lundi 16 septembre 2024

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Le Retour du baobab

Ialtchad Presse : Présentez-vous aux lecteurs d’Ialtchad Presse ?
St Mbété Bao : Je suis Djerabété Bernard à l’Etat civil et St Mbété Bao le Pharaon de Rongondoh, le Seigneur de Dala. Cependant appelez-moi l’Ambassadeur de la paix.

Ialtchad Presse : Pourquoi l’Ambassadeur de la paix ?
St Mbété Bao : Je m’érige en ambassadeur de la paix pour appuyer nos politiques qui se battent au jour le jour pour l’instauration d’une paix durable sinon définitive pour mon pays le Tchad. En chantant la paix, c’est une façon pour moi d’apporter ma noble contribution à l’édification de la paix, seul gage fondamental pour le développement. Mon dernier album (Faisons la paix) interpelle tous les fils du Tchad sans exception à s’asseoir ensemble, à enterrer la hache de guerre et fumer le calumet de la paix.

Ialtchad Presse : Vous êtes l’un des précurseurs de la musique tchadienne, quel regard critique et objectif portez-vous sur la musique tchadienne ?
St Mbété Bao : La musique tchadienne grandit bien, elle s’exporte et c’est une grande fierté pour moi particulièrement. Cependant, je déplore le manque d’identité de la musique tchadienne. Il est bien de copier sur les Congolais, les Camerounais, les Ivoiriens et que sais-je encore, mais on est arrivé à un moment où on s’interroge sur l’authenticité, l’originalité de la musique de notre terroir. Nos ainés n’ont pas su imposé un rythme, il ne faudrait pas que nous commettons cette même erreur sinon la génération future nous demandera des comptes un jour.

Ialtchad Presse : Quel a été votre apport dans la musique tchadienne et quel est votre genre musical ?
St Mbété Bao : Je suis né et j’ai grandi au village. Mon enfance est bercée par les chansons du village. Je n’ai aucune influence de certains artistes de renom de la capitale (N’djaména). Il n’y a pas des cassettes mieux encore des CD à cette époque pour me permettre d’écouter ces artistes et de copier sur eux. Je n’avais même pas un poste radio cassette d’ailleurs (éclat de rire !). Je suis venu du village avec mon propre rythme, le rongondoh style, composé de Dala et Saï. J’ai commencé à marquer de mes empreintes la scène musicale à partir de mon tout premier album Neurmé Majel (La jalousie n’est pas bonne). Nos ainés n’ont pas su imposer un rythme pour promouvoir la culture de notre terroir. Je suis venu révolutionner notre musique en la faisant transcender les clivages. Sans forfanterie et loin de choquer qui que ce soit, mais j’ai fait en dix ans de dur labeur ce que beaucoup de musiciens tchadiens n’ont pas pu faire après des vingtaines ou trentaines d’années.

Ialtchad Presse : Il y a une guéguerre de paternité de création du rythme Dala entre toi qui t’érige comme le Seigneur de Dala et Ingamadji Némo Mujos (artiste musicien tchadien vivant en France) qui se dit lui le Pape du Dala….
St Mbété Bao : (Rire) Comment pouvez-vous comparer le Seigneur et le Pape ? Le Pape rend toujours hommage au Seigneur et s’incline toujours devant lui. (Rire) J’amuse juste la galerie. Nous sommes des grands amis et frères Mujos et moi et je respecte le travail qu’il fait pour la promotion de la culture tchadienne.

Ialtchad Presse : Vous êtes satisfait de votre parcours ?
St Mbété Bao : Musicalement oui.

Ialtchad Presse : Que devient Saint Mbété Bao après ces 5 albums ?
St Mbété Bao : L’éléphant a maigri, mais l’écureuil ne pourra jamais porter sa robe. Je voudrai finir mon propos en remerciant Ialtchad Presse pour cette entrevue. Qu’Allah bénisse ce média et lui accorde longue vie.

Interview réalisée par Dingamnaïel Kaldé Lwanga

Manga Jean Bosco : “De l’amour à la haine, le mariage devient mirage, les enfants en pâtissent.”

Titulaire d’une Maîtrise en Droit Privé, enseignant et journaliste, Manga Jean Bosco écrit un livre paru aux Editions SAO intitulé « Le réquisitoire des parias ». Ialtchad Magazine s’est entretenu avec lui.

Ialtchad Presse : Présentez-vous aux lecteurs de Ialtchad Magazine
Manga Jean Bosco : Je suis Manga Jean Bosco, natif de Guidma un petit village dans le canton Tikem, Sous-préfecture de Fianga, actuel Département de Mont Illi. Je suis d’ethnie Toupouri.

Ialtchad Presse : « Le réquisitoire des parias » votre livre, vient de paraître. Dans quel contexte est né cet ouvrage ?
Manga Jean Bosco : Étant issu d’un couple qui n’a jamais vécu, mon expérience personnelle a été moins douloureuse, parce que j’ai eu le privilège, d’avoir eu des grands-parents maternels formidables qui m’ont élevé et donné une éducation digne de ce nom. Ils m’ont redonné très vite confiance en moi-même et ont supplée valablement mes géniteurs. Il en serait autrement si ce domicile et cette famille de refuge ne nous avaient pas créée ces meilleures conditions d’épanouissement et de sécurité, ma petite sœur et moi. Ce phénomène des conséquences du divorce sur les enfants est un véritable drame, une véritable braise que couve notre société mais on semble le banaliser. Il faut attirer l’attention de la collectivité sur ce problème. On constate qu’il y a beaucoup de non-dits entre les enfants issus des couples divorcés et leurs géniteurs, d’une part et ces couples divorcés utilisent souvent leurs enfants comme « tirailleurs » mercenaires afin de se régler les comptes. L’enfant, être fragile et innocent, est manipulé selon les humeurs des adultes. Et son éducation dans tout ça !  C’est dans ce contexte trouble où l’enfant demeure la grande victime, le bouc émissaire, le dindon de la farce que j’ai lancé le débat dans ce livre intitulé « Le réquisitoire des parias ».

Ialtchad Presse : Pourquoi ce titre ?
Manga Jean Bosco : C’est un titre évocateur. La lecture synoptique de l’ouvrage fait état de sévères remontrances que celles ou ceux qui s’estiment être mis en marge de la société font à leur alter égo. Ce sont les reproches que je nomme « réquisitoire » et j’appelle parias les supposés marginalisés de la société. Dans cet ouvrage, vous retrouverez des femmes qui ne sont pas tendres avec les hommes. Elles ont une conception négationniste du mariage. Il y a également les hommes qui ne sont pas du reste et tirent à boulet rouge sur les femmes. Le conflit de génération occupe une bonne place dans le livre à travers plusieurs personnages.

Ialtchad Presse : Quand on lit attentivement le livre, il en ressort une autobiographie. Pensez-vous régler son compte à votre géniteur ?
Manga Jean Bosco :
Le livre est une œuvre de fiction. J’ai certes puisé mon inspiration à partir de ma propre vie, mais le parcours atypique de mon personnage principal que j’ai nommé Kolyang ne ressemble aucunement au mien ; moins encore celui de sa sœur Maïssankraï à la mienne. Je ne règle pas de compte avec mes géniteurs. Ils sont irremplaçables pour moi. Cependant, je veux établir un contact entre nous et tourner la page du passé.

Ialtchad Presse : Que peut-on retenir globalement de votre œuvre ?
Manga Jean Bosco : Le thème principal du livre c’est l’impact du divorce sur les enfants. Dans un ménage, l’amour est la pièce maîtresse et le reste n’est que des ingrédients. Quand l’amour s’évapore, le mariage ne devient plus qu’une association ou une société d’intérêts économiques. On passe ainsi de l’amour  à la haine, le mariage devient mirage.

Dingamnaïel Kaldé Lwanga

Enseignant, écrivain et metteur en scène, le jeune Ouaga-Ballé DANAÏ à bien voulu nous conter son propre itinéraire d'écrivain et sa passion pour ce métier. Il confie également à ialtchad, ses réflexions sur la littérature tchadienne et ses projets d'écriture. Les deux œuvres déjà éditées par Ouaga-Ballé DANAÏ en font de lui l'un des auteurs espoirs de la jeune littérature tchadienne.

Ialtchad Presse : Bonjour, qui êtes-vous, Monsieur Ouaga-Ballé DANAÏ ? Vous semblez ne pas être connu du  grand public tchadien. Pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?
Ouaga-Ballé Danaï : Bonjour Hamid Kodi ! Il est vrai que je ne suis pas connu du grand public tchadien, mais je pense qu'il va me découvrir au fil des productions d'autant plus que certains journaux ont publié et publient des article sur mon travail et que je collabore de temps en temps avec le journal Carrefour dans la rubrique « Note de lecture ». Les raisons en sont simples : je suis parti de N’Djamena depuis 1985 et mon dernier voyage au pays remonte à 1990. J'estime aussi que je ne suis qu'au début de ma carrière d'écrivain et que le grand public pourra me découvrir le moment venu.
   Ceci étant, je suis né le 1er décembre 1963 à Sarh. Après le primaire dans la même ville, j'ai fait mes études secondaires au Lycée Félix Éboué, puis au CEG de Kyabé, au Lycée Ahmed Mangué avant de revenir au Lycée Félix Éboué où j'ai obtenu mon Bac A4 en 1984. Mon rêve était de faire des études supérieures de Journalisme ou de droit. Finalement, je me suis inscrit en Lettres Modernes à L'Université d'Abidjan où j'ai soutenu une thèse de 3ème Cycle en Littérature comparée. N'étant pas boursier, j'ai commencé dès la licence à enseigner dans des établissements en Côte d'Ivoire afin de payer mes études. Depuis 1998, j'enseigne au Lycée Eugène Marcel Amogho de Franceville (Gabon). En plus de l'écriture, je fais de la mise en scène. Cette année par exemple, nous avons remporté le prix du meilleur spectacle au Festival de Théâtre  Scolaire de Libreville 2002. Voici brièvement présentée ma personne. Les internautes qui voudraient en savoir plus peuvent visiter mon site : http://site.voila.fr/doballe

Ialtchad Presse : Comment conciliez-vous votre carrière professionnelle et l'écriture ?
Ouaga-Ballé Danaï :
Il faut dire qu'il n'est pas facile de concilier les deux, surtout en Afrique et quand on est enseignant. La dégradation des conditions de travail, les effectifs pléthoriques des classes sont des freins réels à la pratique de l'écriture. Il faut donc s'imposer une discipline de fer, gérer rigoureusement son temps. C'est ce que j'essaie de faire. Entre les copies, les préparations, les répétitions théâtrales, je dois écrire tous les jours, même une ligne. Ce qui ne vous laisse pas beaucoup de temps à consacrer aux amis. À partir du moment où l'on a décidé de faire de l'écriture un métier, il faut s'y consacrer entièrement. Hélas, on est obligé d'avoir un autre métier pour pouvoir vivre. L'écriture relève en définitive de la passion, du sacerdoce.

