Dévaluation du Franc CFA, ajustement structurel, subventions « déloyales » agricoles de certains pays occidentaux sont à la base de cette crise du coton au Tchad. Ajouter à cela, la mauvaise gestion de la première source de rentrée de devises dans le pays.
Créée en 1971, la Cotontchad (Société cantonnière du Tchad) connaît aujourd’hui une grave crise. Les différents efforts de l’État se sont avérés inefficaces pour sortir cette société du marasme. Spécialisée dans l’achat de coton graine, de l’égrenage et de la commercialisation de la fibre ainsi que des produits de la graine ; la Cotontchad à un capital de 4,256 milliards de FCFA et représente plus de 30 % du PIB du Tchad.
Mais comment expliquer que la Cotontchad qui a été la seule société cotonnière africaine jadis maîtresse de son produit sur le marché international soit passé aujourd’hui à côté de ses objectifs ? Cette crise est-elle une simple détérioration des termes de l’échange ? Une absence d’une véritable politique du coton ? Ou alors, des erreurs stratégiques de l’État tchadien ?
Les vraies causes à cette crise sont :
-D’abord, la privatisation en 2000 de l’huilerie savonnerie de la Cotontchad.
-Ensuite, le désengagement de l’État en 1999 et la mise en place d’un plan de stratégie des reformes.
-Enfin, les fluctuations du marché international et les nombreux choix erronés de l’État par démanteler ce géant de l’économie tchadienne.
A ces trois causes, il faut ajouter des problèmes de gestion. Celui des subventions agricoles des pays occidentaux. Par exemple, les États Unis subventionnent non seulement la production mais aussi l’exportation de leur coton. Cela a eu pour conséquence : la diminution des exportations du coton tchadien.
Autres conséquences immédiates : la Cotontchad a procédé à des licenciements de son personnel ainsi qu’à la fermeture de la plus part de ses usines.
De ce qui précède, l’État tchadien a un choix : ne pas se désengager de ses responsabilités. Il faut une politique commerciale cohérente. Et que cette politique s’adapte au plan des reformes.
Autrefois, la Cotontchad avait une bonne méthode de commercialisation du coton. Par exemple, le fait de vendre directement le coton à travers son réseau d’agents. Ce qui a l’avantage d’éviter des intermédiaires.
Une des perspectives qui pourra être salutaires pour l’État tchadien serait de faire preuve de bonne volonté, d’exiger que la Cotontchad puisse commercialiser elle-même sa fibre à la filature. Et aussi d’entamer un processus de financement de la production et de s’assurer de la transparence en matière de gestion. Le marché du coton est devenu de nos jours un problème majeur pour les pays sous développé. L’État tchadien doit aujourd’hui penser à une politique de diversification des ressources naturelles afin d’éviter ou de minimiser les crises à venir.
Espérons que la nomination dare-dare d’Ibrahim Malloum, un connaisseur de la filière pourra relancer la filière coton. Mais aussi soit l’occasion de gérer la Cotontchad dans la transparence.
Lona Ouaidou, Ramadan
Supposée être le reflet de l’histoire de sa société, l’administration publique tchadienne fortement influencée par le modèle français, connaît malheureusement un déficit depuis fort longtemps. Son inadaptation aux réalités socio-culturelles et aux nombreux changements mondiaux en matière de gestion publique est à n’en point douter, un frein au développement de la société tchadienne.
L’avènement du Tchad à l’ère pétrolière suscite déjà beaucoup d’espoir et d’enthousiasme au sein de la population tchadienne, déjà amoindrie par l’anarchie politique. Mais avec une administration quasi inexistante et presque à la remorque des plus nantis, il y a lieu de se demander si cet espoir n’est pas que dessin chimérique. Il en est de même pour le collège de contrôle qui aura toutes les misères du monde pour remplir sa mission.
En effet, la population tchadienne compte aujourd’hui sur les revenus du pétrole afin d’avoir accès aux biens de première nécessité et à un changement surtout dans le contexte social où d’importantes études comparatives ont montrées qu’elle est l’une des populations la plus pauvre de l’Afrique.
L’administration publique tchadienne faisant face au libéralisme politique et ses corollaires des libertés individuelles connaît un déséquilibre qui se traduit par le manque de volonté, le clientélisme, la corruption et la résignation.
