Le système éducatif tchadien est resté longtemps sans disposer de curricula nationaux, l’Éducation nationale utilisait les curricula qui ne correspondent pas forcément aux réalités socioculturelles et éducatives du pays. Selon Dr Aboubakar Ali Koré, Directeur général du Centre national des Curricula (CNC) c’était une erreur grave du gouvernement tchadien, car les curricula constituent les piliers du système éducatif. Le savoir littéraires doit être identifié et sélectionné. L’État tchadien en 2002 a essayé de rattraper ce retard en créant ce centre pédagogique. Reportage.
Le Centre national des curricula est investi d’une mission d’élaboration et d’expérimentation de nouveaux curricula ou programmes scolaires. Le CNC depuis 2018 produit des manuels scolaires grâce à sa nouvelle salle d’imprimerie. Il imprime des manuels scolaires pour les 3 ordres d’enseignement notamment, le premier, le moyen et le secondaire.
Selon M. Aboubakar Ali Korei, DG du CNC, produire de manuels scolaires est un chantier complexe, mais aussi coûteux. Cela nécessite des efforts supplémentaires, car le nombre des élèves augmente, dit-il. « De nos jours on peut supposer à 3millions d’élèves en cycle primaire. Le Tchad est un pays bilingue qui nécessite l’effort en double. Par exemple si on a besoin d’1 million de manuels en français il forcement il faut produire 2millions en français et arabe. S’il faut cinq (05) matières en première, il faut 10 livres par élèves et si on a 3millions d’élèves, il faut 10 fois trois », explique le pédagogue. Selon le technicien un autre problème, c’est que le Tchad est un pays enclavé et l’importation des manuels scolaires revient chers. Il signifie qu’heureusement le Tchad arrive à s’en sortir grâce au soutien des partenaires. C’est dommages dit-il, de voir toujours les élèves et les enseignants dans les méthodes classiques, copier au tableau. Seulement le pédagogue déplore que cela affecte la qualité d’éducation.
Le souci aujourd’hui selon lui, c’est de donner à temps les manuels scolaires aux élèves et les guides pédagogiques aux enseignants. Il reconnaît tout de même les efforts consentis, mais il remarque que les objectifs ne sont pas encore atteints. M. Aboubakar Ali Korei affirme que les conditions ne sont pas réunies, la preuve, nombre d’écoles publiques et privées fonctionnent sans manuels scolaires. La question d’insuffisance d’enseignants qualifiés demeure un véritable enjeu pour la qualité de l’enseignement au Tchad, dit-il.
Pour le DG du CNC, les pédagogues et les experts nationaux font un travail remarquable. C’est, dit-il, parce que le Tchad produit ses propres programmes scolaires et c’est cela qui permet de suivre le rythme scolaire. « Nous avons une imprimerie de grande capacité offerte par le gouvernement turc. Mais ces machines nécessitent des consommables et d’autres produits avant que les manuels ne sortent. Maintenant, difficile à dire, mais il n’y a pas un fonds vraiment dédié pour assurer un fonctionnement à merveille de l’imprimerie », dit le pédagogue. Il soutient que les techniciens bien formés sont très disponibles et continuent à se perfectionner, mais les moyens font défaut. Il indique qu’il suffit que le gouvernement mette des moyens conséquents et les manuels scolaires vont être produits en quantité et à temps pour être mis à la disposition des élèves. « Nous sommes devant plusieurs challenges, de complications et de retards et d’incompréhensions. Chacun tire la ficelle de son coté et les perdants sont les élèves, mais le système éducatif en prend aussi un coup sérieux. Le seul problème, c’est la liquidation de budget de fonctionnement qui nous dépasse actuellement », déclare M. Aboubakar Ali Korei. Nous sommes aujourd’hui en face de curricula flexibles dit-il.
Méthode ACP où méthode Syllabique ?
Le DG du CNC rappelle que le Tchad a adopté la méthodologie d’Approche par les compétences (APC) au détriment de l’ancienne méthode qui est syllabique. D’après lui, la méthode ACP est certes interactive appelée aussi méthode de la pédagogie active. La seule différence c’est que dans la méthode syllabique, l’enseignant détient le monopole du savoir or l’ACP signifie partager la responsabilité entre enseignant et élèves. « Seulement nous déplorons le nombre pléthorique d’élèves que les enseignants gèrent. Normalement il faut 25 à 45 élèves par classe pour que les enseignants fassent un bon suivi. Mais c’est compliqué devant 100 à 120 élèves dans une seule salle, les enseignants n’arrivent plus à les connaître », dit M. Aboubakar Ali Korei. Il désapprouve le manque des matériels didactiques, des structures d’accueil, etc. Il estime que les conditions au Tchad ne sont pas réunies et peu favorables à la méthode ACP. C’est pourquoi, retient-il, nous sommes bloqués entre les réalités et le choix luxe que nous avons fait. Cela nécessite une réflexion. « Nous avons de textes comme, la loi 16, les forums sur le système éducatif, les états généraux de l’Éducation nationale, le rapport d’enquête parlementaire sur l’Éducation, tous dans les tiroirs », constate-t-il.
À propos de la baisse de niveau, le DG du CNC dit qu’à son avis, il faut nuancer. Ce qu’il faut faire, dit-il, c’est une évaluation nationale pour diagnostiquer le mal. Il reconnaît que l’État mets de moyens dans l’Éducation, mais seulement le résultat n’est pas satisfaisant. Pour lui, si on ne forme pas des enseignants, on ne construit pas des infrastructures scolaires adéquates, il y a un problème quelque part. « je crois que les schémas sont là, il faut les mettre en œuvre. Il faut vraiment que chacun travaille très consciencieusement pour remettre l’Éducation nationale en marche.
Moyalbaye Nadjasna