Le traditionnel délestage de l’électricité par la Société nationale d’électricité (SNE) est toujours d’actualité. Une situation qui accable les N’Djamenois et est presque sans solution, du moins pour l’instant. Dr Adoum Kriga, enseignant chercheur Maître Assistant en Génie électrique à la Faculté des Sciences Exactes de Farcha, à Université de N’Djamena-Tchad, estime qu’une meilleure planification des délestages par la SNE pourrait soulager un tant soit peu la population. Le ministre tchadien de pétrole Ndjerassem LeBemadjiel affirme que des mesures en cours sont prises pour régler cette situation intenable pour la ville de N’Djamena et les autres villes. Reportage.
Les délestages de ces derniers jours sont effrayants. Selon Dr Adoum Kriga, Enseignant chercheur Maître assistant en Génie électrique à la Faculté de Sciences Exactes de Farcha, Université de N’Djaména-Tchad, ce problème de délestage est dû à l’insuffisance des moyens de production de l’énergie. Il évoque l’incapacité actuelle des centrales électriques (Djambal-barh, Farcha et Djermaya) de la SNE d’alimenter la ville de N’Djamena. À son avis, ces trois centrales sont interconnectées pour alimenter la ville, mais les problèmes ont commencé depuis 2017. Il soutient qu’une compagnie a quitté le groupe et du coup une dizaine à vingtaine de mégas a disparu du réseau. Depuis lors dit Dr Adoum, il est difficile de se rattraper. La ville, poursuit-il, a une croissance moyenne de 2 Mégas watt par an et de 2017 jusqu’à maintenant, un besoin d’une dizaine de MGW s’est exprimé. Et cela, dit-il, en dehors de ce qu’on avait auparavant. « Avec ce qu’ils ont, ce n’est pas possible d’alimenter toute la ville surtout en période de chaleur. En période de chaleur, globalement le rendement baisse qu’il soit un être humain ou une machine. En période de froid, il y a moins d’agressions. Les machines qui travaillent à 90% ou 100% chutent », explique l’universitaire. Il déduit qu’effectivement, la SNE fait de délestage pour éviter d’esquinter ses machines.
En guise de solutions, le Maître Assistant en Génie électrique précise qu’à l’instant ‘’T’’, la SNE doit bien planifier le délestage afin de ne pas frustrer la population. Mais dire que la SNE satisfait ses clients à 100 % actuellement, Dr Adoum insiste en disant que c’est impossible. Autres solutions à court terme l’enseignant chercheur estime qu’il faudrait augmenter d’autres unités de production. Il précise que les centrales de Djambalbarh et de Farcha fonctionnent sur la base de l’énergie fossile. À Djermaya, ajoute-t-il, c’est à base de gaz et mazout (huile lourd). À moyen terme, il propose la construction d’autres centrales, mais à base de l’énergie fossile ou d’énergies renouvelables. « Je pense qu’il faut penser à changer la source d’énergie en utilisant le solaire, l’éolienne (Amdjaras, par exemple un site expérimental est déjà en essai. On pourrait expérimenter d’autres sites à travers le pays). L’expérience solaire, le Tchad est bien indiqué. Le projet solaire peine à démarrer, mais ça peut suppléer aux traditionnelles centrales. », dit le Maître Assistant.
État des lieux
Pour le nouveau ministre tchadien du Pétrole et de l’Énergie Djerassem Le Bemadjiel, cela fait 6 ans que le Tchad a réussi le pari de la permanence de fourniture d’électricité. Mais actuellement, dit-il, la situation s’est dégradée à cause de l’augmentation des besoins et bien d’autres causes connexes. Il assure que son département a fait un état des lieux et des solutions sont en cours d’exécutions pour régler définitivement cet épineux problème d’accès à l’électricité. « L’accès à l’électricité ne doit pas être un luxe, mais c’est plutôt un droit humain et vous êtes dans votre droit de demander des actions immédiates et pérennes qui régleront définitivement ce problème. Je peux vous rassurer que la volonté politique y est et rien n’empêchera de régler cette situation définitivement », a rassuré le ministre sur sa page Facebook.
À son avis, il faut une capacité de production de 120 MW pour qu’il n’y ait pas de délestage. Pour l’instant a dit M. Le Bemadjiel, la capacité totale de production disponible pour la ville de N’DJAMÉNA est de 90 MW. « Sur ces 90 MW la dotation en carburant ne permettait de démarrer que 70 MW. Nous avons porté la situation à l’attention du président du Conseil militaire de transition (PCMT) qui a immédiatement approuvé l’approvisionnement supplémentaire de 3 citernes de gasoil par jour. On arrive donc aujourd’hui à produire la totalité des 90 MW. Toute la capacité de production de la ville de N’DJAMÉNA est mobilisée, mais il manque 30 MW pour couvrir la ville d’où ces délestage que nous avons actuellement », a souligné le ministre. Ce n’est plus le manque de carburant, mais plutôt le dépassement des capacités production existantes.
D’après le ministre, le PCMT a aussi approuvé la construction sur fonds propres d’une centrale photovoltaïque de 50 MW dans les 6 mois à venir. Dans le cours et moyen terme, il faut augmenter de 5% minimum par an la capacité de production de la SNE, a souligné M. Le Bemadjiel. À long terme, il a énoncé qu’il faut remplacer le gasoil comme carburant par le fioul lourd moins onéreux et l’intégration massive des énergies renouvelables. « Plusieurs projets basés sur le photovoltaïque sont en cours avec des partenaires étrangers sérieux. L’Objectif actuel c’est non seulement de couvrir le besoin des ménages, mais également de couvrir le besoin futur des industriels », a affirmé le ministre.
Dans un communiqué de presse de la Banque Mondiale signé à Washington le 24 mars 2022, « le taux d'accès à l'électricité du Tchad est l’un des plus bas au monde à 6,4 % contre une moyenne de 48 % en Afrique subsaharienne. » Un Plan d'Urgence d’Accès à l'Électricité (PUAE) a été mis en place par le gouvernement du Tchad. Le document a précisé que ce projet vise à atteindre un taux d'accès à l’électricité de 53 % d'ici 2030.
Moyalbaye Nadjasna