Les pavillons du Musée du village Gaoui, a environ 20 kilomètres de N’Djamena, capitale tchadienne sont fascinants. Une visite guidée nous a permis de découvrir l’histoire du peuple Sao, mais aussi du peuple Kotoko. Reportage.
Dans le premier pavillon en salle 1 on y trouve, de vases à eau de différents volumes avec une décoration identique. Un bas décoré par incision et le haut, lisse avec des bordures épaisses. Il y a aussi de statuts humains découverts par l’archéologue française Mme Claustre, fait prisonnier par le défunt président Hissène Habré.
Le 2e pavillon, salle 2, il y a des harpons à bout pointu avec une manche. Un outil de pêchedu peuple kotoko. Il y aussi le Malane ou pièges pour capturer les poissons. Ces matériels permettent d’organiser la pêche collective. La prochaine porte c’est la salle 3. Ce pavillon est réservé à la promotion des œuvres des célèbres potières de Gaoui. Des articles disponibles chez les fabricantes et les visiteurs peuvent faire des commandes si jamais ils veulent en acquérir un ou plusieurs produits. Dans la même salle, on peut voir les « ganounes » ou foyer en poterie, des mouloumi ou grenier en miniature.
Plus loin, c’est la salle de la légende Sao où est décrit ce peuple mythique, ancêtre du Tchadien d’aujourd’hui. L’auteur Marcel Griaule a décrit en 1944 les Sao comme des hommes de grandes tailles qui vivent des pêches, de chasse et de cueillettes. Leur génie créatif tourne autour de la poterie. Leurs gobelets sont immenses. Ils ont un rite funéraire original dans des jarres pouvant contenir deux hommes. Ils pratiquent selon lui, la pêche sans filet en barrant de leurs mains les rivières. Ils chassaient des hippopotames. Le timbre de leur voix porte à de kilomètres des lieux. Et qui sème la panique chez les animaux de la savane.
Un autre pavillon, la case du nouveau marié. À l’intérieur on trouve un lit en terre battue avec un oreiller à côté d’une pierre de massage. Sur le lit est étalée une peau d’un bélier servant de couverture au nouveau-né. Dans la même case, il y a un grenier moyen pour la femme pour faire le tika, ou poisson en poudre. Histoire des Hommes, histoire des conflits conjugaux, il y a dans le pavillon même un lieu dédié aux mésententes des jeunes couples.
Il y a ensuite, la salle des dignitaires composée d’une chambre du sultan ou le Mey comme est désigné le sultan en langue Kotoko. Il y a aussi des salles des retrouvailles des notables, d’attentes et les accoutrements des sultans et des reines qui datent de plus de 100 ans. Sont exposés également la photo du cheval de sultan Afade, don du président mauritanien Ould Dada, etc. Il y a des salles où on peut voir des armes blanches et des pierres mystiques d’affronts pour la légitime défense en cas d’agressions extérieures. Une dernière salle contient des masques et des photos des lieux sacrés pour les rites d’intronisation des sultans. Au dernier niveau du bâtiment, c’est la demeure du sultan et de son épouse, la reine mère appelée « la goumsou ». Les autres épouses du Mey sont installées au rez-de-chaussée du bâtiment.
Moyalbaye Nadjasna
C’est le troisième article sur notre série sur l’Éducation. Les établissements scolaires privés poussent comme des champignons dans la capitale tchadienne. C’est devenu presque une anarchie, mais les partisans de ces écoles soutiennent que leur présence se justifie par le fait qu’ils aident l’État dans sa tâche d’assurer l’éducation pour tous. Est-ce vraiment le cas ? Répondent-ils aux normes ? Plusieurs de ces établissements scolaires privés ne possèdent ni bibliothèque, ni de toilettes acceptables, ni de l’espace pour les activités sportives (éducation physique). Reportage
Les établissements scolaires privés dépassent le nombre des établissements publics. À N’Djamena, capitale tchadienne, ils sont partout, presque à chaque coin de rue. Ces établissements privés sont créés dans le but d’appuyer l’État à répondre au besoin de l’éducation. Seulement, certaines de ces structures éducatives ne répondent pas aux normes fixées par l’État. Ces écoles privées ne possèdent pas de bibliothèques ni de toilettes et moins encore de l’espace pour l’épanouissement des élèves.
