Le « génie visionnaire et patriotique » du Président de Transition en matière d’ingénierie de gestion des ressources pétrolières, mis en musique par sa « task force » sous la haute férule du SGP, continue de surprendre par sa candeur confondante. Savannah en profite sans coup férir pour soumettre le pays au « supplice de la goutte d’eau » à travers des condamnations échues et à venir comme en témoigne le dernier épisode avec la décision conservatoire de la justice américaine du 15 septembre 2023.
La décision de la justice américaine dont l’écho a fait florès dans l’opinion n’est à la vérité qu’un simple corollaire de la sentence pré-arbitrale du 28 juillet 2023 (voir notamment nos commentaires dans les colonnes de Ialtchad Presse (www.ialtchad.com) : « Affaire Savannah : Et la loi d’Airain de l’arbitrage frappa le Tchad ». Elle est néanmoins redoutable pour la filiale gabonaise de la City Bank (détentrice des avoirs COTCO) à cause de l’imprimatur de la justice américaine dont aucune banque à vocation internationale ne peut résister à la décision au risque de s’exposer au mieux, à la saisine de ses actifs sur le territoire de l’Uncle Sam et au pire, à l’interdiction d’opérer toutes transactions en Dollars dans le monde entier ; ce qui obérerait purement et simplement son activité à l’internationale. Un comble pour une banque.
La décision de la justice américaine du 15 septembre dernier appelle néanmoins les commentaires suivants :
Un, elle est absolument sans effet et lien avec le contentieux de l’indemnisation de la nationalisation des actifs pétroliers de Doba. Ce dernier dont l’instance est en cours devant la chambre arbitrale de Paris, sera autrement plus explosif et redoutable pour le Tchad. Le pays y encourt la condamnation au bas mot au paiement à Savannah ou à ESSO d’une somme de 250 milliards de FCFA au principal, sans égard aux dommages et intérêts et aux intérêts moratoires inévitables (qui peuvent aussi se compter en milliards supplémentaires de FCFA). En effet, commettre un acte inconsidéré de souveraineté comme cette nationalisation au forceps, flatte l’ego, mais ne pas budgétiser ou provisionner son coût financier, soit parce que le pays n’en a pas les moyens soit parce que les dirigeants n’y ont pas pensé, (les deux d’ailleurs vont de pair) frise simplement l’indigence du leadership (voir en ce sens, la tribune dans Ialtchad Presse (www.ialtchad.com), « ACTIFS PÉTROLIERS, POISON D’UN PATRIOTISME DE L’ÉMOI ».
Deux, il est vraisemblable que le pouvoir Camerounais dont COTCO relève de la juridiction, tente de jouer la finesse, pour ne pas assumer le risque d’un refus de prêter son concours à l’exécution de la sentence pré-arbitrale du 28 juillet passé, en traînant les pieds, afin de ménager la susceptibilité du pouvoir Tchadien. C’est probablement la raison pour laquelle, Savannah qui aux termes de la sentence pré-arbitrale, devrait réinvestir la tête de l’exécutif de COTCO, a dû se résoudre à saisir la justice américaine pour demander la mise sous séquestre des avoirs de COTCO à la City Bank Libreville. Elle n’en aurait pas eu besoin si elle avait repris effectivement les commandes de COTCO comme l’a prescrit l’arbitre.
Trois, à la vérité, il faut affirmer que dans le contentieux au fond de l’affaire COTCO (à ne pas confondre avec le contentieux de la nationalisation des Actifs pétroliers de Doba) entre le Tchad et Savannah, si le Tchad est débouté de ses prétentions, c’est-à-dire, s’il perd le procès, cette perte n’engendrera pas de coût ni de risque direct financier pour le contribuable Tchadien. En effet, les 41,06% des actions du capital de COTCO dont le Tchad revendique la propriété, appartenaient à ESSO (Exxon Mobil) qui dit les avoir cédés à Savannah Energy. À date, le Tchad n’a déboursé aucun centime de FCFA pour les acquérir ou indemniser Savannah ou ESSO. La perte de ce procès par le Tchad aura une incidence financière nulle ou neutre, sauf bien sûr les centaines millions de FCFA d’honoraires d’avocats et de conseils et surtout les millions d’autres CFA de notes de frais (frais de missions) et de gratifications des éminents membres de la « task force pétrole » de la Présidence de la République et du Gouvernement.
Quatre, si Savannah perd le procès COTCO, le Tchad ne le gagnera pas pour autant. En effet, si la chambre arbitrale accède à l’argument développé par le Tchad du non-respect par ESSO et Savannah de la procédure de la purge du droit de préemption des autres membres du Consortium (hypothèse vraisemblablement plausible), l’inopposabilité de la qualité d’actionnaire de Savannah ne peut avoir pour conséquence, d’investir le Tchad du droit de propriété sur la fraction litigieuse représentant les 41,06% du capital de COTCO. En effet, une « loi domestique tchadienne (loi de la nationalisation des actifs pétroliers) » ne peut avoir « effet d’extranéité pour autoriser une application aux biens relevant de la juridiction d’un autre État en l’occurrence celui du Cameroun en ce qui concerne les droits dans le capital de COTCO ? ». La sentence pré-arbitrale du 28 juillet l’affirme nettement. L’inopposabilité ou l’annulation pure et simple de la cession Esso/Savannah des actifs COTCO aura pour effet de remettre les parties en l’état où elles étaient avant l’opération contestée. Le rejet éventuel de la qualité d’actionnaire de Savannah, entrainera la réattribution de plein droit de la propriété des actions à ESSO qui était censée ne les avoir jamais vendues. Que pourra dès lors le Tchad et toute sa « task force » contre ESSO sur les parts de capital d’une société de droit Camerounais? Rien, si ce n’est obtenir que Paul BIYA ordonne leur nationalisation au profit du Cameroun suivie d’une convention de cession par le Cameroun au profit du Tchad. Il n’est pas interdit de rêver, mais le réel demeure implacable.
Cinq, la raison conseillerait, mieux, voudrait que le souverain tchadien et l’éminence de sa « task force » range leur orgueil, fierté et drapeau dans la poche afin de négocier une transaction avec Savannah et/ou Esso, relative à une indemnisation globale pour solde de tous comptes, moyennant un désistement volontaire de toutes les instances en cours et susceptibles de naître pour les mêmes faits entre les mêmes parties. Il s’agit par cela d’éviter de rajouter au supplice financier, celui d’un feuilleton de l’humiliation du pays. Il y a des circonstances où comme l’affirmait Honoré de Balzac, « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ». Le bourbier stratégique, juridique et financier dans lequel la « task force » a plongé le pays l’exige et l’impose.
Abdoulaye MBOTAINGAR
Docteur en droit
Maître de conférences à l’université
Dans une cérémonie haute en couleur, d’auto-persuasion et d’autocongratulation le 7 juillet 2023, la « task force pétrole » de la présidence de la République, louait par la voix de Gali Ngoté GATTA lui-même, le génie visionnaire et patriotique du Président de la Transition dans un optimisme enchanté et mâtiné de béatitude. Cette célébration pour le moins lunaire, défie la prudence et la réserve que conseillent les tables de la science en matière de prévisions économiques et de résultats opérationnels en ce qui concerne l’exploitation des actifs nationalisés. Mais elle l’est aussi parce que le fin mot de l’instance arbitrale du contentieux COTCO avec Savannah est encore loin d’être dit et que par ailleurs, le pays n’a pas encore payé le premier centime, des centaines de milliards de FCFA de l’indemnisation de la nationalisation des actifs pétroliers de Doba. Des indemnisations que le pays ne pourrait honorer sur ses seules ressources propres et dont le principal du montant augmente chaque jour qui passe, de même que les intérêts poursuivent leur multiplication des petits.
Dans une précédente tribune dans Ialtchad en deux volets : « ACTIFS PÉTROLIERS, POISON D’UN PATRIOTISME DE L’ÉMOI », nous livrions une analyse de l’hérésie à la fois économique, juridique et stratégique de l’opération cavalière de nationalisation des actifs pétroliers de Doba. Depuis, il s’est tenu la cérémonie précitée de l’hubris, mais est aussi tombée l’ordonnance pré-arbitrale de la CCI-CA de Paris dans le volet du différend Savannah contre l’État tchadien à propos des droits de celle-ci dans COTCO. Certes, il ne s’agit que d’une décision conservatoire, c’est-à-dire, d’une décision qui gèle, fige ou suspend en l’état (statut quo ante), la situation des parties (droits, obligations, qualité, intérêt etc…) à un litige pour éviter une évolution irréversible en raison soit de l’urgence, soit du préjudice subi et de son aggravation, en attendant un examen approfondi, autrement, une appréciation plus poussée des faits et des arguments respectifs des parties.
Même si par principe une ordonnance avant dire droit ne préjuge pas du jugement au fond, elle donne néanmoins, par une analyse sommaire, des indications certes sibyllines, mais assez éloquentes de la réception, de la sensibilité et des prémices de la conviction du ou des juges des référés au regard de la contestation, et donc des chances de succès dans le procès à venir de chacune des parties.
Ainsi, en l’espèce, Savannah dont le Tchad affirmait avec force, commentaires et publicité qu’elle n’a plus la qualité d’actionnaire de COTCO en raison de la loi nationalisation des actifs pétroliers, a pourtant été déclarée recevable par l’ordonnance pré arbitrale à agir en cette qualité. Ceci veut dire que Savannah reste et demeure jusqu’au dénouement du procès au fond, belle et bien actionnaire à hauteur de 41, 06 % du capital de COTCO. Par suite, l’ordonnance fait droit à quasiment toutes les demandes de Savannah tendant, notamment à :
- suspendre les effets des décisions prises à l’assemblée générale de COTCO à Paris le 24 mai 2023 : concrètement la décision « bloque » d’une part, la révocation des administrateurs de Savannah, décidée à l’occasion de cette assemblée; elle rétablit ainsi leur légitimité en tant qu’administrateurs de COTCO. Inversement, l’ordonnance « bloque », la nomination des administrateurs du Tchad dans COTCO, opérée à cette assemblée. Très clairement, les administrateurs nommés par le Tchad depuis le 24 mai 2023 ne peuvent plus siéger au conseil d’administration de COTCO jusqu’à la décision au fond.
- suspendre les résolutions du conseil d’administration du 4 juillet 2023. L’ordonnance décide d’un côté de « bloquer » la révocation des dirigeants de COTCO nommés par Savannah. De l’autre côté, elle « bloque » les dirigeants de COTCO nommés au titre du TCHAD, soit les actuels PCA, le DG et la DGA. Ainsi les dirigeants nommés par le Tchad ne peuvent diriger et représenter COTCO, ni convoquer un Conseil d’administration et encore moins une assemblée générale jusqu’à la décision au fond. Ceux nommés par Savannah sont réinvestis dans leurs prérogatives de dirigeants de COTCO, tels qu’ils étaient avant l’assemblée générale du 24 mai dernier, et ce jusqu’à la décision au fond.
- interdire au Tchad de se présenter comme nouvel actionnaire majoritaire de COTCO.
Mais, inversement, la sentence pré arbitrale a rejeté toutes les demandes du Tchad.
Bref, en l’état du précontentieux, c’est une cinglante bérézina de la « task force pétrole ». Ce verdict aurait prêté à la franche rigolade au regard de l’indécence de la jubilation et de la fanfaronnade de la « task force » si ce n’est les millions, voire des milliards de FCFA d’honoraires et de notes de frais engloutis sur le dos du contribuable tchadien par autant d’amateurisme doublé d’affairisme.
En effet, comment les crânes d’œufs du Palais Rose, du Gouvernement et leurs conseils ont pu s’imaginer qu’une loi domestique tchadienne (loi de la nationalisation des actifs pétroliers) puisse avoir effet d’extranéité pour autoriser une application aux biens relevant de la juridiction d’un autre État en l’occurrence celui du Cameroun en ce qui concerne les droits dans le capital de COTCO ? C’est la quadrature du cercle qu’ils devront désormais résoudre pour convaincre le tribunal arbitral du bon droit de la prétention du Tchad à dénier la qualité d’actionnaire de COTCO à Savannah. Et il va leur falloir pour une fois travailler et se creuser les méninges. Mais il y a de raisons d’en douter tant ils ont pris goût à la paresse et à la facilité en raison de l’obséquiosité et de la servilité de tous les contre-pouvoirs (justice, parlement, médias, la majeure partie de la classe politique et des organisations de la société civile, les chefs traditionnels, etc.), à plutôt passer les plats et même anticiper les désirs et états d’âme, naguère du monarque Deby père et aujourd’hui du Prince éponyme et de leurs affidés.
