous démontrer en quoi leur vision de l’Islam répond réellement aux principales exigences du Coran et de la Sunna.[ii][II]. Ces mêmes individus sont prêts à vous dire – lorsque cela leur convient – que l’Islam (sunnite) n’a pas de clergé et que la religion est une affaire directe entre l’Homme et Dieu. En clair, chaque musulman agit selon sa conscience. D’où vient-il alors que l’UCMT, avec la bénédiction du Haut conseil des affaires islamiques, s’arroge des responsabilités religieuses qui excèdent celles du pape ? Cette situation est d’autant plus dangereuse que les leaders de cette organisation ne sont pas des lumières en matière d’interprétation des textes religieux.
Le tout n’est pas de connaître par cœur ces textes ; encore faut-il avoir l’aptitude à les resituer dans leur contexte socio-historique d’origine. Il faut aussi et surtout avoir le courage s’interroger sur leur pertinence pour notre société moderne. « Puisqu’il y a eu des différences, et en plus des différences vitales, entre les différents interprètes et commentateurs, il ne peut être question qu’une interprétation particulière soit imposée à tous les gens d’une époque, et encore moins aux générations ultérieures» [iii][III] note si judicieusement Asghar Ali Engineer.
Prenons le cas de l’âge légal de mariage de la jeune fille que l’on voudrait fixer à 18 ans et qui chagrine tant l’UCMT. Dans le temps, lorsque la femme était uniquement destinée à tenir la maison et à procréer, on la mariait très rapidement, c’est-à-dire, pour de nombreuses traditions, dès qu’elle avait passé le cap des 12 ans. Mais de nos jours, les filles sont des citoyennes à part entière, ayant droit à l’éducation et à la formation professionnelle. Serait-ce juste ou même rentable d’abréger leur éducation au nom du mariage ? A ce que je sache, ce ne sont pas tous les musulmans qui veulent marier leurs filles adolescentes. A preuve, de plus en plus de nos compatriotes musulmanes poursuivent des études supérieures.
Par ailleurs, les recherches médicales modernes ont démontré, chiffres à l’appui, les nombreux dangers du mariage précoce des filles. Il y a un an ou deux, une petite Sénégalaise envoyée en mariage était décédée des suites d’hémorragie suite aux rapports avec un mari assez âgé pour être son père. Autre chose : dans les traditions où les filles sont mariées dès l’adolescence – femmes-trophée qui font la fierté du mari ! -- les hommes deviennent très exigeants. Pour eux, une femme de 25 ans est une vielle fille. Ainsi, en mai 2002, Wafâ Abd Al-Latif Al-al Shaykh, présidente de la section d’éducation islamique en Arabie saoudite révélait que 1,5 millions de Saoudiennes avaient dépassé l’âge du mariage [iv][IV]. Devinez le sort qui attend ces femmes, victimes de traditions prétendument religieuses !
Dans de telles sociétés, la femme n’est pas différente d’une chemise ou d’une moto qu’on change dès qu’elle est passée de mode. Ainsi, divers journaux ont récemment fait état du cas du Saoudien Saleh al-Sayeri, 64 ans, qui, à force de vouloir toujours de jeunes épouses, en était à sa 58e femme, 58 femmes, dont il ne se souvient plus tellement. Cette situation es facilité par une législation islamique qui donne toute la latitude à l’homme de divorcer sans trop de salamalecks ! C’est sûrement là une perspective très alléchante pour l’UCMT et ses militants ! Nos filles et sœurs musulmanes ne méritent-elles pas mieux ?
Cette association fait état d’attaques non fondées sur le droit de la succession musulman. Or, nous savons que ce droit, très influencé par les traditions patriarcales de la péninsule arabique, est défavorable aux femmes. C’est pourquoi, au Maroc par exemple, la loi sur la réforme du code de la famille (Moudawana) vise spécifiquement à « consacrer l’égalité juridique entre l’homme et la femme. » Et cette loi marocaine fait passer l’âge minimum du mariage de 15 à 18 ans pour la femme et… l’homme[v][v]. L’UCMT prétendra-t-il que les Marocains et leur roi sont moins musulmans que les Tchadien ?
Cette tradition invoquée par nos « cadres musulmans » peut avoir des incidences bien au-delà de la communauté musulmane. Un exemple bien simple que l’UCMT fait semblant d’ignorer : le problème des enfants nés hors-mariage et qui, selon la tradition musulmane, n’ont pas droit à l’héritage de leur géniteur. En plus d’être injuste et illégale, cette pratique renforce l’irresponsabilité de certains individus qui vont « pondre » des enfants hors de leur foyer sans les reconnaître. À ce propos, quelqu’un m’a raconté une horrible histoire qui a connu une fin tragique. Un haut responsable musulman qui avait conçu une fille hors-mariage l’avait, par la suite, légalement reconnue. Cependant à son décès, sa famille rejeta catégoriquement la fille et la déshérita au nom de la tradition. Humiliée et dévastée, cette dernière se suicidera, plongeant sa famille maternelle dans une grande tristesse. Cela s’est passé, il n’y a pas si longtemps, à N’Djamena.
Évidemment, l’UCMT n’a pas poussé la réflexion jusqu’à ce niveau. Ses militants préfèrent le sombre voile de l’obscurantisme religieux, garant du statu quo dans notre pays. Il leur permet d’une part, de dormir tranquille, et d’autre part, de rassurer « en haut lieu » qu’ils tiennent toujours le bas-peuple dans le Septentrion, et que tout va bien dans notre pays. L’Islam, le vrai, invite les dirigeants de toutes les religions à se donner la main pour promouvoir le bien et la concorde. Les motivations de l’UCMT sont strictement politiques et il est dommage qu’aucun compatriote musulman n’ait eu, jusqu’ici, le courage de confronter ouvertement cette association sur ce terrain !
Timothée Donangmaye
[1][I] “Al-Hour, l’Homme Libre” texte publié sur le site SaphirNet.Info, décembre 2003.
[1][II] Recueil des actes et paroles du prophète Mahomet.
[1][III] “A propos de la méthodologie d’interprétation du Coran” texte tiré du site “études-musulmanes.com”en juin 2003.
[1][IV] Site internet “Chronologie de l’Arabie Saoudite.2002”
[1][V] Site Internet “Le Portail des Ong du Moyen-Orient”
Je présume que de nombreux compatriotes ont applaudi le discours prononcé par le président Idriss Déby à l’occasion du 8 mars, journée internationale de la Femme. Ils ont sûrement apprécié sa promesse de faire adopter dans les meilleurs délais, par l’Assemblée nationale, le projet de code de la famille. Si l’on s’en tient à ce discours, le président Déby, qui est lui-même musulman, rejette implicitement le projet de code musulman de la famille élaboré par l’Union des cadres musulmans du Tchad (UCMT.) « Le code de la famille, nous l’avons tiré de la Constitution. Et, cette constitution a été votée par tous les Tchadiens,» avait-il, en effet, martelé.
Cependant, j’estime que la sortie du chef de l’État sur cette question vient avec du retard. Car cela fait au moins un siècle – et j'exagère à peine ! – que l'UCMT et ses militants empoisonnent l'atmosphère nationale avec leur projet de code musulman de la famille ! Certains de leurs leaders ont même menacé de soumettre leur document à un référendum où il passerait comme une lettre à la poste, les musulmans étant, selon eux, majoritaires. Malgré tout, nous avons eu comme l’impression que le sujet ne préoccupait pas nos dirigeants.
Les seules prises de position gouvernementales avant celle du président de la République -- à ma connaissance tout au moins ! -- ont été celles de deux femmes... méridionales de surcroît : Mesdames Agnès Alafi et Fatimé Kimto. Or, nous savons que c’est dans la partie septentrionale du pays que les jeunes Tchadiennes accusent un grand retard dans le domaine scolaire. Un code musulman qui les sortirait de l’école dès 14 ans pour les marier ne ferait qu’aggraver cette situation. Pourtant, on ne dirait pas que le sort de ces jeunes filles préoccupe réellement au Nord.
Je suis, par ailleurs, déçu par le « timing » de la mise au point présidentielle concernant le code de la famille. Celle-ci avait sa place dans le discours présidentiel de Gounou Gaya (décembre 2004) sur la réconciliation nationale. Lorsque le président avait, à cette occasion, parlé de l’édification d'un « Tchad laïc » c'était le lieu de rappeler à l'ordre ces musulmans égarés de l'UCMT qui, avec l'appui des Oulémas et en violation de nos lois, tentent d’imposer un code musulman de la famille. Leur rejet du projet national de code de la famille n’a fait que renforcer l’incompréhension entre musulmans et non-musulmans au Tchad.
Les filles et les femmes ont toujours été victimes de toutes sortes d’injustices chez nous. Mais en ce qui concerne le code musulman de la famille, elles n’allaient être que les victimes collatérales d’un sombre dessein : celui de politiser et d’instrumentaliser l’Islam aux fins de pérenniser au Tchad un pouvoir nordiste et musulman. Il s’agissait pour l’UCMT de mesurer sa capacité de mobilisation des nordistes autour d’un thème religieux comme le code musulman de la famille. Par leur silence, nos frères nordistes et musulmans ont conforté l’UCMT dans sa conviction que le musulman soutient toujours le musulman, même si ce dernier nage visiblement dans une mer d’erreurs et l’ignorance.
« Moi, je dis que le code de la famille, c'est pour rendre la justice» avait déclaré le président Déby le 8 mars. En attendant jusqu’au 8 mars pour dénoncer – obliquement d’ailleurs ! -- le projet de code musulman, le chef de l’Etat en a fait un « problème de femme » uniquement. Il a, du coup, diminué la portée de sa déclaration. Je ne vois honnêtement pas comment les Tchadiennes peuvent, aujourd’hui, « conquérir leur place au sein de la société » sans le concours des hommes qui tiennent tous les leviers du pouvoir ! C’est à ces hommes, notamment ceux de l’UCMT, qu’il fallait rappeler leurs responsabilités vis-à-vis de la Femme tchadienne.
Le président Déby aurait dû directement apostropher les militants de l'UCMT et, en tant que musulman, dénoncer la condition faite à la femme et la jeune fille musulmane au Tchad ; condition que l’UCMT veut perpétuer. J’estime que le président doit spécifiquement interpeller la communauté musulmane tchadienne pour lui expliquer la nécessité de protéger nos mères et nos femmes, d’éduquer nos filles et nos sœurs. Certes, les musulmans ne sont pas les seuls Tchadiens à marier leurs filles à 14 ans, mais c’est au sein de cette communauté qu’on trouve ceux qui veulent justifier cette pratique par la religion. Et c’est cette bombe qu’il faut désamorcer.
Ouvrons une parenthèse pour nous demander ce qu’il serait advenu si un projet code de la famille avait été plutôt proposé par des cadres chrétiens par exemple. Nous aurions vu une véritable levée de boucliers du gouvernement. Lorsque nos évêques avaient seulement offert de financer la formation -- par des agents du gouvernement -- de formateurs d'observateurs électoraux, le ministre de l’Intérieur ne s’était pas fait prier pour dénoncer cette « ingérence » dans les affaires de l'Etat. Par contre, pour le code, musulman, nos dirigeants ont tourné 7 fois la langue avant de parler. Au Tchad, toujours deux poids, deux mesures.