Sur les quatre lycées privés visités, aucun d’entre eux ne possède une bibliothèque. Certains élèves utilisent leurs téléphones portables pour faire des recherches. « Nous demandons parfois à nos aînés de l’aide pour traiter nos exercices. Par exemple les exposés sur les œuvres littéraires ou les exercices scientifiques. Sinon notre lycée n’a pas une bibliothèque. », disent unanimes les élèves. Ces manquements ont amené le ministère de l’Éducation nationale à procéder à la fermeture des 167 établissements scolaires privés en septembre 2019.
Contrairement aux établissements privés, les lycées de confession religieuse disposent des bibliothèques bien garnies. Au lycée Sacré-Cœur, situé à Chagoua, dans le 7e arrondissement, il existe une bibliothèque pour les enseignants et les élèves de la 6e jusqu’en classe de terminale. Cette bibliothèque existe depuis 1964. Elle a plus de 5000 livres et manuels scolaires. Pour le bibliothécaire Palou Étienne, ce sont les enseignants qui proposent les livres qui sont dans le programme d’enseignement et l’établissement les mettre à leur disposition. Il explique que la bibliothèque est divisée en deux parties. Une partie pour les élèves de 6e et 5e, et l’autre partie va des 4es en terminale. « À cause de l’étroitesse de la salle de lecture, les élèves emportent les livres et les ramènent deux semaines plus tard », dit le bibliothécaire.
C’est aussi le cas au lycée et collège évangélique qui dispose d’une bibliothèque avec de la documentation riche et variée. Sur les rayons il y a des documents de culture générale, science sociale, théologie, encyclopédie, des œuvres littéraires et scientifiques, mais aussi des journaux. L’établissement possède aussi une grande salle de lecture.
Pour Madame Mallouma Taopili Chantal, gérante de la bibliothèque, tout élève du lycée évangélique entre à la bibliothèque sous présentation de sa carte scolaire et consulte gratuitement les ouvrages. Selon elle, la bibliothèque est fournie par les anciens élèves, l’administration et le comité de gestion. La gérante ajoute qu’en plus de la bibliothèque classique, il y a aussi une bibliothèque numérique. « Les élèves et les enseignants font la liste des livres dont ils ont besoin et l’administration s’en occupe. Le Centre National de Curricula nous envoie aussi des ouvrages à la demande de l’administration », ajoute-t-elle.
Le vice-président de l’association des fondateurs des établissements privés laïcs secondaires et professionnels du Tchad, Djékorodé Thomas, précise que c’est un décret de 2015, qui donne les conditions de création des établissements scolaires privés. Selon lui, c’est l’État qui a délégué une partie de son pouvoir aux personnes de bonne volonté pour l’appuyer. À son avis, il revient à l’État de mettre de l’ordre. « Plusieurs fondateurs ont créé ces établissements avec leurs propres moyens. Certains établissements font un bon travail, mais d’autres sont très limités », dit-il.
Une convention a été signée entre l’État et l’association depuis le 22 janvier 2021. Cette convention permet à l’État d’avoir le droit de regard sur les manuels utilisés par ces établissements privés, mais aussi de leur venir en aide en matériel didactique.
Kouladoum Mireille Modestine
Bienvenue sur la page de la Radio Ialtchad FM 99.5
Site web Radio Ialtchad en développement
Appel à candidature : journalistes Radio
En vue du lancement prochain de sa Radio IALTCHAD FM, le Groupe IALTCHAD MÉDIAS invite les journalistes à postuler pour faire partie d’une nouvelle expérience Radiodiffusion. Les candidats intéressés doivent fournir les documents suivants avant le 1er janvier 2022 :
Sous la supervision du Directeur Média, les candidats retenus après le test bénéficieront d’une formation.
Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Responsable : 66 28 04 42
La coordination des actions citoyennes Wakit Tama a réussi l’acte 4 de ses marches pacifiques. L’itinéraire habituel a changé. Les marcheurs sont partis du point de rassemblement à l’espace Fest’Africa pour finir au Stade Idriss Mahamat Ouya (IMO), dans le 3e arrondissement. Wakit Tama à fait passer à travers cette marche 10 messages aux autorités de la transition. Reportage.
Plus de 4000 marcheurs ont pointé présents selon Wakit Tama ce samedi matin 11 décembre. Avant leur départ, ils ont campé à l’espace Fest’Africa au quartier Moursal, dans le 6e arrondissement de N’Djamena. Ils chantaient à tue-tête, brandissaient les pancartes avec différentes mentions.
8h 30 min. La foule des marcheurs se met en ordre de marche, après l’hymne national. L’itinéraire recommandé par l’administration sécuritaire est respecté. Les manifestants s’arrêtent quatre fois. D’abord, tous genoux à terre en face du building de Moursal. Même acte devant le rond-point du centenaire et devant l’ancien local de la Radio nationale tchadienne (RNT). Le dernier arrêt était devant l’Institut français au Tchad (IFT). Après une heure et demie de marche, les marcheurs sont arrivés au stade IMO bruyant sous un regard bienveillant des forces de sécurités, fortement mobilisées.
10 messages sont clamés par Wakit Tama : « non à la guerre, non à la manipulation nord-sud, non à la dictature, non à la succession monarchique, non à la France, non à la charte du Conseil Militaire de la Transition (CMT) dans son format actuel, non à l’exclusion de quelques sensibilités politiques, non au Conseil National de Transition (CNT) avant le dialogue national inclusif (DNI), non au traitement exagéré des membres du CMT, oui au dialogue national inclusif ».
Wakit Tama affirme que la contestation par cette 4e marche est justifiée. Et fustige la discrimination, l’inégalité, l’injustice, la pauvreté imposée aux Tchadiens avec l’aide politique et militaire de la France. Pour illustrer leur propos, les leaders citent le poète Tunisien Alchaabi Abulqasim qui dit, « si un peuple décide un jour de se prendre en main, il n’a pas d’autres choix que de forcer le destin. » La coordination des actions citoyennes insiste sur l’illégalité du CMT. Elle soutient que sa mise en place n’a pas respecté les recommandations constitutionnelles et les textes internationaux ratifiés par le Tchad. Les leaders de la plateforme disent qu’ils marchent parce que la constitution les autorise.
Les marcheurs se sont dispersés dans la discipline, sans aucun incident.
Moyalbaye Nadjasna
L’ancien numéro 2 de l’Union Nationale pour le Développement et le Renouveau (UNDR) de Saleh Kebzabo, le Pr Avocksouma Djona Atchenemou vient d’adhérer au parti « Les démocrates », un parti d’opposition. Le Pr Avocksouma a lui-même annoncé ce samedi à la presse, à l’occasion de la cérémonie d’adhésion. Reportage.
Les rumeurs ont couru pendant des mois, mais c’est désormais fait. Le Pr Avocksouma Djona qui avait démissionné de son ancien parti l’UNDR le 30 juillet dernier, parce que cette formation politique, selon lui, a décidé de soutenir le Conseil militaire de transition (CMT). Le chercheur et l’homme politique estime que le revirement de son ancienne formation politique est contraire à son idéologie et décide de le quitter. Depuis son départ du parti de la calebasse, en juillet dernier, beaucoup de bruits font échos de la création d’un autre parti politique. Mais après une âpre négociation avec les responsables du parti « Les Démocrates », il a enfin annoncé son adhésion à ce parti à la presse ce samedi 11 décembre.
