samedi 23 septembre 2023

Édito

Édito (55)

Quelques semaines après que le Tribunal d’Arbitrage de Paris, en France, a jugé recevable sur la forme, la plainte de Savannah au sujet de la nationalisation de ses actifs, une autre tuile vient de s’abattre sur la tête des autorités de la transition. La justice américaine a ordonné vendredi dernier le gel de fonds de Cotco à la City Banque, filiale gabonaise où sont déposés les revenus du pétrole des puits de Doba. Cette décision est immédiate. Plus de mouvements de fonds jusqu’au dénouement final du contentieux. Selon plusieurs sources proches de la City, 150 millions de dollars appartenant au Tchad sont présentement gelés.

A l’époque, les autorités de la transition avaient décidé de passer en force, sous tambours et trompettes, en clamant sur la place publique que la nationalisation des actifs de l’entreprise britannique relevait de la souveraineté nationale. Et affirmaient partout que c’était une bonne décision flattant l’égo patriotique primaire de plusieurs compatriotes. Tout avis contraire leur rappelant que le débat n’est pas sur la nationalisation mais sur la méthode ou la manière sauvage de procéder au mépris de toutes les règles élémentaires. Et en dehors de toute réflexion et proposition des experts. C’était une nationalisation « Ab goudoura, goudoura » (aux forceps).

Aujourd’hui dans la capitale tchadienne, N’Djamena, les autorités ont adopté deux attitudes. Celle du carpe et de l’Autruche. Au sommet de l’État, le président de transition et son Premier ministre sont muets comme des carpes sur le dossier. Au second palier de la transition, ceux qui ont mené l’assaut de la nationalisation, le ministre d’État, Secrétaire Général de la présidence (SGP), le ministre de l’Énergie, le ministre des Finances et toute l’équipe font l’Autruche en enfouissant leurs têtes dans les puits pétroliers de Doba. Bref, c’est silence radio à tous les niveaux. Est-ce la solution ? Non.

D’abord, il faudra se résoudre à sortir du déni et à parler publiquement de ce dossier pour éclairer les Tchadiens en expliquant la stratégie à adopter et les raisons qui la soutiennent. Parce que c’est simplement d’intérêt public.

Ensuite, le Président de transition doit sanctionner ceux qui l’ont encouragé à emprunter le chemin de cette nationalisation sauvage. Au minimum, la décoration et l’élévation au grade de « machin machin » de la « task force pétrole » comme dirait le professeur de Droit et Maître de conférences à l’Université d’Orléans Abdoulaye Boitaingar dans un excellent papier titré : Affaire Savannah : Et la loi d’Airain frappa le Tchad publié dans nos colonnes, doivent être annulées.

Enfin, au moment de publier cet éditorial, personne ne peut mesurer les conséquences financières de cette décision sur les Finances publiques, sur l’économie et sur les projets d’intérêts publics. Chose certaine, cette sentence conservatoire ressemble, par ses implications financières, à la gifle infligée par l’entreprise suisse Glencore en 2014 au sujet d’un montage financier bidon qui a plongé le pays dans une forte crise économique. À l’époque le Maréchal a puni, même si c’était symbolique, les responsables. Le PT devrait lui aussi punir responsables et conseillers dans ce dossier. Les Tchadiens lui sauront gré.

Bello Bakary Mana

12 mois sur les 24 mois sont presque épuisés depuis que la seconde phase de la transition s’est enclenchée. Il ne reste plus qu’une année pour clore cette seconde phase de transition. En attendant les échéances électorales prochaines, quel est le bilan à mi-parcours?

Globalement il n’y a pas de grandes réalisations qui ont changé la vie des Tchadiens pour leurs faire sentir les prémices de la refondation du pays. Il n’y a que du « parlage » comme diraient les « tirailleurs sénégalais ». Il n’y a que de la politique « politicienne » dans un Tchad de plus en plus fragile. Le tout sur un ton guerrier du président de transition (PT), et un autre ton mi-moqueur mi-ironique de son Premier ministre.

Le premier, le PT Mahamat Idriss Deby s’est fendu d’un direct, sur la page Facebook de la présidence, en plein désert pour démentir, sur un ton guerrier, les nouvelles sur les combats entre l’armée tchadienne et la rébellion du Conseil de Commandement Militaire pour le Salut de la République (CCMSR) aux confins nord du pays. Dans ce qui se ressemble à une base arrière aux bâtiments climatisés, on voit le PT entouré de ses généraux, son Chef d’État-major, du chef des Renseignements généraux, du ministre de la Défense et de son puissant ministre et Directeur de cabinet civil, expliquant en Arabe locale les raisons de son déplacement. Et surtout affirmant attendre de pied ferme les rebelles. « Vous avez 2 options à votre choix. Si vous voulez la paix, la porte est ouverte. Si vous voulez la guerre, je vous attends ici à Kouri. », dit-il. Cela annonce une transition sur le pied de guerre et une paix qui s’éloigne, premier signe annonciateur, peut-être, d’une transition qui va s’éterniser.

