Écrire sur les sextapes de deux ministres démissionnaires est un exercice difficile. Dans ce métier, les mauvaises nouvelles écrasent souvent les bonnes nouvelles. Cette actualité sur les ébats sexuels de ces ex-responsables publiques sont d’une autre dimension. L’opinion publique tchadienne continuent d’en parler. Le journaliste ne peut l’occulter. Il faut en parler mais en parler autrement. Alors comment en parler autrement ? Analyser les faits….
Le sujet, il faut le dire, le redire, le répéter encore et encore est « culturellement délicat ». « Socialement » navrant. Et « politiquement explosif » pour un pays comme le nôtre où l’hypocrisie se mêle à la morale. Et où le voyeurisme ne s’encombre pas de la décence.
Dans une société normale, cette vidéo relève strictement de la vie privée. Autrement dit chacun fait ce qu’il veut avec qui il veut dans sa chambre à coucher. Et même si par mégarde ou par règlement de compte, une vidéo pareille, se retrouve sur la place publique, la décence aurait voulu de s’abstenir de la propager.
La « boule puante » est partie de la page Facebook d’un mystérieux personnage des réseaux sociaux surnommé Général Labo Mobil. Le fameux général dit détenir plusieurs autres vidéos compromettantes qui menaceraient plusieurs hommes et femmes politiques. C’est la panique, dit-on, chez plusieurs membres du gouvernement. La suspicion est partout. Le désarroi est total comme le prouve l’intervention du conseiller Takkilal Ndolassem qui parle abruptement de « Coup d’État scientifique ». La délectation du supplice du général Labo Mobile est insupportable.
Ces sextapes révèlent comme dit la fameuse expression « les choses du Tchad », en pire.
D’abord, on découvre le visage hideux de la culture de « meute » des réseaux sociaux tchadiens. Une culture néfaste qui s’empare des sujets insignifiants pour en faire une affaire de tous et un déshonneur de tous. Des soi-disant « activistes », « opposants », « influenceurs ou tiktokeurs vaseux et incultes » rivalisent d’ingéniosité pour jeter en pâture notre légendaire valeur « la soutra » (ne jamais jeter aux chiens l’honneur et l’intimité d’un frère et d’une sœur quel que soit nos querelles).
Ensuite, c’est la vague des « moralisateurs » ou police autoproclamée « des mœurs » qui arrose le public de ses jugements moraux, prédisant l’apocalypse. Paradoxalement, les mêmes, disent à gorge chaude « seul Dieu est ultime juge ». Oubliant au passage que de tous les temps, les Hommes ont transgressé les règles et les conventions établies. Il n’est pas interdit de voler mais il est interdit d’être surpris. C’est le cas de nos deux ex-ministres.
Enfin, il y a tous ceux qui parlent sous la barbe du déshonneur de la République mais qui piaffent tels des taureaux en attendant le nom des prochaines victimes du général Labo.
Cette affaire tombe sur la tête d’une transition à bout de souffle, déjà dépassée par les difficultés de la gestion du quotidien. Le gouvernement et la présidence n’ont pas mesuré les dégâts politiques que cette affaire a engendré. Le fait de laisser les deux ministres officiellement démissionner par eux-mêmes est une erreur. Il fallait dès la publication de ces sextapes, les démettre de leurs fonctions pour sauver un peu l’honneur et le privilège de servir le pays.
Bello Bakary Mana