Est-ce que ce déséquilibre administratif est dû à un pouvoir fortement centralisé ou simplement à un pouvoir très dirigiste ? La question reste donc posée.
En 1998, on avait assisté à une tentative de réforme de l’administration dans le but de lui donner sa place sinon de lui rendre ses lettres de noblesse. La cellule technique chargée du suivi de la mise en œuvre de la réforme de l’administration publique (CESRAP) créée en décembre 1998, rattachée auprès du ministère de la fonction, du travail, de la promotion de l’emploi et de la modernisation était supposée apporter des solutions aux maux dont souffre l’administration publique tchadienne.
Cette cellule technique, scindée à deux étapes, était composée du comité de pilotage et de la commission technique interministérielle chargée de la réforme, avait fait des recommandations. Malheureusement, ces recommandations n’ont pas été convenablement mises en pratique. En effet, l’échec de cette réforme ne nous surprend guère, car sa démarche laissait pressentir déjà un doute quant à l’absence d’une réelle évaluation endoformative et récapitulative qui, à notre sens, est une étape très importante dans un pareil processus.
Le temps nous a vite rattrapé et nous constatons malheureusement que les recommandations qui ont été faites sont restées muettes jusqu’à date. Et nous continuons à payer fort le fruit de notre mauvaise gouvernance. La manne pétrolière n’est pas en reste de cette mauvaise gouvernance. La preuve, un premier versement de 6,5 millions de dollars porté le 24 novembre sur un compte offshore du gouvernement tchadien, risque fort d’être mal géré simplement parce que notre administration n’est pas suffisamment organisée et responsable. En effet, comme dans bien d’autres cas, ce n’est pas un problème de ressources, mais plutôt un problème d’utilisation (savoir-faire) de ressources qui fait défaut dans notre pays.
Le collège de contrôle et de surveillance des ressources pétrolières (CCSRP) n’aura pas la tâche facile, car il est confronté à une administration pléthorique et en grande partie très bureaucratisée avec toutes les conséquences que cela comporte. Or, pour que le Tchad sorte de sa léthargie actuelle et s’oriente davantage vers une bonne gouvernance, nous pensons qu’il devrait remplir un certain nombre de conditions préalables, à savoir : l’État de droit, la démocratie et par conséquent, une administration impartiale et compétente. Si ces préalables ne sont pas remplis, il serait très difficile au collège de contrôle d’assurer une bonne opération. Les conditions paraîtront peut être trop exigeantes, mais elles sont indispensables, voire sine quoi non.
Il faut admettre que pour un pays comme le Tchad qui fait désormais partie des pays producteurs de pétrole, il est qu’à même indispensable de s’assurer d’une administration efficace et transparente. Par ailleurs, nous ne sommes pas pour autant pessimistes. Au contraire. Mais nous pensons énergiquement qu’il est temps de réfléchir sérieusement sur la question de notre administration publique. Pour ce faire, il faut évidemment aussi tenir compte de notre culture politique qui se veut un changement radical dans son ensemble. La culture politique tchadienne doit évoluer avec son temps.
Les revenues pétrolières devraient permettre au Tchad d’accélérer la réalisation des objectifs du millénaire parmi lesquels la lutte contre la pauvreté, la relance économique pour ne citer que ceux-là. Aussi, pour atteindre ces objectifs, il faudra plus de volonté politique et de responsabilité dans le sens de la bonne gouvernance. C’est là tout le grand défi du collège qui est de s’assurer que les ressources seront utilisées de manière efficace et efficiente afin d’améliorer les conditions de vie de tous les tchadiens. Surtout de s’assurer aussi à ce qui n’y est pas une confusion entre la bourse publique et la bourse du prince.
Finalement, nous ne le dirons jamais assez, une bonne redistribution équitable et efficiente des ressources économiques est quelque part conditionnée par la présence d’une administration responsable et dynamique.
Lona Ouaidou, Ramadan
Les économistes-interventionnistes prétendent qu’une politique macroéconomique discrétionnaire contribue à stabiliser l’économie. On pourra une fois de plus, apprécier la justesse de cette assertion dans le contexte actuel où le gouvernement tchadien envisage gérer une partie des revenus pétroliers pour d’autres fins.
Au regard de ce qui se passe au Tchad, et surtout, récemment avec l’approbation de la modification de la loi 001 sur la gestion des revenus pétroliers qui comporte un ensemble de dispositions très important et faisant fi des préoccupations de la banque mondiale (garante du projet pétrole Tchad-Cameroun), tout porte à croire que l’étau se serre davantage au sein du gouvernement tchadien en matière de bonne gouvernance.