Ialtchad Presse : À quand remonte la révélation de votre penchant pour l'écriture ? Dites-nous comment vous est venue l'idée d'écrire pour la première fois ?

Ouaga-Ballé Danaï : Nous sommes tous des parturientes potentielles. Il suffit d'un déclic. L'écriture, on la porte en soi comme une grossesse parce qu'on a des choses à dire, des histoires à raconter. Je me rappelle, mes rédactions au collège prenaient des allures de fiction. Et quand on est dans une société pourrie, engluée dans les injustices, la corruption et autres maux, la révélation ne peut qu'être fulgurante, je dirai même foudroyante. J'avais emmagasiné tellement de choses pendant la guerre civile, peut-être inconsciemment, qu'une fois à Abidjan, dans mes moments de déréliction, j'ai laissé exploser ma révolte dans «La malédiction» en 88-89. L'écriture fut pour moi un exutoire pour résoudre toutes les contradictions que je portais en moi, disons une sorte de thérapie.

Ialtchad Presse : Parlez-nous en quelques mots de votre itinéraire d'écrivain ?

Ouaga-Ballé Danaï : Mon itinéraire d'écrivain est des plus banals. Lorsque j'avais écrit « La malédiction » (un roman au départ que j'ai repris en pièce de théâtre), c'était d'abord pour me libérer de toutes ces pesanteurs. Le fait de l'avoir dédiée au peuple tchadien et à mon père, victime de la guerre civile, n'est pas gratuit. Après avoir proposé sans succès en 1989 mon manuscrit au concours théâtral RFI, je l'ai gardé dans mon tiroir.
   En 1995, je l'ai proposé à mes étudiants de la troupe de l'Université de Bouaké que j'encadrais. Ils étaient en quête d'un texte. Poussés par le sentiment d'avoir été mal jugés lors de la 12ème édition du Festival de Théâtre Universitaire et Scolaire de Côte d'Ivoire (2ème au classement et prix de la meilleure actrice), mes acteurs m'ont demandé de leur écrire un autre texte, « L'enfant de Frica », qui leur permettra d'être lauréats à la 13ème édition avec le prix de la meilleure mise en scène en supplément. Ils m'ont par ailleurs encouragé, comme de nombreux spectateurs, à envoyer mes textes aux éditeurs. C'est ainsi que « La malédiction » a été retenue par L'Harmattan. « L'enfant de Frica » avait intéressé Les éditions Panthéon. Malheureusement, ce projet n'a pas abouti. Depuis lors, je n'ai cessé d'écrire. J'ai décidé de faire de l'écriture «un métier».

Ialtchad Presse : Quels sont les auteurs africains qui vous inspirent?
Ouaga-Ballé Danaï :
Je dirai plutôt des auteurs africains qui m'ont marqué par leur écriture. De par ma formation, j'ai beaucoup lu et ma profession m'amène à travailler des extraits d'auteurs de tout horizon. Je ne peux rester insensible à tout ce qui est beau. Je m'extasie donc devant un beau texte, face à l'originalité d'une œuvre. Je peux citer entre autres Sony Labou Tamsi, Ahmadou Kourouma, Boubacar Boris Diop, Aminata Sow Fall, Henri Lopés, Baba Moustapha, Koulsy Lamko, Aimé Césaire, Massa Makan Diabaté et que sais-je encore. Cette liste ne peut être close car ce qui m'intéresse, c'est d'abord la qualité de l'écriture.

Ialtchad Presse : - Pour quel public écrivez-vous de préférence ?
Ouaga-Ballé Danaï -
A priori, je n'ai pas de public cible. Lorsque j'écris, j'ai deux préoccupations : d'une part, l’universalité des thèmes abordés même si mes histoires sont inspirées de faits propres à un espace géographique donné ; d'autre part, le souci de la créativité, de l'originalité de mon écriture. Pour moi, tout homme doit pouvoir s'interroger après lecture de mes ouvres, se reconnaître dans les histoires que je raconte. Je n'écris pas uniquement pour le public tchadien ou africain. Cependant, cela ne m'empêche pas de puiser dans ma culture, d'être enraciné dans celle-ci.

Ialtchad Presse : Comment est née « La malédiction » ?

Ouaga-Ballé Danaï : Comme je vous l'ai déjà dit, « La malédiction » est née d'un sentiment de ras-le-bol. C'est l'expression de ma révolte. J'y ai mis toute ma rancœur, ma fougue et ma rage. J'avais envie de crier ma révolte, je l'ai fait et cela m'a vraiment libéré.

Ialtchad Presse : Qu'est-ce que vous voudriez qu'on retienne de la lecture de votre roman « Mon amour l'autre » ?
Ouaga-Ballé Danaï :
Question délicate car je préfère le plus souvent laisser la liberté au lecteur de faire sa propre analyse. Pour le même livre, il y a autant d'œuvres qu'il y a de lecteurs. Chacun l'interprète selon sa culture, ses compétences.
Néanmoins, je vais essayer de répondre à votre question. Dans « Mon amour l'autre », j'aborde plusieurs thèmes. Qu'est-ce que l'amour ? Pourquoi y a-t-il tant de haine dans notre société ? Quel regard ai-je sur autrui ? Le lecteur trouvera peut-être dans les histoires que je raconte, des réponses à ces interrogations. Mais attention, qu'il ne se laisse pas abuser par le titre.

Ialtchad Presse : Vous comptez déjà deux œuvres éditées, comment jugez-vous l'évolution de cette écriture ?

Ouaga-Ballé Danaï : Je trouve qu'il est prématuré d'en parler. En plus, j'estime que c'est aux critiques de la juger. Laissons-leur le temps de s'imprégner de cette littérature. Toutefois, je peux dire que de « La malédiction » à « Mon amour l'autre », je passe de la révolte à un peu plus de sérénité, tout en gardant un regard critique sur la société.

Ialtchad Presse : Laquelle de vos œuvres considérez-vous comme majeure ?

Ouaga-Ballé Danaï : Pour moi, chacune de mes ouvres a son histoire, ses particularités. Elles sont toutes majeures pour le créateur que je suis, avec leurs qualités et leurs faiblesses. On ne peut demander à une mère de choisir parmi ses fils ! Encore une fois, c'est aux critiques et aux lecteurs de faire leur analyse.

Ialtchad Presse : En général, lorsqu'on parle de littérature africaine, on parle plus souvent de l'engagement. Avez-vous l'impression de vous situer dans un courant particulier ?

Ouaga-Ballé Danaï : Pas un courant particulier. De toute façon, ces classifications sont subjectives. En revanche, mon engagement s'exprime dans mes œuvres. Pouvait-il en être autrement dans une société aussi gangrenée que la nôtre ? Comme le dit Césaire, l'écrivain est la voix des sans voix. Je dirai à ceux qui pensent que la littérature n'est que chimère et futilité dans un monde aliéné à l'avoir que la littérature est une arme redoutable. Mais n'oublions pas que ce qui fait la littérarité d'un texte, c'est d'abord la créativité. La dimension esthétique est fondamentale. Ce n'est pas en clamant haut son engagement qu'on acquiert le statut d'écrivain, c'est en créant.

Ialtchad Presse : Peut-on dire qu'il existe une littérature tchadienne ? Quels en sont le parcours historique et les grandes étapes ?
Ouaga-Ballé Danaï :
Bien sûr qu'elle existe, la littérature tchadienne ! On peut y voir trois grandes étapes :
- La période de collecte ou de réécriture des textes de l'oralité (contes, légendes) avec Brahim Seid, Antoine Bangui.
- La période des concours littéraires organisés par RFI (Théâtre et nouvelle) avec Baba Moustapha, Maïndoé Naïndouba, Djékéry Nétonon
- La nouvelle génération avec Djékéry, Koulsy, Haggar, Nimrod, moi-même.
Mon avis est que cette littérature est encore jeune en dépit de nos 42 ans d'indépendance et qu'il est encore trop tôt de parler de périodes. Ces écrivains travaillent de manière isolée. Il faut attendre et voir autour de quoi vont se cristalliser tous ces écrits. Il y a beaucoup de remous en ce moment dans le milieu culturel. Nous espérons que tout cela explosera en de belles créations. Vous remarquerez aussi que la plupart des auteurs sont hors du Tchad. Cependant, le mouvement commence à se faire sentir de l'intérieur et c'est un bon signe. C'est le lieu d'attirer l'attention des pouvoirs publics à encourager ces auteurs en aidant à la diffusion de ces œuvres. On pourrait les inscrire au programme scolaire et universitaire. C'est aussi l'une des raisons si le public tchadien ne connaît pas ses écrivains.

Ialtchad Presse : Quels sont les grands problèmes de notre littérature moderne, avez-vous des solutions à suggérer ?

Ouaga-Ballé Danaï : Il serait prétentieux de ma part de parler des grands problèmes de la littérature moderne, qui plus est, de suggérer des solutions. Je dirai simplement que la littérature est un regard sur la société. Elle évolue en fonctions des mutations de celle-ci. L'écrivain ne propose pas de solution, il bouscule la conscience du lecteur, l'amène à s'interroger sur la condition humaine, la destinée.

Ialtchad Presse : S'il vous était demandé aujourd'hui d'écrire un roman sur le Tchad, quel thème vous inspirerait ?

