Les tissus socio-économiques et politiques du Tchad suscitent des débats et des opinions parfois croisées, tranchées et divergentes. Ialtchad Presse a croisé les points de vue de certains intellectuels en l'occurrence, Professeur Avockssouma Djona, ex-ministre sous feu président Deby Itno et président du parti Les Démocrates et M. Ali Abbas Seitchi, membre fondateur du Patronat tchadien. Ils abordent ici, des questions socio-économiques et politiques actuelles au Tchad tout en proposant des pistes de solutions Reportage.
Ali Abbas Seitchi, membre fondateur du patronat tchadien dit primo que des gens qui ont longtemps critiqué la mauvaise gouvernance et qui ont eu l'occasion n'ont pas fait le mieux. Il martèle que leur souci c'est de conforter juste leur poste et peu importe le résultat leur importe peu. « Il ne faut pas voir le détournement ou la malversation financière. Ce qu'il faut voir, c'est plutôt chercher à comprendre si les Tchadiens veulent ensemble réaliser ce qu'on appelle une nation. Si c'est le cas, on doit en toute logique balayer tout entre nous sans affrontements ni guéguerres », affirme M. Seitchi. Malheureusement dit-il, on n'est pas tous portés à aller dans cette voie. Selon lui, chacun cherche une place pour tirer le meilleur avantage possible du contexte. L'opérateur économique estime que sur le plan sécuritaire, le Conseil Militaire de transition (CMT) a pu contrôler la situation qui permet à tout le monde à vaquer à ses occupations. Il estime que c'est peut-être du positif qu'il ne faudrait pas fragiliser.
Parlant de détournements et de la corruption au pays, M. Seitchi, regrette les récentes malversations financières. D'après lui, détourner une somme pareille s'apparente à un siphonnement, un manifeste pour détruire le pays. « Si chacun doit se livrer à de telles pratiques, où est-ce qu'on va trouver de l'argent pour construire des infrastructures structurantes. Comment assurer le bien-être de la population en se basant sur une éducation de qualité et la santé. Les pays les plus développés aujourd'hui ont appuyé leurs actions sur les ressources humaines. C'est un fondamental pour porter un pays vers l'émergence socio-économique », s'interroge-t-il. Pour corriger cela, le patronat souligne que chacun doit se faire honorable. Il soutient qu'on est tous interpellé, car relève-t-il, il y a des grands détourneurs, mais aussi des petits qu'il ne faut les ignorer ainsi que des corrupteurs à différentes dimensions. Il affirme que nous avons sans nous rendre compte implémenter la culture du détournement et de la corruption. « Nous avons choisi de garder un Tchad émietté, juste un semblant de République où on a un chef d'État, des policiers, etc. Malheureusement, ces policiers ne sont pas là pour les raisons d'État, pour sauvegarder les biens et les personnes. Ils sont, peut-être, là pour défendre un régime. Et ainsi on ne fera jamais ce que tout le monde souhaite, ce que tout le monde veut, un Tchad uni et où il est bon de vivre » ,lâche M. Seitchi.
Un leadership consacré manque au Tchad
L'opérateur économique affirme qu'ensemble, nous sommes le socle qui fait l'État. Ce qui manque au Tchad c'est un leadership consacré, assure-t-il. À son avis, « un leadership c'est tout un attelage, une construction verticale et horizontale qui fait que les uns et les autres veillent au développement dans tous les domaines ». Les forces doivent être unies pour créer et produire afin que la richesse soit globale, déclare M. Seitchi.
Ali Abbas n'est pas un adepte de la vision de la Banque Mondiale (BM). Pour lui, l'institution de Breton Wood est très mal placée pour accompagner un pays. À son avis, elle est tenue par de grandes puissances occidentales. L'Occident n'est pas un enfant de chœur, de l'Afrique, il ne regarde que ces ressources naturelles, dit-il. Afin d'illustrer son propos, Seitchi, soutient que la Chine Taiwan à un moment précis avait refusé les dons des Occidentaux pour se battre seule. Aujourd'hui ils n'ont rien à envier des occidentaux note-t-il. « Quelqu'un qui se laisse accompagner comme un pauvre ne sera jamais riche. Mieux vaut frustrer quelqu'un pour le pousser à se chercher que de le maintenir dans la dépendance. Il faut trouver le moyen de s'autosuffire », argue M. Seitchi.