Le 10 novembre 2005, le ministre de la communication, Moussa Doumgor disait « nous avons besoin de ces fonds maintenant pour assurer le développement et la paix du pays ». Aussi, selon le compte rendu du conseil extraordinaire des ministres daté du 8 novembre 2005, on peut lire « les retouches opérées sur la loi No1/PR/99 visent à établir une approche réaliste dans la gestion des revenus pétroliers en intégrant d’une part la satisfaction des priorités présentes, et d’autre part la préparation de l’avenir des populations ».
Cette approche est ambitieuse et paradoxale, du moment où rien de concret n’est légué à la génération future. Comment peut-on expliquer ou comprendre que le gouvernement tchadien jusqu’à présent n’a pas pu justifier et avancer des arguments valables par rapport à la gestion des revenus pétroliers depuis 2003. Et tout d’un coup, il mise aujourd’hui sur les fonds destinés à la génération future pour assurer le développement et la paix ?
Naturellement, le Tchad fait face à des problèmes de trésorerie. Mais cela est le résultat de la mauvaise gestion de deniers publics. De là à rapatrier les fonds destinés à la génération future, il y a bien des ambitions sous-jacentes que nourrissent nos gouvernants. Ce « détournement paradoxal » ne doit en aucun cas occulter les problèmes de trésoreries et donc de bonne gouvernance. Les 36 millions et plus qui dorment dans le compte des générations futures, même rapatriés, ne résoudront pas le problème de bonne gouvernance dont souffre le Tchad.
De plus, on est en droit de se demander si l'instabilité politique qui est présente depuis belle lurette au Tchad n’est pas due à l’incapacité du gouvernement tchadien à faire preuve de plus de responsabilité politique et d’équité en matière de redistribution de la richesse nationale ?
Il y a deux grands défis économiques à relever. D’abord, il faut faire face à un déficit exponentiel. Ensuite, il faut faire face à un ralentissement récurrent de l’économie avec un taux de chômage qui ne parvient pas à diminuer.
Pour solutionner ce problème, il va falloir mettre sur place un programme de réduction des déficits à long terme. Mieux encore, il faut diminuer considérablement les dépenses de l’État et structurer la réduction du déficit. Ces politiques pourront favoriser la reprise de l’économie nationale. Finalement, ces mesures de réduction globale du déficit pourraient rétablir la confiance des investisseurs et donc la relance de l’économie. Et la population pourra ainsi croire encore à la capacité du gouvernement à maîtriser la situation. Et se passer ainsi de la loi 001.
Lona Ouaidou, Ramadan
« Le monde est maintenant dirigé par un casino financier mondial. Des banquiers anonymes et de spéculateurs en fonds de placement en sont les maîtres. C’est une machine qui fonctionne dans le secret. Chaque jour, deux billions de dollars s’échangent à travers globe. L’objectif : le profit rapide avec comme conséquence la turbulence des marchés boursiers. Ces nouveaux maîtres détruisent les économies des nations. Ils achètent et vendent des sociétés et utilisent des dirigeants politiques pour servir leurs intérêts » affirme DAVID KORTEN
Depuis que la Banque Mondiale a ouvert la voie aux ajustements structurels pour réduire la dette et consolider l’économie des pays africains. Ces derniers ont payé cher leur adhésion à cette stratégie. Le Tchad n’a pas échappé. Prenons l’exemple de la fameuse STEE (Société tchadienne d’Eau et d’Électricité).
Société anonyme d’économie mixte, la STEE traverse une crise particulière. Elle subit la pression des grands lobbies de la mondialisation économique. Pire, elle est d’une part la vache à lait du gouvernement et d’autre part le nid des bons de commandes. Malgré tous les efforts de partenariat et de la privatisation, elle est jusqu'à présent incapable d’assurer à sa clientèle un bon service. Tout en continuant à facturer sa clientèle, le plein tarif.
Le gouvernement tchadien a cédé à la pression de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International, en remettant cette société aux mains des Barons de l’eau. Reconnu dans le monde des affaires comme l’une des plus grandes transnationales en matière de l’eau, Vivendi et son dauphin Suez possèdent ou contrôlent les compagnies d’eau dans plus de 120 pays, sur cinq continents.