L’histoire récente de notre pays regorge d’ailleurs de nombreux exemples où nos dirigeants ont choisi de regarder ailleurs quand les fauteurs de troubles se trouvaient être des musulmans ou des nordistes. Ainsi, à Moundou par exemple, « une série d’actes de vandalisme et de provocations ont été perpétrés par des individus, visant les intérêts des autochtones. Le 21 juin 1993, une manifestation de commerçants nordistes de confession musulmane s’est soldée par le saccage par ceux-ci de la librairie évangélique et la profanation de la cathédrale de la ville. En décembre 2001, des « inconnus » ont détruit la statue de Bambé, considéré par certains comme étant le fondateur de la ville.
(…) En novembre et décembre 2002, plusieurs maisons d’habitations des autochtones ont été incendiées à des heures tardives par des « inconnus. » (…) le 6 juillet 2003, un conflit entre deux individus a dégénéré en bagarres généralisées où plus de cinq personnes ont trouvé la mort et neuf autres blessées, selon les sources officielles. Des biens publics et privés ont été saccagés[i][i]. » Ces derniers temps, des responsables gouvernementaux se sont rendus dans la région méridionale pour tenter faire la lumière sur de sanglants conflits, mais pas un seul n’a eu le courage de reconnaître par exemple que c’est toujours les nos frères nordistes qui font usage d’armes de guerre contre leurs compatriotes autochtones, c’est toujours les premiers qui se livrent aux actes de provocation.
C’est un scénario similaire – moins les Kalashs ! – que nous vivons actuellement avec la décision de l’UCMT de proposer son propre code de la famille quand bien même nos lois ne prévoient pas cette possibilité ! Ce n’est d’ailleurs pas la première instance de violation de la loi au nom de préceptes religieux... Ainsi, il existe, dans diverses villes tchadiennes de véritables « centres de dressage » créés par des musulmans intégristes où « des femmes et enfants jugés récalcitrants, sont enchaînés, enfermés et battus par leur famille » comme le rapporte l’agence Syfia dans sa livraison du 27 janvier 2005. Selon cette même agence, personne au gouvernement n’ose intervenir parce qu’il s’agit de « musulmans. »
Comme on peut le constater, le discours du président Déby n’a touché que le bout de l’iceberg ! Mais nos compatriotes non-membres de l’UCMT l’ont probablement applaudi à tout rompre. Et le chef de l’État doit, en toute logique, penser les avoir persuadés de son engagement pour la laïcité et l'égalité de tous les Tchadiens. Cependant, nous ne saurions nous contenter d'une simple déclaration alors que la cheville ouvrière du projet de code musulman si dangereux pour les filles et femmes musulmanes se trouve être Mahamat Hissein, le Secrétaire général du MPS et premier-vice-président de l'Assemblée Nationale !
Dans tout pays sérieux, lorsque le Secrétaire général d’un parti au pouvoir s’oppose de manière aussi radicale à une initiative majeure du gouvernement -- comme c'est le cas actuellement du projet national de code de la famille – il doit suivre sa conscience et démissionner ; ou alors on se doit de le « démissionner ! » Qu'un régime maintienne une telle personne aux commandes de son parti et à l'Assemblée nationale, cela nous montre que ce régime mène une autre politique en sous-main et que le grand discours sur la promotion de la femme n'est que de la poudre aux yeux ! Dans ce cas, il faudra nous expliquer qu’elle est cette mystérieuse « raison d’État » qui s’accommode de contradictions aussi flagrantes !
Je me demande d'ailleurs comment les femmes militantes du MPS interprètent le maintien de Mahamat Hissein au poste de Secrétaire général du parti après sa grande campagne contre le code de la famille et pour le code musulman ! Vont-elles prendre au mot le président Déby et se « mettre au diapason » pour demander des explications aux leaders de leur parti ou alors vont-elles agir en « femmes traditionnelles » et donner raison à l’UCMT et à son code oppresseur de la Femme ? À moins que leurs voix ne comptent tout simplement pas au sein de leur propre parti !
Timothée Donangmaye
[i][i] “Tchad et culture” No 231 de novembre 2004
Je ne voudrai pas me prononcer sur la polémique soulevée dans la nouvelle « affaire Dobian », entre le gouvernement et les adh. Car c’est de bonne guerre et c’est plutôt un indice de la dynamique de notre jeune démocratie. En effet, chacun des deux camps tente de tenir son rôle, même joué maladroitement. Dobian ne devrait pas oublier la constance de la traîtrise de certaines de ses anciennes amitiés militantes à en découdre avec lui ! Mais le problème qui nous intéresse est celui de l’extension de la loi 001 à tous les puits de pétrole qui seront exploités au Tchad.
Le gouvernement de M. Déby a eu le mérite d’initier la fameuse loi 001 sur la gestion des revenus du pétrole des trois puits actuellement en exploitation. Malgré les insuffisances de cette loi, le gouvernement pourrait avoir raison de cette limitation. Il faut avoir l’honnêteté de se rappeler la chronologie des évènements liés à l’exploitation du pétrole de Doba. Le processus de négociation et de management du projet a été graduel et tout le monde y avait été comme dans une nouvelle école. Les pétroliers et leurs sous-traitants (qui ne sont pas des enfants de cœur), la Banque Mondiale qui y joue presque son honneur, le gouvernement et la société civile, chacun a appris à tenir compte de l’avis des autres. La grosse difficulté pour le gouvernement, c’est sa politique de communication défaillante : il doit souvent rattraper sa négligence envers l’opinion publique par des mises au point encore plus nuisibles parce que faits sous l’effet de la panique et de la pression. Sinon, dans une certaine mesure, la position de mutisme du gouvernement est compréhensible : conscient d’avoir mal négocié ce dossier, le gouvernement fait de la loi 001 un levier correctif qui lui a permis d’obtenir vaille que vaille le financement du pipeline par des ressources non appropriées de la Banque Mondiale.
Mais ce que le gouvernement ne veut pas clairement dire, c’est que cette loi n’est plus avantageuse quand il doit s’agir d’autres puits pétroliers à exploiter. Nous allons relever quelques points d’achoppement :
1) Le grand défaut de la loi 001 est celui d’avoir mis ensemble canevas de gestion transparente et clés de répartition des revenus pétroliers. En effet, si nous sommes tous d’accord que les revenus pétroliers devraient être gérés dans la transparence, il n’était pas prudent d’inclure dans la même loi une clé de répartition arbitraire des dits revenus. La définition des secteurs prioritaires qui devraient recevoir 80% des revenus pour la réduction de la pauvreté est trop contraignante pour n’importe quel gouvernement qui voudrait se donner les moyens d’une bonne gouvernance politique et économique.
2) Pour mieux comprendre la difficulté, le cas du FACIL est assez éloquent : la gestion des 5% accordés à la région productrice est étroitement liée à la réalisation d’une bonne décentralisation administrative. Or, la politique de décentralisation en cours n’est pas dans les priorités de la loi 001. Le FACIL se trouve donc compromis pour longtemps dans sa mise en œuvre à cause de cette lacune de la loi 001.
3) Bien des secteurs pourraient demain devenir prioritaires : le gouvernement pourrait valablement décider de consacrer une triennale budgétaire pour régler définitivement le problème de l’Armée par exemple (réorganisation des corps, équipement, casernement, formation, etc.), un chantier gigantesque attendu par tout le monde. Alors que dans le même temps, l’Administration territoriale aurait besoin de ressources adéquates pour son redressement total et sa modernisation comme préalable à la bonne gouvernance et au développement. Il ne faudrait donc pas s’enfermer dans les contraintes d’une loi qui a déjà fixé les quotas de répartition.
4) La loi 001 voudrait épargner 10% des revenus pour les générations futures. En réalité, les Tchadiens ne maîtriseront pas facilement la gestion de cette épargne. C’est de l’argent public qui fera le bonheur des banquiers, alors que la notion de « générations futures » mérite d’être sérieusement débattue dans tous ses contours et non pas comme une vérité intangible collée à une loi votée à une époque donnée. Nous croyons sincèrement que le Tchad ne peut continuer de se contenter du statut de pays producteur, attendant que la Citybank lui verse chaque fois l’aumône. En tant que nationaliste, nous disons tout haut que le Tchad doit dès à présent se préparer à être actionnaire dans tous les consortiums qui vont exploiter ses gisements pétroliers. Il y a d’énormes avantages pour notre pays à entrer un jour dans le cercle de la grande magouille, c’est à dire des actionnaires de notre pétrole. Il ne faut jamais perdre de vue le fait historique que le pétrole a été la cause du renversement des régimes précédents et de la guerre civile ! Pour devenir un jour les maîtres de nos richesses nationales, donc de notre destin, nous devons développer dès maintenant des visions futuristes pour notre pays que d’être toujours à la traîne, gouvernement et société civile, des courants venus de l’extérieur.
5) Que devrait être le contenu d’une loi sur la gestion des revenus pétroliers ? Elle devrait être limitée aux principes et aux mécanismes de la gestion transparente. Tout ce qui relève des opportunités économiques et des choix conjoncturels devraient être renvoyé aux décrets pris en Conseil des ministres, après de larges consultations d’usage bien sûr. En d’autres termes, pour tous les gisements pétroliers, il ne devrait y avoir qu’une seule loi, comme le réclame la société civile. Mais pour la répartition des revenus d’un nouveau gisement, le gouvernement devrait être en mesure de décider de leur affectation selon les priorités officiellement retenues, à commencer par la Stratégie nationale de réduction de la pauvreté (SNRP), celle de la Bonne Gouvernance (SNBG) et d’autres. Cela est plus conforme à la logique des budgets-programmes qui vont désormais composer la Loi des finances votée par les députés. Ainsi par exemple, s’il a été décidé la construction de 40.000 logements sociaux en trois ans, le gouvernement pourrait affecter une partie des revenus du puits X de Bongor ou Y de Kyabé à ce programme de réduction de la pauvreté par décret pris en conseil des ministres. Cela relève de ses prérogatives et n’empêchera pas que le processus de gestion soit transparent et suive les mêmes procédures de contrôle instaurées.
6) Pour mieux se faire comprendre, prenons l’exemple de la Fonction Publique : une seule loi régit tous les fonctionnaires et agents de l’Etat ; cependant il y a des statuts particuliers légitimement revendiqués par des corps de métiers. En tant que citoyen averti, je n’accepterai pas que ma région subisse un jour les mêmes désagréments dus aux carences de la loi 001 que Dobian dénonce chez lui. Alors le système mérite d’être revu pour une plus grande capacité d’adaptation aux situations dans l’intérêt des populations et du Tchad.