L’ordre juridique international n’est pas soluble dans le droit tchadien et encore moins dans les oukases et les forfaitures du régime. Et il est vain de plaider encore une fois, après le premier échec de janvier, l’incompétence de la CCIP-CA comme s’y sont maladroitement pris la « task force pétrole » et ses conseils, dès lors que le Tchad est bien signataire des statuts de COTCO de 2016 stipulant la clause compromissoire fondant la compétence de cette juridiction arbitrale pour connaître de tout différend né de l’application desdits statuts.
Mais au-delà du verdict lui-même, le communiqué du 31 juillet du ministre du Pétrole et de l’Énergie rendant compte de la sentence arbitrale, n’a d’égale que les modèles orwelliens de communication dans la « Ferme des animaux » ou « 1984 ». En effet, dans son communiqué, le ministre fait fi et sans vergogne du dispositif pourtant implacable de la décision pour le Tchad, pour ne proposer qu’une lecture triviale et isolée d’un segment de la motivation et lui permettre de plastronner les poncifs moult fois servis, alors que l’arbitre lui-même, auteur dudit raisonnement, n’en tient pas compte dans le dispositif qui sanctuarise pourtant la décision. C’est à minima de la malhonnêteté. Il n’empêche c’est très grave car sa parole engage et oblige l’État tchadien. Dans un pays respecté et respectable, cela relève ni plus, ni moins d’un mensonge d’État devant mettre en émoi tous les citoyens et conduire le gouvernement à en tirer les conséquences. Mais au Tchad, il ne se passera rien. Personne n’a jamais demandé de comptes aux acteurs, souvent les mêmes, du fiasco Glencore dont le pays subit et subira encore pour longtemps les affres. Personne ne demandera jamais de comptes aux acteurs, souvent les mêmes, du gouffre financier à venir de la nationalisation cavalière des actifs pétroliers de Doba. Personne ne demandera de comptes, aux acteurs souvent les mêmes, lorsque les personnels de la TPC (ex. Esso) de Doba, perdront leurs acquis et droits sociaux bâtis sur la durée d’une vie de travail, par le fait de prince ou en raison d’une gouvernance qui ne sera que calamiteuse de la compagnie.
Qu’en attendre d’autre d’un régime dont le parlement, haut lieu de débats publics et de délibération nationale, ne trouve pas mieux que de se dénaturer et se saborder par le vote de motions de soutien au gouvernement sur un projet de texte qui lui est soumis et en prélude à son examen en plénière ? Rien.
Qu’en attendre d’autre d’un régime qui organise sans état d’âme, par-devant le ministre de la Justice et le président du Conseil National de Transition (parlement), une cérémonie publique de contrition de victimes de massacres de masse du 20 octobre, demandant pardon à leur bourreau à qui elles adressent, comble d’ignominie, leurs remerciements et reconnaissance ? Rien non plus.
Abdoulaye Mbotaingar
Docteur en droit
Maître de conférences, Université d’Orléans
Membre du centre de recherche juridique Pothier, CRJP, EA 1212
Chargé d’enseignement, Université Paris-Dauphine-Psl
Après le Mali, le Burkina-Faso, le peuple du Niger se réveille pour déposer son président valet de la France, Bazoum. Il faut être la France pour croire qu’il s’agit que des coups d’États.
La France, pays très pauvre naturellement, mais seconde économie de l’Union Européenne grâce aux détournements massifs des biens des pays autrefois colonies françaises est toujours démasquée, localisée et entrain d’être neutraliser. Ce n’est pas un secret aujourd’hui, la France est construite à partir des pillages permanents des ressources des pays africains et la manipulation illicite du Francs CFA. Autrement, la France sera derrière tous les pays du sud de l’Europe notamment l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce.
Démasquée et aux abois, la France essaie misérablement à vouloir à tout prix saboter l’élan général de conscience de la jeunesse Africaine. C’est une tentative dérisoire, car aujourd’hui la jeunesse africaine, majoritairement d’ailleurs, a identifié les maux qui ont miné son développement : c’est bien la France. En Afrique (Côte-d’Ivoire, Niger, Tchad, Centrafrique, Libye, Biafra, Congo, Gabon, Togo, Benin, Cameroun, Mali, Burkina, Madagascar, Sénégal, Guinée Conakry, Mauritanie, Burundi, Rwanda, Algérie, … ), l’esclavage, les guerres fratricides, les rebellions, les coups d’Etats, les massacres, le 20 octobre 2022, les assassinats des leaders africains, les déportations, les conflits interethniques, les pillages et autres détournements des ressources naturelles africaines, les dictatures, les démocraties bidons, les élections truquées, sont l’œuvre de la France et la France seule.
Aujourd’hui, la France ambitionne continuer à nous infantiliser mais peine perdue. L’Afrique est entre les mains d’une génération consciente, la vraie décolonisation est lancée, elle est inéluctable, elle est irréversible. Partout en Afrique, la jeunesse continuera sa lutte pour chasser la France hors de nos frontières, jusqu’à l’indépendance totale et effective.
Il ne s’agit pas de coup d’État, que la France prenne conscience ou pas, la jeunesse africaine ne veut plus des négriers et voleurs français, sources de tous les maux dont souffre l’Afrique. La jeunesse africaine vaincra la France et cela partout en Afrique. Le Mali est aux maliens, le Burkina-Faso est aux burkinabés, Le Niger est aux nigériens, ainsi de suite.
Oudalbaye Koriadoum
La soudaineté, la précipitation et la légèreté de la nationalisation des actifs pétroliers, conduite au pas de charge par Mahamat Idriss Deby fils et sa cour royale de sherpas et mentors, sans une appréciation raisonnable et rationnelle du risque financier pour le trésor public et réputationnel pour la signature du pays, est une hérésie à la fois économique, juridique et stratégique.
Dans un des rares moments d’accès de lucidité, Deby père battait sa coulpe à propos des conditions d’acquisition des droits de Chevron en 2014 en avouant dans une interview (en 2017 aux médias : RFI, TV5 et Le Monde) que : « je dois reconnaître que le prêt obtenu de Glencore était une démarche irresponsable. Comment est-ce arrivé ? Au moment où le Tchad avait sérieusement besoin de ressources et où tous les chantiers étaient à l’arrêt, il nous fallait des ressources pour au moins finir les chantiers que nous avions commencés ».
Il questionnait rétrospectivement à sa façon, l’opportunité de cette acquisition non prioritaire et doublement perdante pour un pays déjà exsangue financièrement. Elle l’était d’abord en raison de la valorisation très généreuse de la participation de Chevron dans le consortium, corrélée à la chute instantanée des cours du brut sur les marchés, compromettant les résultats d’exploitation. Et donc la perspective de dividendes espérés par le nouvel actionnaire, État tchadien. Mais elle l’est surtout à cause des conditions prohibitives de l’encours du prêt souscrit pour son financement auprès de Glencore, par ailleurs, principal conseil du pays dans le montage de l’opération de restructuration du consortium. Un encours qui absorbe l’essentiel des recettes du budget, sacrifiant la dette intérieure avec les créanciers ne sachant plus à quel « saint » du parti au pouvoir le Mouvement Patriotique du Salut (MPS) se vouer. Résultats, la population, seul dindon de la farce dans l’histoire, est KO debout par l’uppercut du plan d’austérité avec son train des 16 mesures assommantes.
Aujourd’hui encore, il a fallu tout le poids et toute la force de persuasion et d’entrainement du ministre français de l’Économie et des Finances dans son rôle de parrain, pour arracher l’accord de restructuration de la dette Glencore au titre du cadre commun du G20, et enfin débloquer les facilités du FMI qui redonnent un peu de respiration au pays. Or, voilà qu’à peine, l’encre de cet accord de restructuration de la dette Glencore, sèche que le pays bande les muscles en se lançant dans une autre aventure « souverainiste » sans appréciation préalable de l’opportunité, de la portée et des risques financiers et la réputation du pays : « se tromper est humain, persister dans son erreur est diabolique ».
En effet, un gouvernement raisonnable et responsable ne peut se lancer à froid dans une opération de cette envergure sans réaliser au préalable une étude d’impact pour mesurer notamment :
Le gouvernement a-t-il produit une étude d’impact du projet de loi de la nationalisation des actifs Savannah ? Les recherches en ce sens n’ont pas permis d’en trouver la trace. L’absence d’exposé de motifs du projet de loi qui devrait fournir la synthèse du motif pour en justifier la raison d’être, autorise le doute.
Par ailleurs, la platitude et l’indigence des débats à l’assemblée transitoire à l’occasion de ce qui ressemble à un vote soviétique, achève de lever le doute. Pourtant, certains tchadiens ont applaudi la nationalisation des actifs pétroliers. Mais avaient-ils seulement conscience de son coût pour le contribuable ? En effet, la nationalisation n’est pas une spoliation ou une simple confiscation par l’État de biens privés. Elle ne se justifie au demeurant que pour un motif d’intérêt général et moyennant « une juste et préalable indemnité ». Celle-ci, déterminée par un tiers, doitcouvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain subi par l’exproprié. La loi du n° 003/PT/2023 du 31 mars 2023 passe par pertes et profits le montant de l’indemnisation. Son article 4 se contente de donner compétence aux ministres des hydrocarbures et des Finances d’en arrêter le montant, comme s’il s’agirait de banales notes de frais de missions de fonctionnaires. Or, l’ordre de grandeur ici est en millions de dollars USD, soit approximativement 250 milliards de francs CFA (c’est-à-dire le montant de la transaction Exxon Mobil – Savannah Energy : 407 millions de dollars USD). L’État tchadien doit payer et paiera, peu importe qu’il reconnaisse ou non la société Savannah Energy et le plus tôt sera le mieux. C’est par ailleurs, perdre de vue qu’à la différence d’une expropriation administrative pour cause d’utilité publique où l’indemnisation est postérieure au transfert de propriété, dans une procédure de nationalisation, l’indemnisation est une condition préalable et nécessaire dudit transfert. Son inobservation par le gouvernement en l’espèce se paiera en milliards de dommages et intérêts supplémentaires pour les finances publiques.
Qui plus est, la non-anticipation de la mobilisation du financement contraindra le gouvernement à négocier le couteau sous la gorge avec les bailleurs de fonds éventuels pour le bouclage du tour de table du principal de l’indemnisation (précédemment évoquée), sans égard aux majorations éventuelles. Or un financement par prêt de cet ordre et dans des conditions qui seront peu avantageuses, ne va pas sans restrictions budgétaires subséquentes et donc de plan d’austérité dont les effets sont redoutés et redoutables pour le petit peuple.
Bref, c’est une vraie débauche financière pour le Trésor public que les résultats d’exploitation des puits de pétrole dont les réserves sont à la limite du potentiel, si ce n’est de l’épuisement et dont le cours du brut est plus que jamais dépendants d’une météo géopolitique instable et insaisissable, risquent de ne jamais couvrir. À l’arrivée, il n’est pas du tout certain que la nationalisation célébrée à N’Djamena ait dans la balance, un sens et encore moins un intérêt économique et financier pour le pays au regard de son coût induit par la maladresse des gouvernants. Alors même que sans bourse délier, le pays pourrait profiter encore largement des royalties des dernières années de l’âge d’or du pétrole, car la crise Ukraino-Russe qui maintient les cours du baril de brut à des niveaux avantageux pour les pays producteurs n’est pas éternelle. Ajouter à cela, la dynamique des politiques publiques de décarbonisation de l’économie en cours en Occident, jusqu’alors premier marché en termes de demande de pétrole. Celle-ci accélère la sortie des énergies sales dont le pétrole est la tête de gondole.
La nationalisation des actifs pétroliers au Tchad est sans doute une victoire pour ses promoteurs, mais une victoire à la Pyrrhus pour le pays : une hérésie économique donc, mais sans doute aussi juridique.
La nationalisation est par définition un acte d’autorité. Elle ne se justifie, au regard du droit, que par le seul prisme du motif d’intérêt général. C’est-à-dire, son caractère indispensable, impérieux pour la cohésion et la paix civile, sociale et économique, etc. du pays.
