Au Tchad, les Violences Basées sur le Genre(VBG) augmentent dans presque toutes les provinces. Face à cela, quelques femmes juristes créent un cadre de protection, de la promotion des droits de la femme et de la jeune fille contre les VBG. Il s’agit de l’Association des Femmes Juristes du Tchad (AFJT). Reportage.
Le soleil brille ce matin, du 30 septembre. Il est 8 heures. Ici, c’est le siège de l’Association des Femmes Juristes du Tchad (AFJT). Il fait face à l’avenue Charles de Gaulle non loin du champ de file. Sous un hangar à l’entrée du siège, un groupe de personnes, la plupart des femmes attendent. Elles sont très discrètes. Elles souhaitent rencontrer le personnel technique de l’AFJT. Pour causes, se confier à leur service suite aux atrocités subies dans leurs foyers. Elles refusent de se faire filmer.
Nous sommes accueillis à notre arrivée par Mme Mekonbé Thérèse, présidente de l’AFJT. Elle très courtoise. Tout est allé vite, elle nous présente son association. Selon elle, l’AFJT regroupe les femmes qui ont fait des études en droit. En 1991, rajoute-t-elle, ces femmes décident ensemble de créer AFJT. C’est une décision bien mûrie et réfléchie, insiste-t-elle. « Nous avons pris en compte la situation socioéconomique et juridique des femmes ainsi que de toutes les personnes victimes des violences sous toutes ses formes», explique la présidente de l’association. D’après elle, l’autorisation de fonctionner leur a été octroyée en 1992, un an après la création. «Depuis cette date, nous œuvrons à travers les formations, les sensibilisations, et les plaidoyers. En 1997, nous avons inscrit dans nos plans d’action le volet « Aide juridique et Assistance judiciaire » aux victimes des VBG et des violences faites aux femmes (VFF)», dit-elle. Mme Mekonbé Thérèse affirme que l’AFJT est un cadre qui a permis aux femmes de libérer la parole et de dénoncer toute forme de violences dont elles sont victimes. Mais il y a aussi des hommes qui vivent silencieusement ces violences et qui viennent aussi nous consulter, dévoile-t-elle.
Pour elle, le volet Aide juridique et Assistance judiciaire a beaucoup soutenus les femmes. « Dans ce mécanisme, les victimes reçoivent des orientations juridiques, pour un éventuel règlement à l’amiable. Si elles décident aller à la Justice parce qu’elles estiment traumatisantes les violences subies, nous leur rédigeons les requêtes et leur trouvons un avocat pour la suite de l’affaire ». Selon la présidente de l’AFJT, il n’y a pas une procédure spécifique. « La première chose c’est la sensibilisation de bouche à oreille. Les victimes viennent nous voir, après avoir obtenu gain de cause, d’autres leur emboîtent le pas », explique-t-elle. La chose la plus importante pour l’AFJT et primordiale, c’est l’écoute des deux parties (la victime et l’auteur), dit Mme Thérèse. « La Violence basée sur le genre (VBG) est une forme de violence commise à l’encontre d’une personne en raison de son genre ou de son sexe. Elle englobe les actes occasionnant des préjudices physiques, mentaux ou sexuels, les menaces de tels actes, la coercition et autre privation de liberté », note-t-elle.
Mme Thérèse précise que l’AFJT confronte les parties avant toute conciliation puis le règlement à l’amiable. Si cela abouti, les deux parties signent un procès-verbal, faisant foi et, consigné ensuite dans un document afférant pour d’éventuelles preuves. Tout se fait en respectant le principe de confidentialité, rajoute-t-elle.
Les statistiques des VBG
L’AFJT n’a jamais eu de problème avec les autorités judiciaires, elles collaborent plutôt bien, affirme Mme Mekonbé Thérèse. L’AFJT dit ne pas se mettre à la place des victimes. « Nous faisons un travail d’orientation, de plaidoyer et d’accompagnement. Nous fournissons chaque année des statistiques aux tribunaux et au ministère de la Femme, de la Famille et de la Petite Enfance ». D’après elle, l’AFJT fait des simulations pour dire que telle année, elle va écouter 100 à 200 personnes, mais cette estimation le plus souvent dépasse 300 victimes. « Nous sommes une véritable source d’information pour les autorités», précise la présidente de l’AFJT. Pour elle, leur association ne doit pas seulement être un centre d’écoute, mais une structure intégrée. « Nous avons d’autres volets comme la prise en charge médicale, psychologique sans oublier l’aspect administratif », dit la présidente. Pour le volet sanitaire, elle déclare que l’AFJT a un médecin qui assure la permanence deux fois par semaine pour recevoir les victimes des violences physiques avec des blessures parfois graves. Il les consulte et administre les premiers soins. Mais précise-t-elle, le médecin délivre le certificat médical aux victimes que si l’affaire doit être portée devant les tribunaux. « Les victimes qui ignorent cet aspect, dès qu’elles se présentent nous leur donnons cette information. Nous avons également un psychologue qui s’occupe des victimes des violences morales. Cette forme de violence est la plus dangereuse, car elle ronge et peut facilement tuer», lance la présidente.
Mekonbé Thérèse appelle à une prise de conscience des hommes et des femmes afin de stopper les VGB et les VFF. Pour ceux qui ignorent la mission de l’AFJT, la présidente réitère que l’AFJT ne pousse pas les femmes contre les hommes. Elle œuvre dit-elle, pour une vie sociale harmonieuse où chacun est respecté sans discrimination de genre ou de sexe. Elle salue l’accompagnement de ses partenaires notamment, l’ONG allemande « Pain pour le Monde » qui les accompagne depuis le premier jour. Aussi, elle n’oublie pas l’UNFPA qui appuie le volet écoute à N’Djamena et dans une quinzaine de provinces y compris au Lac Tchad ( Bol, Baga Sola et Liwa). « Mais la plus grande richesse, ce sont les femmes juristes et parajuristes qui constituent des ressources humaines importantes pour l’AFJT», conclut-elle.
Moyalbaye Nadjasna