Quelques semaines après que le Tribunal d’Arbitrage de Paris, en France, a jugé recevable sur la forme, la plainte de Savannah au sujet de la nationalisation de ses actifs, une autre tuile vient de s’abattre sur la tête des autorités de la transition. La justice américaine a ordonné vendredi dernier le gel de fonds de Cotco à la City Banque, filiale gabonaise où sont déposés les revenus du pétrole des puits de Doba. Cette décision est immédiate. Plus de mouvements de fonds jusqu’au dénouement final du contentieux. Selon plusieurs sources proches de la City, 150 millions de dollars appartenant au Tchad sont présentement gelés.
A l’époque, les autorités de la transition avaient décidé de passer en force, sous tambours et trompettes, en clamant sur la place publique que la nationalisation des actifs de l’entreprise britannique relevait de la souveraineté nationale. Et affirmaient partout que c’était une bonne décision flattant l’égo patriotique primaire de plusieurs compatriotes. Tout avis contraire leur rappelant que le débat n’est pas sur la nationalisation mais sur la méthode ou la manière sauvage de procéder au mépris de toutes les règles élémentaires. Et en dehors de toute réflexion et proposition des experts. C’était une nationalisation « Ab goudoura, goudoura » (aux forceps).
Aujourd’hui dans la capitale tchadienne, N’Djamena, les autorités ont adopté deux attitudes. Celle du carpe et de l’Autruche. Au sommet de l’État, le président de transition et son Premier ministre sont muets comme des carpes sur le dossier. Au second palier de la transition, ceux qui ont mené l’assaut de la nationalisation, le ministre d’État, Secrétaire Général de la présidence (SGP), le ministre de l’Énergie, le ministre des Finances et toute l’équipe font l’Autruche en enfouissant leurs têtes dans les puits pétroliers de Doba. Bref, c’est silence radio à tous les niveaux. Est-ce la solution ? Non.
D’abord, il faudra se résoudre à sortir du déni et à parler publiquement de ce dossier pour éclairer les Tchadiens en expliquant la stratégie à adopter et les raisons qui la soutiennent. Parce que c’est simplement d’intérêt public.
Ensuite, le Président de transition doit sanctionner ceux qui l’ont encouragé à emprunter le chemin de cette nationalisation sauvage. Au minimum, la décoration et l’élévation au grade de « machin machin » de la « task force pétrole » comme dirait le professeur de Droit et Maître de conférences à l’Université d’Orléans Abdoulaye Boitaingar dans un excellent papier titré : Affaire Savannah : Et la loi d’Airain frappa le Tchad publié dans nos colonnes, doivent être annulées.
Enfin, au moment de publier cet éditorial, personne ne peut mesurer les conséquences financières de cette décision sur les Finances publiques, sur l’économie et sur les projets d’intérêts publics. Chose certaine, cette sentence conservatoire ressemble, par ses implications financières, à la gifle infligée par l’entreprise suisse Glencore en 2014 au sujet d’un montage financier bidon qui a plongé le pays dans une forte crise économique. À l’époque le Maréchal a puni, même si c’était symbolique, les responsables. Le PT devrait lui aussi punir responsables et conseillers dans ce dossier. Les Tchadiens lui sauront gré.
Bello Bakary Mana