Ce motif peut être soumis au contrôle du Conseil constitutionnel (la Cour Suprême dans le cas du Tchad) par un recours puisque la nationalisation passe nécessairement par une loi. À charge simplement pour l’État qui en prend l’initiative d’assumer le coût de la juste et complète l’indemnisation (op cit.). Ainsi, l’État tchadien peut nationaliser autant d’entreprises et de biens privés relevant de sa juridiction si l’intérêt général de la Nation le commande d’une part, et qu’il dispose de trésor de guerre pour honorer les indemnisations subséquentes, d’autre part.
Mais en l’espèce, en l’absence pure et simple d’exposé de motifs permettant d’appréhender et d’apprécier le motif d’intérêt général l’ayant fondée, la loi n° 003/PT/2023 du 31 mars 2023 de nationalisation n’aurait pas pu passer le filtre du contrôle de conformité, même si la Cour Suprême du pays n’est pas à un renoncement près à l’égard des forfaitures du régime. Mais alors, d’où vient que le gouvernement se perde dans des explications relevant au mieux de l’ordre de la conjecture, et au pire, des élucubrations indignes de la charge de ses tenants ; et qui plus est, sans lien avec une démarche de caractérisation du motif de l’intérêt général.
Par exemple, l’argument du non-respect de la clause de préemption. Cette clause est une clause usuelle des contrats de concession comme le sont, notamment les clauses d’agrément du cessionnaire par le concédant, de concours du concédant à l’acte de cession, de préférence, de garantie réciproques des passifs du cédant et du cessionnaire. De deux choses l’une : soit la clause existe et sa violation, autorise l’État tchadien à travers la Société des Hydracarbures du Tchad (SHT) à la faire valoir, en se substituant d’office au cessionnaire (Savannah Energy) quitte à contester seulement les conditions du prix en appelant à l’arbitrage pour sa détermination. Et dans ce cas, il n’y a plus besoin de nationalisation par une loi. Soit, la clause a été purgée, c’est-à-dire que le gouvernement y a renoncée formellement ou, a laissé passer le délai pour s’en prévaloir quand la cession lui a été notifiée ; auquel cas il ne peut plus l’invoquer. Mais le gouvernement ne peut pas à la fois invoquer la « clause de préemption » sans exercer le droit et le défaut de réponse à sa « demande d’informations sur les capacités techniques et financières de Savannah » ou encore de soutenir « ne pas connaître Savannah » ; un mélange de contradictions qui privent par voie de conséquence le contentieux qu’il a entrepris lui-même de tout son objet. Ensuite, l’argument de la faiblesse structurelle et financière du cessionnaire, à le supposer établi, peut tout au plus, justifier la résolution du contrat de concession pour mauvaise exécution puisque le cessionnaire vient aux droits du cédant.
De même, la convention tripartite SHT- Petronas-État tchadien, ne peut, à cause de son effet relatif, obliger Exxon Mobil qui n’en est pas signataire. Tout au plus, le gouvernement aurait pu à bon droit invoquer les stipulations du contrat de concession qui lient le Tchad à Exxon Mobil et qui obligent celle-ci à assurer la continuité de l’exploitation au risque d’une dénonciation à ses torts et dépens, et la mettre en demeure de reprendre la production ou de trouver sous bref délai un cessionnaire digne. C’est autrement plus efficace, car le non-respect de cette injonction exposerait Exxon Mobil à la rupture du contrat de concession sans indemnisation, ni compensation. Quant à l’argument pris de la suspicion de corruption invoqué contre Savannah, c’est du niveau des causeries du soir de « Dabalaye ». Outre qu’il ne relève d’aucune catégorie de moyens recevables au soutien de la prétention, il atteste de la légèreté et de la désinvolture dans la conduite des affaires de l’État. Si le ministre des Finances a des preuves en ce sens, qu’il saisisse le procureur de la République comme la loi l’y oblige. Et pourtant lui, comme son collègue du Pétrole, tous les deux en première ligne dans ce dossier, passent pour être la crème de la crème du pays.
Les motivations profondes du gouvernement dans cette affaire restent un mystère. De son rôle initial de médiateur entre un personnel national, inquiet pour la garantie de ses droits, par la perspective de la cession de l’activité, et une Esso, totalement dévolue à la recherche d’un repreneur pour céder ses actifs, le gouvernement s’est soudainement découvert des raisons fumeuses, pour l’accession à la propriété de tous les actifs pétroliers du pays, sans les précautions d’usage. Un choix que n’ont pourtant pas fait les géants pétroliers comme le Nigéria, l’Angola, le Congo, le Gabon et encore récemment l’Ouganda.
Abdoulaye Mbotaingar
Docteur en droit
Maître de conférences, Université d’Orléans
Membre du centre de recherche juridique Pothier, CRJP, EA 1212
Chargé d’enseignement, Université Paris-Dauphine-Psl
La soudaineté, la précipitation et la légèreté de la nationalisation des actifs pétroliers, conduites au pas de charge par le président de transition Mahamat Idriss Deby fils et sa cour royale de sherpas et mentors, sans une appréciation raisonnable et rationnelle du risque financier pour le trésor public et la réputation de la signature du pays, est une hérésie à la fois économique, juridique et stratégique.
Grisé par les lauriers que lui tressaient certains de ses pairs africains[1] pour sa diplomatie martiale qui, à la vérité, n’était souvent qu’une sous-traitance très intéressée des opérations extérieures de l’armée française en Afrique[2], Idriss Deby père se rêvait d’un destin de patriote et panafricaniste de haut vol à l’instar des Patrice Lumumba, Kouamé Nkrumah et Thomas Sankara.
Son discours « mémorable » du premier Forum de Dakar en 2014, organisé, paradoxalement, par son intime, le ministre français Jean-Yves Le Drian, ou encore, sa tonitruante sortie d’août 2015 sonnant l’hallali du franc CFA, n’étaient pourtant que de l’esbroufe : soit juste de la fanfaronnade pour tromper et étourdir le chaland. Car, en effet, l’emprise de l’armée française au Tchad n’a jamais été aussi prégnante que dans ces années, et les entrepreneurs primaires de l’international anti-CFA et plus généralement de l’anti-France, pour qui cette monnaie est le symbole s’il en est du néocolonialisme, et qui avaient convergé à N’Djamena croyant trouver en Deby leur porte-étendard, avaient vite déchanté pour avoir été priés d’aller voir ailleurs. La frange locale qui recrute pour l’essentiel dans les rangs grossissants des arabisants, est pour sa part, toujours maintenue sous cloche et n’est autorisée à reprendre du service qu’occasionnellement lors des dépits amoureux comme ce fut le cas notamment en 2001 lorsque la pétrolière Elf Aquitaine avait renoncé à sa participation au projet du consortium d’exploitation.
De même, aucune initiative n’avait été entreprise pour la réforme du CFA par la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) alors sous la férule d’un Deby père marchant sur l’eau et en état d’hubris des années 2013-2018 ; plaçant par un claquement de doigts les membres de sa famille de génies dans tous les arcanes majeurs de la CEMAC. Aujourd’hui encore, s’il n’y a plus d’obligation pour les pays de l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMAO) de disposer des comptes d’opérations extérieures au Trésor public français et les représentants de la Banque de France siégeant au conseil d’administration de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) n’ont plus de voix délibératives ; la CEMAC et la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) continuent pourtant de procrastiner à défaut d’assumer officiellement le « confort » du statu quo de la tutelle monétaire. Bref, Déby père n’avait ni l’art et la pratique, ni la conviction et la foi et encore moins le corpus idéologique d’un authentique patriote et souverainiste africain ou alors il ne s’agirait que d’une acception complètement galvaudée. Son invraisemblable aveu relatif à l’intervention de la France à travers son fameux « constitutionnaliste » pour modifier le verrou de la Constitution de 1996 et lui permettre, un troisième mandat à l’« insu de son plein gré », en était un morceau de choix. Sa diplomatie du tête-à-queue, mue par l’instinct et l’émoi, ses alliances et mésalliances contre nature, ses reniements dans les grandes latitudes, mais surtout la pérennité du règne comme seul déterminant de l’action publique, rendaient incompatible sa trajectoire avec la noblesse du statut convoité.
Mais hélas, Déby père avait fait des émules au confluent des fleuves Logone et Chari, et qui plus est, le cœur du nucléaire de son système de non-gouvernance lui a survécu. Dès lors, tous les Saleh KEBZABO, les Gali NGATTA, les Mahamat Ahmat AL HABO, les Mahamat Saleh ANNADIF[3] du monde n’y changeront rien si ce n’est, de se faire complètement phagocyter eux-mêmes par le système. D’ailleurs, à force d’avaler, non pas de couleuvres, mais des boas, ils n’ont plus de repères métaboliques et plus largement, de centre de gravité de principe, d’éthique et de morale.
Deux occurrences récentes donnent la mesure du continuum du système Déby. D’une part, la nationalisation des actifs pétroliers et d’autre part, les clashs diplomatiques avec l’Allemagne et le Cameroun[4].
S’agissant de la nationalisation, la soudaineté, la précipitation et la légèreté de la procédure conduite au pas de charge par Déby fils avec sa cour de sherpas et mentors, réunit tous les ingrédients pour faire de ce nième oukase un autre gouffre financier pour le pays, mais aussi un vecteur de dissuasion massive des investissements directs étrangers au Tchad. L’absence de méthode et de réflexion dans sa conduite en fait une hérésie à la fois économique, juridique et stratégique. Jugez-en.
De l’hérésie stratégique de la nationalisation
« L’État a suffisamment démontré qu’il est un actionnaire calamiteux », disait un homme politique français. L’affirmation vaut particulièrement pour l’État tchadien dont l’inaptitude entrepreneuriale frise le cataclysme.
Les entreprises publiques (de l’Énergie, de l’Eau, du Ciment, du Coton, du Sucre, etc.) du pays ne remplissent ni la mission de service public dont la continuité, la disponibilité, la qualité et l’accessibilité sont les déterminants ni la profitabilité de l’exploitation. Elles sont maintenues en activité sous perfusion de subventions par l’État-actionnaire au détriment des politiques publiques existentielles pour la population, et au mépris des règles communautaires de concurrence restreignant les aides directes d’État. Si la Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT) fait exception avec des exercices bénéficiaires, elle n’a aucun mérite.
En effet, cette société n’a pas d’activités de production, car son bilan se contente, d’une part de répliquer les résultats des entreprises (privées, bien gérées), dans lesquelles elle détient des participations et d’autre part, d’agréger les redevances et royalties versées par les pétrolières. Et encore, pour quels impacts et efficiences pour le pays profond, quand on en juge par le scandale des 20 milliards et sans doute davantage, des consorts DGA SHT et ex-secrétaire particulier de la présidence ; scandale promptement noyé par la Cour Suprême ? Dans ces conditions, au mieux, la nouvelle société Chadian Petrolium Company (CPC), substituée par les autorités, aux droits du consortium Esso-Petronas, suivra le destin d’une SHT, comme une « pompe à fric » pour la famille régnante et au pire, elle partagera le sort des SNE, CST, STE et autre CotonTchad, qui sont de véritables pompes aspirantes des subventions publiques, mais également de réserves d’emplois pour les enfants des pontes du régime et de la nomenklatura.
Aussi, le personnel tchadien d’Esso qui a désormais acquis la compétence certaine et les qualifications nécessaires s’est poussé du col. Il ne se serait pas privé d’inciter et de flatter l’ego du palais rose dans sa fièvre souverainiste. Ses hiérarques sont récompensés par leur nomination à la direction exécutive de la CPC. Simplement, de quelle autonomie décisionnelle et stratégique peuvent-ils disposer par rapport à un conseil d’administration composé pour l’essentiel d’administrateurs ignorants les fondamentaux du management de l’industrie pétrolière ? Mais pire, que pourront ils, contre les oukases lancinants de la présidence de la République ou encore, contre les demandes de « bons de commandes » et de placement des membres de familles des « 600 généraux » de Mahamat Idriss Deby comme le titrait récemment l’hebdomadaire Jeune Afrique ?
Entre se soumettre et prendre la porte, le choix est vite fait et au détriment de l’intérêt et de la pérennité de l’entreprise. Or, la tuyauterie pétrolière est très exigeante en matière de maintenance et de renouvellement de pièces. Il en est de même de la remise à niveau de la qualification du personnel de production qui ne pourra plus désormais bénéficier du benchmarking des compétences et du réseau international des majors. Les nouveaux dirigeants nationaux ont-ils la capacité de gagner les arbitrages budgétaires nécessaires à cet effet ? Le doute est plus que permis. L’exemple de la PDVSA, compagnie nationale pétrolière du Venezuela qui a vu sa production réduite de 3 millions de barils/jour à une peau de chagrin, en dépit d’immenses réserves, à cause du manque d’investissement dans la maintenance et le renouvellement des équipements, mais surtout de la mauvaise gestion, est à méditer.
