Dans le cadre de l’organisation, du prochain dialogue national inclusif (DNI), le comité technique pour l’organisation du dialogue national inclusif (CODNI), organise depuis le 30 mai dernier, une série de conférences-débats publics. Ce jeudi à l’université Roi Fayçal de N’Djamena, le débat a eu lieu sous le thème « le bilinguisme au Tchad : contraintes et défis ». Reportage.
La salle de conférence de l’université Roi Fayçal est bondée de monde. Plusieurs jeunes composés majoritairement des élèves, étudiants et autres cadres arabophones, mais aussi des francophones sont venus assister à la conférence-débat publique organisée par le CODNI. C’est depuis le 30 mai dernier que cette institution chargée d’organisation du prochain dialogue national inclusif a décidé d’organiser les débats publics pour mieux éclairer la lanterne des citoyens tchadiens sur l’importance du dialogue. Ce jeudi, le débat est accès sur le thème « le bilinguisme au Tchad : contraintes et défis ».
Les 4 panélistes composés des enseignants chercheurs francophones et arabophones ont tour à tour exposé de manière claire et nette ce qu’est le bilinguisme et son intérêt pour un pays comme le nôtre.
Pour l’honorable Bassa Djideingar, le Tchad est bilingue, mais les Tchadiens ne sont pas bilingues. Il souligne que c’est dans l’optique de réorganiser le bilinguisme que l’État a créé le centre national de curricula qui a pour mission de développer les programmes scolaires en français et en arabe. Selon lui, pour réussir il faut repartir au point zéro, c’est-à-dire depuis l’école primaire. Il ajoute qu’il est prévu d’enseigner l’arabe comme langue dans les écoles francophones et le français comme langue dans les écoles arabophones. Il suggère aussi qu’on mette en place un programme de recyclage des cadres tchadiens du privé comme du public, l’apprentissage du français pour les arabophones et de l’arabe pour les francophones. Le député et ancien directeur de planification au ministère de l’Éducation nationale constate que le système mis en place par l’État n’a pas bien fonctionné pour manque de volonté politique. Il estime que les Tchadiens assistent à deux systèmes éducatifs. Pour résoudre le problème de bilinguisme au Tchad, ce dernier souhaite un forum national pour éplucher de manière profonde le problème. Selon lui, il faut dépouiller le bilinguisme dans tous les aspects confessionnels.
Pour Dr Ramatou Houtoin qui expose sur le bilinguisme et l’inclusion sociale, souligne que la langue est un vecteur d’inclusion et cohésion sociale. Elle estime que le pays a choisi le français et l’arabe comme langues officielles parce qu’on a plusieurs dialectes. Sur le plan institutionnel, la chercheuse ajoute que la langue est un facteur d’inclusion et quand elle est mal gérée, elle peut créer des frustrations. Selon elle, le bilinguisme est perçu par un grand nombre des Tchadiens comme une juxtaposition de deux langues. Elle explique que cette façon de faire crée un sentiment de frustration chez les arabophones qui estiment que c’est une mauvaise volonté de l’État d’appliquer et de mettre en œuvre le bilinguisme. Au sujet de l’intégration à la fonction publique, elle ajoute qu’à un moment donné les choses sont faites de telle sorte que la géopolitique a agi et certaines personnes sont intégrées au nom de l’arabe. Pour le Dr Hassabala Mahadi, il y a une confusion entre la langue arabe et la religion. Pour lui beaucoup des jeunes sudistes pensent qu’apprendre l'arabe à l’école, c’est devenir musulman. Pour mettre fin à ce préjugé, le chercheur arabophone suggère qu’il faut faire un travail de fond et de sensibilisation et que l’État devrait chercher des voies et moyens pour la réussite du bilinguisme dans notre pays.
Après l’exposition des 4 panélistes, une série de questions lancent le débat qui a suscité la réaction de plusieurs jeunes arabophones qui pensent que l’État n’a pas assez donné de la place aux arabophones. Durant les échanges, certains arabophones s’exprimaient avec beaucoup de sentiments d’amertume et de frustration.
Jules Doukoundjé