Pour trouver de solutions et lutter contre la mortalité maternelle, néonatale et infantile, le Ministère de la Santé publique et de la Solidarité nationale organise un dialogue national. Cette rencontre qui a réuni les experts, des ONG, les leaders religieux et traditionnels, mais aussi la société civile de toutes les provinces du pays pour débattre sur cette épineuse question. Ce serait l’occasion aussi de dégager des pistes de solutions pour faire basculer ce taux de mortalité trop élevé dans notre pays. Reportage.
La naissance d’un enfant devrait constituer un moment de bonheur. Mais le plus souvent, au Tchad, ce n’est pas toujours le cas pour beaucoup de familles. Or, il n’y a pas de raison pour qu’une femme qui donne la vie perde la sienne pour des complications obstétricales et autres causes. Ni que les enfants soient exposés à un risque de mortalité sur lequel l’on peut agir.
Pour la directrice générale adjointe des ressources, des infrastructures et de l’équipement au Ministère de la Santé publique et de la Solidarité nationale, Mme Ronel Grâce, il n’y a pas un décès qui fait plus mal quand une femme meurt en couche. Selon elle, cette rencontre de 5 jours va permettre de trouver des résolutions pour réduire la mortalité maternelle, néonatale et infantile. Parlant du taux trop élevé au Tchad, elle affirme qu’il y a plusieurs facteurs qui constituent la cause.
D’abord, il y a la cause liée aux 3 retards dus à une prise de décision pour amener une femme enceinte à l’hôpital, les retards liés aux moyens de transport, c’est-à-dire quand une femme est en travail, pour l’amener à l’hôpital, les gens mettent trop de temps pour prendre la décision. Et enfin le 3e retard, c’est à l’hôpital, selon elle, la prise en charge pose problème. La directrice souligne que tous ces retards contribuent au décès de la femme. Mme Ronel Grâce suggère qu’on combatte d’abord ces trois retards et les autres facteurs liés aux hémorragies. Elle estime que ce dialogue va permettre d’identifier les principales causes qui contribuent à la mortalité maternelle, néonatale et infantile. Au sujet de la difficulté d’accéder dans les zones plus reculées en saisons pluvieuses, elle ajoute que le Ministère est en train de faire de plaidoyer pour que le personnel soignant soit motivé, en augmentant leurs primes.
Selon M. Mohamed Touré, chef de projet santé à Expertise France pour le Tchad, les travaux sur la mortalité maternelle sont intéressants, ça arrive à point nommé parce que c’est une problématique qui est réelle et pour laquelle il faut apporter de solutions. M. Touré met plutôt l’accent sur le problème des ressources humaines. Selon lui, les ressources humaines constituent un maillon important dans la prise en charge de la mère et de l’enfant et de la réduction de la mortalité. À propos de sages-femmes, il affirme que si le pays enregistre un taux trop élevé de mortalité, parce qu’il n’y a pas assez de sages-femmes disponibles dans les centres de santé, et ensuite le problème de la formation des sages-femmes. « Une sage-femme bien formée, c’est 30 ans d’exercice de la profession des sages-femmes au cours desquels elle peut accoucher des femmes dans de bonnes conditions et peut naître des enfants dans de bonnes conditions. Par contre une sage-femme mal formée, c’est pendant 30 ans qu’on tue des femmes pendant qu’elles doivent donner la vie », explique Mohamed Touré. Il souhaite qu’on mise sur la formation pour avoir des produits, c’est-à-dire des sages-femmes et les maïeuticiens de qualité.
Dr Clémence Epokno, pédiatre néonatologiste, vient du Cameroun pour assister au dialogue sur la mortalité. Elle exprime sa satisfaction de ce qu’on a invité à ce dialogue les chefs traditionnels. Selon elle, les chefs traditionnels disent ce qui se passe réellement dans les zones rurales, les problèmes que les femmes et les enfants ont dans la communauté. Elle estime que la rencontre permettra au gouvernement et ses partenaires de trouver ensemble des solutions qui tiennent compte de la réalité.
Pour Géneviève Ehono, chargée de programme à l’ONUSIDA, ce dialogue met le doigt sur un problème crucial qui a trait à la mortalité de la mère et de l’enfant et du nouveau-né. Selon elle, le Tchad reste l’un des pays où les indicateurs sont très bas et que le pays est mal vu sur le plan statistique mondial. La chargée de programme de l’ONUSIDA estime que c’est une opportunité de donner la parole à tout le monde. Elle souligne que les débats sont ouverts et transparents, et toutes les personnes qui prennent la parole disent ce qui se passe réellement. « Cela va permettre aux décideurs de voir sur quel levier il faut mettre le doigt pour pouvoir améliorer la condition de la femme et de l’enfant. », dit-elle. Dr Géneviève révèle qu’au Tchad, chaque jour 19 femmes meurent en couche, sans compter les nouveau-nés qui meurent et qu’on n’arrive pas à chiffrer. Elle ajoute que c’est énorme et qu’il faut déclarer une urgence au Tchad. La chargée de programme explique les raisons sont à plusieurs niveaux. D’abord le poids de la tradition, la femme ne décide pas, la communauté et puis le mariage précoce. Elle cite aussi le système d’accès aux soins de santé qui sont loin et les structures de santé ne sont pas bien équipées et le manque des ressources humaines de qualité.
Jules Doukoundjé