Enfin, si la production du pétrole brut revêt un caractère « vital et stratégique » dixit les autorités dans la confusion des arguments (voir ci-après), elle ne l’est pas plus que le raffinage, compte tenu de la sensibilité de tout le pays à la disponibilité des produits pétroliers finis : essence, gasoil, gaz, pétrole lampant, etc. Dès lors, la priorité n°1 de l’investissement stratégique de l’État ne devrait-elle pas être, non seulement dans l’augmentation de la capacité de production de la NRC de Djermaya, mais également, dans la création ou l’incitation à la création d’une entité concurrente de raffinage pour réduire la dépendance du pays aux opérations de maintenance de la NRC ou aux sautes d’humeur de ses dirigeants représentants les intérêts de Pékin ? Manifestement, le gouvernement de transition qui n’a pas l’intention de nationaliser la CNPC, ni de créer une nouvelle raffinerie, a une échelle de priorités stratégiques que la rationalité économique et managériale ne peut expliquer. Mais ce n’est pas tout : la nationalisation des actifs pétroliers bégaie aussi du point de vue économique.
De l’hérésie économique de la nationalisation
Dans un des rares moments d’accès de lucidité, Deby père battait sa coulpe à propos des conditions d’acquisition des droits de Chevron en 2014 en avouant : « Je dois reconnaître que le prêt obtenu de Glencore était une démarche irresponsable. Comment est-ce arrivé ?...... ».
[1] Notamment les ex-présidents malien et guinéen Ibrahim Boubakar Keita (IBK) et Alpha Condé qui le gratifiaient, rien de moins que d’un Commandant en chef de l’Afrique.
[2] V. en ce sens, J. Tubiana, Le Tchad sous et après Déby : transition, succession ou régime d’exception ? in Politique africaine, n° 164, avr. 2021.
[3] Des éminentes pièces rapportées du système.
[4] Le volet diplomatique dont l’intérêt public et scientifique est aussi manifeste, n’est cependant pas traité dans la présente.
La suite, volet 2, dans notre prochaine publication. À suivre.
Abdoulaye Mbotaingar
Docteur en Droit
Maître de conférences, Université d’Orléans
Membre du centre de recherche juridique Pothier, CRJP, EA 1212
Chargé d’enseignement, Université Paris-Dauphine-Psl
Dans ses vœux de la nouvelle année 2023, le Président des Transformateurs a déclaré qu'il demandera à l'ONU le droit à l'autodétermination d'une partie du Tchad, sans la nommer. Tout d'abord, cette déclaration s'inscrit dans un contexte politique marqué par la répression sanglante des manifestations du 20 octobre 2022, la suspension des partis politiques et l'exil de Succès Masra sous la pression du régime de transition dirigé par le général Mahamat Idriss Deby qui a succédé à son père. Ensuite, cette revendication sécessionniste de Succès Masra n'est pas nouvelle. Historiquement, jusqu'en 1984, la partie méridionale du Tchad échappait au pouvoir de l'ancien président Habré qui a réprimé dans le sang les séparatistes du général Kamougue. Enfin, le fédéraliste Yorongar est arrivé deuxième à la présidentielle de 2001 avant que le candidat Deby ne s'approprie de la promesse d'un référendum sur le fédéralisme à la présidentielle de 2021.
Pour revenir à Succès Masra, il utilise sa dernière carte politique : celle de la "rupture". A court terme, la menace de partition du Tchad est un moyen de pression pour ramener le pouvoir militaire à la table de négociation. Mais à long terme, c'est un suicide politique pour Succès Masra qui n'apparaît plus comme un rassembleur du peuple mais un diviseur de la nation. Malheureusement pour lui, sa quête sécessionniste a de faibles chances d'aboutir pour plusieurs raisons.
Primo, Succès Masra n'a pas une légitimité démocratique pour demander une division du Tchad et la création de deux États. Jusqu'à présent, il n'a été élu ni président, ni député ni maire comme le Président de Transition d'ailleurs.
Secundo, il est seul dans sa quête sécessionniste car il n'existe aucune unité dans le sud du pays pour demander une quelconque auto-détermination. C'est plus une démarche personnelle qu'une revendication populaire.
Tertio, il n'a pas un moyen de pression politique comme une rébellion armée à l'instar du MPLS de John Garang et Salva Kiir au Soudan. Même s'il n'exclut pas de prendre les armes.
Quarto, le régime de Transition au Tchad entretient des relations conciliantes avec les puissances occidentales par le bradage des ressources pétrolières et minières et l'interventionnisme militaire contre le terrorisme. Contrairement aux relations clivantes du régime soudanais d'Elbechir avec l'Occident. Donc, les officines occidentales n'ont pas un grand intérêt géostratégique à soutenir une division du Tchad.
Quinto, le sud du Tchad n'est pas aussi riche que le Soudan du Sud qui produisait 75% du pétrole du Soudan. Donc, les multinationales occidentales n'ont pas un intérêt économique à financer la division du Tchad.
Pour finir, l'intérêt du Tchad est de rester uni et l'intérêt des tchadiens est de privilégier le dialogue inclusif et la justice sociale pour créer les conditions de la paix et du développement.
Brahim Khalil Wardougou
Il en est du Tchad comme dans la mythologie, de l’Égypte de Pharaon subissant une succession des fléaux. Mais il demeure qu’au pays de Toumaï, les dix plaies et sans doute davantage, ne procèdent pas de la foudre divine. Elles sont inhérentes à la nature et à la pratique assumées du pouvoir par les tenants institutionnels et de fait. Des plaies qui entraînent l’anesthésie voire l’extinction de l’essentiel des énergies vertueuses et créatrices de la valeur. Sauf que si les Pharaons et les Égyptiens qui étaient responsables des représailles divines ont fini par obtenir la clémence en libérant Moïse et son peuple, le peuple tchadien pour sa part, n’est absolument coupable de rien, mais est maintenu dans ce tunnel sans issue du supplice des plaies. Il en est ainsi de la plaie du Mouvement Patriotique du Salut, (MPS), parti au pouvoir, qui gouverne depuis 32 ans le pays avec un électroencéphalogramme plat. Ce parti n’a que la colonne du passif dans son long bilan, mais continue de faire du placement des militants ainsi que de l’entrave à la loyauté du libre jeu démocratique, les seuls déterminants de son offre politique. Il en est de même de la plaie de la pléthore des partis politiques et des organisations de la société civile au service des entrepreneurs politiques, en sommeil la plupart du temps, et qui ne se réveillent que sur commande du régime pour systématiquement altérer la vitalité de l’exercice démocratique, et ainsi développer le chiffre d’affaires de leurs chefs respectifs. Il peut encore en être ainsi du maintien de la pratique moyenâgeuse de la Dya qui discrimine les citoyens selon l’ethnie, mais qui est surtout un puissant moteur d’incitation et de licitation de l’homicide volontaire. C’est encore le cas de la pratique revendiquée du régionalisme voire du communautarisme dans leur expression la plus abjecte par tous ou presque, à commencer par le sommet de l’État, et un refus irrationnel par certains du fédéralisme qui en est pourtant l’acception transparente et responsable. D’autres plaies aussi handicapantes que l’impunité et la corruption relèvent tellement du banal au Tchad que leur évocation ne revêt plus aucun intérêt. Ma contribution propose une analyse de sept autres plaies, aussi gangrénâtes pour le pays.
La plaie de la crédulité des ex-opposants
En dépit de la récurrence des illusions rapidement perdues par la cohorte successive des ex-opposants ralliés, des nouveaux et non des moindres, continuent à se laisser enrôler. Il en est ainsi des derniers et notamment, des sieurs : Mahamat Ahmat ALHABO, Gali NGOTÉ GATTA et Saleh KEBZABO. Aucun des trois, en raison de son haut magistère intellectuel et de son expérience personnelle de la pratique du régime, ne peut passer pour « le perdreau de l’année », entretenant encore l’illusion d’un amendement du régime. Dès lors, quel pourrait être le déterminant de leur ralliement ? Le crépuscule de l’âge, la fatalité, la résignation, l’inconfort matériel, la relégation dans l’opinion publique ?
Sans doute un peu de tout cela à la fois. La preuve en est, la déclaration à la presse du vice-président de l’Union Nationale pour le Développement et le Renouveau (UNDR) en date du 19 novembre selon laquelle, « qu’est-ce qu’on peut contre les militaires en armes » ? Reste qu’avec cette nouvelle doctrine, on ose à peine imaginer dans quel camp aurait été le parti sous l’apartheid en Afrique du Sud ou en 1939 en France sous l’occupation allemande ? Mais au-delà, cette déclaration, qui au demeurant sert indistinctement la nouvelle posture de chacun de ces trois illustres leaders, est une négation de leur vingtaine d’années de combats acharnés et éprouvants pour les libertés publiques et individuelles, pour la bonne gouvernance, bref pour la démocratie. Mais elle marque surtout le reniement de leur identité politique, construite patiemment sur la durée d’une vie publique. Aung SANG SUU KYI qui par sa résistance héroïque à la junte Birmane, avait conquis le cœur de ses concitoyens et acquit une large audience internationale, marquée par un prix Nobel de Paix en 1991, a cru de bonne foi, pouvoir reformer le régime militaire de l’intérieur en y apportant la caution de sa stature. Elle croupit depuis, en prison et enfile condamnation sur condamnation, mais pas avant d’avoir réduit à néant sa crédibilité internationale en devenant le paravent de l’armée dans sa répression des Rohingyas. C’est à peu près et mutatis mutandis la trajectoire qu’emprunte Saleh KEBZABO, qui en raison de sa stature et de ses nouvelles fonctions, est celui des trois qui est le plus engagé et exposé. Et à l’évidence, M. KEBZABO n’a obtenu depuis, aucune concession et n’en obtiendra pas de tangible. Le Dialogue National Inclusif et Souverain (DNIS) était une promesse des militaires eux-mêmes pour endormir l’opinion (c’est d’ailleurs la même tactique avec la commission d’enquête internationale déjà torpillée). Et si on en juge par les résultats du DNIS, pires en termes d’iniquité et de dérèglement institutionnel que ceux des forums de Déby père, il y a de quoi s’interroger sur l’influence de KEBZABO. On peine également à voir son imprimatur sur le gouvernement et le parlement transitoires dont les compositions sapent l’exigence du respect des grands équilibres nationaux et qui par ailleurs, brillent par une atonie qualitative.
Le régime a toujours besoin d’un opposant de service, faisant office de faire-valoir contre les autres. Il suffit de se rappeler les conditions d’éviction de KEBZABO de la fonction de chef de file de l’opposition parlementaire. Les commanditaires de cette éviction sont les mêmes qui aujourd’hui (Deby père excepté), lui mangent dans la main, le temps de sa partition sur commande. Demain, ou, sa partition terminée, ils lui préféreront un autre opposant, sans doute nouveau, plus avenant et vendable ; à lui, ils réserveront le purgatoire s’il se permettait d’élever la moindre contestation. Certes, la trésorerie de l’UNDR et peut-être au-delà, y aura gagné dans l’affaire, mais sans doute pas l’honneur de M. KEBZABO et encore moins l’essor démocratique du pays et de son parti. « L’illusion étant une foi démesurée », à moins qu’il ne s’agisse de la méthode Coué, KEBZABO promet de tout mettre en œuvre et de lutter de toute ses forces pour garantir, pour une fois, des élections transparentes et crédibles à la fin de la transition. Mais il avait aussi déjà certifié à la télévision nationale en mai 2021 que le fils Deby ne resterait pas un jour de plus au pouvoir après les18 mois de transition. On sait ce qu’il en est depuis. Son ralliement, armes et bagages à la transition laissait perplexe, sa caution des massacres du 20 octobre jusqu’au cynisme, a achevé d’épuiser sa crédibilité à l’international et son audience nationale au-delà de son giron natal. Comme le disait Winston CHURCHIL, quand on a le choix entre le combat et le déshonneur et que l’on choisit le second, on aura le déshonneur et le combat. KEBZABO sait en son for intérieur qu’il n’obtiendra absolument rien sur la transparence électorale. Pas le moins du monde avec ce ministre de l’administration qui a fait ses gammes d’entourloupe et de machination électorales à la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) ; gammes éprouvées depuis, par les fonctions de rapporteur du fameux Comité d’Organisation du Dialogue Nationale Inclusif (CODNI), lui ayant permis de gagner, en dépit du bon sens élémentaire et du conflit d’intérêts manifeste, celle d’orchestrateur en chef du DNIS avec les résultats et l’anti-méthode que l’on connaît. Il est à ce ministère pour orchestrer l’élection de Deby fils, et qu’importe la manière, le prix et les charniers. N’a-t-il pas dans sa première expression publique de ministre, indiqué que le gouvernement se réservait le droit de dissoudre les partis politiques et les associations suspendues le 20 octobre ? Il s’agit par ce biais retors et éculé de dégager de la chaussure de son commettant, le seul caillou (incarné par ce leader contraint depuis à l’exil) qui perturbe encore la marche royale vers les présidentielles. Mais peut être que le deal de KEBZABO avec le régime a pour objet in fine, une convergence de synergies devant conduire au soutien de l’UNDR à une candidature de Deby fils à la présidence ? Ce qui serait d’une certaine façon logique en l’état des choses. Comme l’a dit le prélat moundoulais, « choisir le moindre mal, c’est choisir le mal ». Rein n’y fait.