7) Par ailleurs, l’autre polémique soulevée il y a quelques mois par Dobian concernant le prix du baril de pétrole tchadien par rapport à la hausse des cours mondiaux, plaide aussi en faveur d’une plus grande prudence dans la rapidité du gouvernement à signer des conventions et à les faire ratifier deux semaines plus tard par le Parlement, pour le regretter et pleurnicher plus tard. Rien ne sert de courir ! Avec le pipeline et les trois puits actuels, nous sommes devenus attirants : ce n’est plus la peine de se comporter toujours comme des éternels « allaoro » devant les premiers venus. Nous devons prendre le temps de bien cerner les problèmes, surtout avoir des ambitions claires, de l’amour et un projet de société cohérent pour notre pays. Il n’y aura pas de bonheur et d’épargne réelle en faveur des « générations futures » si nous continuons à évoluer dans la brumeuse de nos mauvaises habitudes de gouvernance.
Avec cet éclairage, nous souhaitons recentrer les débats sur les véritables questions de fond non encore soulevées et dépasser les querelles rituelles entre les institutions politiques et la société civile. Peut-être sommes-nous mal informés par rapport aux cercles d’initiés sur ce dossier ? Cependant, en tant que citoyen, vivement que nous puissions être compris dans la clameur des passions actuelles !
Enoch Djondang
Le 10 octobre dernier notre pays le Tchad a marqué son entrée officielle dans le cénacle des pays producteurs de l’or noir à l’occasion d’une grande messe sur le site pétrolier à Komé. Depuis cette date qui a vu le chef de l’Etat ouvrir les vannes, jamais tout un peuple n’a autant cru en son avenir au point où même les plus sceptiques ont fini par céder aux sirènes d’un lendemain meilleur. Normal non !
Pays très pauvre et meurtri par plusieurs décennies de guerre fratricides qui ont fini par hypothéqué complètement son développement, l’exploitation du pétrole sonne aujourd’hui comme une aubaine et tout le monde s’est mis à rêver, à faire de grands projets et à parler développement, bref que CHAD IS BACK.
Seulement voilà dans cette l’euphorie et dans cet élan de rattrapage économique, il semble que la question de fond inhérente à la gestion de l’économie pétrolière ait été occultée ou du moins laissée entre les mains des spécialistes, pourtant c’est là que les contributions sont attendues le plus.
Etant producteur de l’or noir, le Tchad sera confronté à des problèmes particuliers de gestion de son économie, non seulement parce que les prix et les recettes pétroliers sont très instables et difficiles à prévoir, mais aussi, parce que le pays doit déjà penser au tarissement du pétrole. Cette grande incertitude qui entache les recettes pétrolières est une contrainte supplémentaire, et a des implications budgétaires à court terme, tout comme le fait que le pétrole puisse tarir un jour soulève le problème complexe de viabilité et d’affectation des ressources entre les générations.
Certes, aujourd’hui il est peut-être tôt de parler du tarissement du pétrole tchadien alors même que son exploitation vient à peine de commencer et que de l’autre côté il est fait état de découvertes de nouveaux gisements qui ne demandent qu’à être exploités. Dans ce contexte, la contrainte liée au volume des réserves étant pour le moment levée, il reste que, le poids ce secteur dans l’économie, l’inexistence même de l’industrie pétrolière nationale, les lacunes de la fiscalité pétrolière ainsi que la taille du secteur non pétrolier et la situation des finances publiques sont entre autres des difficultés majeures à ne pas perdre de vue.
Alors se posent véritablement les enjeux d’une politique budgétaire qui cherche non seulement à satisfaire les besoins immédiats, mais aussi qui tienne compte des générations futures. Par conséquent dans une perspective de long terme, il est judicieux que la richesse pétrolière soit utilisée de manière à ne pas hypothéquer la vie les générations futures. Par souci d’équité et de responsabilité intergénérationnelle, voire par prudence financière, la politique budgétaire doit veiller à préserver la richesse publique, le pétrole y compris. Cela suppose d’après la théorie du revenu permanent que la consommation dépende du revenu permanent et dans le cas d’espèce, au rendement implicite de la richesse publique. Or le Tchad comme la plupart des pays petits producteurs de pétrole est price taker et de ce fait les autorités publiques doivent faire face à la volatilité des recettes pétrolières, liées aux fluctuations des cours du brut. Cette problématique demeure tant à court terme qu’à long terme, amplifiée par l’incertitude qui affecte la richesse pétrolière elle-même (évolution des cours, volume des réserves et coût d’extraction).
Il ressort donc de tout ce qui précède que tout consommateur rationnel adopterait une gestion budgétaire prudente, les pouvoirs publics tchadiens à juste titre se doivent de mener une politique budgétaire plus prudente que si les facteurs d’incertitude étaient saisis avec certitude. Ainsi, il est nécessaire de séparer les recettes et dépenses pétrolières et non pétrolières pour dégager un solde budgétaire non pétrolier comme variable principale dans la formulation de la politique budgétaire. Or si on se réfère aux statistiques budgétaires, jamais les recettes non pétrolières n’ont couvert les dépenses de la même nature, c’est pourquoi cette démarche qui vise à isoler dépenses et recettes pétrolières permettrait de mettre l’accent sur le solde primaire non pétrolier et de le rapporter à la richesse publique. Les revenus générés par le pétrole ainsi exclus par principe constituent tout simplement un financement (comme les dons) et permettent l’orientation de la viabilité de la politique budgétaire. Ainsi, les pouvoirs plaçant le solde non pétrolier au cœur de leurs préoccupations, se doivent de le soutenir en accumulant les actifs, une fois que le pétrole aura tari. En particulier le rendement de ces actifs devrait être tel qu’ils pourront financer le déficit non pétrolier et compenser l’épuisement des recettes pétrolières. Il faut éviter surtout de financer ce déficit non pétrolier en mobilisant les actifs ainsi accumulés au risque de drainer tous les actifs du pays et à pousser les pouvoirs publics à l’endettement qui nous installerait dans une dynamique de la dette explosive. Parce que les stratégies d’élimination des dettes ou de stabilisation du ratio (positif) dette nette/PIB ne sont généralement pas compatibles avec la viabilité budgétaire.
Une autre approche, celle-là très prudente qui consiste à se fixer une règle qui cible un déficit non pétrolier égal au rendement prévu des actifs financiers : la règle du « un tiens vaut mieux que deux tu l’aura » qui prend bien en compte le risque qu’un choc réduise à néant la valeur des réserves pétrolières restantes( Ce peut l’apparition d’une source d’énergie concurrente, plus efficiente et plus rentable qui pourrait rendre le pétrole pas obsolète mais ferait chuter ses cours tel que son exploitation se serait plus rentable) C’est une forme extrême d’épargne de précaution qui suppose la disparition des recettes pétrolières dans l’avenir.
Les enjeux pour le court terme se posent en termes de poids des recettes pétrolières dans le total des recettes. En particulier les recettes pétrolières constituant la grosse part comme c’est le cas actuellement, la gestion budgétaire à court terme se trouve être compliquée notamment la planification budgétaire et l’utilisation efficiente des ressources publiques du fait que les cours du pétrole sont extrêmement volatiles et imprévisibles. Parce que cette quasi-dépendance des recettes budgétaire par rapport au pétrole ainsi établie rend les finances publiques vulnérables, la volatilité des cours du brut entraînant celle des flux de trésorerie. Il est donc impérieux de lisser les dépenses publiques au lieu de les faire évoluer au gré des fluctuations des prix du pétrole. Ce qui suppose que les pouvoirs publics puissent modérer leurs appétits et non s’adonner à des dépenses somptuaires, à relents fortement électoralistes par exemple. Car les variations marquées et imprévisibles des dépenses et du déficit non pétrolier ont pour conséquence la déstabilisation de la demande globale, l’exacerbation de l’incertitude et la volatilité macroéconomique. Aussi une variation abrupte des dépenses publiques gêne–t-elle les investissements privés et pèse lourdement sur la croissance de l’économie non pétrolière. Il apparaît donc clairement que les variations marquées et imprévisibles des dépenses publiques sont coûteuses et qu’il est nécessaire que les autorités publiques les lissent face aux fluctuations des cours du brut.
Tout cela pourrait donner à croire que les autorités publiques n’auraient pas de marge de manœuvre, inquiétude d’ailleurs exprimée par le grand Enoch Djondang. Mais qu’on se rassure ! Les pouvoirs publics auront bien les moyens de leurs politiques à conditions qu’ils conjuguent ajustement et financement face aux fluctuations de leurs liquidités. En cela une solide position budgétaire et financière semble être la clé de réussite. Par exemple dissocier l’utilisation des recettes pétrolières des recettes courantes renforce le rôle stabilisateur de la politique budgétaire. Toutefois, il sera difficile à l’Etat de tenir s’il finance ses déficits budgétaires par des emprunts extérieurs et/ou intérieurs. Car si les craintes concernant la viabilité budgétaire augmentent, les taux d’intérêts extérieurs seront très élevés ou les biens les nouveaux prêts diminueront fortement. Quant aux emprunts intérieurs, l’effet d’éviction pourra jouer à plein tout comme des effets inflationnistes se manifesteront. Pour ce faire les pouvoirs publics devraient éliminer le biais inflationniste de la politique budgétaire pendant les périodes de vache grâce (le boom pétrolier) et viser des soldes budgétaires non pétroliers prudents, voire réduire à terme le déficit budgétaire non pétrolier. Ainsi pourrait se dessiner la marge de manœuvre budgétaire qui aura pour avantage de renforcer la côte de crédit du pays et de faciliter son accès aux marchés des capitaux.
Par cette contribution j’espère avoir apporté un éclaircissement sur cet arbitrage fait par la loi 001 en fixant à 10 % la part des recettes dites réservées aux générations futures et qui a donné lieu à un débat passionné et passionnant. Ainsi cette épargne constituée répond à des préoccupations amplement développées ci-dessus et les Tchadiens doivent comprendre cette nécessité, même si les besoins de l’heure sont immenses et tenaces. Ne pas le faire obéirait à cette logique qui dit qu’à long terme nous sommes tous morts. Pas vrai n’est-ce pas ? l’autre objectif de la contribution c’est de faire ressortir les conséquences économiques de la loi 001. Il a été démontré que si les dépenses publiques ne sont pas conduites pendant cette phase de boom pétrolier avec toute la prudence nécessaire, le pays doit se préparer à faire face à des crises certaines.
Lapia JAJOWAYE
L'Union des cadres musulmans du Tchad (UCMT) a obtenu du président Déby un beau cadeau à l'occasion de la Journée internationale de la Femme : un bonnet d'âne, ce célèbre couvre-chef " figurant une tête d'âne dont ont affublait les cancres pour les humilier. " (1) En annonçant son intention de faire bientôt adopter le projet de code national de la famille, le chef de l'État a du même coup signifié qu'il n'y a de place au Tchad que pour un seul code de la famille.
