La transition tchadienne entre dans son 12e mois. Plus que 6 mois pour arriver au dialogue. Jusqu’à là, rien n’a fondamentalement changé. Le flou comme méthode de gouvernance fait son chemin. Plus ça change, plus c’est pareil. « Mahamat Kaka » doit se débarrasser de cette méthode d’exercice du pouvoir qui va sans doute vers l’abime.
Il cherche à confisquer la transition. Pourquoi ?
Regardez bien les agissements de celui qu’on croyait être un agneau. Il s’est « loup sifié » au fil des jours. Il hameçonne tous ceux qui depuis des années ont entrepris de combattre la fausse démocratie du père Maréchal. À part quelques rares, ils sont tous dans la sauce : le PLD de Mahamat Ahmat Alhabo est dedans, l’Undr de Kebzabo a envoyé des seconds couteaux pour tromper la vigilance des Tchadiens. Wakit Tama a tenté « l’entrisme » cher à un grand roublard de la vie politique. Cette plateforme tente ces derniers jours de se défaire de sa tentation. Étonnement, Les transformateurs se sont tus. Ce silence semble conforter la thèse de ceux qui gravitent autour de la junte. Et qui lâchent toujours ces petites phrases « les Transfos sont dans la sauce avec le retour du blanchi ministre du Pétrole Le Bemadjiel, proche des Transfo. ». Les Transfos transformés? En tout cas, leur ardeur diminuée étonne. Interroge. Mais passons…
Le quotidien des tchadiens aux oubliettes
Parce que les Tchadiens en cette période de ramadan manquent d’eau et d’électricité pour ne pas dire de tout. Manquer d’eau et d’électricité en 2022 et être ignoré par celui qui dit vouloir changer le pays en assurant une transition apaisée n’est pas rassurant. Surtout qu’il a gardé toutes les vilaines méthodes et les vilains copains du vieux système. Même les adversaires d’hier et les alliés d’aujourd’hui sont presque tous confondus : les camelots soi-disant activistes, les opportunistes politiques passent désormais leur temps pour dire aux Tchadiens que Kaka est un gentil. Et que c’est même une chance pour le pays. Les Tchadiens ne veulent ni des gentils ni des veinards, ils veulent des gens sérieux qui ont des solutions pour leur quotidien. Et qui leur donne des gages pour changer profondément ce pays.
Le désordre jusqu’au palais rose
Parce qu’au flou s’est rajouté le désordre administratif partout dans le pays. Même le Palais n’y échappe pas. Ces derniers jours les luttes intestines à la présidence ont connu leurs apogées avec la démission du Directeur de cabinet civil du PCMT. Sa démission en soi n’est pas le problème, mais le spectacle qui s’en est suivi est ahurissant. Le Dircab argumente dans sa lettre de démission comme quoi elle n’est pas un acte politique. C’est plutôt, dit-il, pour des raisons institutionnelles et interpersonnelles. Il enfonce le clou et désigne l’origine de son départ par une certaine « irrationalité administrative » dont le PCMT serait victime. Cette démission est bel et bien un acte politique.
Pour l’argument interpersonnel, tous les regards sont tournés vers le secrétaire particulier du président de la transition. Par ses agissements, il mettrait en péril la transition. Lui. Tout seul serait responsable. Alors que le PCMT serait encore cet innocent agneau que Dieu doit guider dans le bon chemin. Ces arguments sont non seulement infantilisants, mais inexacts. Le secrétaire particulier du PCMT dans la stratégie du flou entretenu par la junte, joue pleinement son rôle. Celui du « méchant » pour que le PCMT s’enracine contre la volonté des Tchadiens.
Enfin, le flou, toujours le flou pour proroger l’échéance des 18 mois. Techniquement, il n’est plus possible de respecter ce délai. Et personne n’est disposé a enduré pour 18 mois supplémentaires, le PCMT, ses amis et ses alliés de circonstance.
Bello Bakary Mana
Le Tchad est en transition politique, mais une grogne sociale d’une grande ampleur couve.