En ce qui concerne M. Mahamat Ahmat ALHABO, à quoi lui aurait servi son compagnonnage de feu Ibni Oumar MAHAMAT SALEH dès lors qu’il peut aujourd’hui et sans état d’âme, laisser-faire, et pire, endosser non seulement l’arbitraire judiciaire, mais surtout la diversion sur les exécutions sommaires des opposants, manifestants du Jeudi Noir ? Le procédé usité par le régime en l’espèce est le même par lequel son illustre et auguste compagnon avait péri en février 2008. Il en est de même du trésor d’imaginations et de moyens mobilisés pour compromettre la recherche de la vérité et noyer les responsabilités. ALHABO fait purement et simplement sienne la recette servie pour le cas Ibni, s’agissant de la vérité et de la justice pour les victimes du Jeudi Noir. Il y a lieu de se demander ce faisant, s’il ne l’a pas assassiné pour une troisième fois ?
La plaie de l’ « intrusivité » et de la nuisance des officiers généraux
Il n’est pas ici question d’instruire un nième procès en illettrisme qui n’a pas lieu d’être tant pour un certain nombre de généraux, la vérité du terrain a révélé les hauts faits de stratèges militaires qui justifieraient le grade et le statut sauf quand ceux-ci préemptent les fonctions d’administrateurs civils à la tête des préfectures et des gouvernorats. Il n’est pas non plus question de relever dans les pas de la remarquable contribution du 12 août 2022 de Gali NGOTÉ GATTA, démontrant de manière probante, l’inflation galopante des officiers généraux dans l’armée comme en témoigne la dernière fournée du 8 décembre 2022 avec une trentaine de nouveaux généraux ; une folie dans un pays au chômage de masse, de jeunes diplômés. Il n’est pas plus question d’appuyer l’auteur précité dans sa démonstration de la surreprésentation inqualifiable des généraux dans le clan régnant (pour le seul patronyme Itno, il y’ avait à la date de l’étude, 21 généraux et pour le clan, plus des 2/3 des 303 que comptait le pays). Le serviteur conseille au demeurant la lecture de cette contribution pour apprécier la centralité de la problématique des officiers généraux dans le tourment tchadien et la pertinence de l’analyse qui en est faite afin et aussi de mesurer le vertige du revirement à 180 degrés de l’illustre analyste moins d’un mois après. Cela étant, la plaie des généraux procède, et l’étude précitée l’illustre avec méthode, des effets croisés de la dynamique de la croissance de l’effectif avec la préséance de leur statut qu’ils imposent de manière intrusive en dehors des garnisons militaires. Leur propension à s’immiscer sans complexe dans la vie socio-économico-administrativo politique a fini par métastaser le cancer dont souffre le pays.
Quel ministre, secrétaire général, directeur général de ministère ou d’entreprise publique, chef de service de régie financière, ou encore collaborateur de la présidence de la République n’a pas fait l’objet d’assauts répétés et incisifs, à la limite du racket ou de l’extorsion de leur part, exigeant une contribution pour financer, soit les funérailles, soit un baptême, soit un mariage, soit les frais de soins pour un membre de famille, ou encore pour le placement d’un ou plusieurs membres de famille dans la haute administration ? Les généraux et en particulier ceux du clan, soumettent la haute administration à un véritable régime de prélèvement obligatoire parallèle pour des causes d’intérêts privés. Et cela, alors même qu’ils ont, statutairement, les meilleurs traitements indiciaires de la fonction publique. Le statut de fonctionnaire dont ils devraient être la quintessence interdit, sauf dérogation ou autorisation spéciale, l’exercice d’une activité privée intéressée. Mais ils n’ont cure. Ils sont, et au grand jour, commerçants, chefs d’entreprise et mieux, fournisseurs de l’État au grand désarroi des entrepreneurs légaux. Le transport de marchandises et des personnes, l’import/l’export ; le transit douanier ; l’immobilier ; le bétail, le commerce de détail et de gros, la distribution de produits pétroliers, les travaux publics, tout y passe. À eux, les marchés publics adjugés de gré à gré qu’ils se dépêchent souvent de rétrocéder au mépris du code de la commande publique. Aux commerçants légaux, les contraintes et l’aléa du concours à l’appel d’offres. À eux, le non-assujettissement à l’impôt, aux frais de douane, et aux charges patronales et professionnelles ; aux entrepreneurs légaux, tout cela à la fois, plus les rackets de la police et de la gendarmerie sur les routes ainsi que les tracasseries bureaucratiques. Les généraux inscrivent leurs activités lucratives intéressées et débordantes, dans le registre sui generis de l’entrepreneuriat sans risque, charges, contraintes et de surcroît avec un accès préférentiel à la commande publique. Que demander de plus ? Ce grade tient lieu de sésame donnant l’accès à la caverne d’Ali Baba qu’est devenu le Tchad. De là vient leur hargne dans la sauvagerie de la répression de toute velléité de contestation démocratique des fondements du régime qui les a faits rois.
La plaie du management des ressources humaines
Les décrets rythment la vie publique tchadienne ; ceux de nominations (infra.) croisant dans une frénésie de fête foraine, ceux des évictions. C’est à se demander si cette activité n’est pas avec celle de l’effort de neutralisation de Succès Masra, les seules qui occupent l’agenda des crânes d’œuf du palais rose, du gouvernement et du MPS. Ces décrets constituent au demeurant la seule raison d’être de l’attrait résiduel des médias publics (ou plutôt d’État) à l’audimat déclinant en raison de la sclérose de l’offre, mais surtout de l’obséquiosité inégalée de la ligne éditoriale et de la flagornerie à l’égard du pouvoir. Certains auditeurs et téléspectateurs, espérant, parfois en dépit de toute rationalité, y entendre, voir ou découvrir leur nomination, quand d’autres, attributaires des fonctions, redoutent y découvrir leur éviction, mais préfèrent, l’apprendre par la voie des ondes en même temps que tout le monde. Pour ainsi dire, il n’est pas besoin de commettre une thèse en management des ressources humaines ou de projets pour savoir qu’une fonction de direction pour tout nouveau titulaire, requiert plusieurs temps : le temps de l’état des lieux, celui de la définition des objectifs et de leur hiérarchie, de la trajectoire et du chronogramme, des moyens, de la mise en œuvre et enfin de l’évaluation. Mais cela suppose en amont une sélection objective, rigoureuse et exigeante des candidats.
L’instabilité frénétique qui agite le landerneau se joue de la rationalité managériale en inscrivant la sélection et la gestion des hauts fonctionnaires au registre de l’aléa si ce n’est simplement de la filiation héréditaire ou clanique. C’est à cela aussi sans doute que s’explique encore aujourd’hui la prégnance du pouvoir anachronique des autorités traditionnelles en matière de gestion de carrières, mais également au-delà, sans qu’on en mesure l’utilité et l’intérêt publics. Cela étant, si généralement, les promus savent très bien, comment et par qui, ils doivent leur promotion, les évincés pour leur part, en ignorent inversement les motifs, mais seule leur importe, un rebondissement rapide. Institué par Deby père qui en faisait un vecteur d’allégeance ou inversement, d’assujettissement et d’humiliation, et poursuivi à une autre échelle de grandeur par le rejeton, le management par le stress de l’éviction est mortifère pour la productivité du pays. Seuls les féticheurs, marabouts et autres « Fakharas », faiseurs passablement intéressés de « bonnes fortunes » y trouvent intérêt. Moralité, même les rares méritants (faisant souvent office de témoins ou de cautions), finissent, soit par considérer que l’étalon de la durée étant la médiocrité, il faut s’aligner sur les tenants en levant le pied sur le travail sous peine d’éviction ad nutum ; soit, par juger que, la charge étant une sinécure, mais de durée très aléatoire ; il faudrait en profiter très vite pour s’enrichir par tous les moyens et placer les siens au mieux avant le gong. C’est souvent les deux approches d’ailleurs qui ont cours cumulativement.
Enfin, la plaie de la gestion des ressources humaines de la fonction publique est aussi celle de l’absence d’évaluation de l’activité et des compétences des agents. Celles-ci sont pourtant indispensables à l’amélioration de la performance individuelle et le cas échéant, à l’adéquation de l’offre de formation continue proposée aux agents improductifs. C’est nécessaire pour la motivation et donc la productivité des agents. Reste que pour évaluer le rapport d’activités demandé à l’agent ou réaliser son bilan de compétences, le chef devrait en avoir les ressources, du moins le minimum. En douter chez certains des décrétés est un doux euphémisme.
La plaie de la soumission du droit à la volonté du prince
Sans verser dans les méandres de l’argumentaire juridique, un peu barbant pour le public, le droit OHADA qui régit globalement la vie des affaires dans les pays membres, réserve le pouvoir de nomination des administrateurs à l’assemblée générale des sociétés anonymes (SA à capitalisation privée comme publique ou mixte) et celui des directeurs généraux (DG), du président du conseil d’administration (PCA) ou du président directeur général (PDG) au seul conseil d’administration. Le PCA ou le PDG devant pour leur part, être nécessairement nommés parmi les membres du CA en exercice, c’est-à-dire qu’il faut être déjà administrateur pour y prétendre.
Le régime, signataire pourtant de l’Acte uniforme, n’a cure du respect de ce droit communautaire qui prime pourtant sur le droit national. Il continue de pourvoir ces fonctions directement par décret du chef de l’État, et qui plus est, des PCA non administrateurs à leur nomination. Et pourtant, avec sa main mise sur toutes les entreprises publiques, il aurait été tout à fait loisible au chef de l’État d’y faire nommer ses candidats, en passant par les organes compétents. Et l’argument de l’urgence n’est pas opposable, en effet, non seulement un CA peut se réunir de manière impromptue, mais en plus, il peut légalement procéder à la cooptation d’un nouveau membre et le porter aussitôt à sa présidence, en attendant la ratification de la cooptation par la prochaine assemblée générale. Ce n’est pourtant pas compliqué, mais c’est connu, pour le pouvoir tchadien, le respect du droit, c’est pour les autres. Et pourtant, malheureusement un jour viendra où un partenaire international de ces entreprises pourrait facilement compromettre leur intérêt vital en obtenant en justice l’inopposabilité des actes passés par des dirigeants dont la désignation est incontestablement irrégulière. Le pays n’aura alors que les yeux pour pleurer.