Ouaga-Ballé Danaï : Le thème de la guerre est récurrent dans notre littérature. Je l'ai déjà abordé dans mes deux ouvres, sous des angles différents. Ce qui m'intéresse, c'est de donner une vision universelle des thèmes et non de les confiner à l'espace Tchad. Une anecdote !
J'avais proposé à l'UNICEF Tchad un manuscrit jeunesse pour une aide à l'édition. Cela entrait dans le cadre d'un sponsor comme on le fait en musique. C'était aussi une manière de vendre l'image de la représentation de N’Djamena. Malgré la qualité du texte, on m'a reproché de n'avoir pas parlé du Tchad. J'en suis resté sidéré. Pensez-vous que le fait de n'avoir pas écrit le mot « Allaro » par exemple, ou d'avoir désigné mon espace par un autre nom que N’Djamena change réellement la gravité du phénomène que je veux critiquer ? Quelle place accordons-nous à l'imaginaire alors ? Évitons de tomber dans le journalisme qui a ses propres règles.

Ialtchad Presse : Quels sont vos projets d'écriture ? Avez-vous des projets d'articles et des livres en voie de finition ?
Ouaga-Ballé Danaï :
J'ai un roman jeunesse et une pièce de théâtre en lecture chez des éditeurs. Je suis en train de finir un recueil de poèmes. Parallèlement, je travaille sur un roman adulte et un roman jeunesse. Mon grand projet est d'écrire un livre sur la littérature tchadienne. Je suis  encore dans la phase de collecte d'informations. Je prie donc tout lecteur qui a des informations sur un livre écrit par un Tchadien de me les communiquer. Par ailleurs, j'invite tout chercheur intéressé par ce projet de me contacter.
Dernière nouvelle, je suis invité en novembre à présenter mon dernier livre au Fest'Africa de Lille (Festival organisé par notre compatriote Nocky Djedanoum). Ce sera l'occasion de me faire connaître un peu plus.

Ialtchad Presse : Auriez-vous un message à adresser à vos lecteurs et aux ialtchad ?

Ouaga-Ballé Danaï : Si les pays développés, malgré leur avance technologique, continuent de financer la culture, c'est parce qu'ils ont compris qu'un peuple sans culture est un peuple sans âme ; que la culture est au centre de tout développement. Ce message s'adresse à tous, politiques, intellectuels, hommes du peuple. Notre littérature est si balbutiante qu'il faut encourager les écrivains en divulguant leurs œuvres. Acheter un livre, c'est participer à la naissance d'une autre œuvre, c'est être fier de son pays et de sa culture.
Le second message est en faveur de l'unité au-delà de nos divergences. Et je crois que le nom que vous avez choisi, « Ialtchad », est un signe palpable du souci de tous les Tchadiens de s'unir et de participer au développement de leur pays. Je suis ouvert à toutes collaborations, à toutes correspondances. Je vous remercie de m'avoir donné cette opportunité et vous encourage dans votre initiative.
Ialtchad Presse : Merci à vous              

Propos recueillis par Hamid Kodi Moussa

Abakar Adam Abaye, dit « l’enfant noir » conteur de son état avec des contes « Titimé-Titimé »  savoureux, envoûtant qui font rêver et voyager était l’invité du Festival interculturel du conte du Québec (Canada) qui a eu lieu du 26 septembre 2003 au 30 octobre de la même année. Notre compatriote s’est produit aux Iles-de- la Madeleine, à Trois-Pistoles, à Montréal et à Sherbrooke. Il est l'invité du mois de Ialtchad Presse. Il s'est ialtchadement (chaleureusement) prêté à un entretien à bâton rompu, durant lequel, nous avons abordé plusieurs questions. Notamment, celles liées à sa carrière d'artiste, à la place et au rôle de l'artiste dans la société tchadienne, à ses projets, aux difficultés du métier etc. Bref, il est  attachant, stupéfiant, captivant, brillant et rafraîchissant. Découvrez-le dans cette entrevue à cœur ouvert.

Ialtchad Presse : Pour commencer, parlez-nous un peu de vous et comment vous avez entrepris ce que vous faites ?
Abakar Adam Abaye : Je suis simplement Abakar Adam Abaye, on m’appelle ‘l’enfant noir’, c’est mon nom d’artiste. J’ai commencé tout petit les contes, les légendes parce que ma mère est sage-femme et celle-ci dans la tradition raconte des histoires pour aider la femme qui accouche à apaiser sa douleur.

Plus tard, lorsque l’enfant commence à parler, on le fait venir devant la sage-femme de nouveau. Durant l’enfance, elle lui raconte alors la première histoire de sa vie. Puis, à l’âge de sept ans, on le fait revenir encore devant la sage-femme qui lui répète encore cette même histoire. Ce qui fait que, le récit reste dans sa mémoire. C’est donc de cette façon que l’on m’a raconté des contes, cela est demeuré dans ma mémoire, j’ai grandi avec et maintenant je raconte des histoires traditionnelles, des histoires léguées par les grands-parents. De plus, je crée moi-même des histoires et je les raconte. À part cela, je fais du théâtre, de la mise en scène à d’autres troupes ou à ma troupe. Et puis voilà, je mélange un peu le tout. Je suis artiste polyvalent, je me promène.

Ialtchad Presse : Peut-on savoir le thème central de vos œuvres ?
Abakar Adam Abaye : Il y a toutes sortes d’œuvre, il n’y a pas de thème sauf si par exemple je me produis dans une bibliothèque, dans un centre culturel ou dans un festival de conte donné. Si le public réclame que l’on aborde des contes sur des thèmes précis comme sur  la sorcellerie, des thèmes pour donner des directives à un enfant, des thèmes de contes philosophiques pour les adultes; en fait, ce sont les gens qui nous demandent et on en a de tous les goûts. On peut comparer cela à une bibliothèque où on trouve toutes sortes de livres sur la science, sur la philosophie, sur la littérature etc. Un conteur est un peu comme cela, c’est une bibliothèque qui se promène et qui a plusieurs histoires dans ses tiroirs, et celles qu’on réclame, il les fait sortir.

Ialtchad Presse : Vous représentez le Tchad au Festival de Contes 2003 au Québec (Canada). Qu’est ce qui a motivé le choix porté sur vous ?
Abakar Adam Abaye : En France, j’ai participé à une journée professionnelle des conteurs organisée par le « Festival Parole Divers » à Dino en décembre passé; là, il y avait environ 300 programmateurs qui ont vu dix-sept conteurs se produire. Chaque conteur disposait de 15 minutes pour s’exprimer, ce qui fut mon cas. Ainsi, des programmateurs du Québec, précisément de la 2 ème édition du Festival de Contes en îles des îles de la Madeleine, de Sherbrooke, de Montréal, m’ont remarqué et ont trouvé que mon travail était intéressant et que cela valait le coup de venir participer ici à leur Festival de Contes. Et, me voilà ici au Québec.

Ialtchad Presse : Quels étaient les moments forts de cette semaine de contes ?
Abakar Adam Abaye : Je peux dire que tous les moments ont été forts. Ce sont des moments où on raconte et on rencontre. Après le spectacle, on rencontre le public pour discuter, parler de ce que l’on fait etc. Lorsque tu arrives à le toucher (le public), c’est là, le moment fort, car on vient raconter pour provoquer un peu la discussion. Bref, si les gens sont touchés, ils viennent directement vers vous. Un festival est en soi un moment fort.

Ialtchad Presse : Vous est-il arrivé de travailler en collaboration avec d’autres conteurs ou conteuses, si oui, comment cela s’est-il  produit ?
Abakar Adam Abaye : Oui, j’ai eu à me produire avec beaucoup d’autres conteurs et conteuses. Par exemple lorsqu’on vient dans un festival établi, comme celui-ci (Festival interculturel du conte du Québec) le programme est établi d’avance. Donc, c'est dans ce cadre que les conteurs se retrouvent 10 à 15 minutes avant le spectacle pour mieux coordonner et lier leurs contes afin que chaque histoire soit rattacher à une autre. Cela, pour éviter que les histoires ne s’éparpillent comme des grains de mil sur le sol. Ainsi, on harmonise nos histoires afin de ne pas faire une « soirée compétitive » pour le plaisir du public.

Ialtchad Presse : Quels conseils donneriez-vous aux ialtchad qui voudraient suivre votre exemple ?
Abakar Adam Abaye : C’est simplement d’aimer ce que l’on fait, car pour être artiste, il faut aimer ce que l’on fait d’abord, cela tout le monde le sait. C’est le cas pour n’importe quel autre métier. Mais pour l’art, c’est tout autre chose. Il faut vraiment aimer être artiste, supporter toutes les difficultés du métier etc. Le reste, c’est le travail. Et, lorsque le travail est bien rodé, je pense que l’on peut voyager n’importe où.

Ialtchad Presse : Pouvez-vous nous parler de vos activités actuelles et de vos projets à venir ?
Abakar Adam Abaye : Actuellement, je suis en tournée pour six mois en Suisse, en France et au Canada. Lorsque je terminerai cette tournée, j’irai au Tchad en janvier 2004 pour faire la première « Nuit de la Parole ». Vous vous rendez compte, ça sera la première nuit que j’organiserai avec un conteur burkinabé et un conteur nigérien. Comme autre projet, j’ai en tête d’organiser un Festival de Contes dénommé « Titimé-Titimé ». Ce sera un festival international de contes qui aura lieu en octobre 2004. Beaucoup de conteurs de divers pays seront invités: des  français, des suisses, des canadiens, des camerounais, des maliens, des nigériens. C’est une grande édition et une première. Tous ces gens vont se retrouver au Tchad pour raconter des contes du pays et d’ailleurs pour le public tchadien afin qu’il comprenne que le conte est non-seulement quelque chose qui nous parle mais aussi quelque chose d’utile qui fait passer des messages.

Ialtchad Presse : Quelle est la place des conteurs et conteuses au Tchad ?
Abakar Adam Abaye : Je pense que c’est comme toute autre activité qui a sa place. Prenons l’exemple de la ville de N’djamena et un enfant de 12 à 15 ans. Demandons-lui de nous raconter une histoire. Il vous répondra qu’il ne sait pas, qu’il a oublié. Heureusement qu’il y a des individus comme nous qui acceptons de raconter des histoires toute notre vie et qui permettent à des enfants de connaître l’histoire de leurs ancêtres; comment ces derniers ont vécu? Comment il ont existé?. Il faut savoir que dans le conte lorsque l’on écoute les histoires, on voit qu’elles nous représentent directement. D’où on vient? Où l’on va? Qu’est ce que l’on doit faire pour être utile aux autres hommes? C’était le conteur qui devait enseigner tout cela à l’enfant pour lui pointer une direction, lui donner des repères. Et, cela est aussi valable pour les adultes. Donc, le conte est quelque chose qui regarde tout le monde. Le conteur est un maître de la Parole.