Au même moment, le président de la transition Mahamat Idriss Deby s’est offert une balade dans quelques capitales provinciales promettant monts et merveilles.
Au Parti pour les Libertés et le Développement (PLD), la chicane a gagné les esprits.
D’abord la grogne social qui couve a commencé par se faire sentir. À la Justice et à l’Éducation, le feu roule. A la Santé il rampe. Dans les souks les prix flambent.
Les magistrats étaient les premiers à partir en grève illimitée depuis quelques semaines, mais ni le gouvernement ni le Conseil militaire de transition ne semble mesurer les conséquences de cette grève qui risque de paralyser le pays. Pourtant les magistrats ne demandent pas grand-chose. Ils réclament de travailler en sécurité. Sur ces dossiers il est urgent d’agir.
Ensuite, le Président de la transition s’est offert une balade. Est-il en campagne ? Il a pris goût au pouvoir. Il y a tellement des problèmes à régler que cette campagne est incompréhensible. Partout où il est passé, il a beaucoup promis. Il est sur les pas du Maréchal. La France et son président Emmanuel Macron ont adopté le PCMT. Ils sont étonnement silencieux sur cette transition. Ce n’est pas le cas des Américains. Le sénateur Bob Menendez dans une lettre dénonce le silence de l’administration Biden. Il appelle le président de la transition et les autres membres de ne pas se présenter aux futures échéances électorales. Et parle d’occasion historique pour tourner la page des années de dictature.
Au Parti pour les Libertés et le Développement, c’est la dispute. Une partie des militants avec à leur tête Hicham Ibni Oumar contestent la gouvernance du Secrétaire général, Mahamat Ahmat Alhabo.
Le groupe de Hicham affirme qu’il y a un contentieux. Lequel? Certains militants qui ont battu campagne en 2016 seraient mécontents. Ils ont l’impression d’être méprisés. Aussi, Hicham réclame son investiture comme candidat à la Mairie du 4e arrondissement et sa réintégration comme membre du Comité exécutif du parti.
Des arguments insuffisants et légers selon le parti qui affirme de son côté que le groupe de Hicham méprisent les textes qui régissent le parti. Et croit que le fait d’être fils de, lui donne des privilèges. Au sujet de sa candidature, la réponse fuse en forme de boutade : est-il possible de l’investir lui seul? Il est vrai que les investitures se font dans une période donnée, en groupe et selon la méthode du parti. Avant de solliciter l’investiture, Hicham doit accepter de militer, se faire connaître des militants, de payer ses cotisations, d’assister aux réunions et de se conformer aux textes du parti. Il n’y a pas 56 façons de faire de la politique active. Pour le PLD, la sortie du groupe de Hicham est un non-évènement.
Enfin, l’excursion du président de la transition alors que la grogne sociale est partout dans le pays est tout, sauf responsable.
Bello Bakary Mana
Cela fait 15 jours que la délégation gouvernementale et les politico-militaires se sont retrouvés au Qatar pour un pré-dialogue qui permettra d’aller au grand dialogue national, prévu le 10 mai prochain. Que veulent les politico-militaires? Comment fonctionnent les Qataris? Pourquoi, 2 semaines plus tard, rien de concret n’est sortie?
D’abord, les politico-militaires ne semblent pas comprendre que Doha est une étape où ils posent les conditions de leur participation. Et le cœur de ces conditions est la garantie de leur sécurité. Le reste des leurs revendications devraient en principe se faire lors du grand dialogue. Mais les « politicos » donnent l’impression de ne pas savoir ce qu’ils veulent. Ils ont surtout fait étalage de leur désunion. Résultat, des groupes se sont formés sur des superficielles affinités. Quelles affinités? Guerrières? Idéologiques? En fait, les politico-militaires ne se font pas confiance. Les uns ne considèrent pas les autres. Il y a ceux qui croient dur comme fer que parmi eux, certains rouleraient pour la junte.
