L’Amicale des Tchadiens(nes) est morte. Quelques temps après, sont nées à sa place, deux associations. L’ACTE (Association communautaire tchadienne d’entraide) et l’ARTQ (Association des ressortissants tchadiens du Québec), comme pour signifier qu’est venu le temps des inimitiés pour le sacre de l’absurdité. Paradoxalement, les textes régissant les dites associations sont à saluer mais la réalité est tout autre, car, le clivage Nord/Sud est une vérité patente.
En effet, dans une même communauté plusieurs associations peuvent exister et collaborer mais avec des objectifs différents. Il peut y avoir par exemple : l’association des ingénieurs tchadiens du Canada et du Québec, l’association des aînés (ées) tchadiens du Canada et du Québec etc. D’autres communautés le font. La communauté tchadienne à Montréal n’est ni moins, ni plus intelligente pour le faire. Cependant, compte tenu de notre nombre peu significatif et de notre récente immigration; est-il utile d’avoir deux associations? Qui de surcroît, poursuivent les mêmes objectifs comme l’entraide, l’accueil des nouveaux arrivants etc.
Les esprits extrêmes et malins diront oui. Pour notre part c’est non. Le hic, est que ces deux associations ont colporté ici à Montréal, nos idioties Nord/Sud, musulmans/chrétiens, une manière de confirmer que nordistes et sudistes ne peuvent réussir à faire des choses ensemble. Ce qui est faux. Il est donc clair que dans ces deux associations la majorité des nordistes se sont retrouvés d’un côté dans l’ARTQ, et la plupart des sudistes de l’autre côté dans l’ACTE. Et, du coup, c’est la hantise et les rancœurs éternelles. Pourtant, tous les sudistes ne sont pas chrétiens et tous les nordistes ne sont pas musulmans. Où peut-on placer les adeptes des religions africaines? Les agnostiques? Les hâtés? Etc. Qui entre ces « militants de la méfiance » a choisi où naître? Qui a choisi sa famille? Sa région? Sinon le mystère de la Nature et de la puissance divine, décidèrent où chacun devrait voir le jour. Partout, il y a un Nord, un Sud, un Est, un Ouest, un Centre, un Haut et un Bas. Mais il semble qu’au Tchad il y a seulement un Nord et un Sud. Deux blocs monolithiques, uniformes qui se disputent jusqu’à l’étranger un gâteau qui n’existe que dans le fantasme imaginaire de deux camps. L’ironie dans tout cela, est que, ceux qui s’étaient disputer le gâteau ont longtemps fait la paix et profitent aujourd’hui de la vie au nez et à la barbe de tous. Les belligérants de jadis, se consacrent présentement à éduquer leurs enfants, leurs proches immédiats, certainement dans le but de pérenniser leur suprématie sur le Tchad où l’anarchie, l’impunité, l’injustice et l’insécurité sont devenues les poutres soutenant leur système, et où seuls ceux-ci s’y reconnaissent et s’y plaisent allégrement les poches et les bouches pleines.
De plus, certains de ces « militants de la méfiance », se pavanent de part et d’autres, le torse bombé, claironnant à qui veut l’entendre le montant de la caisse de l’une ou l’autre association; et les succès ou les difficultés du frère ennemi. Lorsque l’on imagine, que certains d’entre eux seront appelés, peut-être demain, à représenter les intérêts de leur pays où ils œuvreront ; vont-ils travailler sans discriminer ? Ne créeront ils pas de la méfiance ? Ne réprimanderont-ils pas, ceux qui ne sont pas de leur région ? De leur village ? De leur famille ? De leur quartier ?
Le plus troublant dans ces deux associations, c’est qu’elles insèrent, ici et là, quelques vieilles amitiés ou connaissances, méridionales ou septentrionales; une pirouette pour se dédouaner la conscience. Et de répondre : « non, il y a des nordistes et des musulmans chez nous. Il y a des sudistes et des chrétiens également chez nous.» Quelle schizophrénie collective!
Les plus malheureux dans cette triste aventure, ce sont les familles mixtes. C’est à dire marié à un ou une sudiste, vise versa; ou encore les enfants issues de telles unions. Ils sont soit obligés de se tenir à l’écart, soit choisir entre le cœur et les tripes. Ou bien encore, satisfaire les deux associations en s’impliquant. Le fait même qu'elles (associations) existent, pousse au choix. Personne n’a le droit, d’obliger de façon aussi subtile l’autre à choisir entre son père ou sa mère. Quel gâchis! Quelle bigoterie!
Où sont passés ces aînés, ces mères et ces pères de familles, ceux qui, comme dirait Amadou Hampâté Bah, ont l’expérience de « l’École de la Vie ». C’est eux qui en principe, devaient guider les pas de la communauté et conseiller son esprit. Hélas, ils préfèrent garder le silence ou tirer les ficelles de part et d’autre. Sommes-nous maudits ou habités par tous les démons du mal? Nous n’y croyons pas. Car, nous sommes une communauté normale, avec sa réalité et sa fiction, sa part de gentillesse et de méchanceté, d’altruisme et d’égoïsme, de vérité et de mensonge, ses hauts et ses bas, ses hypocrisies et ses franchises. Rien d’anormal.
Toutefois, il n’est jamais trop tard. Il faudrait que le débat se fasse. Que le dialogue sincère, s’amorce. Que les langues se délient et dénoncent cette aberration. Que les querelles personnelles entre compatriotes ne prennent pas le pas sur l’intérêt communautaire. Que les jeunes dans les dites associations, militent pour un rapprochement et rejettent le statut quo.
Nous estimons sans aucune prétention, qu’une solution mitoyenne existe. Elle pourra permettre de sauver la face de tous. Cette solution consiste à créer une Superstructure qui coiffera les deux entités. Appelons celle-ci, par exemple : Fédération des associations tchadiennes. Il n’est pas question ici de dissoudre l’une ou l’autre association. Elles continueront d’exister et d’évoluer de manière autonome. Les membres dirigeants seront désignés, de part et d’autre. Ils organiseront ensemble des activités festives, de retrouvailles, d’entraides, de solidarité, de deuil et surtout d’accueil aux nouveaux arrivants. Après cela, les choses humaines reprendront le dessus. Et, c’est seulement à ce moment qu’une fusion peut être envisageable. Il est temps que les responsables de deux associations jettent les bases d’un dialogue et d’une écoute sincère des uns et des autres. Faisons-le, non pas pour nos ego mais pour nos enfants ici en Amérique et pour notre petite histoire sur cette Terre, quoiqu’on dise, si accueillante. Que cette dernière nous inspire et adoucisse nos cœurs.
Par Bakary, Mana Bello