Au plan institutionnel, au Gabon et au Togo, les successions de Bongo et de Eyadema pères ont été certes dynastiques. Mais les rejetons éponymes de ces autocrates ont su faire l’économie de la critique, du moins sur la forme, de la succession en respectant les dispositions du régime transitoire des Constitutions de leurs pays. Au Tchad, pays aux « réalités propres très spécifiques » dont celle de la culture de la médiocrité, il n’y a nulle part de droit ni de procédure en dehors de la volonté du prince. Car, quel grief aurait pu invoquer la Commission Paix et Sécurité de l’Union africaine (UA) ou le Parlement Européen (voir, Résolution Commune n° B9‑0575/2022 du 14/12/22, notamment les points 1, 4 et 13) si Kabadi, assurant la présidence de la République durant la transition, remettait le pouvoir à Deby fils, vainqueur haut la main des présidentielles que le pays aurait organisé. Le MPS disposant de compétences et de l’expertise éprouvées en matière de tripatouillage électoral ne saurait, en étant au pouvoir, perdre une élection. Certes et comme attendu, l’opposition pousserait des cris d’orfraie à raison, mais sur le plan formel, la succession aurait été inattaquable. Un vrai régime de bras cassés. Par ailleurs, c’est aussi le fait de prince qui peut conduire un président de Cour Suprême à s’octroyer de bon gré ou mal gré, la compétence de la formation plénière de sa haute juridiction pour des décisions aussi graves que la constatation de la vacance de pouvoirs du Président de la République, celle de la « défaillance du suppléant institutionnel », celle de « l’absence d’alternatif institutionnel » et pour finir, celle de l’investiture à la charge, d’un comité militaire. Un comble ! Il y a là de quoi perdre son droit. Le même résultat aurait pu être aisément obtenu de la formation compétente dont le président a la haute maîtrise non seulement du rôle, mais surtout des délibérations comme en témoignent les dénouements au fil de l’eau et à huis clos de la rocambolesque affaire Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT). C’est toujours le fait de prince qui explique l’abattage judiciaire des manifestants du 20 octobre en violation de tous les principes élémentaires du procès pénal dans une démocratie : un remake grandeur nature de procès stalinien avec le goulag de Koro Toro en prime pour l’exécution des peines.
Enfin, l’exécutif tchadien (gouvernement, gouverneurs, préfets, etc.) ne motive quasiment jamais ses décisions même parmi celles qui sont les plus graves en termes d’atteintes aux libertés publiques et fondamentales ; la seule indication du risque de trouble à l’ordre public ne pouvant tenir lieu de motivation. Et pourtant, les recours en excès de pouvoir contre ces actes dont la légalité externe (défaut de motivation) est viciée incontestablement n’aboutissent jamais. Le juge de la légalité préfère regarder ailleurs de peur de subir les représailles du pouvoir. Moralités, dans l’inconscient collectif tchadien (pouvoir et population confondus), les décisions de l’exécutif sont intangibles. Elles doivent être et sont reçues comme telles par le public. Quelle arriération civilisationnelle qui interroge au passage la raison d’être d’une justice administrative au Tchad et pire encore celle d’une justice constitutionnelle ?
La plaie de la promotion de la médiocrité
La plaie de la gestion des ressources humaines est celle des nominations ainsi que des promotions n’obéissant à aucune logique managériale. Des fonctionnaires encore stagiaires promus à des postes de direction (DAF, DG, SG) dans les ministères et les régies financières au nez et à la barbe des hiérarques des céans, et qui n’ont que mépris et condescendance pour ceux-ci. N’étant obligés qu’à l’égard du sommet, ils se moquent éperdument de la bienséance, des codes éthique, moral, de diligence et de responsabilité de la haute administration publique. Ainsi, dans un corps aussi hiérarchisé que la magistrature, des chefs de cour, hauts conseillers à la Cour Suprême ; procureurs de la République, présidents de tribunaux, en début de carrière, officient, avec autorité sur des collègues supérieurs en grade ou en ancienneté. Ainsi encore dans les corps des enseignants-chercheurs dans les universités publiques ou des médecins dans les hôpitaux et bien d’autres. Mais c’est aussi la facette des avancements d’échelons et de grades au mépris des tableaux, des rangs et des corps alors qu’aucun éclat ou relief de l’état de services des impétrants ne justifient la reconnaissance. Comment préserver la discipline et la cohésion dans la fonction publique, le respect et l’autorité de la hiérarchie et plus, l’exigence d’efficience et de diligence ou l’émulation, quand la filiation familiale, politique, conjugale et amicale avec le prince ou ses ministres est le seul déterminant des carrières ? De même, des lauréats des écoles de commerces privés, à peine diplômés, promus dans les fonctions hautement stratégiques dans les entreprises publiques et parapubliques. Certes, « aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre d’années » dixit Corneille, mais la spécificité des âmes bien nées réside dans leur rareté, et la très forte valeur ajoutée de leur expertise ainsi que la plus-value hors du commun de leur prestation. Dans le cas du régime, on ne peut parler de la rareté de ces élus quand c’est la norme dans tous les cercles du pouvoir ; leurs conjoint(e)s, compagnes et progénitures compris. Quant à l’expertise, si elle est certaine en matière de captation et de prédation des deniers publics, on peine à en avoir l’infime manifestation en ce qui concerne l’efficience ou la plus-value, si on en juge par la faiblesse institutionnelle généralisée de l’appareil d’État dans tous les domaines productifs, excepté l’armée et la sécurité.
Le Président dispose et use de son pouvoir discrétionnaire de nomination aux hautes fonctions publiques, mais le pendant de cette prérogative exorbitante est sa responsabilité en tant que commettant à l’égard de la nation lorsque ses protégés se rendent coupables d’incartade ou d’inconduite indigne de la charge. Or, dans l’affaire SHT, consorts secrétaire particulier et autres, non seulement le titulaire de la charge présidentielle ne bat pas sa coulpe, mais il promeut le collaborateur indélicat et se remet pour le reste, à la justice divine. Allez-y y comprendre ! Quelqu’un pourrait-il lui expliquer que s’il prétend être Président d’une République ; en République justement, des faits caractéristiques de cette espèce relèvent des lois sociales ; lesquelles instituent une justice pénale dont les leviers sont confiés au ministère public. Qu’importe, le Président nomme et démet frénétiquement aux hautes fonctions au-delà du raisonnable.
La plaie de la dette nationale de sang
Le clan régnant oppose à bas bruits, dans un semblant d’exercice d’auto-persuasion, le lourd tribut payé par ses membres sur les indéchiffrables théâtres d’opérations armées du régime pour légitimer le système de prédation et la mise sous coupe réglée du pays. Outre l’aveu que le pays est un butin de guerre ainsi que celui de la fictivité d’une armée nationale, l’argument mériterait l’attention si ces pertes en vies humaines ont été enregistrées à l’occasion d’une guerre de libération nationale ou de résistance à une occupation étrangère.
Or, les guerres successives et lancinantes du régime sont des guerres civiles ; c’est à dire, des Tchadiens opposés militairement à d’autres Tchadiens pour, selon la position, la conservation ou la conquête du pouvoir avec des victimes innombrables dans tous les groupes ethniques nationaux. Par suite, la surreprésentation des membres du clan dans certaines unités de l’armée et leur forte exposition dans ces opérations (comme le démontre magistralement la contribution de GATTA, op. cit), procède de l’instinct grégaire et n’a pour seule raison d’être que la défense non pas de l’État et de ses institutions républicaines, mais du pouvoir du clan. Dès lors, la justification d’une dette de sang de la communauté nationale à l’égard dudit groupe paraît plus que fallacieuse. Qui plus est, elle paraît moralement indéfendable sauf dans une logique d’esprit de la mafia. Par ailleurs, le cynisme, chevillé au corps du régime, qui alimente en continu les frustrations, vexations et humiliations est un puissant moteur de la rébellion armée. Or, le régime n’a point l’intention de s’amender au contraire. Résultats, voguent les rébellions et voguent les victimes dans les rangs du clan qui justifieront la pérennité de la dette de sang et donc de la prédation du pays et ainsi de suite. Un vrai filon.
La plaie de l’élasticité du périmètre des collaborateurs de la présidence de la République
Le gouvernement qui a la lourde charge de la politique et de la gestion du pays compte 44 membres, son chef compris. La présidence de la République au service duquel, œuvre déjà le gouvernement, compte à elle seule, pas moins de 90 collaborateurs politiques et/ou militaires ayant plus ou moins rang de ministre. Jugez-en : 26 conseillers techniques et leurs deux chefs (dont le premier est ministre d’État) ; 20 conseillers spéciaux ; 29 chargés de mission ; 7 ambassadeurs itinérants ; 2 directeurs du cabinet civil, du cabinet particulier, de l’État-major particulier, sans compter les 3 ministres d’État, conseillers à la présidence (qui n’apparaissent pas dans l’organigramme). Il y a dans cette armée mexicaine des collaborateurs politiques de la présidence, un anachronisme qui au-delà de l’incidence financière sur les faméliques finances publiques, frise l’absurdité. En effet, à quels besoins d’emplois d’utilité publique répondrait tout un troupeau des conseillers spéciaux, de chargés de missions et d’ambassadeurs itinérants ? Le sujet n’est pas de questionner l’opportunité de l’emploi par la présidence de son budget, mais plutôt de l’existence d’une limite à ce budget si budget il y’a ?
En effet, de deux choses l’une, ou il existe un organigramme carré et budgété des collaborateurs ; le président disposant de la latitude de pourvoir les postes et de les renouveler à sa discrétion dans la limite de cet organigramme ; où alors, il n’y a pas d’organigramme, le président dispose de la faculté de nommer autant de collaborateurs qu’il voudra, mais à budget constant. Or, à l’évidence, la présidence des Deby père et fils ne s’inscrit dans aucune des deux configurations budgétaires sans que cela n’émeuve ni la Chambre des comptes de la Cour suprême (gardienne de l’orthodoxie de l’emploi du budget) et encore moins la Commission des finances du parlement (compétente en matière de contrôle de l’opportunité de l’emploi du budget). La liste des conseillers s’allonge à l’infini et de nouvelles catégories encore plus budgétivores sont créées ex nihilo. Les spécialistes des finances publiques, ainsi que la presse devraient chiffrer le budget de fonctionnement relatif à l’emploi de ces seuls collaborateurs et le comparer à celui des membres du gouvernement. Et, il ne peut être opposé à cette démarche la fameuse et obsolète souveraineté de la présidence, car il ne s’agit pas du Président lui-même, mais de l’appréciation du coût de l’emploi de ses collaborateurs politiques qui est une question d’intérêt public, sauf à considérer et assumer que le budget de fonctionnement de la présidence est indéfiniment sans bornes. Pour la petite histoire, la Présidence des USA à qui l’on doit la fonction de conseiller spécial ou haut conseiller (Senior Advisor to the President of the United States) n’en dispose généralement que d’un seul. Elle en compte deux depuis les présidences Trump et Biden. Le Président tchadien qui en compte dix fois plus doit avoir sans doute plus de dossiers hautement inextricables à traiter que son homologue étasunien !, à moins qu’il ne s’agisse simplement que de l’expression des attributs du pouvoir d’un monarque absolu dans une République.
Le pays s’enfonce chaque jour davantage dans les abysses du néant. Le régime et ses nouveaux ralliés bombent le torse jusqu’à l’hubris. Mais le pays truste les dernières places dans tous les tableaux comparatifs : alphabétisation, accès aux soins, à l’eau potable, à l’électricité, aux transports, au travail ; les libertés publiques et individuelles, la justice, la démocratie, la gouvernance, le PIB par tête d’habitant, l’indice de développement humain, etc. Qu’en attendre d’autre, lorsque l’essentiel de son intelligentsia, censée être la boussole et la conscience collectives, a fait don de son droit à l’irrévérence. Elle s’est mise en situation d’attendre tout du prince et ne peut dès lors s’offrir le luxe de déplaire. En ne considérant que les seules dernières actualités brûlantes, ses portes-étendard n’ont rien dit sur les massacres du « Jeudi Noir » ainsi que de l’abomination des conditions carcérales et du traitement judiciaire inique des rescapés ; comme ils n’ont rien dit de ceux de Sadanan, de Mangalmé et de Krim Krim. Faudrait-il leur rappeler les propos du Pasteur Martin NIEMOLLER sur la lâcheté des intellectuels allemands à l’égard des victimes de nazis, « Quand ils sont venus chercher les juifs, je n'ai rien dit, car je n'étais pas juif. Quand ils sont venus chercher les communistes, je n'ai rien dit, car je n'étais pas communiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n'ai rien dit, car je n'étais pas syndicaliste. Et quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester ». Et il n’y a désormais plus personne au Tchad pour protester depuis le Jeudi Noir.
Le pouvoir sans conscience n’a plus de limite, il n’est désormais que ruine de la nation.
Abdoulaye Mbotaingar
Docteur en droit
Maître de conférences à l’université d’Orléans
Membre du centre de recherche juridique Pothier (CRJP), EA 1212.