Le second, le Premier ministre de transition (PMT) Saleh Kebzabo a démontré, il y a quelques jours lors d’une entrevue à nos confrères camerounais de la télévision Équinoxe que le bilan de la transition est négatif en esquivant la question, tout en reconnaissant la difficulté pour lui, de parler de bilan. D’abord, il récuse le titre « de principal opposant » au chef des Transformateurs Succès Masra, en ironisant sur son retour, le moquant, en le désignant de « communicant » et non d’homme politique. Ensuite, il a reconnu qu’il y a eu trop des morts le 20 octobre 2022 en qualifiant toujours la manifestation d’insurrection populaire. Enfin, il s’est lancé, pour justifier ce bilan négatif, en s’appuyant sur les 50 ans de guerre fratricide. Deuxième signe d’une transition qui va jouer, peut-être, les prolongations.

Entre temps, les Tchadiens sont fatigués de cette transition qui a un bilan négatif à mi-parcours. Parce que leur quotidien est difficile : pas de perspectives, pas d’électricité, pas d’emplois, mal gouvernance, inondations, guerre en perspectives, nominations claniques et fantaisistes, conditions du futur referendum contestées, etc. Alors qu’est-ce qu’il y a de positif sous la transition? Rien, sauf l’air que les Tchadiens respirent, mais jusqu’à quand? La perspective d’une guerre est presque inévitable d’autant plus que les voisinages sont en déliquescence. La guerre. Encore la guerre. Toujours la guerre et la guerre.

Bello Bakary Mana

Qu’est-ce qui se trame à Amdjaress, village du défunt Maréchal Idriss Deby Itno?

L’aéroport de cette bourgade construite vaille que vaille vit ces derniers jours au rythme de ballets d’avions de provenance douteuse. C’était d’abord une lourde rumeur. Elle est devenue au fil des jours une information. Effectivement, il y a des activités suspectent qui s’y passent dont la nature et la destination exactes sont difficiles à déterminer. L’aéroport n’est plus accessible à tous. Selon plusieurs sources, il serait loué aux Émiratis pour servir de point de ravitaillement en armes destinées à la milice soudanaise, précisément aux Forces de Soutien Rapide (FSR) et à leur chef Mohamed Hamdane Dagalo alias Himetti. Une information qui se confirme peu à peu par le mécontentement « amdjarassois ».

Pour illustrer ce mécontentement, une vidéo amateur circule à ce sujet où apparaissent au plus 5 à 6 manifestants. Sont-ils effectivement dans le village? Rien n’est sûr. Mais on y voit ces hommes en turban, parlant en langue Béri et arabe, debout derrière une banderole blanche. Ils citent les noms du président de transition, de son ministre et puissant directeur de cabinet civil, etc. Ils dénoncent les ballets des avions. On les voit aussi brûler le drapeau et la photo de Mohammed Ben Zayed Al Nahyane président des Émirats arabes unis (EAU) en scandant « Tchad Hourra, Émirat barra », qui signifie, le Tchad libre, les Émirats dehors. Ils appellent tous les Tchadiens à s’opposer au mauvais usage de cet aéroport.

Pour comprendre ces évènements, il faut repartir en arrière…

Un, les généraux mis à la retraite sont toujours fâchés. Ils ont promis d’aller manifester à Amdjaress pour dénoncer les navettes de ces avions inconnus. Selon nos sources, la manifestation est reportée, mais les généraux ont promis revenir à la charge à la fin de la saison des pluies. Des sources proches de la présidence affirment qu’ils auraient de la difficulté à se mobiliser.

Deux, pour couper l’herbe sous les pieds de ces généraux, le gouvernement de transition a préféré anticiper en adoptant en Conseil de ministre une ordonnance sur l’État d’urgence. Une ordonnance controversée qui renforce les pouvoirs de police administrative et l’élargit aux autorités décentralisées comme le Délégué général du gouvernement, les Gouverneurs pour faire face à un péril imminent et des évènements graves qui ont un caractère de calamité publique. Y-a-t-il une urgence pour prendre cette ordonnance? Surtout que les Conseillers Nationaux, la chambre de législation, sont en vacances parlementaires.

