Dans la capitale tchadienne, certains enfants sont privés de leur droit à l’éducation. Ils parcourent des kilomètres par jour pour mendier. Ils tendent la sébile pour recevoir de la petite monnaie et les restants de repas. Ils se poste souvent se poster devant les ministères, les grandes institutions, les hôpitaux et les marchés pour demander de l’aumône. Les plus petits du groupe sont censés suivre les instructions des plus grands. Reportage.
Pendant que les autres enfants de leur âge sont à l’école, elles sont ailleurs. Elles, ce sont Fatimé Zara et Nana Abdoulaye. Deux petites filles âgées respectivement entre 6 et 8 ans. Ces deux enfants font partie d’une équipe de 6 personnes qui mendient dans les rues de la capitale tchadienne, N’Djamena. Elles quittent leur quartier en parcourant quelques kilomètres à pied sous le soleil ardent à la recherche des endroits stratégiques pour mendier. À chaque arrêt des automobilistes ou motocyclistes, les tout petits courent sous l’instruction des plus grands pour aller solliciter la générosité des adultes. Ils ciblent aussi quelques passants et boutiquiers pour quémander des pièces de monnaie. Quelques fois, ces enfants sont agressifs. Ils agrippent les passants par leurs vêtements. Rencontrés, ils nous racontent leur quotidien. « Ce sont nos parents qui nous ont envoyé mendier. Nous parcourons beaucoup de quartiers à la recherche des endroits où il y a suffisamment de monde pour mendier. C’est dans l’après-midi que nous rentrons chez nous. », dit Nana.
Zara et Nana quittent le quartier Ridina pour venir au grand marché mendier. Selon elles, elles n’ont jamais mis pied à l’école. « Tôt le matin, nous venons à l’école coranique. C’est après l’école coranique que nous prenons le chemin des marchés publics », soutiennent-elles. De leur avis, leurs parents mèneraient de leur côté, des activités génératrices de revenus au marché à mil.
Pour madame Togyegnar Solial, jeune mère de 4 enfants, une môme est un don précieux que Dieu donne. Pour elle, la venue d’un enfant dans la famille est un grand évènement qui rend heureux. « Pour cela, il faut réunir toutes les conditions pour qu’il vive bien », ajoute-t-elle. Selon Mme Solial, l’enfant est la seule personne qu’on va désigner demain au nom des parents. Et donc il faut en prendre bien soin afin qu’il représente dignement les parents. « Il est inconcevable que certains parents envoient leurs enfants mendier au lieu de les envoyer à l’école. L’école est la seule clé de la vie. L’enfant qui n’a pas été à l’école est un danger pour l’avenir ».
Pour Maître Yannick Djimotoum Yonoudjim, avocat au barreau du Tchad, l’enfant est d’abord le fruit de ses parents. Selon lui, les parents ont l’obligation d’assurer ses droits fondamentaux : l’alimentation, le logement, la santé, l’éducation et l’habillement. Il affirment que les parents ont le devoir leurs enfants à respecter les valeurs de la société et les symboles de la République. « L’éducation fait partie des droits fondamentaux de l’Homme et consacrés dans les instruments juridiques internationaux que le Tchad a ratifiés », dit-il. Il souligne que les normes internationales ont introduit le concept d’intérêt supérieur de l’enfant. C’est-à-dire que ces traités consacrent l'enfant comme un sujet de droit et non un objet de droit comme il était avant.
Pour Me Yannick Djimotoum, l’article 28 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant indique que chaque enfant a droit à l'éducation et à des possibilités d'apprentissage de qualité. Il ajoute que l’article 2 de la même convention dispose que « les États partis s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation ». Pour l’avocat en plus de ces normes internationales, la constitution du Tchad garantit le droit et la gratuité de l’éducation pour tout enfant tchadien. Il déplore que dans la pratique, l’éducation ne soit pas gratuite au Tchad. « Les infractions liées aux comportements des parents qui exploitent leurs enfants et refusent de les envoyer à l’école sont régies dans le Code pénal. Toutefois, la législation tchadienne ne dispose pas encore d’une loi spécifique qui protège les enfants des couches vulnérables comme les personnes handicapées par exemple ».
Kouladoum Mireille Modestine