Chargé d’enseignement à l’université Paris-Dauphine-Psl
Les mérites guerriers de Deby père étaient indéniables. Ceux du fils sont sujets à caution en raison de la prégnance de l’empreinte de l’hérédité sur les troupes qu’il dirigeait sur les théâtres des opérations et sur la progression vertigineuse de sa carrière militaire en l’absence de faits d’armes éclatants ou de formation d’officier supérieur dans une École de guerre de référence. En revanche, l’hérédité, encore elle, à qui le fils doit ses fonctions de Président dans une République à la suite du père, conforte les deux alliés quand - à leur appétence aiguë du pouvoir pour le pouvoir.
En effet, quiconque, porteur de germes de défiance sur-le-champ démocratique et a fortiori militaire, des fondements de leur pouvoir en paiera le prix fort. Point d’économie de moyens pour réduire à jamais l’adversité au silence. Peu leur importe la proportionnalité et l’égalité des armes. Peu leur importe la loyauté du combat. Peu leur importe l’éthique, la morale et la méthode. Peu leur importe le parjure et le reniement. Peu leur importe les engagements internationaux souscrits par leurs soins au nom du pays en matière des droits de l’homme. Peu leur importe la procédure pénale et le droit pénal.
Et s’il faut pour cela, passer sur les corps, même de leurs partisans et courtisans (le seul métier porteur d’avenir au Tchad), ils le feront sans état d’âme. S’il faut y engager toutes les ressources disponibles et potentielles de l’État, en obérant irrémédiablement l’amélioration minimale des conditions de vie et l’avenir de la population, ils le feront (pour preuve, la primauté et la disproportion des dépenses militaires que la pratique du système rend immaîtrisables). Par ailleurs et sur le plan idéologique, s’il faut dans l’intérêt de la pérennité du pouvoir, être communautariste ou régionaliste, ils le seront pour deux et trois. S’il faut être confessionnaliste, ils le seront pour 4 et 5. S’il faut être ethniciste ou grégaire, ils le seront pour 6 et 7. Panafricaniste et à la fois pilier de la françafrique (encore qu’il peut y avoir un doute raisonnable sur la culture politique du fils), ils le seront. Le père, en son temps, et le fils aujourd’hui, ne croient qu’en la foi de leur pouvoir. Et si cela doit passer par un massacre de masse (1) ou par une pratique méthodique du cynisme (2), ils emprunteront un raccourci pour gagner du temps. D’où l’expression de la diagonale, c’est-à-dire le plus court chemin pour parvenir à une destination. L’un et l’autre s’y sont employés non sans efficience, bénéficiant au passage d’une part, d’une indulgence rare de la communauté internationale, et d’autre part, de services après-vente, toujours laborieux, d’une cohorte patentée de « blanchisseurs » intellectuels et hauts commis d’État au demeurant jetables. Reste que la mémoire de la justice universelle est immuable (3).
Diagonale dynamique des massacres de masse
Le tableau de chasse macabre du père est de nature à faire pâlir de jalousie la concurrence régionale. Par métaphore sportive (même si la gravité du sujet ne se prête pas à l’exercice), on pourrait affirmer qu’il était de « classe mondiale ». En cause, et sans égard à la longue liste d’éminentes personnalités politiques, civiles, militants de la société civile et militaires dont l’élimination physique sans procès était une marque de fabrique déposée de l’interminable règne, Deby père s’était particulièrement illustré par des massacres de masse : sans doute des milliers de victimes au Moyen Chari et dans les deux Logones au cours du fameux septembre noir. Idem des Hadjaraï dans tout le Tchad pour leur filiation supposée avec Moldoum, Garboubou et Kaffine, à partir des événements du 13 octobre 1991. Pareil pour les Ouaddaïens, manifestant à N’Djamena contre le vol de bétails et les représailles meurtrières de Ngnuiguilim et Chokoyane, à partir des événements du 8 août 1993, etc.
Quant au fils, « Bon sang ne saurait mentir », et il aurait honte et tort de ne pas faire mieux que le père. La trajectoire naissante de son œuvre macabre est d’une telle portée qu’il battra à très brève échéance la performance du père, construite pourtant patiemment sur la durée. Le fils a inauguré son office par 17 victimes transformateurs sans compter les dizaines de blessés dès le lendemain de sa prise de pouvoir le 27 avril 2021, suivie des dizaines d’Abéchois en janvier 2022, des centaines (probablement) de victimes à Kouri Bougoudi (dans le BET), et l’apothéose du point d’étape, le plat de choix : les transformateurs de Succès Masra et les militants de Whakit Tamma ce 20 octobre dont des centaines de victimes (décédées et blessés) et sans doute, plus d’un millier de déportés. Une vraie boucherie barbare qui questionne sans conteste, le degré d’humanité de ses auteurs.
Cette statistique macabre encore très loin de l’exhaustivité donne l’effroi. Et rappelle par sa dynamique et sa distributivité géographique (Nord, Sud, Est, Ouest), la constance de l’ADN du pouvoir Deby : la cruauté comme paravent à toute velléité de contestation (légitime fut-elle) lorsque la corruption de consciences par les postes de responsabilités ou les deniers du Trésor public montrent sa limite. Mais elle montre surtout que les Deby ne sont ni du camp, selon la vulgate abominable tchadienne, des « nordistes », des « sudistes », des « musulmans », des « chrétiens » ou d’« animistes ». Ils ne sont d’aucun camp si ce n’est de celui de leur propre pouvoir et de sa pérennité.
L’unité et la stabilité du pays n’ont de sens qu’à l’aune de leur acception personnelle, fermez le ban. C’est pourquoi, le constat que le procès en violence contre Succès Masra et Les Transformateurs prennent le pli, paraît pour le moins contre nature dès lors qu’il y a un monde entre l’échelle de gravité de tirs à balle réelle. Celle des exécutions sommaires en plein jour des manifestants non armés et le fait pour ceux-ci de braver l’interdiction, au demeurant constatable légalement et légitimement. Mais il est aussi à déplorer pour l’avenir du Tchad que le procès en « communautariste » servi contre Succès Masra (encore lui) et les siens, prenne le pli chez certains aujourd’hui comme il avait pris hier à l’occasion des présidentielles de 1996 contre Abdelkader Kamougué, de 2001 contre Yorongar Ngarledji, et de 2016 contre Saleh Kebzabo (il s’agit bien de l’actuel premier ministre). C’est sans doute parce que le régime est passé à la faveur de l’usage, maître dans l’art de la pratique du cynisme.
Diagonale du cynisme
Accusé l’autre de ce dont on est soi-même coupable, dépasse la banalité du mensonge, c’est du cynisme qui est le second marqueur du régime. Le fils vient d’en donner une parfaite représentation en se rendant à l’hôpital au chevet des manifestants blessés par des tirs exécutés par des militaires dont il est le chef. Et de surcroît, non pas pour compatir à la souffrance des malheureuses victimes, mais plutôt pour appuyer sa condamnation de la violence des manifestants (dont les victimes blessés, hospitalisés), auteurs du vandalisme du siège des deux partis alliés. À la douleur physique des blessures des corps par balles, il fallait encore ajouter une dose morale et il s’y est chargé personnellement. Mieux, il a décrété une semaine nationale de deuil pour honorer la mémoire des victimes de ses hommes, mais sans le moindre remord, regret, excuse ou pardon à l’endroit desdites victimes et de leurs familles. C’est rationnellement incompréhensible et inexplicable, si ce n’est pas le seul ressort du cynisme. Mais ce n’est pas tout. Il a dépêché Saleh Kebzabo, endosser, face à l’opinion publique, sa furie (au demeurant magistralement exécuté par le commis) contre les manifestants, alors que ce dernier est celui qui avait tout à perdre dans la forme et l’opportunité de cette prise de parole. Il en est de même, de l’exercice jubilatoire de l’inversion de l’échelle des valeurs auquel il s’est livré, après l’épreuve de feu du Premier ministre, en transformant les victimes en bourreaux et ces derniers en victimes. C’est difficilement compréhensible dans une société civilisée. Depuis, c’est le branle-bas dans les rangs du bataillon des affidés qui n’en demandaient pas tant pour lui emboîter le pas les médias publics sans le moindre contradicteur.
Mais ça l’est aussi et c’est désormais une évidence, à travers le verrouillage méthodique et horloger, notamment de la préparation de la liste des participants, de la direction et des délibérations du fameux Dialogue National Inclusif et Souverain (DNIS), pour en dégoutter de la participation les contradicteurs et leur imputer gaiement la responsabilité pour cause de radicalité de mauvais aloi. Le DNIS, une réussite dixit ses promoteurs, mais avec autant de morts, de blessés et de déportés à peine deux semaines après, qu’en aurait-il été s’il avait été un échec ?
Par ailleurs, le cynisme du régime, c’est aussi aller chercher la meilleure expertise à l’international, non pas pour aider au développement du pays ou à asseoir une gouvernance vertueuse, mais plutôt pour le dévoiement de la légalité et l’instrumentation de la forfaiture. La présence de son Excellence Mahamat Saleh Annadif dans le gouvernement Kebzabo en est un petit aperçu : un vrai gâchis.
Mais, au-delà, la pratique du cynisme par le système Deby est à l’échelle industrielle. Elle convoque les médias d’État et les médias privés partisans, l’appareil sécuritaire, les appareils judiciaire et administratif, la Kyrielle de partis politiques et d’organisations de la société civile factices et/ou alimentaires et pire, les chefs religieux et les relations familiales et amicales des cibles. Aujourd’hui, tout l’appareil de l’État tchadien avec l’ensemble des ressources humaines, matérielles, financières, disponibles et mobilisables sont dévolus prioritairement au harcèlement, à l’intimidation, au chantage, à la calomnie, à l’humiliation, à la persécution de Succès Masra (et dans une moindre mesure, du leader de Whakit Tama et de Yaya Dillo).
Passent les inondations et la famine endémiques. Passe, l’enclavement intérieur et extérieur du pays. Passe la faiblesse structurelle des ressorts de l’économie, de l’éducation et de la santé. Passe, le désœuvrement structurel des forces vives de la nation. Passe, l’absence d’outils de production confinant l’économie nationale à l’échelle de celle de boutiquier. Passe, la confiscation des richesses nationales par un clan. Passe la désespérance de la jeunesse en l’avenir, leur présent étant déjà compromis. Briser les reins de Succès Masra et à défaut, le soumettre est le seul déterminant du moment du régime. L’épreuve de feux nourris de tous les fronts que celui-ci et ses partisans, subissent depuis quatre ans de la part de l’État et de son bras politique le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), ex-parti au pouvoir, est au-delà de la limite du supportable pour l’espèce humaine. Dans ces conditions, il est difficile d’être résilient plus longtemps, d’où l’indulgence compréhensible que ce dernier adopte à l’égard de ses ex-militants et cadres qui ont cédé, même si pour ce faire, ceux-ci ont dû être obligés de passer par la case de la contrition publique en accusant les anciens camarades de « tous les péchés d’Israël » comme s’y est livré, le désormais ex-vice-président du parti.
La défection organisée de celui-ci, après tant d’autres, est destinée à servir le récit préfabriqué d’un parti infréquentable par les « nordistes » pour cause de communautarisme chrétien. Or, à l’analyse, entre un Succès Masra qui n’a jamais encore exercé une moindre responsabilité publique de l’État, pour permettre d’en mesurer le degré de communautarisme, et ceux dont c’est l’alpha et l’oméga de la gouvernance publique depuis 32 ans, le premier ne peut décemment recevoir des seconds, de leçons de civisme, d’égalité et encore moins de républicanisme.
Feu Ibni Oumar Mahamat Saleh, alors secrétaire général du PLD et surtout porte-parole de la coalition CPDC avait fait les frais d’un ostracisme larvé des dignitaires communautaires et religieux, organisé par le régime pour son refus de se rallier à la candidature de Deby père à la présidentielle, mais surtout pour intelligence avec l’ennemi « sudiste » incarné par les autres leaders des parties de la coalition. Ses trois compagnons d’alors, membres éminents aujourd’hui du régime du fils peuvent en témoigner, même s’ils ne sont plus à un reniement près. Il était pourtant musulman et « nordiste » bon teint.
