Un vent anti politique française a commencé à souffler au Tchad. Pays à la fois complexe, mais surtout pays pivot de la francafrique pour parler de façon triviale. Ce vent était d’abord léger durant la première phase de la transition. Il ne faisait pas beaucoup de bruit. Il n’attirait l’attention de personne. Il s’essoufflait par lui-même et s’évanouissait dans les querelles de la société tchadienne. Ce vent a repris de force et souffle perfidement avec une plus grande vigueur ces derniers temps. Alors quelles en sont les principales raisons?
D’abord beaucoup des Tchadiens, après la mort du président Deby Itno, ont cru que la junte arrivée au pouvoir à la première phase de transition allait être un arbitre. Arrive le président français Emmanuel Macron lors des obsèques du défunt Maréchal. Non seulement il adoube la junte, mais d’un ton martial il menace tous ceux qui tenteront de menacer le prince choisi, Mahamat Idriss Deby. Et éventuellement de l’imposer aux Tchadiens. En filigrane cela veut dire c’est la France qui décidera qui sera président. Et le protégera. Les mauvaises habitudes ont une longue vie.
Entre temps, la France à la vie dure en Afrique de l’Ouest, particulièrement au Mali. Les Tchadiens écoutent, médusés, l’argumentaire développé, ciblé, calibré, construit, de l’éloquent Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga qui dénonce calmement la politique française dans son pays, le Mali. La transition malienne a frappé si fort qu’elle a réussi à faire reculer la puissante France pour ensuite la faire partir. Cette audace donne des idées aux Tchadiens, eux qui sont allés au même titre que la France libérer les Maliens des tenailles des jihadistes. Une espèce de « Si les Maliens sont capables, pourquoi pas nous, leurs libérateurs » s’est insidieusement installée dans l’esprit tchadien. Le Mali, le Burkina Faso, la Guinée alimentent ce vent qui soufle…
Ensuite, arrive le pré dialogue de Doha où la France est allée gaillardement s’inviter à travers un de ses diplomates. Il avait pour mission de faire les couloirs influençant les échanges en cours. Mieux, il rencontrait tel politico-militaire, refusait de rencontrer tel autre, admonestait X, appréciait Y. Le tout pour finir par suggérer le choix de la France comme si le Tchad était encore une vieille colonie française oubliée sur les bords des fleuves Chari et Logone. Cette attitude paternaliste a laissé des traces. Et Doha n’a pas eu lieu parce que rien n’a été discuté sérieusement entre Tchadiens. Plus de 5 mois pour rien. Avec pour seul résultat un ressentiment contre la politique et l’attitude de la France.
Enfin, le dialogue national inclusif a eu lieu, un petit moment d’espoir très vite effacé par le massacre du 20 octobre. Les autorités de la France, patrie des Droits de l’homme, sont restées étonnement silencieux sur ces tristes évènements. Mieux elles ont joué des coudes pour étouffer ou relativiser les critiques en soutenant la maladroite thèse de l’insurrection armée cher au Premier ministre Saleh Kebzabo. La seconde phase de la transition montre ses limites avec la déception en cascade de certains politico-militaire laisser sur le quai du train de la « Refondation ». Ils sortent de la gare et étalent publiquement et sans pudeur leur mécontentement. Les 18 autres groupes politico-militaires, nommé le « groupe de Rome », non-signataires de l’accord de Doha ont été invités à Rome par la communauté catholique de Sant’Égido pour relancer le dialogue. L’opération a tourné court malgré l’insistance de l’Union européenne, en tête, la France. Ils craignent le bras armé privé de l’ogre ours russe, Wagner, qui farfouille non loin de la frontière sud du pays. Et qui est tenté de la franchir avec l’aide d’autres politico-militaires, « mouture wagnérienne » pour mettre le pays au service de l’ours russe. Une autre aventure? Un nouveau maître? La vraie souveraineté et la vraie indépendance, les Tchadiens attendrons encore longtemps.
Bello Bakary Mana