Le Pr Avocksouma Djona Atchenemou affirme qu’il avait promis de poursuivre son combat pour les Tchadiens. « J’adhère aujourd’hui au parti « Les Démocrates », officiellement en activité depuis le 11 novembre dernier, pour me consacrer à la lutte politique dans mon pays et auprès des miens. Je veux dire le peuple tchadien », a déclaré l’homme politique. Il promet de consacrer auprès de ses compatriotes qui aiment le Tchad, le restant de sa vie dans ce combat politique palpitant. Le Pr dit qu’il est en phase avec le programme politique et les statuts de sa nouvelle formation politique qu’il s’engage à les respecter dans toute leur rigueur. « Je remercie du fond du cœur le président national Monsieur René Koumengdi Seni, tous les membres du Bureau exécutif et les militants pour m’avoir intégré parmi eux », ajoute-t-il avec beaucoup d’humilité.
Au sujet de la situation, le Pr Avocksouma Djona Atchenemou soutient qu’en 31 ans, le pays a reculé sur tous les plans. Selon lui, le défunt président Idriss Deby a laissé un pays exsangue. Et devant une telle situation, à son avis, il n’y a pas d’autres choix que de militer pour un Tchad meilleur. « En s’engageant en politique, on fait don de sa personne pour assurer le meilleur pour la population », précise le Pr. Le chercheur qui était aussi ministre sous le défunt président Idriss Deby dit qu’un homme d’État doit veiller sur les intérêts de son peuple, mais il regrette que le défunt ne l’a pas fait. À son avis, Idriss Deby Itno avait misé sur la France pour se maintenir au pouvoir. En égrainant l’héritage sombre laissé derrière, l’homme politique ajoute qu’Idriss Deby s’était investi à protéger les acquis de sa famille et de ses proches.
Le désormais membre du parti « Les Démocrates » estime qu’en 31 ans, le peuple a été régenté par le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), le parti du défunt président au seul profit des intérêts des amis politiques et du clan présidentiel.
Jules Doukoundjé
Plusieurs organisations de la société civile et certains leaders des partis politiques(opposition) ont proposé un agenda qui va garantir le succès de l’organisation du dialogue national inclusif (DNI) prochain. Cet agenda est présenté à la presse ce vendredi 10 décembre par les leaders des organisations de la société civile et de quelques membres de l’opposition. Reportage.
Le groupe de Réflexion et d’action pour l’appel du 1er juin 2021, la coordination des actions citoyennes Wakit Tama et la plateforme de concertation de la diaspora tchadienne ont proposé ce vendredi à N’Djamena, un agenda qui va garantir le succès du DNI en vue. Inquiètes de l’échec du DNI et de l’agenda du gouvernement de la transition, ces organisations ont suggéré un autre agenda. Le DNI qui a pour objectif de permettre aux représentants de tous les Tchadiens de croiser leurs idées sur les sujets essentiels qui les divisent afin de trouver un consensus qui permet de jeter les bases d’un État capable de conduire le Tchad sur le chemin de la justice et de la paix.
Pour le président du Groupe de Réflexion et d’action pour l’appel du 1er juin 2021, Bédoumra Kordjé, il est crucial que les forces vives s’entendent avant la rencontre du DNI, sur ces sujets qui vont constituer l’agenda du dialogue. Au sujet du prédialogue, Bédoumra Kordjé estime que celui-ci doit inclure sans discrimination, non seulement toutes les forces politico-militaires, mais comprendre aussi la participation des forces vives de l’intérieur et de l’extérieur du pays. Selon lui, il s’agit de l’avenir du Tchad. « Les questions de sécurité des participants au dialogue et de la révision de la charte de transition devront y trouver une solution afin de créer un apaisement et la confiance nécessaire à un DNI, suivant l’agenda et les conditions », indique-t-il.