Enfin, cette transition n’est-elle pas devenue l’affaire de deux personnes : le président de transition Mahamat Idriss Deby et son puissant ministre et Directeur de cabinet civil M. Idriss Youssouf Boy alias Makambo? Cela y ressemble. Le Premier ministre de transition et son gouvernement doivent éclairer l’opinion publique sur les trafics à cet aéroport d’Amdjaress. C’est la moindre des choses.

Bello Bakary Mana

Le facilitateur et président de la République Démocratique du Congo (RDC) Felix Tshisékedi a séjourné au pays pour faciliter l’entente entre les acteurs politiques et de la société civile. Sa mission vire à la chicane. Tshisékédi facilitateur insensible? Cela dépend de quel côté on se place, mais le vrai problème vient d’ailleurs…

Avant son départ, il a résumé le résultat de son séjour en 3 phrases, « je n’ai trouvé aucun Tchadien hostile aux avancées. Tous ceux que j’ai rencontrés sont pour la reconstruction, le progrès, la réconciliation et l’unité du Tchad. Je repars plein d’espoir d’une solution pacifique et heureuse pour ce peuple frère ». En d’autres mots tout va bien. Évidemment qu’il n’y aura aucun Tchadien contre la reconstruction de son pays. Aucun n’est contre la réconciliation. Aucun n’est pour la guerre pour l’avoir vécue, aucun n’est contre l’unité.

Pour les partisans de la transition, cette visite confirme qu’ils sont dans la bonne voie pour faire aboutir le retour à l’ordre constitutionnel. Ils ont le sourire. Et ont presque carte blanche de la part du facilitateur.

Oui, pour une partie de l’opposition pourfendeuse de la transition. Le facilitateur est partiel, partial et ne facilite rien, il mène la transition dans la mauvaise voie. Il roulerait pour le président de la transition et tous ceux qui y participent. La formule du porte-parole du Bloc Fédéral Banyara Yoyana, « Tshisékédi est un héritier venu apporter son soutien à un autre héritier » fait mouche. L’opposition accuse le facilitateur de n’avoir abordé aucun sujet sérieux. Il n’a fait que les inciter à rejoindre l’équipe gouvernementale.

Pour la société civile, M. Tshisékédi n’est pas à équidistance de tous les acteurs. Max Lolngar, dirigeant en exil de Wakit Tamma dénonce sur sa page Facebook cette visite en la qualifiant de véritable farce.

Les positions sont donc figées. Pour les partisans de la transition, tout va bien. Pour l’opposition tout va mal.

En vérité le ver était dans le fruit lorsque l’Union africaine (UA) a accepté le principe de la subsidiarité. Que veut dire ce principe?

Le Larousse nous apprend qu’en droit administratif c’est un principe de délégation verticale des pouvoirs. Google, lui, dit que c’est un concept à travers lequel une autorité centrale ne peut effectuer que les tâches qui ne peuvent pas être réalisées à l’échelon inférieur.

Autrement dit, l’UA a cédé le dossier de la transition à la Communauté Économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Et lorsqu’on sait que cette CEEAC n’est rien d’autre qu’un syndicat des chefs d’État de l’Afrique centrale, il ne faut pas attendre que le changement provienne d’elle. Le facilitateur Tshisékédi est nommé par ce « machin » pour faciliter les choses pour le président de transition et ses amis comme le dit son titre.

Sur ce sujet l’UA est dans une contradiction consternante. Au début de la transition, elle a soufflé le froid en argumentant que le Tchad est un pays à part. Donc, il faut que la communauté internationale soit gentille. Ensuite, elle a accepté ce principe tordu de subsidiarité. Et la voilà depuis quelques mois en train de souffler le chaud en prônant l’inéligibilité des dirigeants de la transition. Cette attitude contradictoire de l’UA et l’insensibilité du facilitateur de la CEEAC sont dangereux pour le pays.

Bello Bakary Mana   

Ces derniers jours, le président de transition (PT) Mahamat Idriss Deby a décidé d’envoyer plusieurs généraux, tous ex-compagnons et/ou parents de son défunt papa Maréchal Idriss Deby Itno à la retraite. Cet acte a fait « ruer dans les tranchées » les généraux. Acte courageux du PT? Bluff des généraux?

Plusieurs généraux sont donc fâchés. Ils sont même beaucoup remontés, dit-on. Ils se sont mobilisés. La discussion entre eux derrière les rideaux a été âpre. Ils se sont décidés pour aller confronter le PT, le faire plier pour qu’il annule le controversé décret. Rien à faire, le jeune président tient tête aux hommes en « Kaki » et « bérets étoilés ». Ils sont surpris par la niaque du jeune président. Ils ruminent l’affront de ce fils, installé au mépris de la Constitution. Et qui s’est rebiffé sans qu’ils ne puissent détecter le moindre signe annonciateur.