Du coup, l'UCMT qui se veut une sorte de " Hezbollah tchadien" tchadien ne sait plus que faire du sien. Cette association était pourtant persuadée d'avoir parfaitement anticipé les désirs du président Deby. Elle espérait pouvoir bientôt lui présenter, sur un plateau d'argent, le précieux bloc électoral musulman soudé autour du code musulman de la famille. Habitués à voir nos dirigeants faire ce qu'ils veulent, les cadres de l'UCMT étaient sûrs de leur coup. Pour ces pseudo-islamistes, ceux qui n'aiment le code musulman de la famille devaient comprendre que " le chien aboie, la caravane passe."
Les militants de l'UCMT n'ont pas pris en compte les contraintes auxquelles fait face le président de la République dans cette affaire. D'un : le chef de l'État ne peut pas soutenir un code dont le contenu s'inscrit à l'opposé du projet de code national de la famille pour lequel le gouvernement a obtenu le concours du FNUAP. De deux : notre pays ne peut pas non plus se donner un code qui viole ses engagements internationaux. Parmi ceux-ci, les Objectifs de développement du millénaire qui découlent de la " Déclaration du millénaire " de septembre 2000.
Les principaux Objectifs de cette Déclaration sont la lutte contre la pauvreté et l'éducation de la jeune fille. En leur point 3, ils ambitionnent, en effet, à " donner à tous les enfants, garçons et filles, les moyens d'achever un cycle complet d'études primaires " et surtout " éliminer les disparités entre les dans les enseignements primaires et secondaires d'ici à 2005 si possible et à tous les niveaux d'enseignement en 2015 au plus tard. " (2) Nous sommes déjà en retard par rapport à ces objectifs internationaux et ce n'est sûrement pas le moment de traîner les pas, même sous des prétextes religieux.
Une démarche rationnelle aurait permis aux militants de l'UCMT de le comprendre et de faire l'économie d'une humiliation publique. Mais lorsqu'on n'a passé son temps à en appeler aux pires sentiments des uns et des autres, à faire du chantage religieux, on n'a plus le temps de raisonner. La logique n'est pas vraiment le fort de ces gens. Je suis sûr que les militants de l'UCMT étaient nombreux dans la tribune, le 8 mars, pour assister aux célébrations de la Journée internationale de la femme ; une fête dont l'ambition, à savoir la promotion de la femme, s'inscrit à l'opposé de leur conception de la femme.
Hier, certains se plaignaient du retard du Nord au plan scolaire et professionnel au point de réclamer des quotas en vue d'assurer la formation de médecins et autres cadres ; aujourd'hui, les mêmes sont déterminés à barrer le chemin de l'école à la moitié féminine de la jeunesse nordiste ! Un scandale, surtout lorsqu'un professeur d'université comme Mahamat Seid Abazène s'embarque dans cette galère au nom de la religion, lui qui devrait plutôt battre campagne pour promouvoir l'éducation des jeunes filles !
Mon " ami " Mahamat Hissène s'est surpassé cette fois-ci. Secrétaire général du MPS, parti au pouvoir, premier vice-président de l'Assemblée nationale, secrétaire général de l'UCMT, idéologue du pouvoir nordiste, il est partout, et sur tous les fronts de la bataille pour le code de la famille. Ce grand voltigeur de la politique nationale vient de connaître un revers sans précédent avec le coup d'arrêt du président au code musulman de la famille. N'avait-t-il donc pas, au préalable, consulté son président sur ce dossier ? Ou bien croyait-il si bien connaître les désirs du chef de l'État qu'une telle consultation n'était pas nécessaire ?
Si Mahamat Hissène a encore une once d'honneur, il devrait démissionner du MPS puisque lui-même et le président Déby sont en total désaccord sur dossier aussi important que celui du code de la famille. Mais je pense plutôt qu'il va donner à César ce qui appartient à Dieu pour conserver son poste. Dieu qui est invisible peut toujours attendre, mais pas César, n'est-ce pas ? Voilà ce qui arrive lorsqu'on se croit investi d'une mission divine alors qu'on a si peu de considération pour les nécessiteux et les vulnérables.
Vous avez donc vu les militants de l'UCMT dans leurs oeuvres, des cadres qui devraient contribuer à l'avancement de la société tchadienne, mais qui s'en font les fossoyeurs au nom d'intérêts égoïstes ! En effet, et ainsi que je l'ai souligné, leur premier objectif était de s'attirer les faveurs de nos dirigeants musulmans. Autres bienfaiteurs " calculés " par les auteurs du code musulman de la famille : les mécènes " religieux " des pays du golfe qui veulent se garantir des tickets pour le paradis en finançant l'exportation, vers les pays pauvres, de l'extrémisme religieux ainsi que l'ont révélé les enquêtes sur certains réseaux terroristes.
Pourtant, si les cadres musulmans avaient seulement pris la peine de regarder autour d'eux, ils verraient que le modèle qu'ils veulent tant copier est en perte de vitesse. Divers pays musulmans reconnaissent désormais la nécessité de corriger les injustices faites aux femmes au nom de la religion, qu'il s'agisse d'un modeste pas, comme chez les Saoudiens qui promettent que leurs femmes pourront voter " prochainement " pour la première fois, ou d'une démarche radicale, comme au Maroc ou en Algérie, deux pays qui ont révisé leur code la famille.
Dans le cas du Maroc par exemple, les autorités ont ouvertement reconnu les limites de l'ancien code. " Une loi qui jette arbitrairement à la rue une femme avec les enfants n'est pas bonne " avait déclaré en juillet 2003 la secrétaire d'état marocaine chargée de la famille, Yasmina Baddou, soulignant que l'ancien code marocain de la famille favorisait la mendicité, la prostitution et le phénomène des enfants de la rue. (3) D'où la décision du Roi Mohamed VI d'en ordonner la révision.
Au lieu de s'inspirer de ces exemples, l'UCMT a préféré fonctionner à huis clos, avec comme résultat l'impasse dans laquelle ses militants se retrouvent aujourd'hui. Dans ce cas, que va faire cette association ? Toute honte bue, elle se taira, tout simplement ! Elle en avait fait de son projet de code une question de vie et de mort ! " On se livre à un dénigrement en invoquant la scolarisation des filles pour condamner leur mariage (...) L'UCMT s'opposera à tout projet tendant à imposer, arbitrairement et par la ruse, des lois sans fondement " avertissait-elle en effet dans son mémorandum du 25 janvier 2005.
Certes, mais je vois mal ces " cadres musulmans " aller contre la volonté affichée du président Déby, eux qui n'ont jamais trouvé à redire aux actes du chef de l'État ou du gouvernement. Qui plus est, je m'attends qu'ils battent vigoureusement campagne en faveur de l'amendement de la constitution, conformément au désir d'un pouvoir qui vient pourtant de leur dénier le droit à un code musulman de la famille. Vous vous demanderez : comment peut-on prétendre parler au nom d'Allah et se plier si vite à la volonté du prince ?
Hé bien, cela est parfaitement concevable au sein de l'UCMT. D'abord, ces gens qui croyaient détenir les clés de l'Islam ne proposent qu'une lecture (parmi tant d'autres et des moins éclairées !) des textes islamiques. Ils ne pouvaient l'imposer aux autres musulmans qu'avec l'appui de nos dirigeants, appui qui leur a été publiquement refusé cette fois-ci. Ensuite, l'UCMT et le Haut conseil des affaires islamiques ont toujours " ramé " pour le pouvoir, mettant Dieu au service des intérêts bassement matériels des hommes !
La religion est un filon d'or qu'ils n'ont d'ailleurs pas fini d'exploiter. Souvenez-vous de l'onction, par l'imam de N'Djaména, du président Déby comme " candidat des musulmans " à l'élection présidentielle de 2001 ! Cette onction a sûrement ouvert bien de portes à notre imam. Croyez-vous réellement que ces gens vont lâcher leurs privilèges et juteux postes de responsabilité pour la défense d'un code musulman de la famille ? Sûrement pas ! Ce serait mordre la mamelle nourricière ! Du reste, les militants de l'UCMT n'en auraient jamais le courage. Leur préoccupation n'a jamais été de savoir si ce qu'ils disent est vrai ou faux, mais plutôt si cela fait l'affaire de nos dirigeants ou non.
Aujourd'hui, le rejet par le président Déby de leur code musulman fait d'eux les dindons de leur farce, sans aucun moyen de sauver la face. Cela devrait les faire taire et nous permettre d'engager un débat plus serein entre communautés religieuses au Tchad, à condition que les musulmans sincères et courageux prennent enfin la relève. C'est à eux que revient la dure tache d'abattre de toute urgence le mur d'incompréhension patiemment érigé par l'UCMT et les oulémas acquis au pouvoir.
Timothée Donangmaye
(1) Dictionnaire " Le Robert "
(2) Site Internet www.un.org/milleniumgoals
(3) Dépêche AFP postée le 1er juillet 2003. Le même site signale, en parlant de l'ancien code marocain de la famille, que " les mères célibataires ne peuvent pas obliger les hommes a reconnaître leur paternité. Quant aux enfants nés hors mariage et non reconnus par leur père, comme leur mère n'a pas le droit de leur transmettre ni son nom, si sa nationalité, on leur donne un nom de famille choisi dans une liste préétablie. Leurs papiers d'identité les stigmatiseront comme illégitimes toute la vie ! "
(4) Journal " Le Progrès " cité par " Tchad et Culture " dans sa revue de presse du 24 au 30 janvier 2005.
La première organisation politico-militaire tchadienne est le Front de Libération Nationale du Tchad, crée en 1966 sur l’initiative du feu Ibrahim Abatcha. En 1968, suite aux dissensions intervenues au sein du FROLINAT, d’autres groupes armés ont vu le jour. Plus tard, après la guerre civile des années 1979-1980, d’autres mouvements politico-militaires sont apparus, lors des rencontres de réconciliation nationale tenues au Nigeria. Ainsi ā Lagos, les leaders de ces organisations ont manifesté leur désir de se regrouper au sein d’un Gouvernement d’Union Nationale de Transition/GUNT, placé sous la direction du président Goukouni Weddeye. Mais dans la gestion pratique du pouvoir politique, ces leaders et chefs de tendance politico-militaires n’ont malheureusement pas démontré leur capacité de travailler ensemble pour sauver le pays et épargner les populations tchadiennes des conflits armés.
Aujourd’hui, soit plus de vingt-cinq ans après, quelle est la situation des organisations politico-militaires tchadiennes ? En fait, combien sont-elles réellement ? Quelle stratégie adoptent-elles face au pouvoir de NDjaména ? Quelle alternative proposent-elles au peuple tchadien? Leurs leaders ont-ils encore la volonté et la capacité de prendre le pouvoir? Seront-ils en mesure de gouverner un jour le pays, sans tomber dans les travers de leurs intérêts personnels ? Bref, pourrons-t-ils sauver le Tchad ?