Présentant l’agenda, l’ancien ministre des Finances et du Budget, sous Idriss Deby Itno, affirme que le DNI doit porter sur la refondation de l’État tchadien dans toutes ses dimensions et sur les dispositifs de sécurisation. M. Kordjé note qu’au vu des préoccupations largement exprimées, la rencontre devra porter les 2 grandes thématiques avec leurs thèmes respectifs. Pour la première thématique, il est question de « la refondation et la forme de l’État, les Institutions et les Textes y afférents », et la seconde thématique parle de « la conduite de la transition ».
Pour une bonne organisation, le président du groupe de réflexion et d’action pour l’appel du 21 juin 2021, suggère 2 principales conditions : la question essentielle de la participation et le règlement intérieur du dialogue. Bédoumra Kordjé souligne que toute la crédibilité et l’acceptation des résultats du dialogue reposent sur la participation équilibrée et représentative de toutes les forces vives de la société tchadienne sans exclusion.
Du point de vue de la coordination des actions citoyennes Wakit Tama, contrairement à ce qu’a dit le ministre du dialogue et de réconciliation sur les propositions de la plateforme qui sont retenues, le ministre fait du dilatoire. De l’avis du coordinateur Me Max Loalngar, le CMT n’a pas respecté les préalables qui sont la libération des prisonniers, la révision de la charte de transition et de l’indemnisation des victimes des marches organisées par Wakit Tama. Selon lui, pour un Tchad de paix, il faut que toutes les intelligences se réunissent afin de définir ensemble les voies du développement que le pays attend depuis.
Pour l’opposant Dr Succès Masra, président du parti « les Transformateurs », on ne peut pas reprocher aux transformateurs de réfléchir pour leur pays ni de faire de propositions pour le Tchad. « Nous marchons, nous organisons des conférences et nous tenons des meetings, parce que nous voulons être à la table de la discussion sincère et utile à notre peuple », argue le jeune opposant. Selon lui, on doit faire de ce dialogue, un dialogue ouvert à tout le monde. Il souligne que ce n’est pas le dialogue qui va amener la sécurité aux Tchadiens, mais plutôt une décision et une manière de faire. À l’en croire, si certains Tchadiens émettent des propositions auxquelles, il faut diviser le pays, c’est qu’il manque la justice. Succès Masra ajoute que tous les Tchadiens ont besoin de la justice et non le vivre ensemble. Il estime qu’il faut la justice avant de parler de vivre ensemble. L’homme politique évoque que le pays est assis sur le mensonge depuis 63 ans. Il suggère qu’on mette fin à ce mensonge et de dialoguer en vérité. Selon l’opposant, le ministre du dialogue et de réconciliation nationale n’a même pas eu le courage de les rencontrer ni s’asseoir et de discuter avec eux. « Il y’a des gens qui font du mensonge leur religion depuis 63 ans », dit-il.
Une marche est aussi annoncée pour ce samedi 11 décembre. Cette marche commence du terrain Festafrica jusqu’au stade Idriss Mahamat Ouya.
Jules Doukoundjé
Les conflits intercommunautaires entre éleveurs, Arabes Choa et pêcheurs puis agriculteurs Mousgoun, au Nord Cameroun ont forcé de milliers de personnes à traverser la frontière vers le Tchad. Le gouvernement tchadien, le UNHCR Tchad, le système des Nations Unies au Tchad et ses partenaires sont à pied d’œuvre pour répondre aux besoins urgents. Les réfugiés sont installés dans plusieurs villages de la province du Chari-Baguirmi et certains, dans les quartiers de la ville de N’Djamena. Reportage.
Plusieurs milliers de Camerounais ont fui les conflits intercommunautaires dans la région de l’extrême Nord du Cameroun pour se réfugier au Tchad. Les conflits intercommunautaires ont opposé depuis le dimanche dernier les 2 communautés qui se sont déjà affrontées plusieurs fois dans le passé pour les mêmes raisons : pâturages et partage d’espace et des eaux. Ce conflit violent et meurtrier a contraint des milliers de personnes, composées essentiellement des femmes et des enfants à traverser le fleuve Logone pour se réfugier au Tchad.