Ialtchad Presse : Quelles sont vos impressions par rapport aux Québécois et aux Canadiens ?
Abakar Adam Abaye : Je trouve que les gens sont sympathiques. Que ce soit aux îles de la Madeleine, à Montréal, à Trois-Pistole, ils vous écoutent, veulent discuter avec vous, ils désirent vous connaître, connaître l’Afrique. C’est bien, c’est encourageant. On note une nette différence entre les gens d’ici et ceux de la France. Cette France qui nous a colonisé, celle dont on continue à parler la langue; en France c’est différent. Ici les gens sont beaucoup plus dynamiques, plus accueillants, plus chaleureux.

En France les gens sont plus méfiants. Méfiance qui s'est transformé en peur contre les Noirs, contre l’Arabe et c’est dommage!

Ialtchad Presse : Y a-t-il des organisations ou des organismes qui vous soutiennent ?
Abakar Adam Abaye : Non! Je ne suis soutenue par aucun organisme ni organisation. J’écris mes contes, je participe à différents festivals, je raconte mes contes et terminé point. Par contre, il y a des contes qui parlent des causes, telle l’utilité des arbres, la lutte contre la désertification, les contes par leurs simplicités et leurs messages touchent tout le monde.

Ialtchad Presse : Avez-vous besoin de soutien particulier?
Abakar Adam Abaye : Soutien… (rire) ... soutien tout le monde en a besoin. Écoutez, le fleuve ne dira jamais non si on lui rajoute de l’eau. Donc, J’ai besoin de soutiens. Comme je vous l’ai mentionné précédemment, je suis en train d’organiser un Festival de Contes en octobre 2004 au Tchad qui aura lieu à N’Djaména et dans la région N’gouri mon village au Lac Tchad. 

Donc ce festival aura besoin de soutien. Où faudra-t-il loger tous ces participants ? Comment se fera le déplacement ? Comment les nourrir ? Comment faire les affiches ? Les publicités à la Télévision, à la radio, dans les journaux. Tout cela nécessite beaucoup de moyens. S’il y a des soutiens disponibles, ils sont les bienvenus. Je suis ouvert à cela. J’attends. Aujourd’hui les gens ne comprennent pas mais plus tard ce sera quelque chose pour tout le monde. On fait de petites choses qui appartiendront à tout le monde dans le futur parce que les contes sont populaires.

Ialtchad Presse : Pourquoi avez-vous choisi de résider au Burkina ?
Abakar Adam Abaye : Je réside au Burkina depuis cinq ans mais souvent je pars au Tchad. Je répète encore que je suis en train de monter la « première Nuit de la Parole » et je continue une tournée qui va commencer à partir du mois de mars en Guadeloupe et en France. Après, je retourne au Tchad préparer le Festival qui va commencer en octobre 2004. Voilà pour ce qui est de mon agenda. Je me suis installé au Burkina parce que c’est un peu la capitale culturelle de l’Afrique. Il se passe beaucoup de chose au niveau culturel. Il y a des festivals du cinéma, de théâtres, de contes, de masques, de peintures, d’archers, d’artisanats etc. Il y a tous les festivals au Burkina et c’est un paradis pour un artiste de venir et de trouver un endroit  où la moitié de la population est artiste et ça travail tout le temps. Si tu es artiste, tu rentres dans la danse et tu travailles. Voilà l'une des raisons.  Une autre raison, la plus importante, c’est parce que tu rencontres beaucoup de gens et tu joues plusieurs fois. Quand on joue plusieurs fois on grandit en âge mais on grandit aussi de façon professionnelle. On  fait des rencontres et cela permet de voyager encore plus longtemps. C’est pour toutes ces raisons que je réside au Burkina.

Ialtchad Presse : Que vous dit ialtchad ?
Abakar Adam Abaye: (...sourire...) Ialtchad c’est touchant, c’est personnel. Si on dit ialtchad on parle du Tchad, c’est profond, c’est symbolique, c’est fort, c’est quelque chose qui va nous chercher au fort intérieur de nous-même. Tu passes dans la rue, tu entends dire ialtchad, tu t’arrêteras pour savoir qui est-ce qui est entrain de dire cela. C’est une partie de nous, c’est l’ancêtre qui parle. C’est le souffle des ancêtres.

Ialtchad Presse : Le mot de la fin ?
Abakar Adam Abaye : Je pense que quelque soit ce qu’on fait dans la vie, il y a toujours quelqu’un qui dit quelque chose à propos de ce qu’on fait. Donc, je dis à tous les ialtchad : « faites ce que vous avez envie de faire dans la vie ». Vous avez envie de faire de la musique faite-la, de la chorégraphie, de la littérature, bref tout ce dont vous avez envie. La culture c’est l’âme d’un peuple. C’est la matrice du développement. On connaît un peuple qu’à travers sa culture. Tous les étudiants qui sont partis étudier à l'étranger ont constaté par exemple qu’on organise certaines fêtes pour que chacun puisse montrer la danse de son pays ou raconter une histoire de son pays, exhiber quelque chose de culturel de son pays ou même apporter un repas de son pays. Donc tout est basé sur la culture. Si on ne nous connaît pas partout aujourd’hui, c’est parce que nos artistes n’ont pas pris la parole. Donnons à ces derniers la parole, soutenons-les, parce que sans l’art on va toujours rester dans le noir, dans un grand trou noir, un creux noir. Et, c’est l’artiste qui fait que les gens savent parler de votre pays. Par exemple lorsqu’on parle de la Côte d’ivoire, on identifie tout de suite ce pays à Alpha Blondy, quand c’est le Sénégal c’est Youssouf N’Dour, le Mali c’est automatiquement Salif Keita, Oumou Sangaré. Mais faudrait que ça soit aussi pour nous comme cela. Parce que chez nous quand on est artiste, on prend une guitare et on chante, on dit voilà, il est devenu ceci ou cela. C’est fini ce moment-là. C’est fini, nous nos oreilles ne veulent plus entendre cela. Personnellement  mes oreilles ne vont plus entendre ceci. Je fais tout ce que j’ai envie de faire dans l’art. Je l’ai choisi. Je le fais pour moi et pour mon pays. Et croyez-moi, je vais le faire jusqu'à mon dernier souffle.

Ialtchad Presse : Merci beaucoup
Abakar Adam Abaye : Merci

Interview réalisée par Brahim Wardougou 

Sanko Star fait partie de la nouvelle génération de la musique tchadienne qui apporte, par sa singularité, un souffle de modernité aux rythmes traditionnels. Son style s'inspire du patrimoine musical issu des différentes régions du pays : le gourna, le sai, le bazaga, le dara, le mbilet, le wolélé et bien d'autres rythmes encore. Ialtchad Presse a rencontré Adoum Mahamat Seid, chef d'orchestre de ce groupe prometteur, qui nous parle chaleureusement de son Groupe.

Ialtchad Presse : Bonjour Mr Adoum Mahamat Seid, vous êtes chef de l’orchestre Sanko Star, pouvez-vous nous présenter votre orchestre ?
Sanko Star : Au nom de l’orchestre Sanko Star, permettez-moi de vous remercier de m’avoir donné cette opportunité afin d’afficher et de présenter mon orchestre dans Ialtchad Presse, le premier Journal on line Tchadien. L’orchestre Sanko Star est créé exactement le 10 Juillet 1998 à N’Djamena. Il est donc le finit de certains jeunes Tchadien jaloux de leur identité musicale et qui ont envie de faire valoriser la musique à l’identité tchadienne et l’élevée à l’échelle national qu’international.

Ialtchad Presse : Quel genre de musique faites-vous ?
Sanko Star : Nous exploitons généralement les folklores tchadiens tels que : le Bazaga, le Sai, le Mbilet, le Gourna, le Ganga Ouaddaï, le Dara et le style de notre grand chanteur Moussa chauffeur la musique étant universelle, nous faisons aussi les styles étrangers tels que Zouk-Salsa-Reggae et autres.

Ialtchad Presse : Ça fait près de 6 ans que l’orchestre existe, pensez-vous avoir atteint ce que vous vous êtes assigné au départ ?
Sanko Star : Nous pensons que nous sommes arrivés presque à nos objectifs parce que nous avons déjà en main notre prémaquette et un CD en compilation avec quatre autres orchestres de la capitale réalisée et multipliée en France par le biais du CCF (Centre Culturel Français). Dans cette compilation promotionnelle nous avons deux titres à savoir Loh Tohon (Sai) et Voisin fâché (Gourna).

Ialtchad Presse : D’aucuns disent qu’il n’y a pas un genre musical typiquement Tchadien, quel est votre opinion ?
Sanko Star : Je suis de l’avis de ceux-là qui disent qu’il n’y a pas encore un rythme typiquement Tchadien. Toutefois il faudrait que les mélomanes Tchadiens sachent que le musicien Tchadien a été dompté dès le départ par deux styles étrangers différents qui sont le congolais et le soudanais. Aujourd’hui Sanko Star, cherche à être le phare de la musique Tchadienne en enlevant cette influence rythmique étrangère. Si on écoute bien les différents rythmes cités plus haut, il y a une certaine similitude dans la danse, exemple: Le Gourna, le Dara et le Ganga Ouaddaï peuvent se danser de la même façon. Le Mbilet, Le Sai, et le Bazaga aussi. Nous demandons donc au publics, les médias publics et privés d’écouter et de faire écouter consommer beaucoup plus ces différents styles afin d’en prendre goût car on dit l’appétit vient en mangeant.

Ialtchad Presse : La culture en générale n’a jamais été l’objet d’une attention particulière de nos gouvernants que pensez-vous de cette indifférence ?
Sanko Star : Par rapport à cette question si nous racontons un peu le temps dans les années 1960, il faut reconnaître quand même que les gouvernants d’antan avaient une certaine attention envers les musiciens tchadiens. Je cite l’exemple de l’orchestre Chari-jazz qui existe de nos jours encore a été envoyé au zaïre pour une formation musicale, malheureusement les musiciens étaient rentrée avec le style Zaïrois gravé en feeling qu’ils n’arrivent plus à s’en débarrasser et ceci est en train de se passer de génération en génération. Je pense que si aujourd’hui un orchestre qui arrive à présenter des œuvres musicales à l’identité Tchadienne puisées dans le terroir du pays et qui méritent d’être présentées à l’échelon international, qu’il le veut ou pas ces gouvernants ne seront pas indifférents.