Moussa Faki, ex-dignitaire du régime, aujourd’hui en rupture de ban, après une introspection rendue possible par ses éminentes fonctions de président de la Commission de l’Union Africaine (UA), est voué aux gémonies par le système pour avoir simplement osé rappeler le principe de la disposition de l’article 25 de la Charte Africaine de la Démocratie, proscrivant l’éligibilité des auteurs de changement anticonstitutionnel, mais aussi pour avoir condamné comme l’ont fait tous les responsables des institutions internationales, les massacres du 20 octobre. Désormais, plus rien ne lui sera épargné, y compris les égouts et leurs émanations nauséabondes. Son procès en ingratitude étant désormais sur la table d’instruction. Pour en avoir été, il sait à quoi s’en tenir. Il est désormais une cible de choix et sa filiation avec le clan ne pèsera pas lourd dans la balance. Telle est aussi la situation de Yaya Dillo.
À l’évidence, le sentiment de toute-puissance du régime s’explique en interne par la faiblesse institutionnelle entretenue, reléguant tous les leviers de contre-pouvoirs que sont notamment la justice (judiciaire, administrative et constitutionnelle), le parlement, les autorités administratives indépendantes, les médias publics, à un simple rôle de décor ou mieux, à celui d’instruments à la dévotion du Président, des siens et de son parti. Il s’explique en externe par le bouclier que déploie irraisonnablement et systématiquement la France pour protéger le régime en contrepartie des services rendus à son armée. Mais une chose est certaine, ces protections ne peuvent toujours triompher de la justice dont la mémoire est immuable.
La mémoire immuable de la justice
Il est une certitude que ne peuvent contester même les thuriféraires du régime : c’est la déliquescence avancée du pays. En effet, en dehors de leur gloire personnelle, qu’est-ce qu’ont fait les Deby du tunnel de 32 ans de leur pouvoir qui soit de nature à améliorer le quotidien des citoyens et offrir une perspective d’avenir au pays ? Rien et trois fois rien. Inutile de revenir sur l’abysse de leur passif. Comme l’a écrit le journal Le Monde sous la plume de Jean-Philippe Rémy, le 19 février 2008 à propos de Deby père : « mais, hormis survivre, qu'a-t-il fait depuis son arrivée au pouvoir en 1990 ? Rien, au fond, qui ait marqué une véritable rupture avec la « guerre de Trente Ans » subie par le pays au lendemain de l'indépendance et qui, avait-on espéré, devait prendre fin avec son arrivée au pouvoir. Tandis que se poursuit l'épopée des guerriers tchadiens, le pays continue de souffrir mille morts, dont celle de sa démocratie ». C’est sacrement d’actualité 14 mois après sous le magistère du fils.
Les jeunes manifestants dont certains ont été sauvagement exécutés ce jeudi 20 octobre et d’autres, déportés sans être présentés au préalable à un officier de police judiciaire et sans un arrêté d’éloignement du ministre de la Sécurité publique, sont sensibles et réceptifs aux discours de Succès Masra et autres Yaya Dillo ou Max Loalngar. Parce que ceux-ci sont simplement porteurs d’espérance et de promesse de méthode partagée de direction du pays et d’évaluation de la gouvernance et des résultats d’une part. Et d’exemplarité et de responsabilité des décideurs publics à l’égard des citoyens, d’autre part. C’est la seule raison pour laquelle ils sont écoutés par ces jeunes, sortis massivement braver ce jeudi 20 octobre l’interdiction arbitraire de manifester. Ils le feront encore et encore en dépit de ce lourd tribut et le risque non moins réel de nouveaux massacres dans leur rang par le régime. L’élimination physique de ces leaders qui, sous ce régime, n’est pas qu’une hypothèse d’école ne pourra rien contre cette dynamique d’éveil de la conscience populaire. Le germe est planté. D’autres, encore plus nombreux, reprendront le flambeau.
Le pouvoir ne doit cependant pas se méprendre, les auteurs intellectuels et matériels, les co-auteurs, les complices et receleurs des massacres du 20 octobre doivent se rendre à l’évidence que la mémoire de la Justice est immuable surtout en matière de crimes qui plus est, contre l’humanité. Une qualification hautement plausible dans le cas des massacres du jeudi noir et par conséquent, susceptible de fonder la compétence universelle des juridictions des pays étrangers. Nombreux sont les Tchadiens ou non, qui y travaillent. Ils ne ménageront pas leurs efforts pour maintenir vive cette mémoire.
Le hasard de l’actualité contemporaine à celle du jeudi noir tchadien le rappelle s’il en est besoin, par deux procès en cours sur des circonstances de fait similaires : le premier à Conakry, celui de l’ex-Président guinéen Moussa Dadis Camara, treize (13) ans après les massacres et viols de masse au stade de football, le 28 septembre 2009. Le second, devant la cour d’assises de Paris, celui de Kunti Kamara, ancien seigneur de guerre libérien de l’ULIMO, pour des massacres et viols de masse commis en 1993, soit vingt-neuf (29) ans plus tôt.
À méditer.
Orléans le 31 octobre 2022
Abdoulaye Mbotaingar
Docteur en droit,
Maître de conférences, Université d’Orléans
Membre du centre de recherche juridique Pothier (CRJP), EA 1212
Chargé d’enseignement, Université Paris-Dauphine-Psl
Après la Centrafrique, le Mali et il y a deux jours le Burkina-Faso, il n’est pas impossible de voir les tchadiens se soulever contre la France et ses incalculables intérêts au Tchad. Le problème de la France n’est pas son passé colonial encore moins la Russie et ses mercenaires de wagner. La France est resté obscurantiste.
Les méthodes colonialistes on le sait. Assassinat, déportation, pillage, expropriation, assimilation, acculturation, privation de liberté, négation de la dignité. Et tout ça juste pour vous enrichir. Et bien vous l’avez fait français. 50 ans après vous nous avez imposé des dirigeants pour continuer autrement vos méfaits. Ça ne vous vous suffit pas françaises et français ? Sans l’Afrique, la France n’aura pas valu le Portugal ou la Grèce, français faites le calcul.
Que chaque français retienne, la jeunesse africaine est aujourd’hui plus lucide que vous ne le croyez. Nous ne sommes pas des pro Russes, nous ne sommes pas des revanchards pour vos crimes contre l’humanité. On vous demande de cesser d’être des obscurantistes. Il ne faut pas aller à l’école pour comprendre que la France, considérée comme la seconde économie européenne ne possède rien de plus que la monnaie CFA pour mamelle. L’ascension de la puissance africaine est inéluctable. L’Afrique, forte de ses richesses naturelles et de sa démographie règnera pour elle-même et dans ses frontières un jour.
Cependant il n’est pas trop tard. La France peut être encore un grand partenaire pour la Centrafrique, le Mali, le Burkina-Faso et le Tchad, si elle décide de s’inscrire définitivement aux côtés du peuple et non des dictatures. La France doit cette fois-ci arrêter son hypocrisie et promouvoir sincèrement les valeurs sur lesquelles elle a bâti son existence. À ce titre elle doit aider le peuple africain épris de liberté et de démocratie. Pour le cas du Tchad elle doit se prononcer clairement et sans réserve contre la transmission dynastique du pouvoir. Le peuple tchadien en a marre, elle n’acceptera plus la perpétuation de la dictature, il n’acceptera plus de Deby fils, même si la France se rangera de son côté. On a plus peur, tout sera transformé, seul le peuple règnera.
Le problème de la France n’est pas la propagande russe, c’est les choix injustes que ses dirigeants continuent à opérer. Elle choisit toujours le camp des dictateurs, elle se met d’emblée contre les intérêts du peuple. Il n’est pas trop tard à la France. La France doit choisir le peuple tchadien et refuser la mascarade de dialogue qui se tient en ce moment à N’Djamena. Elle doit envisager écouter le peuple Tchadien, l’Union Africaine, les États-Unis, et commencer à sanctionner tous ceux qui sont contre la volonté du peuple. Ils ont assez détourné et acheté des biens immobiliers en France, aux États-Unis, au canada, en Égypte.
Aux français, les tchadiens croient aux mêmes valeurs que vous. Même votre silence est dorénavant incompris en Afrique. Levez-vous et défendez vos valeurs, l’Afrique croit aussi à ses valeurs. Vive le Tchad, vive la France quand elle soutiendra le peuple tchadien.
Samuel Mbainaissem
Le dialogue national qui devait être « INCLUSIF et SOUVERAIN » a démarré le 20 août passé. Un exercice au rabais. Une bonne partie de politico-militaire, de la société civile, de parti politique et des religieux ne participe pas. Et ils ont raison. C’est une mascarade pour conserver le pouvoir. Pour ceux qui ne le savent pas, le contexte n’est plus favorable aux manipulations d’antan, le peuple tchadien ne consacrera plus jamais la tyrannie d’un clan ou d’un groupe.
Persécuter Succès Masra ne suffira pas. L’ancien parti au pouvoir surreprésenté dans le dialogue ne suffira pas. Les hiérarques de l’ancien régime assis aux premières places ne suffiront pas. Le Comité d’Organisation du Dialogue National Inclusif (CODNI) déguisé ne suffira pas. L’armée clanique et ses généraux armés ne suffiront pas. Les tchadiens sont prêts et veulent tourner la page des dictatures et de cet État d’exception. Un Tchad de démocratie et de justice ou rien.
En ce moment au Tchad, personne n’est élu. Personne n’est légitime pour décider. Personne n’empêchera le changement au Tchad pas moins que les pharaons n’ont pu empêcher d’appartenir à l’histoire et au tourisme. Ceux qui participent aujourd’hui à la persécution rendront des comptes un jour. Aujourd’hui la documentation numérique est de plus aisée.
D’abord la souveraineté appartient au peuple et même dans les démocraties consolidées aucun dirigeant ne perd de vue cette évidence. Le Maréchal du Tchad, à ses dernières années, était en difficulté permanente face aux aspirations de son peuple. L’autoritarisme n’ayant plus le monopole de l’information, le Maréchal le savait, il ne peut plus revendiquer le soutien du peuple. Les tchadiens ont bien compris, le pouvoir reste une légitimité et elle est détenue par le peuple. Il ne sera plus possible de gouverner par la force.
Aussi, le peuple tchadien est fort de ses expériences. 29 ans après la Conférence Nationale Souveraine (CNS), il n’est pas difficile à comprendre ce qui n’a pas marché et refuser légitimement tout ce qui entravera à l’avènement d’une véritable démocratie. Dorénavant, en toute cohérence, les tchadien se donneront les moyens de refuser les textes qui consacreront la participation de ceux qui sont en charge de la transition aux prochaines échéances électorales. Ils se donneront les moyens de résister à tout plan permettant la confiscation du pouvoir par un groupe ou un clan.
Je dis bien il ne suffira pas de remplir la salle de Dialogue des personnes du même bord politique. Ceux-là mêmes qui ont abjectement taillé en faveur du Maréchal les deux dernières Constitutions. Les tchadiens s’opposeront totalement aux textes qu’ils jugeront arbitraires et réaffirmeront leur aspiration à une véritable démocratie.
Le contexte international a aussi les étoiles alignées avec celles des valeurs d’émancipation démocratique et de justice revendiquées par des peuples. Bien de chancelleries occidentales et autres représentations internationales sont aujourd’hui rattrapées par leur passé discutable. Et leur influence dans le monde a pris un coup. Une autre Afrique maintenant. Un autre Tchad maintenant. Non, aujourd’hui il n’est plus possible d’imposer des zouaves ou de soutenir des états d’exception. La jeunesse est aujourd’hui une entité majoritaire et elle n’est plus silencieuse désormais.
Aujourd’hui, dans leurs fuite en avant, les « anciens », ceux-là mêmes qui ont conforté 30 ans de dictature, des pseudos opposants, cherche à persécuter Yaya Dillo Betchi, Max Loalngar, Succès Masra. Nous ne sommes plus à l’heure des faux procès. Le Maréchal l’aurait fait. Il n’a pas fait. Comprenez la leçon. Yaya Dillo Betchi, Max Loalngar, Succès Masra ne sont plus seuls maintenant. Ils sont une conscience, celle la mieux partagée par les tchadiens et les tchadiennes de nos jours. La barbarie est révolue.
Le message de Moussa Faki est juste pour notre époque : « Aucune communauté, aucun groupe, aucun parti ne peut désormais à lui seul prétendre gouverner ou diriger ce pays.
Aucune entité, quels que soient sa force, ses ambitions, ses atouts actuels ou potentiels ne peut prétendre gouverner seul ce vaste pays, complexe, divers et diversifié ». Comprenez la leçon.
Seul le peuple est souverain. Et un jour ensemble (tchadiens) nous verront le soleil, nous atteindront la vraie JUSTICE. C’est inévitable, le petit clan laissera la place au seul GRAND TCHAD.
Douksou Lipelba