Le souci de l’excellence de la fonction publique tchadienne est la raison fondamentale de la création de l’École Nationale d’Administration (ENA) au Tchad. L’ENA est l’une des grandes Écoles publiques de formation professionnelle installée à N’Djamena, capitale tchadienne. Ialtchad Presse est allé à la redécouverte de cette prestigieuse école de la République. Reportage.
Il était 14heures passée à notre arrivée à l’École Nationale d’Administration (ENA) au quartier Ardep-djoumal, non loin de l’Université de N’Djamena et du Centre d’Étude et de Formation pour le Développement (CEFOD). Nous passons la guérite, un gendarme et agent de sécurité montent la garde. C’est l’heure de déjeuner au Tchad, l’ambiance est détenue sous les hangars « boucarous ». Un petit et joli monument « ENA », sigle de l’École, ne laisse pas indifférent tout visiteur. En face se dresse le bâtiment principal contenant l’administration, les salles de classe, un amphithéâtre, et une bibliothèque.
Selon l’Administration, le Tchad s’est doté dès le 20 mai 1963, d’une École Nationale d’Administration (ENA). Le souci pour les autorités de l’époque est de permettre au jeune État tchadien, d’abord de former des cadres pour remplacer progressivement les administrateurs coloniaux. Ensuite, dynamiser la fonction publique en formant des fonctionnaires de haut niveau dans plusieurs domaines. Selon les responsables, plus de 2500 cadres ont été formés. Et depuis sa création, ce sont 17 Directeurs généraux qui ont dirigé cette institution. Le Français Bernard Lanne était le premier Directeur de 1963 à 1975. L’ENA a 4 directions techniques et une Agence Comptable. Il s’agit entre autres de : la Direction de la Formation initiale et des Stages, la Direction de la Formation continue, du Perfectionnement et de la Promotion du Bilinguisme, la Direction du Partenariat et de la Coopération internationale, la Direction des Études Administratives, Territoriales et de la Recherche Appliquée.
Le dix-huitième est l’actuel Directeur général, M. Sénoussi Hassana Abdoulaye, en poste depuis 2018. « L’ENA depuis sa création a connu plusieurs réformes institutionnelles et administratives majeures », expliquent les responsables. La première réforme date de 1986. Elle portait sur le changement la dénomination. De l’ENA, l’école est passée à l’ENAM (École Nationale d’Administration et de Magistrature), une filière judiciaire était ouverte était rajoutée. En 2014, c’est la 2ème réforme pour revenir à l’ancienne dénomination « École Nationale d’Administration » en abrégé ENA. « Il faut aussi rappeler que dix-sept (17) promotions sont sorties de l’ENA depuis 1986. La dix-huitième promotion est encore en cours de formation. L’intérêt de ces différentes réformes, c’est d’adapter l’offre de formation aux nouvelles exigences en matière de management public », affirme l’administration.
Sénoussi Hassana Abdoulaye, Directeur général de l’ENA, n’est pas nommé seul à la tête de cette institution. Il est venu avec une équipe de cadres hautement qualifiés. « Nous avons élaboré un plan d’action triennal (2018-2021). Ce plan définit une stratégie de refondation de l’ENA qui était en grande difficulté à l’époque », dit-il. Selon lui, la refondation envisagée par son staff, a commencé par la modernisation des systèmes d’enseignement à l’ENA, la révision des curricula au premier et second cycle s’inspirant du système de Licence-Master-Doctorat (LMD). La réfection et l’équipement multimédia des salles, le respect strict des textes régissant l’entrée des élèves à l’ENA et la sélection rigoureuse des enseignants de formations universitaires spécialisés dans le domaine de l’Administration publique, a-t-il précisé.
Des innovations…
Selon le DG de l’ENA, son équipe a mis en place les grands rendez-vous de l’ENA (conférences-débats). Cet espace a déjà accueilli le Président de la République, l’ancien Premier ministre français, Dominique de Villepin, le Président de l’Assemblée nationale, le Gouverneur de la BEAC et bien d’autres éminentes personnalités, informe-t-il. « Pour maintenir la continuité pédagogique de qualité, nous avons organisé pendant l’avènement de la Covid-19, des cours en ligne « e-learning en faveur de nos élèves », a signifié Sénoussi Hassana Abdoulaye. Toujours selon lui, ils ont initié l’Agora de l’ENA, des capsules traitant des thématiques variées diffusées au grand public à travers la télévision nationale et sur les réseaux sociaux.
En termes de projets, le DG compte lancer des formations en ligne en utilisant une plateforme sur le site actif de l’ENA. Il envisage de mettre en place de cycles de formations continues, de courte durée payante destinées à des cadres de l’État. « Je pense aussi à des masters délocalisés à déployer à l’ENA en partenariat avec l’ENA de France ou l’ENAP du Canada », a confié Sénoussi Hassana Abdoulaye. M. Sénoussi envisage multiplier les accès aux ressources numériques à ses élèves et développer l’enseignement bilingue dans le domaine de l’Administration publique. « Le projet ambitieux sur lequel nous réfléchissons en ce moment c’est l’élaboration des deux guides de référence nationale (légistique et de rédaction administrative) et une charte graphique de l’Administration publique », dévoile-t-il d’un air préoccupé par les lacunes de la qualité des textes de l’Administration.
Pour le DG de l’ENA, il y a des enseignants permanents et vacataires à l’ENA. Une partie universitaire et une autre professionnelle, venant de la haute Administration publique. Il y a aussi des anciens ministres et autres hauts fonctionnaires qui interviennent également. Selon lui, l’administration et les élèves sont satisfaits de leurs prestations. Parce que ces formateurs sont recrutés par une commission technique de l’ENA, sur la base de leurs diplômes. D’autres critères sont pris en compte comme, l’expérience professionnelle et l’expérience dans le domaine de l’Enseignement. Leurs syllabus sont conformes aux attentes de l’École et sont évalués à la fin de leur engagement et par l’administration et par les élèves, explique-t-il. Toujours selon le DG, l’ENA est une école d’élite, républicaine, sans discrimination ethnique, sociale, régionale ou confessionnelle. « N’entrent à l’ENA que les meilleurs candidats ayant réussi le concours. Ni plus ni moins. Le dernier concours a été une preuve de transparence des résultats. La composition sociologique des élèves en témoigne. En dehors de ces critères, je n’en connais pas d’autres ayant cours à l’ENA », a précisé Senoussi Hassana Abdoulaye.
Au sujet de la formation militaire des élèves de l’ENA, « les élèves de l’ENA aspirent à occuper des postes de commandement et d’autorité dans l’Administration publique. A ce titre, ils doivent avoir le sens du dévouement et du devoir. C’est pourquoi, il y a la formation militaire pour élever leur conscience citoyenne et patriotique. La formation est obligatoire et fait des élèves de l’ENA à la sortie des officiers de réserve », dit M. Sénoussi.
Toutefois, la prestigieuse école a des de difficultés. Le DG de l’ENA estime qu’il est indécent d’en parler. Et se reprend, « comme vous le savez, elles sont d’ordre financier, mais par rapport à d’autres écoles, l’ENA n’a pas à beaucoup se plaindre».
Moyalbaye Nadjasna