Donc Pahimi Padacké Albert (PPA) a composé son gouvernement de transition. Ils sont 30 ministres et 10 secrétaires d’État. Ils vont gérer cette transition. Un gouvernement dans un contexte particulier. Un gouvernement représentatif? etc. Est-ce un gouvernement de crise? Il donne l’impression de la continuité de l’ex-régime. Pourquoi?
D’abord pour « l’union sacrée » chère au Premier ministre PPA, il faudra attendre. Ce n’est pas un gouvernement de crise. C’est un gouvernement ordinaire en temps de crise. En tout cas avec cette équipe la crise risque de s’éterniser. De se transformer en quelque chose d’autre, de plus grave, enfin peut-être. C’est un gouvernement qui œuvrera, peut-être, pour que dialogue s’enclenche. Pas plus. Mais pour l’instant c’est du « plus ça change, plus c’est pareil ». Les Tchadiens ont le sentiment d’un éternel recommencement. Un gouvernement dit de transition qui reprend presque les mêmes. Oublie la société civile. Fait quelques rafistolages. Rajoute un nouveau visage. Retire un autre. Et se retrouve avec une bande de copains, des vieux copains des gros vieux parti, d’anciens alliés, des nouveaux alliés et d’ex-alliés. Rien n’est calibré. Ni équilibré. Que pourra faire un tel gouvernement sous l’œil de la junte? Pas grand-chose. Les Tchadiens attendaient un gouvernement de large ouverture et de mission. Ils ont un gouvernement mi-figue, mi-raisin. Et pourtant le moment est grave.
Aussi, quelles sont les figures importantes de ce gouvernement? Crédibles. Influents. Rassurants. Pas grand monde. Il y a Acheikh Ibni Oumar (AIO). Un homme désintéressé peut-être. Un homme qui n’aime pas faire beaucoup des vagues. Il est prêt à rendre encore service à son pays, mais s’il n’est pas bien entouré, il sera submergé, avalé par les vagues, les remous et les frustrations. Il est peut-être à sa place, mais il aurait été plus efficace comme Premier ministre que PPA. En propulsant Acheikh à la tête de ce ministère, la junte lui demande de repartir parler avec ses anciens amis qui le raillaient lors de son retour au pays. Mission difficile, mais pas impossible. Il a les épaules larges pour mener à bien cette mission. Il doit bien s’entourer et exiger d’avoir les mains libres.
Ensuite, la surprise est l’entrée du secrétaire général du parti pour les libertés et le Développement (PLD) Mahamat Ahmat Alhabbo. C’est une grande figure qui a quitté le gouvernement il y a 20 ans. Il dirigera le ministère de la Justice. Un département sensible et discrédité depuis longtemps. La tâche sera difficile, mais Alhabbo est bien à la hauteur de la responsabilité. C’est un homme exigeant qui pourra bien remettre de l’ordre. Son entrée au gouvernement est un sacrifice pour influencer positivement la transition.
L’Union nationale pour le développement et le renouveau (Undr) a 2 postes ministériels. Son chef Saleh Kebzabo n’y figure pas. Il n’a pas non plus fait entrer des poids lourds de son parti comme les Azocksouma Djona et les Célestin Topona. L’opposant historique se ménage-t-il pour les échéances prochaines? Certainement. Il a déjà adoubé à demi-mot le Conseil Militaire de la Transition (CMT). Il accepte que son parti soit dans l’action gouvernementale tout en restant sur ses gardes. Kebzabo fait son « en même temps » et ses calculs politiques.
Enfin, la grande absente est la société civile. Cette omission ou refus est une faute. PPA devait en principe faire des efforts pour rallier une ou deux grandes figures telles que Barka Michel, Mahamat Nour Ibedou ou encore Max Lolngar. Il est vrai que ce sont des durs à cuire, mais le gouvernement aurait gagné en crédibilité et serait un peu plus dans la voie de l’union sacrée. L’autre grand absent est le clivant jeune leader Succès Masra et les Transformateurs. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste Succès Masra a fait bouger les lignes. Il a su malgré les reproches des uns et des autres rester sur sa ligne. D’ailleurs lui et sa troupe n’ont aucun intérêt à aller servir de caution aux mêmes qui depuis plus 30 ans se partagent le pouvoir. Un refus qui risque peut-être de leur jouer des tours dans une prochaine élection nationale. Tous les calculs des uns et des autres est une vieille façon de faire de la politique. C’est cela qui donne le sentiment à la majorité des Tchadiens d’être dans un éternel recommencement.
Bello Bakary Mana