La prise de pouvoir par les armes est-elle encore possible ou du moins acceptée dans le contexte international actuel ? La Constitution tchadienne issue de la Conférence Nationale Souveraine et adoptée par référendum, interdit toute prise de pouvoir par les armes et suggère la désobéissance pacifique des tchadiens, au cas où cela se produirait. Alors, quelle autre alternative serait-t-elle possible ? Ces Organisations politico-militaires pourront-elles s’engager à participer aux prochaines élections présidentielles et législatives ? Mais avant cela, peuvent-elles adopter ensemble et proposer une plateforme réaliste de négociation politique sérieuse avec le gouvernement tchadien ? Auront-elles le temps nécessaire de le faire ou le voudront-elles ? Le régime actuel de NDjaména accepterait-il de telle initiative ou démarche ? L’intérêt supérieur la nation tchadienne ne mérite-t-il pas que les protagonistes et adversaires tchadiens ne trouvent enfin une issue politique consensuelle ? Cela éviterait ă nos populations d’interminables conflits qui deviennent un réel obstacle du développement économique et social du pays.
Certes, il n’est pas question de procéder ici ă une classification rétrospective de ces organisations, moins encore de développer l’historique de leurs activités. Et comme, nous n’avons pas de préférence particulière pour tel Mouvement ou Organisation par rapport ă tel autre, cela nous permet d’aborder cette réflexion sans préjugé, ni jugement de valeur et de présenter notre opinion de manière simple sur cette question assez sensible et délicate.
Peut-on savoir, si les organisations politico-militaires tchadiennes existent encore ? Depuis un certain temps, il n’y a pas d’échos majeurs de leurs activités militaires sur le terrain. Auparavant, il y avait quelques tentatives de regroupement et de réunion par-ci et par-lă. En fait, depuis la création du Frolinat aujourd’hui placé sous la direction du président Goukouni Weddeye, jusqu’ā nos jours, il y avait plusieurs mouvements ou groupes politico-militaires. Certains sont anciens et d’autres de création récente. Compte tenu de la confusion même de leur Statut et surtout de leurs activités, il n’est pas facile de les identifier tous. Mais on peut citer quelques-uns uns comme, le CDR d’Acheikh Ibn Oumar, le MDD de Brahim Malllah, le MDJT du feu Youssouf Togoïmi, le CSNPD du feu Ketté Moise, le FDP du Dr. Nahor Mahmoud, les FARF du feu Laokein Bardé, le FNTR de Mahamat Moussa, le FPRN de Alio Abdoulaye, le RAFAT de Adoum Moussa Seif, le MUR de Gaillet Bourkoumandah ou encore la CDDC de Hassaballah Soubiane, dit<Bavure>.Cette énumération relative n’est pas exhaustive. Qu’elles soient divergentes ou semblables, certaines avaient réussi à constituer des alliances pour mener ensemble des actions communes. Ainsi les conclaves de leurs réunions avaient abouti ā des regroupements tels, le Front Uni pour le Développement et le Progrès/FUDP ou encore l’Union des Forces pour le Changement/UFC. Mais les activités réellement connues de ces regroupements se limitent généralement ā des publications communes des Communiqués de presse.
Ainsi, les leaders de ces organisations, résident à l’extérieur et circulent un peu partout en Afrique, en Europe, aux États-Unis et au Canada. Certains sont mêmes poursuivis en justice, mais ils prennent le chemin de l’exil sous le couvert de l’opposition politique. Quelques rares parmi eux, semblent déterminés et engagés ă apporter un réel changement du système politique tchadien. Alors que les autres, en nombre de plus en plus croissant et souvent de moralité douteuse, se distinguent surtout par leur opportunisme de politique politicienne et sèment parfois, la confusion au sein de l’Opposition politico-militaire. Néanmoins, tous ces Groupes, Mouvements ou Organisations politico-militaires suivent activement l’évolution politique du Tchad et tentent d’influencer le cours de son histoire politique contemporaine.
S’agissant de leurs activités opérationnelles, on peut noter :
- Certains comme le MDJT, semblent avoir des combattants armés sur le terrain et continuent de temps ă autre ă mener des offensives militaires sporadiques contre les forces gouvernementales, dans les régions Nord du pays. Mais depuis le décès de leur chef, feu Youssouf Togoïmi et avec le départ de certains de leurs dirigeants, leurs actions militaires restent limitées. Aussi, la composition tribale de leur organisation, et l’éloignement de leur zone d’opérations par rapport ā la capitale tchadienne où s’exerce la réalité du pouvoir politique, constituent un de leurs grands handicapes.
- D’autres comme le F.N.T du feu Dr.Al-Haris Bâchar transformé en FNTR, faute de combattants sur le terrain ou encore par simple choix volontaire inspiré de la“real politic”, ont abandonné la lutte armée et la prise de pouvoir par les armes. Leurs dirigeants ont décidé de continuer la lutte politique de manière pacifique, tout en utilisant des méthodes modernes de communication avec leur site web, Al Wihdah.
Le Web Site est certes un outil important, mais faut-il encore présenter des informations objectives pour être crédible devant l’opinion publique nationale et internationale. S’il faut s’en servir seulement comme un moyen de propagande politicienne et de désinformation, cela n’améliorerait pas la situation des peuples du Tchad.
- D’autres organisations, regroupant quelques membres de la diaspora tchadienne, se sont transformées en partis politiques en exil. Celles-ci pourraient avoir peut-être quelques sympathisants à l’intérieur du pays, mais n’ont pas d’implantation des cellules locales, ni de réelles activités sur le terrain. En effet, leur activisme n’a pas grand impact sur les populations tchadiennes.
- Aussi, il y a d’autres organisations qui sont restées hybrides, c’est-à-dire se considérant parfois comme de groupes ou mouvements politico-militaires et parfois comme des partis politiques, du fait qu’elles n’ont pas assez ou pas du tout des troupes sur le terrain, ni suffisamment des militants de base sur le territoire national. En effet, leur activisme n’a pas d’effet sur la grande masse des populations tchadiennes souvent indifférentes.
- Parmi ces dernières, en cas de difficulté d’existence, certaines essaient d’impressionner le régime en place au Tchad, pour avoir une porte de sortie honorable et composer avec le pouvoir de NDjaména. D’autres par contre, malgré la dissidence de certains de leurs membres, persistent et continuent ă résister pour aboutir un jour ă un changement radical ou du moins profond de l’actuel régime politique du Tchad. Certes, il n’est pas interdit de rêver en politique...
-Il y a également quelques mouvements ou organisations dont les dirigeants ne trouvent leur salut qu’en résidant de manière permanente à l’étranger pour le besoin de leur cause, souvent inavouée ou exprimée de manière confuse et contradictoire. Ces «éternels opposants» se considérant eux-mêmes comme «des purs et durs», font de l’opposition politico-militaire, un outil de marchandage pour ne pas dire «mendicité» auprès de certains officiels, ministres, ou chefs d’Etat des pays amis du Tchad.
- Enfin, il y’a des mouvements qui n’existent que de nom et dont les dirigeants en quête d’audience politique, tentent d’impressionner l’opinion nationale et internationale par la publication des communiqués et décisions de nomination de leurs représentants, dont ils ne les connaissent que superficiellement et n’ont aucun contrôle. Ils préparent avec tapage des réunions dites de « concertation générale en vue d’adopter une plate-forme commune de l’ensemble de l’opposition tchadienne », mais n’aboutissent ă rien de sérieux et crédible. Pire encore, faute d’argumentations politiques convaincantes ou par incapacité de présenter une analyse profonde et claire de la situation du pays, ils se démarquent souvent par des diatribes stériles, contre le président Idriss Déby. Ces nouveaux politiciens, qualifiés par certains tchadiens « d’arrivistes », en tentant de se hisser au plus vite possible par rapport aux autres opposants tchadiens, s’en prennent parfois maladroitement ă d’autres leaders de l’opposition politique opérant ă l’intérieur du pays de manière pacifique, ou même contre tel autre chef politico-militaire qui semble leur porter ombrage.
Face ă de telle situation que pourrait-on encore espérer des mouvements et organisations politico-militaires ? Depuis combien de temps les populations civiles tchadiennes ont fait recours ă la lutte armée ? Pourquoi certains ont-ils opté pour la prise de pouvoir par les armes ? Les victoires militaires n’ont jamais apporté de solution définitive aux conflits du Tchad, moins encore de paix réelle aux populations tchadiennes. Et malgré les multiples interventions des forces étrangères françaises et libyennes aux côtés des forces gouvernementales tchadiennes, cela n’a pas éradiqué la rébellion armée, moins encore rétablir la paix définitive et la sécurité dans le pays.
Combien de perte de vies humaines notre pays a-t-il connues? Les leaders et dirigeants politiques actuels, de l’Opposition ou du Pouvoir en place ă Ndjaména, ont-ils évalué les conséquences des affrontements armés dans notre pays ? Les responsables politiques de tous les régimes qui se sont succédés depuis l’accession de notre pays ă l’indépendance, ont-ils tiré les leçons de leur expérience politique passée ? Ont-ils vraiment expliqué ă l’élite politique actuelle, la nécessité de bâtir un Etat viable basé sur le respect des libertés et droits fondamentaux des tchadiens?
Pour régler aujourd’hui nos différends politiques qui sont certes surmontables, n’est-il pas enfin temps d’amorcer l’approche de négociation pacifique sérieuse et non de simple ralliement nous conduisant de facto au parti unique, méthode politique anachronique déjă révolue des périodes des anciennes dictatures africaines.
Les premières émeutes populaires des années 1963 ă Fort-Lamy (actuelle NDjaména) ne découlent-elles pas de l’interdiction du multipartisme par le feu président François/NGarta Tombalbaye et de l’instauration du parti unique, le PPT-RDA? La création de la première organisation politico-militaire, le Frolinat en 1966, n’est-elle pas une réaction contre les exactions des forces gouvernementales sur les populations civiles ?
Le retard actuel de notre pays par rapport aux Etats de la sous région dans le continent, serait-il pas en partie dū ā nos interminables conflits politiques et affrontements armés? La lutte armée serait-elle plus efficace que la confrontation pacifique de politique partisanne ? En conformité avec le contexte international de l’époque, et suite au renversement du régime dictatorial du président Hissein Habré, le multipartisme a été solennellement réintroduit au Tchad depuis 1990 par le président Idriss Déby. Aucun tchadien ne s’est opposé ă sa restauration, même les mouvements politico-militaires. Alors, pourquoi ne pas participer ă sa consolidation afin de bâtir des institutions étatiques crédibles dans notre pays ?
La volonté politique des leaders et gouvernants au pouvoir semblait parfois faire défaut. En effet, cette volonté politique devrait accompagner les déclarations et décisions publiques. Mais faut-il encore que nos cadres et élites intellectuels chargés de son exécution l’appliquent de manière sérieuse et sans complaisance. Cela devrait se faire dans la gestion quotidienne des affaires publiques et surtout dans l’organisation, le déroulement et le suivi des opérations électorales aux niveaux locales, et nationales. Ainsi de là, résulterons des institutions fiables qui nous éviterait les multiples recours à la lutte armée, mais ne génerait pas les contestations politiques intempestives qui sont parfois nécessaires à l’évolution de la dialectique démocratique.