C’est Vivendi que le gouvernement tchadien a choisi comme partenaire lors de la cette privatisation. Cette société a exigé du gouvernement tchadien qu’il déréglemente, éliminent les obstacles à l’investissement. En un mot d’abandonner le contrôle de ce secteur. Le gouvernement tchadien a fait preuve d’une maladresse en acceptant cette transaction nébuleuse. Vivendi est aujourd’hui dans le rouge. Elle est incapable de respecter ses engagements d’investissements. Résultat : des milliers d’abonnés sont privés d’eaux et électricité pendant des jours.
Ce manque d’approvisionnement en eau a eu comme conséquence l’apparition des maladies telles que le choléra, la déshydratation et la dysenterie. L’incapacité du gouvernement à reprendre en main la gestion des services d’eau et d’électricité, permet à cet transnationale d’imposer ses intérêts au gouvernement.
Le problème d’accessibilité à l’eau potable et à l’électricité au Tchad est alarmant. Aujourd’hui on consomme dans le monde sept fois plus de l’eau qu’au 19ème siècle. La population tchadienne, elle, paie en moyenne 12 fois plus cher le litre d’eau que les autres populations de la terre. Des robinets sont déconnectés parce qu’un nombre croissant des familles tchadiennes n’arrivent plus à payer leurs factures. Leur seule alternative est de s’approvisionner dans des sources d’eau non potable. Et bonjour les maladies de toutes sortes.
Un des responsables de cette situation est la Banque Mondiale (BM) avec sa politique de recouvrement des coûts. La BM exige comme condition indispensable, l’octroi de nouveaux prêts, la privatisation du secteur lié à l’eau et à l’électricité. Dans la majorité des cas, cela se fait au détriment des intérêts des pays en voie de développement.
Il serait souhaitable que le gouvernement et le conseil économique et social prennent leurs responsabilités. La liquidation de ces institutions publiques, voire le quasi-bradage des sociétés parapubliques à des sociétés étrangères, doit faire l’objet des débats publics.
La privatisation de l’eau est immorale. Car l’eau n’est pas une marchandise. C’est un Bien commun d'importance majeure. Il représente la vie. Toute question concernant cette ressource doit faire l’objet d’un débat public. Les compagnies sont motivées par le gain des profits à tout prix. Alors que l’eau comme ressource naturelle doit être au service du Bien-Être des populations. Et non pas céder au monde des affaires. Le gouvernement tchadien doit renoncer à la privatisation de ce secteur stratégique pour l’intérêt national.
Lona Ouaidou, Ramadan
La mondialisation est incontestablement un phénomène qui influence de façon directe ou indirecte, tous les États. D'un point de vue économique, elle peut se définir comme : « un processus d'intégration des marchés pour les biens, les services, les capitaux et peut-être même la main-d’œuvre. » d’après Susan Georges et Martin Wolf, auteurs d’un ouvrage intitulé Pour & Contre la mondialisation libérale, publié aux éditions Grasset Les Échos. Cette intégration des ressources commerciales engendre un esprit de concurrence parfois féroce entre les États. Dans une telle situation, les États subissent diverses pressions. Et il ne se passe un jour sans que différents gouvernements et institutions tentent de s'adapter aux exigences de la mondialisation des marchés. Or, on constate malheureusement que les effets de la mondialisation sont tels que certains pays n’ont pas le temps de bâtir des infrastructures économiques et des institutions politiques capables de contrecarrer les effets pervers de la globalisation. Au nombre de ces États on trouve le Tchad en tête de peloton. Il affronte les effets pervers de cette nouvelle réalité (la mondialisation) un peu à l'aveuglette. Dans certains cas, on peut dire que le Tchad n’a carrément pas de vision et de politique conséquence face à la mondialisation.
Au regard ce qui se passe au Tchad, on peut dire que l'instabilité politique (remaniement gouvernemental récurrent, rebellions à répétition), le drame social (pauvreté), la mauvaise santé financière ou économique du pays (mauvaise gestion, détournements des deniers public) sont-ils à l’origine de l’incapacité du gouvernement tchadien à s'intégrer à l'économie mondiale ? Si non, comment peut-on expliquer pourquoi certains pays du Sud s'intègrent à l'économie mondiale plus rapidement que d'autres ? Le Tchad fait-il l’exception à la règle ?