Ils ont tenté le coup du « poker menteur », mais visiblement le PT a remporté la première partie face à des généraux, sans troupe, qui n’ont peut-être pas dit leur dernier mot.

La décision de mise à la retraite est en soi une bonne nouvelle. Une décision bien réfléchie, et appliquée avec audace. Son annonce a pris tous ces généraux inutiles au dépourvu. La niaque du PT est doublée d’une malice perfide et tétanisante. Elle a été suivie par la nomination d’une quarantaine de jeunes généraux, tous issus du clan, tous parents, fils, petits-fils des généraux fâchés. Pire, cette fâcherie aura un avantage pour la présidence : la chicane se fera désormais dans les réunions familiales des généraux.

Certains membres de la famille intercéderont pour dire au général X que son temps est passé, sa pension de retraite est alléchante et qu’après tout sa place est prise par le neveu, le cousin, le fils ou le petit-fils de... Le PT a conscience aussi que les anciens généraux sont mal aimés du public. Les nouveaux aussi, parce que triés par affinités claniques sans tenir compte de leur nombre pléthorique ni de leur probité. La preuve, il y en a un parmi eux qui n’a que 27 ans. Même un génie ne peut réaliser cette prouesse. D’ailleurs il a été recalé et mis aux arrêts pour fraude. Un autre était radié de l’armée pour crime crapuleux, le voilà, à la surprise de tous, général. Les anciens comme les nouveaux sont tous rejetés par la majorité des Tchadiens. Tous n’ont pour seul mérite que leurs filiations claniques. Les anciens sont les produits de l’ancien système de Papa Maréchal. Les nouveaux sont, eux, les nouveaux produits du nouveau système du fils « Kaka ».

Alors que peuvent-ils reprocher au PT ? Peuvent-ils réussir à renverser les rapports de force? Non. Il est normal que le PT s’émancipe de leur emprise. Un bon prince c’est celui qui ne veut devoir à personne. Plusieurs personnalités qui profitent de la transition disaient que le PT est un bon prince. Il l’aimait à la vie comme à la mort. Il était temps que le prince tant aimé se fasse aussi craindre. Il commence à appliquer cette vieille maxime du penseur Nicolas Machiavel, « vaut mieux être craint, qu’être aimé ».

 Bello Bakary Mana

Un vent anti politique française a commencé à souffler au Tchad. Pays à la fois complexe, mais surtout pays pivot de la francafrique pour parler de façon triviale. Ce vent était d’abord léger durant la première phase de la transition. Il ne faisait pas beaucoup de bruit. Il n’attirait l’attention de personne. Il s’essoufflait par lui-même et s’évanouissait dans les querelles de la société tchadienne. Ce vent a repris de force et souffle perfidement avec une plus grande vigueur ces derniers temps. Alors quelles en sont les principales raisons?

D’abord beaucoup des Tchadiens, après la mort du président Deby Itno, ont cru que la junte arrivée au pouvoir à la première phase de transition allait être un arbitre. Arrive le président français Emmanuel Macron lors des obsèques du défunt Maréchal. Non seulement il adoube la junte, mais d’un ton martial il menace tous ceux qui tenteront de menacer le prince choisi, Mahamat Idriss Deby. Et éventuellement de l’imposer aux Tchadiens. En filigrane cela veut dire c’est la France qui décidera qui sera président. Et le protégera. Les mauvaises habitudes ont une longue vie.

Entre temps, la France à la vie dure en Afrique de l’Ouest, particulièrement au Mali. Les Tchadiens écoutent, médusés, l’argumentaire développé, ciblé, calibré, construit, de l’éloquent Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga qui dénonce calmement la politique française dans son pays, le Mali. La transition malienne a frappé si fort qu’elle a réussi à faire reculer la puissante France pour ensuite la faire partir. Cette audace donne des idées aux Tchadiens, eux qui sont allés au même titre que la France libérer les Maliens des tenailles des jihadistes. Une espèce de « Si les Maliens sont capables, pourquoi pas nous, leurs libérateurs » s’est insidieusement installée dans l’esprit tchadien. Le Mali, le Burkina Faso, la Guinée alimentent ce vent qui soufle…

Ensuite, arrive le pré dialogue de Doha où la France est allée gaillardement s’inviter à travers un de ses diplomates. Il avait pour mission de faire les couloirs influençant les échanges en cours. Mieux, il rencontrait tel politico-militaire, refusait de rencontrer tel autre, admonestait X, appréciait Y. Le tout pour finir par suggérer le choix de la France comme si le Tchad était encore une vieille colonie française oubliée sur les bords des fleuves Chari et Logone. Cette attitude paternaliste a laissé des traces. Et Doha n’a pas eu lieu parce que rien n’a été discuté sérieusement entre Tchadiens. Plus de 5 mois pour rien. Avec pour seul résultat un ressentiment contre la politique et l’attitude de la France.