Ensuite, la lassitude de ne rien comprendre aux « méthodes quatariennes » a étreint tout le monde. Surtout la délégation gouvernementale qui semble réaliser que les choses sont plus compliquées que cela. Avant d’aller à Doha, le Conseil Militaire de Transition a fait jouer le nombre, imposant des politicos, au nom du dialogue inclusif, dans le jeu de la négociation espérant tirer profit. Arrivé à Doha, c’est une autre réalité qui s’est imposée, celle de la méthode quatarienne. Le négociateur en chef Chérif Mahamat Zène est même parti s’occuper d’autres choses. Bref, les bruits des couloirs en provenance de Doha se résument en une phrase, « rien ne se passe, rien ».
Rien? Pas tout à fait. Les Qataris ont travaillé. Ils ont un projet. Ils ont leur méthode. Leur plan repose sur trois piliers : l’écoute, le temps et le sérieux. Ils sont les maîtres du jeu et de l’horloge. Ils ont l’expérience et les moyens. S’ils ont supporté durant 2 ans les négociations entre les redoutables talibans et les intransigeants Américains, gérer les différends entre les Tchadiens est de la « petite bière ». D’ici à ce que les Qataris démarrent concrètement les négociations, les Tchadiens, gouvernementaux ou « politicos », ne savent pas ce qui les attend. Alors ils attendent, s’ennuient entre les couloirs du luxueux hôtel Rotana et les grandes tours de Doha en s’adonnant aux selfies et aux gawala gawala.
Aussi, la « méthode qatarie » qui consiste à donner du sérieux à la discussion est une bonne chose. Et une chance pour ce pays, même si les participants de deux côtés s’interrogent sur la pertinence de la méthode. Et sur son impact sur le calendrier de la transition. Les Tchadiens doivent prendre conscience que le Tchad a cessé d’être un pays politique au sens noble. Il est depuis la mort du premier président N’Garta Tombalbaye un pays politico-militaire où servir son pays est une tare, mais servir ses amis et son clan est le summum de la réussite.
Enfin, Doha est une occasion pour enterrer définitivement cette culture politico-militaire où les militaires sont militaires en faisant la politique. Et les civils prennent les armes pour faire de la politique. Et cela même s’il faut sursoir sur la date du 10 mai.
Bello Bakary Mana
Tous les yeux et les oreilles des Tchadiens sont orientés vers Doha. Les négociations entre les politico-militaires et la délégation du gouvernement de transition, après deux ajournements, piétinent toujours. Visiblement, il y a du sable dans l’engrenage. Qu’est-ce qui se passe à Doha ?
Côté politico-militaires. Ils sont arrivés à Doha de tous les coins de la planète. Ils étaient nombreux. Pas 52 personnes. 52 délégations au total. Il y a trop des politico-militaires. De toutes les espèces. Il y a une première catégorie : ceux qui ont de combattants sur le terrain ou des résidus de combattants, ceux qui prétendent en avoir, ceux qui étaient et ceux qui veulent l’être. Il y a une deuxième catégorie : les anciens baroudeurs, râleurs, rouleurs et grands usés par l’opposition armée. Il y a une troisième catégorie :les aventuriers, les animateurs des réseaux sociaux, les glaneurs, les grandes gueules, les opportunistes tantôt activistes hors du pays, tantôt rebelles de salon. Les Qataris avaient senti le piège pléthore. Ils tentent de donner du temps à tout ce vilain monde. Ils avaient signifié leur réticence au Conseil militaire de transition (CMT), mais peine perdue. Le piège semble se refermer sur tout le monde. Comment arriver à mettre tout ce monde d’accord?
Oui, il y a du sable dans le démarrage des négociations. Les politico-militaires disent être prêts tout en affirmant, sourire en coin, que le blocage vient de l’entourage du président de la transition qui a dépêché précipitamment de nouvelles personnes pour appuyer la délégation gouvernementale.