La mauvaise santé financière du pays est le résultat de l'absence d'un plan d'intégration efficace. L'accroissement excessif des dépenses publiques au cours de ces dernières années, les problèmes structurels et institutionnels, le manque de transparence et l’absence de véritable politique et supervision des activités bancaires et financières sont des freins au développement et à la croissance économique. Face à ce tableau noir, il y a lieu de croire que le renouvellement futur de la classe politique actuelle laisse entrevoir une lueur d’espoir. Mais le dilemme est : comment les nouveaux et les anciens dirigeants vont-ils s'adapter à cette nouvelle situation économique ? Et avec quels moyens ?
Il est vrai que le contexte actuel de globalisation des marchés ne garantit pas nécessairement des profits pour tous. Le Tchad doit faire preuve de courage et de volonté politique afin de mettre en place des politiques indispensables à la bonne marche des activités économiques afin de faire naître de l’espoir au plan social. Dans certains cas précis, le gouvernement peut faire appel à la communauté internationale sans pour autant affaiblir la souveraineté nationale. Nous exhortons donc le gouvernement à mettre sur place des politiques concrètes, accompagnées des mesures visant à assurer la stabilité macroéconomique. Cela dans l’objectif de créer des conditions propices aux investissements et à l'épargne. Toutes les actions gouvernementales doivent s'inscrire une stratégie : la réduction de la pauvreté. De plus, le gouvernement doit assurer la stabilité du système financier ; principale préoccupation économique de tout gouvernement responsable. Finalement, il est aussi indispensable d'adopter une approche participative qui ferait en sorte que la société civile soit consultée sur toutes les questions fondamentales. Appliquée avec rigueur, cette stratégie a des fortes chances de succès. Et de sortir le pays de la morosité économique dans laquelle, il est présentement plongé malgré les recettes pétrolières.
Lona Ouaidou, Ramadan
Un des promoteurs du genre musical tchadien, Bamba Tchaddoulaye alias Jorio Stars vient de sortir un nouvel album intitulé “la paix”. Ialtchad Magazine est parti à la rencontre de ce digne fils du Mayo-Boneye et du Mayo-Danay, en pays Massa. Il nous parle de lui, de son album, de la musique tchadienne et de ses projets.
Ialtchad Presse : Comment vous présentez à nos lecteurs ?
Jorio Stars : Bien évidemment on doit de se connaître. Je suis né à Bongor. Je suis artiste, auteur, compositeur, arrangeur et danseur. Je m’appelle Bamba Tchandoulaye, mon nom d’artiste est Jorio Star ou pour ceux qui m’ont connu dans les années 98 et 2001 c’est bien le gouverneur de tous les bananas. Autrefois, j’étais dans le groupe musical Kilimandjoro de notre grand frère St Mbété Bao le pharaon du Rongondoh.
Ialtchad Presse : C’est particulier comme nom d’artiste, Jorio ?
Jorio Stars : Oui. Jorio signifie “guerrier” en Massa. Cela résume mon propre parcours de guerrier. J’avoue que j’ai trimé fort pour être ce que je suis. Aujourd’hui mes fans témoignent que le choix de ce nom est subtil. Ça me rassure. J’ai voulu honorer une de nos plus belles langues.
Ialtchad Presse : Vous êtes aujourd’hui l’un des chanteurs les plus en vue de la capitale. Comment en êtes-vous arrivé là ?
Jorio Stars : Ah ! Cela me flatte un peu. Vous savez derrière cette réussite, il y a trois choses : croire en soi, faire son chemin quelque soient les obstacles et surtout persévérer. J’en ai fait école et Dieu a exhaussé mes vœux. Pour la musique j’ai tout donné. À un moment dans ma quête du savoir de la musique j’ai quitté ma famille, l’école, mon pays. Aujourd’hui je récolte les fruits de mes durs labeurs.
Ialtchad Presse : Que peut-on retenir de la musique que vous faites ?
Jorio Stars : Vous savez, ma quête du savoir dans le domaine musical m’a amené à sillonner Presque toute la sous-région. Ainsi, j’ai pu travailler dans plusieurs formations musicales du Tchad, au Cameroun, au Nigeria et au Bénin. De toutes ces expériences j’en ai accouché un genre musical un peu particulier. Une symbiose aux effluves traditionnels tels le Difna (flute), le Tokolomna (corne), le Dillah (cithara massa) et des instruments modernes tells la guitare électrique, le solo et le medium sont synchronises avec aisance. Toutefois, la toile de fond de mon inspiration reste toujours le gourna, une danse du Mayo Kebbi.