Enfin, le dialogue national inclusif a eu lieu, un petit moment d’espoir très vite effacé par le massacre du 20 octobre. Les autorités de la France, patrie des Droits de l’homme, sont restées étonnement silencieux sur ces tristes évènements. Mieux elles ont joué des coudes pour étouffer ou relativiser les critiques en soutenant la maladroite thèse de l’insurrection armée cher au Premier ministre Saleh Kebzabo. La seconde phase de la transition montre ses limites avec la déception en cascade de certains politico-militaire laisser sur le quai du train de la « Refondation ». Ils sortent de la gare et étalent publiquement et sans pudeur leur mécontentement. Les 18 autres groupes politico-militaires, nommé le « groupe de Rome », non-signataires de l’accord de Doha ont été invités à Rome par la communauté catholique de Sant’Égido pour relancer le dialogue. L’opération a tourné court malgré l’insistance de l’Union européenne, en tête, la France. Ils craignent le bras armé privé de l’ogre ours russe, Wagner, qui farfouille non loin de la frontière sud du pays. Et qui est tenté de la franchir avec l’aide d’autres politico-militaires, « mouture wagnérienne » pour mettre le pays au service de l’ours russe. Une autre aventure? Un nouveau maître? La vraie souveraineté et la vraie indépendance, les Tchadiens attendrons encore longtemps.

Bello Bakary Mana

La seconde phase de la transition a mal démarré avec les conséquences du « Jeudi noir » lorsque la répression, ce 20 octobre, s’est abattue sur les manifestants. Un évènement qui a entaché l’après-dialogue. Les symboles sont présents dans les esprits : le bagne de Korotoro, la décapitation des Transformateurs et le bras de fer entre le président de la Commission de l’Union africaine (UA) Moussa Faki et le président de transition Mahamat Idriss Deby Itno. Ces trois évènements ont fragilisé la refondation le pays. Pourquoi ?

D’abord par la brutalité et la méthode de la répression. Par le nombre des arrestations, plus d’un millier de manifestants. Par le fait de leur déportation au bagne de Korotoro et le jugement bidon de 400 Tchadiens en plein désert, sans avocat. « Parodie de justice » au pays du Général Mahamat Idriss Deby Itno. Cet évènement reste un boulet aux pieds du Président de transition (PT) et de son Premier ministre de Transition (PMT), Saleh Kebzabo. Cette deuxième phase de transition est tellement mal engagée qu’elle révèle la maladresse du PT et du PMT. Korotoro est devenu au fil des jours le symbole de ce mauvais départ.

Ensuite, au lendemain du 20 octobre, les Transformateurs et leur président ont disparu de la scène politique. Le parti est suspendu. Le président Succès Masra et certains de ses lieutenants ont pris le large. Ils se sont réfugiés hors du pays. Ses militants sont orphelins. Et pourtant…et pourtant qui aurait cru qu’un parti reconnu et acteur du renouvellement de la classe politique serait décapité en une nuit? Les Transformateurs auront du mal à renaître. Ni le PT, ni le PMT ne seront disposés à les ravoir dans leurs pattes.

Enfin, le « duel Moussa Faki versus Mahamat Deby Itno » est désormais sur la place publique. Depuis le discours marquant de Faki,  lors de l’ouverture du Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) il est devenu la cible de N’Djamena. Son tort c’est d’être au mauvais moment, au mauvais endroit. Il est vrai aussi que Faki cache de moins en moins ses ambitions présidentielles. Cette ambition énerve le président de transition et ses amis politiques. Bref, les Tchadiens regardent ce jeu d’échecs où le plus bluffeur gagnera. Le Président de transition et ses nouveaux amis déclarent avoir remporté la partie. Moussa Faki affirme qu’il y aura une seconde manche. Une situation qui s’annonce Échec et mat.

Bello Bakary Mana

Il y a quelque chose de bizarre dans l’action politique. Tout tourne autour des alliances factices entre  « le moi », « le mon allié », « le mon ami ». Et ces alliances politiques et ces amitiés mènent fatalement à des déchirures, à des séparations et des retournements spectaculaires. En observant les retournements des alliances au Tchad, la tentation de dire que la vie politique tchadienne est une symphonie d’ironie est fort juste. Le dialogue vient de s’achever. Le gouvernement d’union nationale (GUN) est formé. Alors la refondation de ce pays aura-t-elle lieu?