Pour le 2e adjoint au maire de la ville de N’Djamena, Brahim Abdou Mahamat Choua, en visite dans le site provisoire de la forêt de Farcha, dans le premier arrondissement, qui accueille les réfugiés, la mairie va faire un geste humanitaire selon ses moyens. Pour l’instant, le maire est venu constater l’accueil et dit qu’il est touché par le nombre de femmes et d’enfants. Il appelle les Tchadiens de bonne volonté à tendre la main aux réfugiés. Selon lui, la Mairie compte apporter rapidement une aide alimentaire avant de s’atteler à d’autres choses. Beaucoup de jeunes et adolescents rencontrés sur le site provisoire de Farcha ont perdu leurs parents. Ils ont fui les conflits sans leurs parents. Ils traumatisés, affamés depuis leur arrivée.
Avant de les prendre en charge, le HCR et d’autres partenaires procèdent à l’enregistrement des réfugiés. Quelques ONG et la Mairie de N’Djamena apportent à manger, mais les autorités peinent à fournir à manger à tous. Plusieurs femmes et enfants dorment sous les arbres sans couvertures ni moustiquaires. En attendant la prise en charge et leur réinstallation, certains réfugiés, surtout ceux qui ont vu leurs parents tuer devant eux, ont besoin d’appui psychologique.
Pour l’administrateur délégué à la Mairie du 9e arrondissement de la commune de N’Djamena, Kélo Agnim, le nombre des réfugiés qui arrivent dans les villages de Karwei et Kabé au bord du fleuve Logone s’accroît de jour en jour. Selon lui, ces réfugiés arrivent à pirogues et à de la nage. L’administrateur délégué affirme que le mardi dernier le 9e arrondissement a enregistré plus de 193 ménages accueillis avec plus de 629 personnes, essentiellement des femmes et des enfants. Un autre village de pêcheur situé au bord du fleuve Logone a, lui aussi enregistré 622 réfugiés. Il précise par les réfugiés continuent d’affluer. Les chiffres sont pour le moment provisoires. Dans un tweet, le président du Conseil militaire de la transition (CMT), le général d’armée Mahamat Deby a appelé la communauté internationale à fournir en urgence l’assistance nécessaire à ces nouveaux réfugiés. « Face à cette situation préoccupante, le gouvernement a été instruit à prendre toutes les mesures appropriées. Aussi, je voudrais inviter mes compatriotes à faire preuve de solidarité et d’hospitalité vis-à-vis de ces personnes forcées à quitter leur pays pour se sauver », a tweeté le PCMT.
Au moins 19 personnes auraient été tuées lors d’un affrontement du dimanche dernier, dans le département du Logone-Chari (Nord Cameroun), entre les pêcheurs Mousgoun et aux éleveurs de bétails arabes Choa suite à leurs litiges liés aux ressources en eau et en pâturage.
Selon les témoignages de certains réfugiés, des maisons, des écoles et des mosquées ont été incendiées. Cela a contraint plusieurs villageois d’abandonner leurs maisons pour trouver refuge au Tchad. Depuis plusieurs mois, la région de l’extrême Nord du Cameroun est le théâtre de violences fréquentes entre les communautés et ces conflits sont souvent liés aux ressources naturelles limitées. En août dernier, 12 personnes ont été lors d’un affrontement entre les 2 communautés pour les mêmes raisons.
Jules Doukoundjé
La situation des droits de l’homme s’est dégradée depuis longtemps au Tchad. L’année 2021 a commencé avec de troubles politiques. Des voix se sont élevées pour contester le 6e mandat du défunt président Deby Itno. Pour les défenseurs des droits humains, en prélude à la journée mondiale des droits de l’homme célébrée chaque 10 décembre, la situation au Tchad est tantôt sombre, tantôt clair-obscur. Après la mort de Deby, la prise du pouvoir par la junte a été contestée par des manifestations populaires violemment réprimées. Cette répression a assombri la situation des droits de l’homme. Reportage.