Le drame du peuple tchadien est que la plus part des dirigeants politico-militaires, certains de nos leaders politiques et beaucoup même de nos cadres et intellectuels, n’ont d’autres objectifs que de préserver leurs intérêts personnels. La défense de leur région vient souvent avant les préoccupations nationales et d’intérêt général. La situation des organisations politico-militaires est complexe, mais elle ne doit pas faire obstruction à l’évolution du développement économique et social du pays.
Les mouvements politico-militaires doivent comprendre l’évidence que la prise de pouvoir par les armes est aujourd’hui révolue. S’ils transforment leurs organisations en partis politiques de l’Opposition, cela serait salutaire pour les Tchadiens. Mais faut-il encore être en mesure de dégager de réelle stratégie de lutte pour la prise de pouvoir de manière légale et pacifique. Certains vont évoquer sûrement les problèmes de fraudes électorales, mais le vrai enjeu dans toute élection, peut se résumer en deux points importants :
-D’abord, la crédibilité des candidats eux-mêmes, c’est ce qui fait réellement défaut chez nos politico-militaires, car ils se sont presque tous discrédités devant l’opinion publique nationale et n’arrivent plus ā convaincre les populations tchadiennes du bien fondé de leurs actions militaires ou politiques.
- Avoir la capacité de mettre en place des structures politiques ā dimension nationale, qui peuvent couvrir et suivre l’organisation et le déroulement des opérations électorales sur l’ensemble du pays. Là-aussi, vu les stratégies et calculs régionalistes ou tribaux de nos leaders politico-militaires, leurs succès au niveau national semblerait hypothétiques, pour ne pas dire, serait aussi un fiasco comme dans leurs activités militaires.
La lutte politico-militaire est certes difficile et longue dans un pays comme le Tchad. Mais, la confrontation de politique partisane n’est pas aussi simple, ni donné ā tout le monde, moins encore aux aventuristes. Après une profonde observation des acteurs et leaders politico-militaires, des enjeux qui les motivent et surtout des stratégies mises en place, il serait utile de rappeler à ces frères, qu’il est temps de cesser de perdre le temps et d’entamer courageusement une nouvelle phase réaliste de la vie politique tchadienne. Cela épargnerait á notre pays surtout la perte d’autres vies humaines.
Mais aussi, c’est par un réel changement de méthode de gouvernance que le pourvoir de N’Djaména pourrait convaincre nos frères politico-militaires à participer au dialogue ouvert et ā la reconstruction du pays afin d’assurer l’épanouissement des populations tchadiennes. Ainsi, nous espérons que cette réflexion sur les politico-militaires pourrait nous amener tous à réfléchir d’avantage et d’œuvrer ensemble pour bâtir enfin un Etat uni et crédible où toutes les sensibilités politiques pourrons s’exprimer dans le respect des droits et libertés fondamentales, en vue d’une alternance démocratique pacifique.
Dr. Hassane Mayo-Abakaka
Il n’est de meilleur ciment social que le travail.
Au Tchad, qui est responsable de nos malheurs et qui ne l’est pas ? Quand des médecins, professeurs, ingénieurs, vétérinaires, ou agronomes etc. se reconvertissent dans la politique ou cherchent des bureaux climatisés au lieu d’exercer leur vocation première, on doit se poser des questions.
A bien voir, lire et écouter, sur la toile (Internet), les Tchadiens n’auront que leurs yeux pour pleurer les années ou même les décennies à venir. De l’intérieur comme de l’extérieur la vue est sombre. Journalistes, analystes, étudiants, tous convergent vers la théorie et la politique.
Chers compatriotes, notre passion pour la politique nous empêche de voir la réalité pratique de notre économie même si cette dernière est primordiale. L’énergie fournie pour changer la politique actuelle de l’extérieur, peut être adaptée et transposée à l’économie, pour le bien être de la population tchadienne et donc nous tous.
Le pays produit des biens agricoles et d’élevage, mais personne ne veut en parler : peut-être qu’on attend Microsoft pour créer des emplois. Les tomates, les mangues, la gomme arabique, le sorgho ….pour ne citer que ceux-là, sont vendus sans valeur ajoutée. Le manque de volonté politique et la concentration de têtes pensantes dans la capitale et les bureaux ne donnent pas de perspectives d’avenir.
Tout le monde veut s’enrichir et donc les raccourcis pour atteindre tous les rêves, c’est la politique. En politique et commerce on n’a pas besoin d’aller à l’école argumentent certains, surtout dans les « carrefours ». Je me réserve de commenter ce dernier.
Au Tchad comme partout en Afrique, il est rare d’entendre un homme politique parler dans sa campagne de créations d’emplois et des entreprises pour faire vivre la population dans sa dignité. (Un atelier avec 2 employés est une entreprise).
Le langage de nos hommes politiques est celui hérité des négriers blancs et des colonialistes qui pillaient le continent en promettant quelques paquets de sucres ou des pacotilles aux autochtones. Aujourd’hui, l’héritage perdure grâce à la démagogie des hommes politiques, à l’ignorance et à la pauvreté des populations qui manquent de tout.
Dans les campagnes politiques on promet monts et merveilles : si vous votez pour moi je vous construirais des hôpitaux, des écoles ; vous aurez beaucoup d’argent, etc. Jamais vous n’entendez le mot emploi même dans la démagogie. (Le travail qu’il a fui pour la politique). Cette façon de faire a atteint le peuple à tel point que celui qui ne promet rien n’a rien car personne ne vote pour lui. Un crime démocratique contre le pauvre peuple qui n’est pas éduqué et formé pour cette « démocratie bâtarde » discutable sur ce continent.
Par ailleurs, personne ne peut ignorer la situation que vivent les Tchadiens aujourd’hui. Mais rien n’empêche de mettre l’économie en avant, qu’on soit en démocratie ou en dictature. Toutes les grandes démocraties occidentales ont vu les dynamismes économiques avant la démocratie. Car la démocratie est difficilement compatible avec la pauvreté et l’ignorance.
La politique, tout le monde en parle en théorie, mais en pratique elle est aussi la gestion, l’économie, l’administration, la résolution du chômage…
Étudiants des tous bords, universitaires, enseignants, chefs d’entreprises, consultants, politologues, politiciens, il est temps de se débarrasser de ces lunettes intellectuelles dont la visibilité est un peu encrassée et se limite à des visions théoriques.
Pourquoi ne pas faire des rapports voire même dix (10) pages chacun selon sa compétence et polluer les bureaux de l’état, comme ça au moins demain on pourra dire que j’ai proposé mes idées et qu’on me les a jetées à la figure.
Selon un dicton « La théorie c’est quand on sait tout et rien ne fonctionne, la pratique c’est quand tout fonctionne et que l’on ne sait pas pourquoi ». En faisant beaucoup de pratiques, certaines choses peuvent bouger sans se rendre compte. Et faire des rapports, c’est déjà faire un pas vers la pratique. Nous devrions nous mettre au travail, apprendre sans arrogance « aide-toi, le ciel d’aidera » de l’extérieur ou de l’intérieur, chacun peut apporter ses idées dans le ministère de sa compétence. Je suis convaincu que la réussite communautaire ou collective est la somme des réussites individuelles
Le Tchad appartient à tous les tchadiens et les adversaires politiques ne sont pas des ennemis. Des réunions à paris pour changer la donne c’est bien, mais une réunion pour l’économie et l’investissement sera plus que bien.
«Qui d’autres que les tchadiens doivent porter leurs causes ?»
Issa Mahamat Abdelmamout
L’échec patent du mot d’ordre de « ville morte » lancée conjointement par la CPDC, les partis alliés et la société civile, y compris l’UST, devrait être l’occasion pour les acteurs publics de réviser leurs critères d’analyse. En effet, fort du succès indéniable du boycott massif du référendum et du vote du « non » par les partisans même du pouvoir MPS, l’opposition avait commis sa première erreur d’appréciation en croyant en la paternité de cet événement. Il est vrai qu’en l’absence d’une rétrospective rigoureuse des processus passés, la CPDC peut se targuer d’avoir été l’auteur du mot d’ordre de boycott du référendum. Cependant, en analysant autrement les données, on pourrait soutenir que la manière assez cavalière avec laquelle le pouvoir MPS avait procédé au recensement, ne pouvait qu’encourager ce mouvement de boycott massif. Le recensement s’était fait à domicile, en l’absence des chefs de famille allés travailler. Beaucoup d’électeurs avertis étaient déjà exclus du vote par ce procédé. Moi-même, qui avait demandé dans la presse locale aux compatriotes de se faire recenser, quitte à ce que les forces politiques et de la société civile prennent leur responsabilité pour répertorier et dénoncer les fraudes sur les listes électorales, je ne réussirai jamais à obtenir une carte d’électeur !
Une autre raison du boycott massif a été donnée par les compatriotes Dingamnaïssem Nébé et Donangué Guy Blaise dans leur témoignage du 25/05/05 « Ne touchez pas à la Constitution » in Ialtchad.com (forum actualités) : Si, sur 5 millions de cartes d’électeurs produits, seulement 1.400 000 auraient été distribuées dans le Sud majoritaire, arithmétiquement il était difficile au pouvoir de faire sortir physiquement 3.600 000 électeurs des bourgades du Nord pour voter « oui ». Ce qui était un « auto-boycott » organisé par le pouvoir lui-même, faute d’électeurs physiques pouvant aller voter ! Les autres raisons ont été largement relevées par la presse locale, mais le point commun de démotivation des citoyens était : « ça ne sert à rien d’aller voter si mon choix ne sera pas pris en compte ».
Avec cette lecture plutôt critique, on peut minimiser l’effet du mot d’ordre de la CPDC tout en lui reconnaissant une part de la gifle du 6 juin dernier. Maintenant, de là à appeler à la « ville morte » pour les mêmes raisons évoquées, les enjeux n’étaient plus les mêmes entre l’opposition et la population. En effet, autant la population ne croit plus à la voie des urnes, autant elle n’a pas perçu l’issue de la stratégie de « ville morte » de l’opposition. Au vu des réalités africaines, est-ce que la ville morte seule pourrait contraindre le pouvoir à renoncer à ses intentions ? Seuls des naïfs pourraient s’y laisser prendre ! Alors, l’échec du 27 juin serait un autre camouflet infligé cette fois-ci à l’opposition pour son manque de réalisme et ses mauvais choix.