D’abord, la parfaite illustration de l’ironie politique de l’année est immortalisée par la lecture en direct à la télévision par l’ex-président du présidium Gali Gata Ngothé (GGN) lisant le décret de nomination de son ami de toujours Saleh Kebzabo (SK), son adversaire éphémère et son allié du jour pour la refondation.

Beaucoup des Tchadiens ont souri, se rappelant les salves épistolaires entre les deux avec: Les  « Saleh et cher ami », « …tes militants, tes camarades, sympathisants et amis qui ne sont pas du parti sont-ils aussi ta propriété? », « …le gain ne doit pas s’éloigner de toi », Gali reprochant à SK l’entrée de ses partisans au gouvernement, sa disponibilité personnelle à appuyer le défunt Conseil militaire de transition (CMT), etc.

L’opinion publique se rappelle aussi de la réponse sarcastique et inoubliable de SK, avec la célèbre expression « Tu quoque filli » ». Et les interrogations alignées les unes après les autres.  « Toi aussi? », « Oui mon fils », « Une mouche t’aurait-elle piqué ou un méchant chien mordu? », «  Car entre nous, c’est du béton », « …la phase tragi-comique du phacochère », etc.

Les Tchadiens ont raison d’avoir de la misère à croire aux hommes et aux femmes politiques. La subite précipitation de Gali à se fondre dans le futur projet de refondation et l’arrivée de SK à la primature a sonné les Tchadiens. Nombreux n’ont que ces phrases en bouche, « dounia, Gali à la présidence? Et Kebzabo à la primature? C’est vrai que Maréchal du Tchad n’est plus ». Bref, dans cette histoire SK a été cohérent avec lui-même. Pas Gali.

Ensuite, le dialogue national inclusif et souverain (DNIS) est désormais derrière nous. Il a été un grand moment qu’on le veuille ou non. Il n’a malheureuse pas été totalement inclusif, ni à 100% souverain. Des sujets majeurs ont été effleurés comme la réforme de l’armée. Des sujets incontournables ont été contournés comme la Justice. Seul, le Président de transition est sorti gagnant. Il a tous les pouvoirs. Plus que Deby père à la sortie de la Conférence nationale souveraine (CNS) de 1993. Tout compte fait le nouveau Premier ministre de transition (PMT) SK) a la carrure et la tempérament pour le poste mais aura-t-il les coudés franches pour peser sur les prochaines étapes? Il semble devenu aux yeux de plusieurs Tchadiens « un accompagnateur professionnel » de la transition. Et s’accommodera des ordres du palais rose qui lui imposeront la conduite à tenir en dehors des recommandations et des résolutions du cahier de charge.

Aussi, ce gouvernement d’union nationale (GUN) rappelle, pour les plus vieux, GUNT 1, GUNT 2 dans l’histoire politique tumultueuse du pays.

Première observation de forme : c’est un gouvernement gérontocratique rempli d’anciens, des politiques en fin de parcours. Pourront-ils ou auront-ils l’énergie suffisant pour faire traverser au pays les futures secousses politiques et les intrigues  qui ne manqueront pas?

Deuxième observation de fond : c’est la seconde phase de la transition avec ses menaces politiques internes : la bataille des positionnements, le referendum sur la forme de l’État, etc.
Les menaces externes aussi sont présentes. Il s’agit entre autres : des possibles sanctions de la communauté internationale, des menaces de deux mouvements rebelles et l’opposition incarnée par Les Transformateurs et Wakit Tamma qui ont lancé un appel à la manifestation aujourd’hui mais déjà interdite.

Enfin, troisième observation de fond : l’absence des arabophones de l’opposition démocratique. Ils sont les grands oubliés. Ce gouvernement d’union est régionalement mal reparti. Il ne reflète pas les équilibres politiques et démographiques. Les jeunes sont également sous ou mal représentés. Et le cas flagrant c’est celui des femmes qui sont, la plupart, reléguées au poste de ministre secrétaire d’État. Ce GUN ne semble pas être l’œuvre du PM SK. Sa touche n’apparaît nulle part. On peut reprocher beaucoup de choses à SK mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas être un homme intelligent et un fin politique. La composition de ce GUN semble lui avoir échappé. Et a échappé à la rupture attendue par les Tchadiens.

Bello Bakary Mana

Le Conseil Militaire de transition (CMT) s’englue chaque jour dans des scandales de détournements. Les Tchadiens observent cela médusés par l’audace des détourneurs, tétanisés par les montants faramineux et stupéfaits par la désinvolture avec laquelle la junte traite le dossier. Les alliés de circonstances et les partisans de la junte cachent mal leur gêne, eux qui avaient aidé cette pré-transition à s’installer. Ils bafouent lorsqu’on engage la discussion avec eux sur ces malversations. Alors qu’est-ce qui est à l’origine de ces détournements?