Côté gouvernement. Chérif Mahamat Zène, ministre des Affaires étrangères et président du Comité spécial chargé des négociations avec les politico-militaires balaient ses allégations du revers de la main. Il n’y a rien qui bloque selon lui. Les 10 délégués de la partie gouvernementale sont prêts. C’est les « politicos » qui tergiversent. L’ambiance entre les deux parties n’est pas terrible, après les retrouvailles hypocrites et les interminables salamalecs, voici venu le temps de faire face de deux côtés de la table, à la vérité.
L’inconnue à Doha est la méthode qatarie. Les Qataris ont fait beaucoup des efforts pour permettre aux deux parties d’affûter leurs arguments et de s’organiser. Ils n’ont pas l’intention de se laisser mener. Ils concocteraient une sauce imparable dans laquelle tous, délégation gouvernementale et politico-militaires, seront mangés. Comme médiateur, ils ont raison de ne pas vouloir entacher leur crédibilité dans les interminables querelles tchadiennes. Ils veulent imposer leur rythme et leur méthode. Si cela marche, c’est une excellente nouvelle. Et une chance pour le pays d’en finir avec ceux qui croient que le Tchad est un butin de guerre, qu’il soit du côté des politico-militaires comme du gouvernement.
Enfin, toutes ces chicanes augurent des lendemains qui déchantent. Et la montagne Doha accouchera certainement d’une souris.
Bello Bakary Mana
Le pré-dialogue s’est ouvert à Doha, au Qatar, entre le pouvoir et les politico-militaires hier dimanche 13 mars. C’était un vrai souk, il y avait beaucoup du monde. Les travaux sont suspendus après le coup d’éclat du principal groupe rebelle du Front pour l’Alternance et la concorde au Tchad (FACT). On y reviendra dans nos prochaines publications.
L’ex-président Goukouni Weddeye a été viré sans égard de la tête du Comité Technique Spécial chargé de négocier avec les politico-militaires. Un acte qui en dit long sur l’état d’esprit des autorités de la transition. Et qui annonce des lendemains tristes.
Aussi, vous avez tous lu, vu, mais pas décortiqué la composition du nouveau Comité Spécial chargé de négociation avec les politico-militaires. Cette composition est incestueuse voir scandaleuse.
D’abord, le limogeage du président Goukouni Weddeye. Le décret est tombé à 3 jours de l’ouverture des négociations avec les politico-militaires à Doha. Un décret précipité comme un coup de pied d’âne envers l’ex-président. Ce geste confirme que M. Goukouni tenait à diriger les négociations de la manière la plus juste, la plus sincère et la plus inclusive. Celui que tous les Tchadiens s’accordent à lui reconnaître la volonté, la sagesse et la connaissance du milieu politico-militaire est un homme respecté. Il s’est définitivement inscrit dans le registre du rassemblement pour enfin conclure une paix définitive.
Goukouni ne voulait pas se laisser dicter les désirs du Conseil Militaire de transition (CMT), ni sa vision du pré-dialogue. Il s’est tenu droit. A tenu son rang. Président Goukouni reposez-vous, demain vous donnera raison.
Ensuite, le nouveau Comité Spécial chargé de négocier avec les politico-militaires est né en lieu et place du défunt Comité Technique Spécial. Remarquez bien, le mot technique a sauté pour céder la place à une catégorie de tchadiens, plus tchadiens que d’autres. Des gens provenant d’un même groupe ethnique. Ils sont 12 personnes sur les 24 membres, dont 4 généraux. Pire, il y a même un prêcheur religieux. Que fait-il là ? Décidément, les autres Tchadiens ne comptent pas. Surtout les sudistes qui représentent 50% du pays sont oubliés, écartés. Ils sont 3 à y figurer comme des simples « Laoukoura ». La représentativité décorative des sudistes doit cesser. Parce qu’ils représentent bien la moitié de la population. Les Tchadiens n’accepteront plus la tambouille politique entre petits ennemis du jour et grands copains du soir. Doha est définitivement mal parti. Déjà, une cinquantaine de politico-militaires sont présents. La plupart sont des parfaits inconnus. Le CMT a fait pression sur les Qataris pour les inclure.