L’opposition tchadienne ne s’est pas encore remise en cause sur trois points fondamentaux :
Tout ceci aura pour effet d’installer durablement le pays dans les errements et l’échec total de la démocratie, et justifiera un jour l’avènement d’une dictature transitoire pour remettre de l’ordre. Un pouvoir qui poserait des actes contraires à la volonté des citoyens même légalement, et une opposition qui n’arrive pas à se mettre à la hauteur des vrais enjeux populaires, c’est le meilleur décor pour l’avènement imminent de révolutionnaires intransigeants et intègres. La « révolution des mangues » préconisée par M. Sougui Nour ou la proposition de sortie de crise en 8 points faite par M. Bourma Daoud Ahmat dont l’essentiel figure dans le Manifeste de la Renaissance Nationale (tous in www.ialtchad.com ), sont des probabilités qui échapperaient totalement au pouvoir et à l’opposition dans leurs capacités analytiques et tactiques actuelles. Comment en serait-il autrement quand les indicateurs sociaux et économiques au rouge vont même cesser bientôt de clignoter (exemple de l’agonie de la filière coton) ? Une opposition responsable devrait savoir choisir les bons mots d’ordre face à un pouvoir minoritaire certes, mais fortement soutenu de l’intérieur par une intelligentsia de la bouffonnerie et des cercles néocoloniaux insensibles à la liberté des peuples qu’ils exploitent et oppriment depuis des générations. Déjà affaiblie en elle-même, malgré ses potentialités indéniables, l’opposition tchadienne risquerait de signer sa propre perte en ne faisant pas son autocritique.
En un mot, la classe politique, pouvoir et opposition, vient de subir la correction magistrale et simple des citoyens les 6 et 27 juin dernier. Chacun fait comme s’il ne s’agissait pas de lui, mais les choses ne font que commencer. Car, contre toute attente, un jour viendra où le sort du pays se jouera en définitive dans la rue…Parions-le !
Enoch Djondang
Ce qui s’est passé c’est une question d’hystérie qui ne laisse personne indifférent et qui nous montre comment nous sommes gouvernés. Un gouvernement de léthargie qui ne se souci d’aucune éthique de responsabilité et de vouloir faire dans la règle de l’art. Comment expliqué que le chef de l’Etat d’une grande nation comme le Tchad qui se veut un modèle en Afrique central ne soit pas informé par son entourage de la date fatidique de décret de promulgation de du référendum après modification de la Constitution. Si nous comprenons bien le chef de l’Etat lui-même a déclaré tout récemment que le « Kermesse de désordre est terminé » mais là nous voyons le contraire et le désordre continue de sévir de plus belle. Nous avons des institutions juridiques, un ministère de tutelle, des conseillers juridiques à la présidence, à la primature, à l’assemblée nationale et j’en passe. Nous avons un gouvernement structuré avec des secrétaires généraux du gouvernement. Nous avons le cabinet civil du président de la république qui doit être un système de veille et d’alerte du président de la république.
Dirigé un pays est différent de diriger une entreprise, et même dans ce second cas une entreprise est un centre décision compacte qui gère son information à temps réel pour être au-devant des meilleures entreprises côtées.
Le pape du Management Kotler disait « Gérer son entreprise c’est géré son information et géré son information c’est géré son avenir ». Dans la tracée des choses, nous assistons à une situation où le chef de l’Etat n’est pas tenu informer des cruciaux problèmes de son pays, ou simplement il est mal entouré, ou bien encore il est entouré par des gens qui ne se soucie que de leur intérêt personnel sans loyauté et dévouement à leur chef. Dans ce cadre je n’accuse pas Idriss Déby de laxisme, mais ceux qui l’entourent et qui obéissent comme des bénis Oui – Oui. Nul n’est prophète dans son pays. Déby n’est pas prophète au palais rose. Et même s’il est, il a besoin d’être conseillé, d’être contredit, d’être confronté dans ses idées afin de trouver des solutions idoines aux problèmes posés. En un mot il ne peut pas tout faire. Et c’est pour ça qu’il a délégué des responsabilités, et ceux qui l’ont doivent y veiller et en assumer la responsabilité et non pas se laisser guider par un cerveau qui n’est pas le tient.
Le peuple Tchadien a besoin d’être gouverné autrement, par des Hommes capables qui prennent des initiatives, des patriotes ayant un sens civique et l’amour de leur patrie.
Aujourd’hui on se trouve devant un dilemme. La date officielle de la promulgation du décret de referendum est passée, et il n’est prévu dans aucun passage de la constitution de promulguer le décret dans deux ou trois mois après modification mais dans 15 jours plus 8 jours de grâce qui fait en tout 23 jours après modification de la constitution.
L’attention de l’opinion nationale et internationale a été attirée par l’opposant Ngarlédji Yorongar. Depuis c’est un silence de mort qu’on observe du côté de la présidence de la république et de l’assemblée nationale. Le dernier remaniement gouvernemental ne dit rien au peuple tchadien. Nous voulons des réponses justes, des solutions appropriées, un issu de sortie favorable et bénéfique pour tous. Donc il faut poser le problème dès maintenant et en débattre, si possible initier des rencontre entre gouvernement – opposants- société civile. Ne restons pas à la dernière minute pour mettre le peuple Tchadien devant un fait accompli sans justice et antidémocratique. Par ce que si Déby a été choisi pour être élu c’est dans la démocratie que cela doit se passer même si beaucoup n’y croit pas trop. Mais chacun de nous est appelé à défendre l’image de son pays quoi qu’il en soit, n’oublions pas que nous sommes d’abord des Tchadiens par de vers tout et Déby est le président de tous les tchadiens.
La démocratie n’est plus un objet de l’histoire, ni assujettie à des conditions de possibilité. Elle est une revendication essentielle de toutes les sociétés, un droit fondamental qu’exigent les hommes dans tous les lieux et toutes les sociétés, quoi qu’en disent les derniers culturalistes. Il est, à jamais, acquis que la seule légitimité acceptable est la légitimité démocratique. Le défi même de l’époque est d’inventer la démocratie là où les «conditions» ne lui sont apparemment pas favorable. L’onde choc provoquée par cet oubli peut être considérée comme à l’origine du fossé existant entre l’«élite intellectuelle» et les «masses». Si les premières, emportées par les bouleversements à l’échelle mondiale, ont fait de la démocratie leur cheval de bataille, les secondes, bien que conscientes de son caractère salutaire, y cherchent encore leurs marques. L’on doit s’interroger alors sur les causes d’un tel décalage dont l’une des conséquences déplorables est la perte de repères, voire une crise d’identité politique qui ne dit pas son nom. Il y a une sorte de statisme qui donne l’impression d’une vie politique mouvementée au Tchad. L’agitation sociale est aggravée par une crise d’identité politique, dans une série de convulsions dont on n’est pas sûr de l’issue bénéfique au sens de la gestation d’un cadre nouveau. Autrement dit, nous voyons depuis plusieurs mois une scène politique mouvementée sur laquelle les acteurs se cherchent des rôles lorsqu’ils ne se contentent pas de faire de la figuration. On dirait même qu’ils trouvent leur utilité sociale dans ce seul fait d’être là où cela se passe. Au mieux, de faire bonne figure pour ne pas perdre la face. Une telle situation ne peut conduire qu’à de multiples interrogations. Est-on arrivé à une impasse politique et sociale sans l’avouer ? Ou bien, la génération d’hommes politiques en place a-t-elle atteint toutes ses limites ? Ou encore, ne doit-on pas reposer la question de la place et du rôle des partis dans notre démocratie ? Le plus inquiétant, cependant, est que tout le monde est quasi convaincu de l’inexistence de toute alternative alors que nous nous trouvons dans un pays dont l’action et la lucidité de la société civile et des forces vives doivent faire leçon en Afrique centrale. A-t-on définitivement cru au caractère indispensable de la politique politicienne telle qu’exercée par les entrepreneurs politiques au sein des différentes formations qui agitent notre quotidien, jusqu’à oublier d’attirer l’attention de chef de l’Etat sur un sujet aussi capital ?
L’expérience historique en matière politique a démontré que la reproduction sociale et la perpétuation du système clientéliste a été la malheureuse et seule constante depuis l’indépendance du Tchad. Et c’est comme si tout le monde, en même temps d’y croire, s’en accommodait. La croyance au caractère incontournable de l’engagement partisan, avec un militantisme alimentaire devant servir les intérêts particuliers, au-delà de toute préoccupation éthique, s’enracine bel et bien. Pourtant, avec l’avènement de l’alternance, il y avait un état d’esprit positif qui inspirait autre chose. Il y avait, là, une occasion en or de procéder à la révolution des mentalités après celle des urnes qui en était, sous certains angles, le signe annonciateur. Malheureusement, comme pour donner raison aux tenants de l’holisme méthodologique, l’homme-acteur devient vite prisonnier du système et la machine infernale se remet à tourner dans le même sens pour les mêmes «classes».
Devant une telle situation, où le débat public se réduit aux invectives renvoyées et reformulées, on doit, déceler les signes d’une usure. C’est que le débat - s’il en est un - ne fait plus sens et que les politiques de tous bords n’ont plus la capacité de résoudre les problèmes et de comprendre les demandes sociales qui ne manquent pas. Les citoyens ordinaires ont comme l’impression d’être oubliés et de ne plus servir que de vivier électoral que viennent se disputer des entrepreneurs-militants lors des différentes échéances. Le pays vit au rythme d’une éternelle campagne électorale. On a oublié que cette dernière servait à discuter les différents projets rivalisant de patriotisme, de sérieux, d’ambition à l’approche d’une élection. A défaut de projets convaincants, les différentes formations partisanes se réfugient dans le maniement de discours de type utopico-sophiste, lorsque le machiavélisme politique reste l’apanage d’une caste.
Notre actualité politique fournit des exemples d’une pertinence incomparable de ce processus de l’évolution cyclique du discours et des attitudes militantes. On fait la critique du système en place tant qu’on y est pas associé, pour finir par son apologie irraisonnée lorsqu’il nous ouvre ses mailles. Si seulement la nouvelle recrue devait, ainsi, contribuer à l’amélioration du système qu’il intègre dans le sens d’un apport positif, la transhumance serait, paradoxalement mais salutairement, une chance pour la politique. Mais, généralement, c’est le contraire qui se produit. Avec le malheureux effet d’en faire une voie d’ascension sociale au mépris de toutes les valeurs tant vantées par les chantres de notre nationalisme alors débordant.
Lorsque les partis et acteurs politiques se renvoient la responsabilité de l’extrême politisation de l’Etat qui devait être le garant de l’éthique de la neutralité objective, c’est qu’on est en mal de repères. Le fait que la société civile devient, de plus en plus, la cible des attaques politiques, est un signe que les formations partisanes ont dilapidé leur capital dans des querelles insensées et se sont rendu compte de leur homogénéité d’action et de vision. Si on se vaut tous, doivent-ils penser, les adversaires changent de bord et le combat de nature ! Une extrême prudence s’impose, alors, pour la société civile qui ne peut se transformer en parti des acteurs ordinaires, mais doit rester l’alternative et faire l’écho des préoccupations générales noyées dans les eaux troubles de la compétition politique. Cette dernière est, certes, l’arôme nécessaire à la confrontation des idées indispensable à la viabilité du système démocratique. Cependant, lorsqu’elle se fait aux dépens de l’acteur principal qu’est le citoyen, elle repose, avec acuité, le problème de la représentativité politique qui n’est pas qu’un simple idéal. Une concertation élargie à toutes les forces vives serait un début de solution à cette crise d’identité politique. Il ne s’agit pas de pourparlers dans lesquels on perdrait son âme pour être écouté, ni de se rejeter mutuellement pour se faire entendre. Simplement, il faudrait arriver à un état d’esprit citoyen qui aiderait à dédramatiser la contradiction et en faire le socle de la critique constructive. Autrement dit, les différentes ambitions que les acteurs politiques - du pouvoir comme de l’opposition - ont pour le Tchad, doivent motiver l’action de chacun. Sans faire de l’opposition systématique ni de l’entêtement politique, tous doivent travailler pour l’évolution de la chose commune et l’émergence d’un Tchad émergent.