D’emblée c’est le coup de force de la junte qui est la matrice de ces détournements. Tout est permis depuis 30 ans. Et rien n’a fondamentalement changé. Le Maréchal qui tenait dans sa toile d’araignée tout ce vilain monde en les mettant à son service n’est plus alors le bar est ouvert, chacun se sert goulûment. Écrit comme ça, cela semble grotesque, mais…

D’abord, commençons par le commencement. Le Maréchal Idriss Deby Itno est mort. Vive le général Mahamat Deby Itno. La disparition du Maréchal devrait être une opportunité pour tout remettre à plat. Et dire clairement qu’il ne s’agit pas encore de la transition, mais de la pré-transition. Il est donc inapproprié et maladroit de parler de transition. La transition c’est plus tard. Cette chance de pré transition a été transformé en lutte de positionnement, certaines grandes figures ont embarqué prématurément dans ce qu’elles appellent transition. L’un d’entre-deux pousse même l’audace, tellement il est sûr de lui, en demandant aux Tchadiens de ne pas réclamer leurs  droits en manifestant parce qu’ils feraient basculer le pays dans l’anarchie. Un autre s’est terré dans son ministère où la justice devrait rayonner. Un dernier semble être dépassé par sa principale mission : la réconciliation. On ne le voit. On ne l’entend pas. Il est silencieux. Les soi-disant activistes tapies en France, bruyants et brouillons soudoyés et débarqués sont occupés par leurs chicanes. Ceux qui, à la naissance de cette pré transition militaire, voyaient les limites, les abus et la continuité des 30 ans d’errements avaient raison sur ceux qui se sont précités sans garde-fou pour donner un chèque en blanc au CMT.

Ensuite, c’est la théorie du « on reprend les mêmes et on avance comme avant » qui a été soigneusement mise en place en faisant quelques concessions à quelques accompagnateurs pour psalmodier ensemble ce mensonge du « on a échappé au chaos » comme si rien ne s’était passé. On ne construit pas du neuf avec du vieux matériau. C’est ce qui est arrivé avec ces détournements. Et comme c’est une pré-transition héritée du père et du système, pourquoi le changer? Il marche bien. Il produit des milliardaires arrogants et baveux qui siphonnent l’argent public sans être inquiétés. Voilà l’autre raison de ces détournements.

De plus, comment comprendre l’affaire du Secrétaire particulier (SP) Idriss Youssouf Boy (IYB)? La seule explication plausible ce que l’homme s’est cru tout permis. Tout le gloglota politique et médiatique le considérait comme le plus puissant homme de la pré-transition. Voire le vrai vice-président du CMT. Il aurait détourné en une année plusieurs milliards. Il l’aurait fait seul, lui, le surhomme? Et surtout que le récit du piège tendu à l’ex-SP relève d’un digne film d’espionnage. L’agence nationale de sécurité (ANS) a joué un rôle important dans l’arrestation et la détention de IYB. Et la justice dans tout cela? Elle est spectatrice. Une autre entorse aux règles. Si IYB est un détourneur, c’est à la justice de le déterminer. Et à l’inspection d’État d’enquêter en amont. Rien n’a été respecté. IYB n’est-il pas aujourd’hui un prisonnier sans jugement? Même le plus salaud des salopards a des droits et mérite qu’on s’y attarde. Le dossier IYB doit être traité dans les normes. Sinon il faut soit le relâcher, soit remettre le dossier à la justice. Comme le système depuis 30 ans a habitué les Tchadiens à des revirements claniques spectaculaires, Tchadiens ne soyez pas surpris que la méthode du maréchal ait encore de beaux jours devant elle.

Aussi, les affaires se suivent, se ressembles sauf les visages qui différent. Et chacune des affaires à une saveur théâtrale particulière qui oscillent entre, la rumeur insidieuse, le burlesque et la tragicomédie. A l'exemple de l’affaire de la Société nationale de ciment (Sonacim). C’était déjà une société qui a la palme de la mauvaise gestion au pays. L’affaire d’achat en argent liquide d’un groupe électrogène au montant faramineux de 650 000 euros est incompréhensible. Les explications données par la Sonacim sont minces. S’il faut bien acheter un groupe électrogène, faut-il procéder de la sorte? Est-il si urgent de répondre aux injonctions des Égyptiens? Et cette intervention sur les réseaux sociaux du dirigeant de l’entreprise égyptienne rajoute du flou au flou.