Ialtchad Presse : Comment peut-on appréhender votre dernier album ?
Jorio Stars : L’album “la paix” répond à une impérative du moment pour le pays. Soyons braves et faisons la paix nous les tchadiens. Personne ne le fera à notre place. Un appel pour une prise de conscience. Je me demande ce qu’on fera sans la paix. L’album aborde aussi des thèmes comme la femme tchadienne, le mariage forcé etc. Je l’ai chanté en arabe, en français, en massa et en Sara pour que mon message soit à la portée de bien des Oreilles.
Ialtchad Presse : Que pensez-vous de la musique au Tchad ?
Jorio Stars : En dépit de tous nos problèmes, il y a quand même quelques bonnes nouvelles sur lesquelles on peut s’accrocher. La musique tchadienne évolue, les infrastructures se développent et à l’image de la BUTDRA, les artistes s’organisent pour faire face aux récurrents problèmes du piratage.
Ialtchad Presse : À part la musique à quoi dédiez-vous, votre temps libre ?
Jorio Stars : Je donne de cours de musique et de danse en France dans la ville de Bourges où je réside. J’aime aussi le cinéma et le sport.
Ialtchad Presse : Quels sont vos projets ?
Jorio Stars : Après avoir lancé mon 3ème album et finie ma tournée tchadienne, je veux bien me consacrer à la promotion de cet album. Le reste suivra.
Ialtchad Presse : S’il faut conclure ?
Jorio Stars : Merci à tous ceux qui ont contribué à la réalisation de cet album. Mes pensées vont à tous ceux qui comme vous, apportent ce qu’ils peuvent pour donner un nouvel élan de développement à ce pays.
Propos recueillis par Fatimé Mahamat
Musicien, encadreur des jeunes musiciens et acteur, Maestro Diégo de son vrai nom Mustapha Ngaradé est un des dinosaures de la scène artistique tchadienne avec déjà deux décennies de carrière. C’est aussi un artiste engage pour la cause de la démocratie et le développement dans son pays. Rappelons qu’il a été décoré chevalier de l’ordre du mérite civique du Tchad par le chef de l’État. Diégo a été aussi désigné en 2009 par Festafrica Magazine pour ses 20 ans de carrière, c’est ialtchadement que ce brillant et toujours joyeux génie de la musique tchadienne sous parle de lui, de sa carrière et de la musique tchadienne. Découvrez-le dans cette entrevue à cœur ouvert.
Ialtchad Presse : Qui est Maestro Diégo ?
Maestro Diégo : Je suis artiste et formateur des jeunes artistes. La musique est mon essence, la transmettre aux artistes est tout ce que j’aime faire et c’est à quoi je me suis donné pendant 20 ans.
Ialtchad Presse : Hier membre du groupe Tibesti, aujourd’hui en solo, parlez-nous de votre parcours ?
Maestro Diégo : Eh oui, je suis toujours membre du groupe Tibesti. Le groupe est une grande partie de moi, c’est tout mon parcours. Avec Tibesti j’ai eu à monter sur scène un peu partout dans le monde : beaucoup des pays en Afrique, en France, en Roumanie, etc. Je suis aussi en solo pour soutenir des projets personnels notamment pour financier mon centre d’apprentissage et de création musical en abrégé (CACM).
Ialtchad Presse : Vous faites de la musique pour quel public ? Vos inspirations ?
Maestro Diégo : Je fais un genre musical universel. Un genre qui marque le temps et l’espace. Pour mes inspirations, je suis d’accord que la terre ne manque pas d’inspiration mais je trouve chez le bon Dieu.
Ialtchad Presse : Après autant d’années d’expérience, quelle est votre discographie ?
Maestro Diégo : Alhamdoulil-lahi. Gloire à Dieu. J’ai fait 3 albums en solo et 3 avec Tibesti dont 1 compilation Afrique Centrale.
Ialtchad Presse : Qu’est-ce qu’être musicien au Tchad ?
Maestro Diégo : C’est désastreux d’être musicien au Tchad. Deux pour résumer la situation : souffrance et humiliation.