Ialtchad Presse : Revenons à Sanko Star à quand la sortie de votre prochain Album ?
Sanko Star : La sortie de notre Album est pour bientôt s’il plait à Dieu étant donné que nous sommes déjà en possession de la prémaquette dont nous avons déjà parlée plus haut.

Ialtchad Presse : Quels sont vos projets à court terme ?
Sanko Star : Notre projet immédiat c’est d’abord la sortie de l’album et s’occuper de sa promotion. Par ailleurs nous comptons faire quelques tournées dans le pays.

Ialtchad Presse : Avez-vous un message à passer à vos fans et aux autres ialtchad qui vont bientôt vous lire ?
Sanko Star : Par Ialtchad Presse Sanko Star salue tous ces jeunes tchadiens comme étrangers. Il leur souhaite santé, réussite et prospérité dans leur vie active et leur demande de garder leur soutien et encouragement dans le même diapason afin d’élever plus haut l’identité musicale tchadienne. Et surtout de continuer à consulter Ialtchad Presse qui est sans doute le promoteur sérieux des artistes tchadiens sur la toile mondiale qui semble devenir un outil indispensable en cette matière.

Ialtchad Presse : Pour finir…
Sanko Star : Notre coup de cœur va l’endroit de l’ialtchad Presse et de l’équipe dynamique qui est derrière, en leur souhaitant longue vie et abnégation dans cette initiative qui est la promotion des artistes tchadiens au-delà de nos frontières. Nous n’oublions pas également de remercier Mr Ali Adoum Slash, le CCF et tout son personnel qui nous ont aidés à réaliser notre prémaquette et la compilation promotionnelle.

Interview réalisée par Hamid Kodi Moussa

Beral Mbaïkoubou connu aussi sur le nom du provocateur d’art, est un artiste aveugle, un génie qui joue sa guitare et chante avec maestria. C'est un des grands espoirs de la musique Tchadienne dont la virtuosité artistique n'est pas un secret. Ialtchad Presse est allé à sa rencontre chez lui à Walia(N'djamena), il nous parle de lui, de son art, de son pays

Ialtchad Presse : - Bonjour Monsieur Beral Mbaïkoubou, si on veut vous connaître ?
Beral Mbaïkoubou : Je suis Beral Mbaïkoubou, artiste musicien satirique et solitaire, mon nom de guerre est le Provocateur d’Art.

Ialtchad Presse : - Comment êtes-vous arrivé dans la musique Mr Beral ?
Beral Mbaïkoubou : Dans la musique je suis arrivé de manière assez banale grâce à un oncle artiste guitariste en la personne de Todo Etienne, qui m’a déjà donné le goût quand j’étais enfant parce qu’il habitait avec nous. Malheureusement, il n’a jamais pu m’apprendre à jouer. A sept ans, j’étais entré au Centre des Ressources pour les Jeunes Aveugles en 1988. Là, j’étais d’abord initié au piano, mais cela ne m’a pas plu, parce que j’avais pris cela au début comme de l’amusement. Six ans plus tard, en 1994, il a été introduit dans le Centre des cours de guitare. 
C’est en ce moment que je m’étais investi, parce que j’en rêvais auparavant. Après avoir appris à jouer en 1994, j’ai interprété jusqu’en fin 1998 ou j’ai pu enfin avoir une guitare sèche propre à moi. Et, c’est à ce moment que je me suis mis à faire de la musique, j’ai commencé à écrire mes propres textes et à les chanter.  

Ialtchad Presse : - Quelles ont été vos inspirations Beral ?
Beral Mbaïkoubou : Au début j’étais entré dans la musique pour pouvoir être le plus romantique possible. Parce que pour moi la guitare va bien avec quelque chose de romantique, de doux. J’ai donc interprété Hervé Villard, et je m’étais dit tout d’un coup qu’il fallait plutôt s’occuper à traiter des vraies questions humaines. Pour le Style, je n’ai pas eu de guide. J’ai simplement décidé tout seul de faire de la musique satirique. Quant à la Rythmique, c’est simplement du à mes débuts d’interprète. Comme je l’ai déjà mentionné j’ai interprété Hervé Villard, d’autres chansons françaises comme celles de Georges Moustaki par exemple. Cela m’a donné un goût de la rythmique française en plus du grand amour que j’avais pour la langue française. Ainsi, je suis arrivé à me mettre dans le style classique français. Et c’est plus tard, il y a juste un an que j’aurai découvert Georges Brassens et j’ai compris que nos styles se frottaient.

Ialtchad Presse : - Vous parlez tantôt de provocateur d’art, que voulez-vous dire réellement par provocateur d’art ?
Beral Mbaïkoubou : Oui, provocateur d’art, il y a plusieurs explications. La première raison et la plus facile, c’est que je fais de la musique additionnée à la poésie. Nous nous convenons tous que la musique est un art brouillant, agité et tapagé. Par contre la poésie, elle est douce, elle fait rêver, etc. Mettre ensemble ces deux arts qui ont des caractéristiques opposés relèverait de part et d’autre à inciter une provocation. La seconde raison relève du lyrisme de la poésie. C’est à dire qu’on en use de la poésie pour des fins plus homériques mais moi j’en use pour de la pornographie critique et provocatrice. Et puis en dernier lieu, pour ceux qui n’aiment pas le vrai, c’est à dire la vérité, ceux qui n’aiment pas qu’on les dise clairement les choses, dénoncer ce qu’ils font revient à les provoquer. Alors j’ai compris que ce serait couper de l’herbes sous leurs pieds ou alors leur marcher sur leurs langues; se prononcer provocateur d’avance pour qu’ils n’aient rien à dire.

Ialtchad Presse : - En quoi peut-on dire que votre musique est engagée ?
Beral Mbaïkoubou : C’est une musique engagée parce que je m’obstine à dire tout haut ce que les gens pendant longtemps ne pensaient pas. Cela est témoin de l’engagement, si nous nous en tenons à Jean Paul Sartre. D’autre part je pense que c’est engagé parce que j’ai frustré les valeurs empiriques de l’art. C’est à dire à travers la musique on pourrait çà et là glaner de piécettes qui permettraient de faire vivre la carcasse humaine. Mais j’ai toujours négligé cette dimension pour saisir quelque chose de plus profond et de plus intérieur. Si vous écouter quelques-uns de mes textes, ce sont des pornographies sèches. Je pense que lorsqu’on fait de la musique avec une telle pornographie, une telle ouverture, étaler les mots tels qu’ils sont, de manières à ridiculiser le plus possible les inconscients, la honte de la société, je pense que c’est cela l’engagement. 

Ialtchad Presse : - À part la musique, faites-vous d’autres choses dans la vie ?
Beral Mbaïkoubou : Oui, je fais autre chose cela demeure toujours dans l’art. J’écris beaucoup. J’écris des textes de poésies, j’écris également quelques essais et de temps en temps des petites pièces de théâtre. Bref, j’écris beaucoup.

Ialtchad Presse : - Écrire et faire de la musique, n’est-ce pas faire la même chose? 
Beral Mbaïkoubou : Oui, pour bien chanter, il faut écrire son texte, et pour bien écrire il faut chanter le thème en tout temps dans sa tête, c’est comme l’âme et la conscience, l’une ne va pas sans l’autre. Moi je me retrouve extrêmement bien là-dedans. Je profiterai de cette question pour également remonter les bretelles à certains, qui, ici au pays justement, il y a des gens qui, lorsqu’ils veulent faire la musique abandonne l’école. Je pense que cela revient à prendre l’histoire à contre-fil. Parce que l’on ne pourrait pas faire un art véritable, lorsque l’on n’est pas intellectuel. Même si aujourd’hui on entend que  tel ou tel autre artiste n’a pas poursuivi très loin les études, et bien rendez-vous compte qu’il a abattu un travail plus important que l’école, parce que la culture autodidactique est plus lourde que la scolarisation. Donc, je pense qu’il n’y a pas d’art sans intellectualisme.

Ialtchad Presse : - Peut-on aujourd’hui parler d’une musique tchadienne à l’image du Makossa camerounais ou du Dombolo congolais ?
Beral Mbaïkoubou : J’ai toujours été contre ces idées de musique tchadienne, musique camerounaise etc. Il n’est de pays qui n’a pas de musique, parce que pour moi la musique tchadienne, c’est celle qui est faite par un Tchadien, quelle que soit la rythmique. Parce que ce sont les questions dont on traite qui font la musique. De ce fait, si nous traitons des questions tchadiennes dans une rythmique congolaise, camerounaise etc., ça reste tchadien parce que de toute façon tout le monde conviendrait avec moi que le Dombolo par exemple est une rythmique de composition Est Africaine ou encore des origines des Antilles, des Caraïbes etc., et à ce titre-là, il n’est d’aucun pays qui possède exactement une rythmique 100% de chez lui. De ce fait je dirais qu’il y a de la musique tchadienne. D’autre part s’il s’agit de la rythmique culturelle originale tchadienne, cela existe, et si les gens veulent en faire promotion tel que, même sans philosophie, l’on dise que, quelque part tel rythme est tchadien comme on dit aujourd’hui que le Makossa est camerounais, le Mapouka est ivoirien, etc. Eh! bien il faudrait que les artistes-promoteurs de cette rythmique se mettent ensemble et se soudent. Mais nous ne pourrons jamais créer une rythmique tchadienne, lorsque Maître Gazonga parlera de Daraba Léyine comme la danse de chez nous, et que, Anélie Châtelain parlerai par exemple de la balançoire, Saint Mbete BAO de rongondo, chacun va de son coté, dans cette mesure on ne pourrait jamais rien mettre en commun et ça resterai un éclatement continu.