Enfin, la pré transition en a plein le bras. Le président du Conseil militaire de la transition encore plus, lui qui, disent plusieurs sources est au bout du rouleau. Il est surpris par l’ampleur des détournements et les origines de celles-ci. Toutes gravitent autour de la présidence. Dans ses discours ces derniers jours, il se remet au pouvoir de Dieu. Ils sont truffés d’un accent religieux, il oublie avoir hérité de façon divine un fauteuil républicain. C’est peut-être là le péché originel. Les Tchadiens ont besoin de rupture, vous pouvez encore PCMT redresser la barre sinon bientôt il sera trop tard.

Bello Bakary Mana

Il y a des sujets sur lesquels on ne peut pas discuter et écrire avec une certaine légèreté. Pour ce qui se passe à Kouri-Bougoudi, ce coin du pays hors de la République, il est difficile d’en discuter sans y laisser un peu de son humanisme. Que dire et écrire lorsque le massacre se passe presque en direct sur les réseaux sociaux ? Comment comprendre que des Tchadiens s’entre-tuent sans la présence des médias crédibles ?  Il y a 4 raisons pour comprendre Kouri-Bougoudi, le Far West tchadien.

Première raison, tout le monde parle de l’absence de l’État mais en vérité l’État n’a jamais pris pied dans cette région. L’hostilité de son territoire, de son éloignement, sont certes des obstacles mais il est surmontable par la puissance publique. L’État, il faut le dire a démissionné. Tous les pouvoir successifs jusqu’à celui du président Hissène Habré se sont contentés d’observer tout en endiguant les dangers de la région en refusant de faire de la petite politique de courte vue avec les natifs de la région.

Sauf que l’ancien régime du défunt Maréchal a décidé de briser cette tradition en sous-traitant la sécurité à des chefs de bande de la région. Il a passé en catimini un deal qui se résume à : garantissez-moi de bloquer le passage aux rebelles et je vous laisse exploiter l’or du Tibesti. De plus, dans sa méfiance vis-à-vis des populations locales, il leur a adjoint comme contre balance les nouveaux pirates du désert communément appelé « les toroboro », qui sont pour la plupart originaires du soudan voisin. A Kouri-Bougoudi, c’est la loi du plus fort qui est la meilleure. C’est un lieu de non-droit où l’État est méconnu et combattu.

Depuis quelques décennies, la conception de l’État par ceux qui en son sommet est bizarre. Ils pensent que l’État ce sont les titres sans le mérite. Que l’État se sont les décrets sans la compétence. Que l’État c’est l’addition des complaisances amicales, tribales ou claniques.

Deuxième raison, l’exploitation anarchique des carrières d’or qui suscite tant de convoitises ne peut qu’entraîner l’émergence du banditisme, des brigands, des gangsters hors la loi. Un État normal ne peut pas accepter l’exploitation de ses ressources naturelles sans aucun contrôle, fut-elle artisanale. Cette exploitation non industrielle se fait selon un code tribal. Les gens des mêmes groupes ethniques s’installent entre eux, vivent entre eux, se constituent en milice d’autodéfense ou d’attaque, et sont motivés par deux choses : l’appât du gain et la préservation de ce qu’ils considèrent comme leurs ressources. Cette organisation encouragée sciemment ou inconsciemment par l’État est une bombe à fragmentation qui pourra embraser toute la région et emportée ce qui reste de l’État.

Troisième raison, la nature a horreur du vide comme la géographie ou le territoire a horreur de l’absence d’une administration publique compétente. Dans cette grande région, une nouvelle mafia s’est installée. Des nouveaux pirates du désert on fait leur apparition, les « toroboro ». Des cavaliers de l’enfer sur terre, les « djandjawid » lorgnent vers ce nouvel Eldorado pour prélever leur part. Nouvelle mafia, les « toroboro », l’ombre des djandjawide avec toutes ses ramifications étrangères est un explosif programmé.

Maintenant, quelle solution ? Le président de la transition est allé dans la région. Les Tchadiens attendaient de lui une solution et une nouvelle vision. Rien de tout cela. Il a proposé un rafistolage de plus injuste, une « solution apartheid » qui a consisté à chasser tous les tchadiens non-originaires de la région. Leurs matériels saisis, leurs carrières fermées. Ils n’ont pas le droit d’exploiter de manière illégale les ressources minières comme le font les locaux. Il y a visiblement des Tchadiens plus Tchadiens que d’autres. Kouri-Bougudi en est le parfait exemple.

Bello Bakary Mana

  1. Arts & Culture
  2. Musique
  3. Mode-Beauté

-Vos Annonces sur le site Ialtchad Presse-

  1. Divertissement
  2. Sports
  3. Mon Pays