Ceci ne veut point dire une uniformisation qui tuerait le débat, véritable stimulant permettant l’éclosion de toutes les énergies positives. Seulement, on devrait arriver à cet état d’esprit selon lequel toutes les bonnes idées pour le Tchad seraient à prendre au-delà des appartenances partisanes et des ambitions personnelles. Si on arrive à ce stade, la démocratie, alors libérée de la mainmise des partis et des entrepreneurs politiques, comme idéal ou système permettant un développement harmonieux pourrait, enfin, commencer à faire sens. Et de là nous trouverons peut être ensemble une solution à cet imbroglio. Reste à savoir que doit-on faire démocratiquement pour trouver une alternative devant cette situation. C’est un sujet qui nous interpelle tous, loin d’une démocratie excessive à la Tchadienne.
Adoum GAGOLOUM
L’angoisse exprimée par le peuple tchadien face à ses politiciens semble de plus en plus inquiétante et devient comme un effritement qui mérite aujourd’hui une réflexion pour revivifier le pacte fondamental par lequel est lié le peuple Tchadien à ses gouvernants.
Face au déficit communicationnel, l’histoire a ainsi placé le pays au cœur d’inévitables tensions entre les libertés individuelles et les libertés collectives, entre la recherche du profit et la quête de l’intérêt général, entre la toute-puissance du marché et la nécessaire intervention de l’état. Et, si on est arrivé là c’est parce qu’on est mal parti et continue souvent à mal partir.
Interpellons nos dirigeants sur la quintessence de la communication politique. Il serait urgent pour que notre pays s’accomplisse, s’armer d’une philosophie propre aux réalités tchadiennes.
Pour ne pas plagier il faut savoir innover et qui dit innovation doit tenir compte de la nécessité de contextualisation par rapport l’environnement socioéconomique du Tchad. Les tenants du succès d’une quelconque initiative sont certes peu nombreux dans notre pays et ceux qui le sont ne tiennent pas compte de ces réalités socioéconomiques.
Contrefaire, copier, démarquer, imiter, piller voilà comment on fait de la politique au Tchad, or il fallait non seulement soigner son image et son verbe, voir le désir de plaire périodique mais éveiller le peuple tchadien sur ce qui se passe dans son pays et ensuite dans le monde.
La communication politique est désormais incontournable au niveau de l’échiquier politique tchadien. Elle peut être parfois une arme redoutable pour contrecarrer certaines attaques d’une opposition farouche. Et à ce niveau le régime de Deby est moins présent. Pourtant Déby a été celui qui a su le mieux à faire usage : « Le MPS vous a emmené un grand cadeau et ce cadeau n’est ni or et ni argent, c’est la démocratie ». Cette communication n’est-elle pas masquée le fait qu’il n’y avait pas de réels programmes et des initiatives démocratiques. Une communication persuasive qui est devenue à la longue une communication spectacle, celle qui triomphe aujourd’hui dans notre pays. Mais de spectacles, il n’y en a pas tous les jours. Il faut faire appel aux idées qui elles doivent être permanentes dans le sens d’une communication persuasive. Et c’est là le bât blesse avec le régime actuel, c’est qu’on ne sait pas même pas montrer ce qu’on a fait et ce qu’on fait, expliquer ses actions quand elles paraissent douteuses et s’expliquer sur ces silences et ses absences lorsqu’ils suscitent des interrogations. C’est aussi cela l’expertise en communication politique, ce n’est pas seulement créer le feu lors des grands moments électoraux, c’est aussi savoir entretenir la flamme après la victoire.
Le plus souvent nos dirigeants, nos opposants font campagne sans un réel programme politique structuré, ferme et prometteur. Nous ne sommes pas là pour écouter des insultes ou des insinuations à l’égard d’autrui. Il faut distinguer ce qui objectivement est bon et utile pour le peuple de ce qui emballe, attire ou diverti le peuple. La spécialité des politiciens c’est de jouer sur le deuxième cas qui est sûrement utile pour les politiciens mais pas forcément pour le peuple.
Le peuple tchadien dans sa majorité est suffisamment mature pour faire la part des choses entre le divertissement et la réponse à son besoin socioéconomique pour lequel le politicien s’est engagé, juré, promis. La communication politique a des effets sur l’entendement des tchadiens, cela résulte d’une stratégie combien pensée.
Manier très mal la parole publique peut coûter à un régime ou à un parti politique candidat. Il faut cultiver la communication dans la sincérité et dans une volonté réelle de faire pousser des idées entre le peuple qui doit être souverain et les responsables politiques.
Les hommes politiques notamment doivent comprendre qu’ils ne sont aucunement des ennemis mais des adversaires dans la complémentarité des idéologies et modèles politiques. L’homme politique doit surtout se comporter comme un véritable éducateur et par conséquent toutes ses actions doivent être concrètes et justifiées.
Le peuple tchadien à bien marre de ce jeu politicien qui pollue de plus en plus le climat social et économique du pays. Il ne s’agit pas de se réfugier derrière une idéologie ou un modèle économique spécifique pour nourrir des rêves de développer un pays. L’Etat et son peuple doivent être acteurs car il faut avant tout être républicain, c'est-à-dire des hommes et des femmes qui se veulent progressistes et donc prêts à servir la cause de la nation et non malheureusement ceux qui veulent en jouir sans participation sous forme de travail honnête et efficace. L’Etat républicain n’est pas seulement chargé d’établir des règles et de veiller au respect strict de la déontologie. Il doit légitimement intervenir pour favoriser la rentabilité de toutes les activités économiques dans le pays notamment les entreprises nationales et même privées et voire favoriser également la constitution de grands groupes de taille internationale. L’Etat républicain se doit aussi lorsque l’emploi est menacé et la cohésion sociale minée, de participer au sauvetage économique. Cette République ne peut nouer des alliances que dans le partage de ses valeurs les plus élevées et dans le but de les défendre conformément à sa vocation universelle. Enfin, l’Etat républicain doit se saisir de tous les problèmes de la cité et être donc l’expression du peuple car c’est l’expression du vrai, du beau, du juste. C’est défendre en un mot les aspirations et les ambitions du peuple. Lorsque tous ces piliers sont enfin suivis par l’Etat, il appartient maintenant au peuple de l’aider et de le soutenir à franchir le cap car être républicain aujourd’hui, c’est résister aux tentations individualistes, corporatistes, communautaristes de notre société. Ce n’est pas s’accrocher à des comportements purement opportunistes induits par des intérêts personnels tel que cela se passe aujourd’hui dans le système politique tchadien (et c’est très dommage), mais, au contraire, approfondir des principes porteurs d’un projet politique moderne. C’est enfin agir avec conscience que la République c’est lorsque son peuple se sent acteur de son propre développement et prêt à assumer son propre destin.
Ainsi face aux défis de la mondialisation, c’est seulement par la conjugaison de ces efforts que le pays pourra sortir «la tête de l’eau» ; car le développement d’une nation n’est pas l’extension à la dimension de la planète de toutes les activités économiques et l’adoption par toutes les nations et les communautés d’un modèle économique et social.
Cependant, il est clair que ces notions ne sauraient être de simples danses de style et doivent renvoyer à des phénomènes de management de types nouveaux concrets et palpables. La bonne gouvernance et la transparence ont comme corollaires la lisibilité et la visibilité de l'action gouvernementale et sont forcément sous-tendues par une politique de communication sans détours.
Les rapports des corps de contrôle étatiques décelant des manquements graves à l'orthodoxie des règles de la comptabilité publique doivent être portés à la connaissance de l’opinion publique et ce, sans préjudice des sanctions encourues par les auteurs. Cette dynamique doit guider tous les actes de gouvernement.
Cette publicité entraîne 3 conséquences majeures : 1) L'effectivité de l'accès des journalistes aux sources de l'information 2) L'exorcisation du phénomène de la rumeur publique 3) L'éclosion d'une société civile. Si on lui prive l'information par la grande porte, il l'aura par la petite porte. La rumeur publique procède de la même logique, moins on communique plus développe la rumeur publique.
Enfin il ne saurait y avoir d'éclosion d'une société civile sans la disponibilité permanente des actes des gouvernants relayés à grande échelle par les mass-médias. En effet, dès que les actes des gouvernants sont connus par les citoyens à tous les niveaux, s'instaure inéluctablement une discussion informelle sur leur opportunité ou non qui à son tour est relayée par les mêmes mass-médias de façon ascendante. L'on parle alors de feed-back auquel les gouvernants ne sauraient être insensibles. Ainsi l'opinion publique arrive-t-elle à influer sur les actes des gouvernants ? Et aujourd'hui plus que les efforts légitimes du journaliste tendant à obtenir l’information qualifiée à tort de confidentielle, c'est le déficit de communication à temps réel sur des questions sujettes à discussion comme celles du pétrole ou des marchés publics voir encore des nominations complaisantes.
J'estime que le débat est intéressant dans la mesure où il pose un problème central dans le commerce social qu'il soit diagonal, transversal ou vertical comme c'est malheureusement le cas le plus souvent. En effet un examen critique de la communication des hommes politiques tchadiens ou plus précisément ceux qui sont aux commandes de l'Etat laisse apparaître une logique unilatérale pour ne pas dire dissymétrique. Les hommes politiques bombardent le public de slogans et de formules sans toujours se poser des questions sur la réception qu'en fait ce dernier. Et ceci est en porte à faux avec la logique même de la communication qui suppose une identification commune à un certain nombre de codes et de valeurs, condition nécessaire au succès communicationnel. Or on note qu'il y'a un décalage manifeste entre les soucis premiers de ces hommes politiques et les besoins exprimés ou diffus des populations locales. La conséquence immédiate est que le débat politique, depuis longtemps, tourne en boucle sur des thèmes récurrents qui ont pour noms invectives ou promesses à tout va entre autres.
Il nous semble dès lors opportun de circonscrire le cadre à l'intérieur duquel les horizons communs sont déterminés et définis nécessitant au passage honnêteté et désintéressement chez les politiques-gouvernants et éducation et discernement chez les populations. Il y'a du chemin avant d'épouser les paradigmes communicationnels tels que connus à l'heure actuelle dans le monde.
La communication politique ne doit pas se résumer aux discours, meetings, émissions de radios et télés, interviews.
Donc, il faudrait dès à présent faire la nuance et éviter de ternir l'image du politique.
Même, une vie de famille exemplaire est un atout en communication politique.
Adoum GAGOLOUM