Ialtchad Presse : - Aujourd’hui tout laisse croire que les artistes tchadiens rencontrent énormément des difficultés pour s’exporter. La preuve, on ne retrouve presque pas la musique tchadienne sur le marché international. Quels sont réellement les problèmes ?
Beral Mbaïkoubou : La toute première entrave c’est l’ignorance. C’est que partout ailleurs ce sont ceux qui ont les moyens qui investissent dans l’art. Mais aujourd’hui nos hommes affaires entendent par affaire l’achat d’une voiture et revenir la vendre. Ou bien la revente des chaussures, etc. On ne comprendra jamais que l’art constitue également un produit d’exploitation. Et lorsqu’on n’a pas d’appui derrière, cela ne pourrait pas marcher. D’autre part il y également l’ouverture du dialogue, parce que je prendrai mon cas personnellement. J’ai pu rencontrer moult personnes peut-être disposées à soutenir mon art, mais ils m’invitent plutôt à faire un art pas satirique. Je pense que cette intention de limiter l’inspiration artistique est également une entrave. À cela s’ajoute le manque de structure parce que de toute façon même si on est financé, il faudrait peut-être se rendre à l’extérieure pour pouvoir sortir un produit. C’est une autre paire de manches. Parce qu’on aura beau résolu la question des producteurs. On rencontrera celui des structures. Des structures qui n’existent pas sur place. Je crois que c’est un peu le problème.  

Ialtchad Presse : - Comment jugez-vous aujourd’hui l’indifférence de nos autorités par rapport à l’art que vous faites ?
Beral Mbaïkoubou : Oui il faut dire que nos gouvernants aujourd’hui se foutent quelques peu de l’art, peut-être parce que l’art est une nourriture de l’esprit et de l’intériorité. Vous savez dans un pays aussi reculer que le nôtre, les priorités sont d’ordre empirique. Je voudrais dire que l’on voudrait d’abord saisir les premières vues qui sont à des fins matérielles. 

C’est à dire, on voudrait satisfaire sa faim, sa soif parce que cela est matériel, par contre l’art qui contribue à forger l’intériorité humaine, l’âme, la profondeur, etc. Cela n’est pas du tout facile à saisir. Ce qui fait que les artistes aujourd’hui sont laissés pour compte oserai-je dire parce qu’il n’y a pas de structures de production. Il n’y a pas une prise en charge des artistes en tant tel et d’ailleurs on les associe même pas à des grandes décisions. De toute façon un artiste qui se respecte devient automatiquement un maître à penser, parce que chaque artiste a une philosophie, c’est un penseur. Donc on devrait à ce titre-là, les associé à toutes les décisions importantes pour que le public s’y retrouve. Néanmoins, je voudrais dire que jusqu’ici nous avons tiré à boulet rouge sur les autorités, mais il est un autre aspect, qui est le respect de l’artiste lui-même. Parce que l’artiste devrait être comme je l’ai dit tantôt maître à penser. Et si nous avons une philosophie, cette philosophie ne doit pas seulement se déterminer sur la scène. C’est à dire lorsqu’on entend un artiste sans le connaître et qu’on le rencontre en chair et en os, il faudrait qu’il soit exactement ce qu’il détermine dans son œuvre artistique. Hélas, aujourd’hui nos artistes donnent l’air de prendre simplement un plaisir ludique, à dénoncer ou à étaler toute une suite de vertus alors que lorsqu’on les rencontre, ils sont eux même le prototype des dénonciations qu’ils font. Je pense que dans ce sens, ça ne marchera pas. Et nous nous laissons également berner par certaines idéologies peut-être novices. Mais des idéologies qui semblent être un retour aux sources, ben, j’en suis très fier lorsqu’on parle de la promotion de l’art tchadien, de la rythmique tchadienne, de la Culture de chez nous, etc., cela me flatte, mais en même temps je rigole parce que, on comprend avec un peu d’abus toutes ces connotations en ce sens que, je suis pour que l’on prenne le Bazaka, le Sai, le Gourna et autres mais pour en traiter des problèmes sérieux. Mais de là à prendre ces rythmiques et les assimilées à des arts anciens, de nos ancêtres qui ont eu souvent des chansons ludiques, des chansons vides de sens, qui ne traitaient d’aucun problème, je pense que ces dimensions relèvent d’une attitude Moyenâgeuse qu’il faut absolument faire évoluer.

Ialtchad Presse : - S’il vous est demandé de résumé en quelques mots l’état actuel du Tchad, que diriez-vous ?
Beral Mbaïkoubou : Le Tchad est pris en otage par l’inconscience, la mauvaise foi et la corruption. Parce que les gens nous font avaler n’importe quoi. Nous buvons au jour le jour du venin. Hélas, nous ne nous en rendons pas compte simplement parce que l’on a développé plus la carcasse que l’esprit. Je voudrais dire que, le ventre ici chez nous pèse plus lourd que la tête, et évidemment, on ne peut que manger plus et penser moins. Ainsi, le pays va à reculons. Il faut le dire tout haut. Et surtout, la démocratie aujourd’hui est une parodie. Il n’existe pas de démocratie véritable. J’en profite pour vous dire une anecdote. Il y a si peu, le Directeur du Centre Culturel Français(CCF) m’a aidé à obtenir une éventualité de financement de la part de la représentation de la Banque Mondiale ici sur place pour une production d’Album et la condition qu’on m’a posé c’est de présenter dans cette cassette financée par la Banque Mondiale des chansons qui ne toucheraient aucunement au régime. J’ai craché sur le projet pour la simple raison que la Banque Mondiale ne peut pas en même temps chaque année nous réclamer des progrès dans la preuve démocratique et de la même gueule nous demander de ne pas toucher à notre régime. Je pense que cela revient à louvoyer, à glisser des peaux de banane aux gens, et même si ma voix ne pouvait pas porter assez loin à mon niveau tout seul individuellement, j’ai refusé le projet et je sais que c’est déjà grand-chose dans la recherche d’une liberté, d’une démocratie réelle.

Ialtchad Presse : - Y’a-t-il des questions que vous aimeriez qu’on vous pose ?
Beral Mbaïkoubou : Je ne sais pas, mais on pourrait revenir après aussi longtemps que possible sur les questions de la démocratie, de la violence ou du dialogue entre les hommes etc. Parce que, aujourd’hui l’on profite de certaines valeurs nouvelles pour faire passer beaucoup d’insanités. Par exemple au nom de la démocratie, l’on légalise n’importe quoi, simplement parce que les hommes ont pensé que la majorité signifie déjà beaucoup de chose. Partout dans nos sociétés humaines et même sur toute la terre, les imbéciles sont les plus nombreux. Alors qu’est ce qui empêche que le choix de la majorité soit le choix le plus banal. D’autre part on pense que, lorsqu’on donne un avertissement, lorsque les hommes sont sermonnés concernant une question quelconque, alors, il ne faut plus insister. Parce qu’on dit qu’un homme avertit en vaut deux, mais qui dit que deux hommes n’ont jamais valu l’imbécillité, la question se pose.

Donc je pense qu’aujourd’hui ce qu’il faudrait promouvoir dans la jeunesse, c’est une notion de révolution concrète, non pas la révolution dans les armes peut-être, mais une révolution sèche, c’est à dire parvenir à épouser le sacrifice. Je donne raison à un philosophe qui disait que : « la liberté et la vie ne vont pas de pair. » Les gens rêvent aujourd’hui d’être libres mais en même temps ils ne veulent pas se sacrifier. Et là, ça sera simplement palabrer sur la 25ème heure, jamais ils n’auront de résultat à cette attente.

Ialtchad Presse : - Pour conclure ?
Beral Mbaïkoubou : Je ne peux finir sans dire deux choses. D’abord à Ialtchad Presse, c’est peut-être un coup de chapeau que je lui rendrais, parce que jusqu’ici le Tchad n’a pas pu avoir un moyen aussi colossal que cela d’exportation des connaissances du pays pour la simple raison que les gens ne s’y intéressent pas. Mais tout d’un coup Ialtchad Presse est intervenue dans la démesure puisque c’est directement dans la haute technologie. Les sites Internet je pense que c’est ce qu’il y a de plus performant pour l’instant et cela mérite vraiment une reconnaissance. C’est ne pas facile mais continuez, votre travail est louable. Quant à ceux qui éventuellement épouseraient mes idées, je pense que nous irons au-delà des applaudissements, qu’ils deviennent plutôt un duplicata des toutes ces pensées que j’étale afin que, à chaque coin de la terre les inconscients se trouvent le plus emmerdés possible, et là, nous pourrons n’est-ce pas leur tailler les croupières, et un jour parvenir à prendre la tête de sorte, pour bâtir le paradis terrestre sans exagération. 

Ialtchad Presse : - Merci Monsieur Beral Mbaïkoubou.
Beral Mbaïkoubou : C'est moi qui vous remercie 

Interview réalisée par
Hamid Kodi Moussa

Kaar Kaas Sonn de son vrai nom Noël Flavien Kobdigé, né en 1973 à Sarh fait plus intello qu'artiste. En effet Kobdigué est titulaire d'une licence en droit, maîtrise en relation internationales, premier cycle ENAM (Diplomatie) et actuellement en DEA à Genève. Auteur-compositeur, ce jeune rappeur, sympathique et presque toujours jovial est aussitôt devenu un personnage incontournable sur la scène musicale Tchadienne. Aujourd'hui, grâce à notre talentueux artiste, le Rap conquiert petit à petit le cœur des jeunes de N’Djamena, longtemps bercés par des sonorités bantoues et soudanaises.

Ialtchad Presse : - Revenons sur tes débuts pour ceux qui ne connaissent pas ton histoire, comment as-tu commencé à faire de la musique ?
Kaar Kaas Sonn : En 1992, j'étais en classe de terminale au lycée technique commercial de N'Djamena. Il y avait le rap. Il y avait MC SOLAAR -c'est un monument pour moi, et mon rêve de le rencontrer reste vivace. Je me suis mis à l'imiter et c'était parti! D'abord, j'ai été fondateur de TIBESTI, groupe qui fait notre fierté. Je quitte le groupe pour entrer à l'ENA. Je continuais à écrire des textes. Juin 95, je chante lors de la fête de la musique au centre culturel français de N'Djamena!!! En septembre de la même année, je fais mon premier enregistrement dans mon salon à Moursal. Les gens trouvaient ça bien et j'ai dû continuer. 98 je vais à Bangui pour la maîtrise et de retour je suis recruté comme stagiaire à la présidence de la république (j'étais major de ma section Diplomatie à l'ENA) et j'enseignais l'administration des entreprises dans un institut. 