Enfin, les sudistes doivent prendre toute leur place dans ce pays, pendant et après cette transition. Le CMT doit arrêter sa petite « politique clanique ». Il est minuit moins 5 min pour que ce pays se redresse. Il n’y aura plus des Tchadiens plus Tchadiens que d’autres. Cela suffit.
Bello Bakary Mana
Les accidents des bus voyageurs sur les routes tchadiennes se multiplient. Le dernier a eu lieu sur le tronçon Oum Hadjer-Mangalmé, le dimanche 27 février. Il a été terrifiant par sa violence et le nombre de morts. Le gouvernement doit agir.
Il y a les accidents, mais il y a l’autre gros accident sur la trajectoire politique tumultueuse du pays : la transition politique. Les travaux du grand rendez-vous politique, le dialogue national inclusif semble suspendu à la rencontre des politico-militaires à Doha, au Qatar, le 13 mars prochain.
D’abord, l’accident meurtrier du 27 février dernier. Il a marqué les esprits par la violence du choc frontal entre 2 autobus. Il a aussi marqué les esprits par le nombre élevé des victimes : 39 morts et 49 blessés. La cause de l’accident est la vitesse, mais il y a quelque chose de plus grave, de plus inconscient dans les habitudes du conducteur tchadien : conduire et parler au téléphone. Le gouvernement doit agir au plus vite pour infliger des amendes salées aux contrevenants.
Il doit aussi mettre de l’ordre dans l’industrie du transport interurbain. Les conducteurs sont livrés à la merci du patron. Ils sont quasi payés au rendement. C’est une vraie jungle où seule la règle de la rentabilité compte. Les vies humaines ne comptent pas. Les autorités semblent impuissantes. Par exemple, malgré le retrait de son agrément, l’agence impliquée dans l’accident du 27 février continue à opérer.
Ensuite, la transition politique. Le Comité d’Organisation du Dialogue National Inclusif (CODNI) attend le pré-dialogue de Doha avec les politico-militaires pour continuer ses travaux. Le temps lui, n’attend pas. La transition est à plus de 10 mois. Plus que 8 mois pour tout boucler. Le délai sera-t-il respecté ? Difficile à dire mais tout dépend de Doha. Déjà, les Qataris ont pris contact avec les politico-militaires. Bien avant cela, il y a eu quelques tensions et divergences entre Doha et le Conseil Militaire de Transition (CMT) sur le nombre des participants et sur certaines modalités. Tout semble être rentré dans l’ordre. Les attentes sont très élevées. Doha peut être la clé du succès ou de l’échec du Dialogue National Inclusif (DNI).
Enfin, pour les accidents des bus voyageurs, les autorités doivent prendre des mesures simples et efficaces comme bloquer la vitesse des autobus à 110 km/h. La technologie existe, elle est simple à implanter. Elles doivent aussi strictement interdire le téléphone au volant.
Au sujet du pré-dialogue de Doha, l’attente est immense tant cette rencontre semble être celle de la dernière chance pour le Tchad. Si Doha échoue, le dialogue inclusif sera vraisemblablement un échec. Et le pays risque de sombrer dans l’incertitude.
Kouladoum Mireille Modestine
C’est le premier remaniement du gouvernement de la transition. Que peut-on retenir ?
Aussi, le Premier ministre Pahimi Padacké Albert est toujours Premier ministre de transition. On l’entend très peu. À quoi joue Pahimi? Pourquoi est-il si effacé? Est-ce un choix stratégique délibéré?
D’abord, le remaniement. Le bruit courait depuis quelques jours déjà. L’important ministère de la Sécurité publique, en ces temps d’insécurité, est remis à Idriss Dokony. Il a la réputation d’être un homme à poigne. Les Tchadiens le jugeront à ses premiers coups de poings.
Au ministère du Pétrole, c’est le retour de Djerassem Lebemadjiel. Un revenant traîné en justice pour malversations mais blanchit. Il revient au moment où le prix du baril monte. Au moindre faux pas, il sera sévèrement jugé.