« Le Tchad a ratifié les conventions et les traités internationaux sur la protection des droits de l’homme. Le problème c’est l’inapplicabilité de ces textes. C’est bien dommage que les violeurs de ces droits ne soient pas punis. Les autorités elles aussi, à différents niveaux, abusent de leur pouvoir », affirme Layibé Tourdjoumane, président de l’association de droits de l’homme sans frontière (DHSF). Selon lui en 2021, il y a des violations des droits de l’enfant et de la femme. Certains enfants sont vendus, d’autres transportés d’une région à une autre, dit-il. Soit pour élever des chameaux, soit pour assurer le ménage, a-t-il ajouté. M. Layibé évoque aussi le cas des femmes violées, bastonnées et souvent assassinées. Il soutient que le dernier cas est celui des prisonniers qui subissent des traitements dégradants et inhumains. Tout cela montre que notre pays n’est pas un État de droit, insiste le défenseur des droits de l’homme.
Le président de DHSF souligne que dans le monde rural, le conflit agriculteur-éleveur a endeuillé beaucoup des familles. M. Layibé Tourdjoumane cite aussi le phénomène d’enlèvement des personnes contre rançons dans le Mayo-kebi Ouest. À ce phénomène, il affirme que les autorités locales sont incapables d’éradiquer cette pratique néfaste qui terrorise la population. D’après lui, au Maya-Kebi Ouest, les villages ne sont pas distants les uns des autres. « Nous sommes allés sur le terrain. Nous avons rencontré les victimes, les autorités locales et les juges. Cela m’étonnerait qu’on enlève une personne sans que les autorités ne le sachent. C’est une chaîne de complicité, certains chefs traditionnels sont impliqués », dit-il. Il témoigne qu’en dénonçant et en sensibilisant ils ont pu, avec ses collègues, démasquer des chefs de villages et des chefs de cantons qui sont directement impliqués. « Un chef de canton a été destitué de sa fonction pour cela », dit M. Layibé. Le président de DHSF annonce l’organisation à Pala, le 29 décembre une rencontre avec les victimes, la société civile, les autorités et les religieux. L’objectif dit-il, c’est de mettre fin aux enlèvements contre rançons dans cette localité.
Pour l’ex SG de la Convention tchadienne des droits de l’Homme(CTDH), M. Mahamat Nour Ibédou, le bilan de la situation des droits de l’homme est assez mitigé. Il affirme que depuis la prise du pouvoir par la junte, les choses ont été difficiles au début. Selon lui, les forces vives de la nation en l’occurrence, le mouvement Wakit Tama a contesté la conduite de la transition par les militaires. « À mon avis, c’était une occasion pour le Tchad pour mettre ensemble d’une façon concertée les institutions de la transition. Malheureusement, ce n’était pas le cas, les militaires ont taillé une charte avec des zones obscures sans une perspective d’avenir précises », lâche-t-il. Cela a entraîné des contestations populaires durement réprimées avec plus de 15 morts, rappelle-t-il. Ce qui rend assez sombre la situation des droits de l’homme au Tchad, dit-il.
Pour M. Ibédou, les autorisations octroyées pour les 3 marches pacifiques de Wakit Tama ont été les premières au Tchad. C’est le résultat d’un léger respect des droits humains. « Les marches pacifiques, mêmes dans les pays évolués, l’itinéraire est toujours fixé par les autorités en charge de sécurité publique. Sauf que l’insécurité s’est accentuée et la junte a du mal à maîtriser le terrain. Ce qui risquerait d’assombrir la situation des droits de l’homme dans notre pays en cette année 2021 », dit M. Ibédou. La CTDH, assure-t-il, fera ce qui est à son pouvoir dans ce processus de transition afin que les droits humains soient respectés.
Moyalbaye Nadjasna