Ialtchad Presse : Votre coup de gueule alors…
Maestro Diégo : Que ceux qui ont le devoir et la responsabilité de changer la situation de changer les choses agissent. Que s’arrête cette insouciance vis à vis de l’art et de la culture dans notre pays. Une idée, qu’on commence à nommer à la tête de ces ministères des homes et des femmes imprégnés de ses arts.
Ialtchad Presse : À quand le prochain Album ?
Maestro Diégo : Pour bientôt, j’attends que les partenaires et sponsors me dissent oui. Le travail de studio est fini. C’est un album en double avec 20 titres qui marquera mes 20 ans de carrière. Le volume 1 intitulé Kaar (soleil) en langue Ngambaye comporte 10 titres. Le volume 2, intitulé Sa-ï-dou Awine (aidez les femmes) en langue arabe tchadien a 10 titres. Le lancement official est prévu en juin si tout va bien.
Ialtchad Presse : D’autres projets ?
Maestro Diégo : Après l’album à paraître, je me consacrerai à la réalisation de mon centre d’apprentissage musical.
Ialtchad Presse : Ialtchad Presse pour vous ?
Maestro Diégo : Avec Ialtchad Presse, il y a de quoi croire en la jeunesse tchadienne. J’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui font des choses pour leur pays. Big Up.
Fatimé Mahamat
Issakha Digadimbaye alis Mandargué est un de nos grands comédiens. C’est avec singularité qu’il aborde des questions aussi importante comme celles de l’homosexualité, du nord-sud, de l’abus de pouvoir etc. L’artiste est captivant et chaleureux. Il parle de sa carrière et des difficultés de son métier. Découverte.
Ialtchad Presse : Si on veut vous faire connaître à nos lecteurs, que leur direz-vous ?
Mandargué : Je m’appelle Issakha Digadimbaye alis Mandargué. Je suis comédien membre fondateur et dirigeant durant 13 ans de la troupe théâtrale Hassan Djamouss. Depuis 2 ans, je suis président de la compagnie artistique “Mandagué”. Ma troupe théâtrale est composée de 2 actrices et 6 acteurs. Je suis marié et père de 3 enfants.
Ialtchad Presse : Comment êtes-vous arrive au théâtre ?
Mandargué : C’est Presque par hasard que je me suis retrouvé dans le mode artistique. Cependant, il ne manque pas des artistes dans la famille. En 1987, mon grand frère qui était alors directeur artistique du théâtre Sagaie du Peuple présente une pièce et il manquait un enfant. Il m’a sollicité. Après présentation de la pièce, il m’a avoué sa satisfaction. Ainsi ont commencé mes premiers pas dans le théâtre.
Ialtchad Presse : Tes importantes réalisations ?
Mandargué : Chamarakha bachtana, Unité (Germaine et Mahamat), Iyal théâtre, Député Mandargué, Cercle des autorités etc.
Ialtchad Presse : Et si je veux devenir artiste au Tchad ?
Mandargué : Sans vouloir décourager quiconque, il faut s’attendre à un long chemin de croix. Et pour savoir combine c’est difficile dans ce pays, il faut vivre 1 jour seulement dans la peau d’un artiste. Pas des infrastructures nécessaires et avoir accès aux quelques rares infrastructures relève d’un labyrinthe de procédure et surtout des moyens démesurés. Le pire, c’est le manque de considération. On doit notre salut qu’en comptant sur soi-même.
Ialtchad Presse : Y a-t-il des astuces pour devenir un grand comédien comme vous ?
Mandargué : Pas vraiment, sauf quelques conseils. Aimer son travail, cohabiter avec l’indifférence de nos dirigeants, accepter les critiques d’où qu’elles viennent et surtout s’armer de persévérance.
Ialtchad Presse : Avez-vous un message à passer pour vos fans ?
Mandargué : De toutes mes luttes, la force et mon espoir ont été mes fans. Ils sont aussi en quelque sorte mes sources d’inspirations et ma croyance envers eux est inébranlable. Je leur dis merci pour leur soutien moral et intellectuel, je leur dois une reconnaissance infinie.
Ialtchad Presse : Pour finir mandargué ?
Mandargué : Je ne peux achever cet entretien sans concéder que ce Magazine est une opportunité pour bien des gens. Vous êtes un portail pour la culture, la jeunesse et pour bien d’autres activité socioculturelles. Je vous souhaite longue vie.
Entretien réalisé Fatimé Mahamat