Une fois de plus, l'occasion de ne pas faire du rap se présente. C'est en 99 que, sélectionné pour représenter le Tchad en France (Questions Pour Un Champion), j'enregistre une cassette avec Aimé Palyo. Arrivé en France, ça a déclenché le délire. On était à Giverny, chez Claude Monnet, grand peintre Français devant l'éternel que j'adore, et c'est là que les choses se mirent à tourbillonner. Julien Lepers me fait chanter dans son émission. De retour à N'Djamena, concerts et cafés-concerts s'enchaînent. Grâce au centre culturel français! En 2000, sort l'album "Ballades d'un récalcitrant"; je me produis au Festival LAFRICAFOLIES à Verdun sur Garonne, en France. 2001, je fais un concert en faveur des enfants avec l'UNICEF et dont la moitié des recettes a été versée à une association qui s'occupe des enfants de la rue.

Ialtchad Presse : Quels ont été tes inspirations pour le choix du Rap, ton style et ta voix ?
Kaar Kaas Sonn : Je m'inspire du vécu quotidien. En fait, je me pose trop de questions et pousse des réflexions avec le rap. C'est une musique hautement intellectuelle et c'est ça que j'adore dans cette musique, comme Bob Marley le faisait en son temps avec le reggae. Je fais un rap de salon, c'est-à-dire un rap que tout le monde pourra écouter. Je ne vois pas de raison de cantonner le rap dans la rue. Si l'on pense souffrir des serres du système, il faut bien dire au système son désaccord. Il y a de plus en plus de sauvagerie comme si toute l'évolution de l'humanité était en train de se muer en animalité. Avatars?
On voit bien que celui qui enseigne le pardon ne pardonne pas, ceux qui parlent de démocratie pratiquent le coup d'État, les défenseurs de la paix sont des  marchands d'armes, etc. Face à ce dérapage, j'essaie d'exorciser l'inhumanité de l'humanité pour enseigner l'humanité de l'humanité à l'humanité. En gros, je milite pour le désasservissement des peuples asservis.

Ialtchad Presse : - Ton nom est peu commun, que signifie Kaar kaaas sonn ?
Kaar Kaas Sonn :  Kaar Kaas Sonn vient de KWARE KU SEN. En ma langue, le nanjere, cela signifie "l'Enfant qui connaît".
 
Ialtchad Presse : - Peux-tu nous parler de ton 2ème album « chic choc chèque » ?
Kaar Kaas Sonn : Chic choc chèque est un disque réalisé à Sarh au Tchad. Je voudrais prouver qu'on est bons parfois dans ce bled. Malheureusement, le studio a pris feu et le produit avec. Ce n’est pas grave!!! Quand, en septembre 2000 je rentrais de vacances de France, une émission passait sur la radio Dja FM et là, on disait que les filles émancipées à N'Djam ont trois copains: Le premier est le mec avec qui elle sort, le deuxième est celui qui "assure" et le troisième banque. Donc chic choc chèque. Mais il y avait aussi des délestages intempestifs de la STEE qui ont bousillé mon ordinateur (combien de Tchadiens avaient été -ou sont- victimes de ces âneries!) Voilà pourquoi, je pose la question : qu'est-ce qui marche dans ce système pourri?

Ialtchad Presse : - Parlons de tes réalisations récentes, peux-tu en dire plus sur votre travail avec le groupe Français « LE POINT G » ?
Kaar Kaas Sonn : Actuellement, je travaille avec un groupe basé au sud de la France, le POINT G. Ils sont archi cool et le travail se fait positivement. On prépare un festival en été en France.

Ialtchad Presse: - Prévois-tu une tournée au Tchad ?
Kaar Kaas Sonn : Je rêve de retourner au Tchad. Le pays me manque énormément déjà. La chaleur des gens; mais aussi partager la misère de mes parents et amis, monter sur une scène et voir tous ces jeunes gens acclamer quand je touche du doigt certains aspects de leur vie. C'est magique, le Tchad!!!

Ialtchad Presse : - En tant que musicien, quel regard portez-vous sur la musique Tchadienne de nos jours ?
Kaar Kaas Sonn : La musique tchadienne est très bonne. Je ne comprends pas pourquoi les Tchadiens ont cette désaffection pour la musique faite chez eux. Je disais que je fais une musique sans public pour un public sans musique. C'est avec joie et engagement.

Ialtchad Presse : - Question: ton rap est-il engagé ?
Kaar Kaas Sonn : Dire que mon rap est engagé serait du pléonasme! Le rap se définit par son caractère engagé par essence. Je fais un concert pour les enfants ou les personnes qui souffrent de lèpre, c'est ça l'engagement. Certaines choses méritent qu'on en parle. Ne pas le faire serait de la démission et le faire trop tard serait de la lâcheté. Ça coûtera ce que ça coûtera, mais n'est-ce pas mieux de souffrir pour une cause juste que de ne pas souffrir du tout et laisser l'injustice gagner notre existence? Faut-il baisser les bras et laisser sombrer dans l'oubli collectif des valeurs -et vertus- comme la justice? Je ne rêve pas de parler de ces valeurs à mes enfants, un jour, comme on parle de dinosaures aujourd'hui.

Ialtchad Presse : - Quels sont tes projets pour le futur ?

Kaar Kaas Sonn : les projets ne manquent pas. Faire de nouvelles œuvres. Depuis que je suis à Genève (octobre 2001), j'ai écrit plus de 60 textes. Quand je vais finir mes études, je vais m'y mettre à fond.


Ialtchad Presse : - Tes passions ?

Kaar Kaas Sonn : le mic, la musique, le basket, le foot (je suis profondément attristé par l'élimination précoce de l'équipe de France et des équipes africaines). L'écriture aussi, car j'ai fait un recueil de poèmes en 2001 et quelques nouvelles publiées par le réseau de lecture publique de la coopération française.

Ialtchad Presse : - La francophonie?
Kaar Kaas Sonn : Le français est une très belle langue. Et cette langue, devenue notre patrimoine commun à tous les francophones, est en train d'être supplantée par d'autres. Devons-nous baisser les bras et laisser sombrer ce patrimoine?

Ialtchad Presse: - As-tu un message à passer à tes fans et aux ialtchad ?
Kaar Kaas Sonn : Je tire mon chapeau à ialtchad, qui devient notre tribune commune pour bâtir un Tchad autrement. Bien à vous. À mes fans et ceux qui aiment ce que je fais, je suis fan de vous et vous embrasse fort. Ressentez cette chaleur de N'Djamena dans ce baiser. Tendrement, Kaar Kaas Sonn
Ialtchad Presse : - Kaar Kaas, ialtchad vous remercie
Kaar Kaas Sonn : Merci à vous   

Interview réalisée par    
Brahim Wardougou  

En France depuis 1986, Ingamadji Mujos Nemo ou le Pape du dala a su couronné le Tchad d'un genre musical 100% de chez nous. Après offensive "Dala", il a confirmé son talent avec la sortie de son album "Intar Afrika". ialtchad l'a interviewé pour qu'il nous parle de lui, de sa carrière et de la musique Tchadienne. Voici en exclusivité pour les ialtchad, le témoignage d'un chanteur qui fait partie de nos artistes les plus prometteurs du moment. 

Ialtchad Presse : - Bonjour Ingamadji Mujos, on vous appelle aussi le pape du Dala, il y a longtemps que vous êtes en France, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Ingamadji Mujos : Bonjour aux ialtchad. Ingamadji est mon nom et Mujos un surnom qui m’a été donné depuis l’école primaire pendant que je poussais une chansonnette dans la cour de récréation. Et le Pape du Dala, pour avoir été le promoteur du rythme Dala, une danse populaire du Sud du Tchad. Natif de Moundou, j’y ai étudié jusqu’à mon admission au Lycée Technique Industriel de Sarh puis celui de N’Djamena. Vint ensuite l’enseignement dans différents collèges et lycées de ces trois villes jusqu’en 1986 date à laquelle j’ai quitté le pays pour les études de Topographie à l’Institut Géographique National de France. S’en suivra un Diplôme de Technicien de Génie Civil puis celui d’Infirmier d’Etat. À ce jour, j’exerce à l’hôpital psychiatrique d’Amiens.

Ialtchad Presse : - Comment êtes-vous arrivé à la musique ? Parlez-nous du début de votre carrière musicale.
Ingamadji Mujos : Par un concours de circonstances et grâce à l’école de la rue dirai-je. Adolescent, je ratais rarement à mes heures libres, les répétitions et concerts de l’orchestre local « Logone-Band ». C’est en 1976, à l’internat du lycée technique industriel de Sarh que j’ai flirté avec la guitare. Deux ans plus tard j’ai commencé à écrire mes premiers textes et m’accompagner à la chanson à l’image d’un Francis Bebey, GG Vickey, André Marie Tala, Daouda Sentimental ou d’un Mougalbaye national et j’en passe. Quelques expériences dans des petits groupes puis au début de l’année 1980, la rencontre avec Issa Bongo à Sarh, un chanteur solitaire du même style marque le tournant de ma carrière musicale avec en prime la naissance du duo « les Rossignols ». Entre autre je fus membre fondateur et Directeur artistique du Théâtre Vivant Baba Moustapha jusqu’à mon départ du Tchad.

Ialtchad Presse : - Pouvez-vous nous faire une brève rétrospective de votre discographie ?
Ingamadji Mujos : Après quelques tentatives infructueuses avec des groupes africains tels que Sylo à Amiens, j’ai pris la résolution de repartir en solo. C’est ainsi que j’ai créée ma petite maison d’autoproduction « Inga Productions » qui a vu naître en 1995, le premier disque intitulé « Virginie » avec la chanson Binon en hommage à ma fille et qui scellera du même coup l’alliance du rythme Dala avec le public tchadien. En 1997, le premier CD « Offensive Dala » pour confirmer le mouvement puis le tout dernier « Intar Afrika » en novembre 2000 pour inciter les Africains à prendre leur destin en main.

Ialtchad Presse : - Vous avez commencé la musique depuis 1976. Disons 26 ans plus tard, quel regard portez-vous sur votre objectif de départ ?
Ingamadji Mujos : Je suis venu dans la musique par hasard mais avec deux objectifs précis que je n’ai jamais perdus de vue. Le premier est surtout centré sur l’image du musicien tchadien dans sa société. Considéré comme voyou par excellence, j’ai voulu par ma démarche faire taire les mauvaises langues en leur prouvant qu’on peut être musicien et socialement bien intégré et que la musique n’est en aucun cas l’apanage des débauchés. Le second répond à un besoin, celui de sortir la musique tchadienne de l’anonymat et d’affirmer en même temps mon identité musicale.  