La BM accompagne les régimes afin de les tenir assujettis pour leur produire des matières premières dit-il. D'après lui, si la BM soulève qu'il faut mettre l'économie du Tchad à jour, c'est une alerte. « Ce qui est dommage, le secteur privé est écarté, mais qu'est-ce qu'un secteur privé sans État ? C'est la capacité de l'État à porter la situation macroéconomique qui crée une dynamique dans le secteur privé. Exemple aux États-Unis c'est le secteur privé qui est le plus riche, mais avec une organisation étatique forte », explique Ali Abbas.
Pour M. Seitchi, en Afrique nous marchons au rythme d'un individu, demain s'il n'est pas là, on ne sait pas où est-ce qu'on va. « Je crois que la BM doit construire une coopération multilatérale avec le Tchad sur la base d'un attelage public-privé. Je refuse qu'on remette mon sort à un individu ou à un système. Les Tchadiens doivent se battre pour que le Tchad soit bien », lance-t-il. Touchant le point politique, il affirme qu'il faut aller vers ceux qui gouvernent et leur dire ce qui est bon et ce qui n'est pas bon et pas les combattre. Personne n'est plus futé qu'une autre à son avis. « C'est notre pays et nous devons changer notre façon de travailler, apporter des critiques positives et constructives », affirme M. Seitchi.
Pr Avockssouma Djona relève que la question nord-sud est un faux problème au Tchad. Ce sont des choses créées de toute pièce pour diviser les Tchadiens poursuit-il. « C'est ce qu'on appelle la politique diviser pour régner. Même le problème agriculteurs-éleveurs est une instrumentalisation des politiques. Le 20 août 2020, le Maréchal du Tchad m’a donné la bonne définition de l'éleveur. Il était à Koumra et a fait venir tous les gouverneurs et les généraux du pays. Il leur avait dit ceci : vous arrêtez de pratiquer l'élevage ou bien vous déposez vos tenues. Voilà les vrais éleveurs et impuissants de résoudre cette épineuse question », dit l'enseignant-chercheur. Il regrette que les tueries suite aux conflits intercommunautaires et agriculteurs-éleveurs persistent. Un pays, dit-il, c'est quelque chose qui se construit, mais qui se détruit également. Et cela par rapport à l'action que chacun de nous peut poser, selon lui. Un pays se détruit vite lorsque les politiques, principaux acteurs ne posent pas de bons actes, selon Avocsksouma Djona. Il précise que c'est depuis 62 ans que les Tchadiens vivent ensemble.
Pour parler économie, le Pr affirme que fondamentalement, le Tchad est l'un des pays le plus riche du monde. Il soutient qu’il y a de l'eau souterraine en quantité, la plus importante au monde et que le sable su pays faire vivre l'ensemble de l'écosystème international. « Le système solaire fonctionne à bas du sable, avec le sable on peut fabriquer des verres. Nous avons plus de 200 millions de têtes de bétail, nous avons du diamant, de l'or, du pétrole, du zinc, etc. les potentiels économiques ne trompent pas. Il suffit d'un bon leadership et le Tchad se serait développé », persiste l'enseignant-chercheur.
À son avis, si le mal est politique, il faut trouver de solutions politiques en menant des actions politiques. Le problème du Tchad n'est pas une question de religion moins encore de région, nord-sud. Le mal tchadien est lié à la mal-gouvernance entretenue par des gens qui n'aiment pas ce pays insiste-t-il. « 80% des charges de santé publique sont supportées par des dettes publiques internationales. Le système éducatif est par terre, rien à faire. Après tout, tout se paie ici-bas », conclut-il sur un ton amer.
Moyalbaye Nadjasna