Ialtchad Presse : - Qu’est-ce qui a déclenché votre choix de vouloir sortir un genre musical 100% tchadien à partir du Dala ?
Ingamadji Mujos : En plus de mon objectif dont je parlais précédemment, autant de raisons ont orienté mon choix. L’une des raisons fondamentales reste le complexe de l’artiste local face aux courants musicaux étrangers. L’exotisme a belle côte au pays et cela crée des habitudes à tel point que nos artistes éprouvaient des difficultés à interpréter les rythmes du terroir par peur de paraître ridicule, d’être rejeté des mélomanes ou de ne pas répondre à la mode. Les oreilles ne sont plus habituées à « écouter » certaines mélodies dites des indigènes. Ajoutée à tous ces éléments, l’absence d’un rythme typiquement tchadien de qualité sur les ondes aussi bien nationales qu’internationales. J’ai dès lors décidé de m’attaquer au répertoire traditionnel. Le « Dala » était arrivé à point nommé car j’ai réussi à l’interpréter facilement à la guitare.
En définitive, c’est une démarche pédagogique qui vise à corriger le complexe de l’artiste moderne tchadien face à son environnement musical traditionnel.  

Ialtchad Presse:- Parlons un peu de votre dernier album. Dans quelles conditions est-il né ?
Ingamadji Mujos : Comme les précédents albums, le dernier né « Intar Afrika » n’a pas dérogé à la dure règle de l’autoproduction c'est-à-dire par le circuit de la débrouillardise. Ce qui fausse d’entrée de jeu la concurrence sur le marché mondial face aux artistes soutenus par les grosses pointures de production avec tout l’arsenal médiatique qu’il y a derrière. Le genre musical que je développe n’intéresse pas ces structures qui veulent rentabiliser à très court terme leurs investissements. Entre autre, l’absence des producteurs locaux et le manque de soutien du ministère de la culture tchadienne fait que j’ai du recourir à mes vieilles recettes de l’autofinancement avec l’aide prestigieuse de mon cercle amical africain constitué de Sec Bidens, Caën Madoka, Leny Bidens et Big Mô pour l’essentiel, Boss M.C et Toïngar Keyba Natar comme invités surprise. Sans oublier la participation exclusive de Irène Damnodji pour son youyou, Brigitte Deubdjion N’got et ma fille Binon Patricia pour le chœur. J’ai par ailleurs bénéficié des largesses et de la disponibilité de quelques particuliers dont mon épouse Anne-Marie, N’doram Japhet, Nocky Djédanoum, Dillah Fernand ou encore Daniel Békoutou.  

Ialtchad Presse : - Pour parler du contenu de vos chansons, d’où vous  vient l’inspiration ?
Ingamadji Mujos : L’inspiration est une illumination surnaturelle qui ne se commande pas. Elle vient de partout et de nulle part pourvu que la réceptivité soit au rendez-vous.
Pour ma part, je capte tout ce qui se passe autour de moi et ce que mon environnement culturel me procure au quotidien. Je revisite bien volontiers le grenier de mes ancêtres, créateurs des mélodies envoûtantes, ou encore sais être attentif aux mouvements d’humeur, joies et peines des gens qui m’entourent. Mon inspiration découle de la résultante de mes observations quotidiennes.

Ialtchad Presse : - Avec la chanson Intar Afrika, quel message voulez-vous faire passer ?
Ingamadji Mujos : Intar Afrika qui veut dire « lève-toi mon Afrique » est un clin d’œil au panafricanisme, un appel à la prise de conscience de toutes les forces vives du continent à faire une autre guerre, celle contre la misère et tous les fléaux qui le minent. L’actualité est loin de me démentir. J’en appelle à tous ces attentistes un réveil et une mise en commun de leurs compétences pour un meilleur développement de l’Afrique.

Ialtchad Presse : - Quel est le regard d'Ingamadji sur la musique tchadienne d’aujourd’hui ?

Ingamadji Mujos : Après 13 ans d’exil, j’ai eu l’opportunité de retourner au pays en 1999, de partager et la scène et mon expérience avec les musiciens locaux. Mon sentiment est que j’écoute de la musique exécutée par des musiciens tchadiens et qui est évolutive à bien des égards. N’étant pas musicologue, je me réserve le droit de porter un jugement sur la musique tchadienne en général. La musique contemporaine tchadienne, car c’est de cela qu’il s’agit je suppose, même s’il elle est bien interprétée, a des soucis à se faire car la qualité du produit reste l’une des priorités pour la diffusion sur le marché. Quelques groupes émergent certes, mais la majeure partie reste sur des méthodes rudimentaires avec pour obsession invalidante la copie maladroite des musiques dites « à la mode », pourvu qu’elle soit à la mode.

Ialtchad Presse : - Quels conseils prodigueriez-vous aujourd’hui, aux jeunes qui veulent faire carrière dans la musique ?  
Ingamadji Mujos :
Le monde musical est assez complexe avec son système d’entonnoir qui filtre sans pitié et qui laisse beaucoup de « résidus » sur les carreaux. En règle générale, très peu de musiciens africains vivent dûment de leur art. Je n’entends pas décourager mes jeunes frères qui veulent tenter l’aventure car qui ne risque rien n’a rien dit-on. Je leur suggérerai tout simplement que c’est une science inexacte avec beaucoup de paramètres qu’on ne maîtrise pas forcément. Il vaut mieux mettre toutes les chances de son côté en épousant le pragmatisme avec la musique comme échappatoire plutôt que de la hisser en première intention comme gagne-pain. Personnellement, comme vous l’aurez constaté, je suis de nature pessimiste. Je relègue la musique au rang de la passion et j’ai moins de soucis de ce côté-là. A chacun sa belle étoile.  

Ialtchad Presse: - En tant qu’artiste, l’indifférence à la culture des différents gouvernements qui se sont succédés au Tchad doit vous toucher particulièrement. Comment l’analysez-vous ?
Ingamadji Mujos : Il ne m’appartient pas de commenter les choix et décisions politiques des gouvernements successifs du Tchad dans ce domaine. Je ne fais pas le procès des nominations ministérielles mais permettez-moi de vous dire amicalement que si ce n’est par ignorance, c’est sans nul doute par incompétence. Le problème est avant tout de savoir si une politique culturelle a été définie dans la déclaration de politique générale du gouvernement. A ce que je sache, comme dans beaucoup de pays d’Afrique et le Tchad n’épargne pas à la règle, quand un Ministre est nommé c’est pour service rendu. Dès lors, il en profite pour soigner sa propre image et agrémenter son carnet d’adresses plutôt que de penser à l’intérêt national. La culture reste et restera un de ces gigantesques chantiers qu’il faudrait avoir l’humilité de la confier à des techniciens compétents et de bonne moralité plutôt qu’à des aventuriers par complaisance.
En tant qu’artiste, je suis bien sûr frustré par cette indifférence à la culture et très outré d’apprendre comment se gère ce ministère. Il ne faut pas perdre de vue que la culture reste tout compte fait le pivot de l’unité nationale. On préfère s’intéresser à l’appartenance clanique ou la tendance politique de l’artiste plutôt que de lui donner les moyens d’améliorer ses performances artistiques pour être concurrentiel sur le circuit international afin de défendre par la même occasion l’intérêt national. La renommée d’un pays ne passe-t-elle pas par cet outil ?
Et la simple reconnaissance de l’artiste ? Et l’artiste tchadien lui-même dans tout ça. A-t-il seulement pris le temps de se considérer et de valoriser son art si ce n’est attendre désespérément l’inespéré de son ministère de tutelle ? Je ne suis finalement pas mécontent d’avoir cheminé seul avec les moyens de bord, sans attendre la bénédiction de quelque ministère que ce soit. La reconnaissance viendra sans doute à titre posthume ce qui ne sera pas un vain sacrifice pour les générations futures, désireuses de gérer le patrimoine culturel tchadien.

Ialtchad Presse : - Une dédicace pour www.ialtchad.com ?
Ingamadji Mujos : A chacun ses compétences pour faire le deuil de ce Tchad de guerres, de haine et de conflits. La création de ce site reflète la parfaite illustration de mon message Intar Afrika à défaut de « Intar Tchad ». L’hymne tchadien que vous avez mis en valeur aura le mérite de faire vibrer le cœur de tout ialtchad qui navigue sur le www.ialtchad.com.

Ialtchad Presse : - Avez-vous un message particulier pour les ialtchad qui vont vous lire ?
Ingamadji Mujos : Que souffle en chacun des ialtchad un vent de paix, d’amour et de tolérance pour des lendemains qui enchantent.

Ialtchad Presse : - Vos perspectives d’avenir ?
Ingamadji Mujos : A très court terme, d’ici la fin de l’année 2002, la sortie en K7 vidéo de mon concert en live au Centre Culturel Français de N’djaména en novembre 2000 avec l’orchestre Gombo Salsa. Vous avez entendu parler du retour du Pape du Dala. Ce fut un événement au Tchad après 14 ans d’exil. L’occasion vous est enfin donnée de découvrir et de faire découvrir quelques unes des danses du Tchad exécutées par des rares bijoux du terroir avec une chorégraphie hors du commun et l’ambiance survoltée du Centre Culturel de N’djaména. Profitez-en pour faire plaisir aux proches pour leurs fêtes de fin d’année.
En parallèle je prépare activement un disque Apocalypsid@, en hommage aux victimes du sida qui sortira d’ici la fin de l’année ou au début de l’année 2003 si les conditions sont toutes réunies. Il aura le mérite de répondre aux attentes des mélomanes épris des sonorités traditionnelles assurées des mains de maître par le talentueux balafonniste Keyba Toïngar Natar. S’en suivra un projet de lutte contre le Sida baptisé du même nom de l’album Apocalypsid@ ou la musique pour la lutte contre le sida au Tchad, à l’initiative de 3 artistes de la diaspora dont N’djekery Noël (écrivain), Keyba Natar (conteur, comédien, chorégraphe) et moi-même. L’objectif reste la contribution à la prévention contre le Sida au Tchad et plus précisément à Moundou. Un exemplaire du projet sera remis au site www.ialtchad.com pour tous ceux qui veulent s’associer à cette action.

Ialtchad Presse : - Merci Ingamadji Mujos, nous te souhaitons beaucoup de succès. 
Ingamadji Mujos : Merci petit frère Hamid Kodi. 

Interview réalisée par    
Hamid Kodi Moussa

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