Mahamoud Ali Seïd est propulsé ministre de la Jeunesse et aux Sports. Il a le verbe haut mais aura-t-il les épaules pour porter ce ministère où la chicane entre les cadres du ministère et l’ex-ministre Routouang a fini par emporté ce dernier.
Au ministère de l’Enseignement supérieur, les étudiants semblent avoir obtenu la tête de Lydie Béassoumal. Dr Ali Weido, un universitaire peu connu est aux commandes de ce ministère pas toujours facile à gérer. Il est du milieu, les Tchadiens verront…
Ensuite, Pahimi est toujours Premier ministre, mais il est toujours effacé. Jamais au-devant de la scène, pourtant il a joué des coudes pour obtenir le poste. Depuis l’adoption de la feuille de route, Pahimi s’est effacé. Il s’est claquemuré dans son hôtel réfectionné à grand frais. Il s’est tellement effacé que même ses propres ministres se moquent allègrement de ses instructions. Lorsqu’il les a recadré sur le sacro-saint principe du « droit de réserve ». Un ministre rétorque, « je ne suis pas un ministre qu’on recadre, mais qu’on instruit ». Un autre renchérit « ne pas écrire, c’est mourir ». Pahimi a-t-il une emprise sur son gouvernement?
En fait, Pahimi ne veut pas. Il a adopté la stratégie du caméléon : la prudence. Chaque pas est mesuré. Chaque acte est calculé. Il s’exprime rarement. Il ne croit pas trop en cette transition. Il croit à son étoile. Il est convaincu que la charte ne disqualifiera personne. Il présume, peut-être, que la vraie transition commencera après le dialogue. Sa stratégie est donc : l’effacement. Pour Pahimi, la politique est un combat. Et le poste de Premier ministre est un arsenal pour la conquête du pouvoir suprême.
Bello Bakary Mana
Une déclaration de Me Jacqueline Moudeïna soulève l’indignation, et un enregistrement audio, non authentifié, de l’opposant Timane Erdimi suscite la controverse.
D’abord, les propos de Me Jacqueline Moudeina. L’avocate et militante des droits humains affirme dans une vidéo, en marge des manifestations du 15 février au sujet du massacre de Sandanan, qu’il y a un plan pour exterminer tout le sud. Me Moudeïna a dérapé. Cette déclaration est grave. Il faut être clair. Ce qui s’est passé à Sandanan comme à Abéché est inadmissible. Le problème de Jacqueline Moudeina ce qu’elle a enfourché ce drame pour le sortir du cadre de la dénonciation des violations des droits humains. Me Moudeina doit clarifier ses propos. Plus grave, elle date ce plan d’extermination à partir de la guerre civile de 1979 qui avait opposé schématiquement le nord musulman au sud chrétien et animiste. Si Me Moudeïna a des preuves, qu’elle les met sur la place publique. Sinon ces affirmations relève de la mythomanie. Elle doit tourner 7 fois sa langue avant d’avancer une pareille ânerie.
Ensuite, dans un enregistrement non authentifié, on entend une voix attribuée à M. Timane Erdimi discuter avec un inconnu. Dans la conversation M. Erdimi planifie de renverser le président de la transition Mahamat Idriss Deby. Et de faire partir la France du pays. Une sortie qui a agaçé les autorités de la transition qui demandent la disqualification de M. Erdimi du pré-dialogue de Doha.
Apparemment M. Erdimi a jeté son dévolu sur la Russie du redoutable Vladimir Poutine et sur Wagner pour l’aider à prendre le pouvoir. Le Conseil Militaire de transition (CMT) a-t-il le droit de disqualifier un des principaux chef rebelle de ce rendez-vous ? Si cette information est confirmée, elle est maladroite. Elle est d’autant plus maladroite que M. Erdimi, affirme que même s’il se réconcilie, il a la ferme intention de déclencher la guerre. Décidément, M. Erdimi est obsédé par le pouvoir pour le pouvoir même après la mort du Maréchal avec qui il a eu maille à partir. Exclusion ou inclusion ? Le CMT doit continuer à privilégier le dialogue inclusif. Sinon, cette inclusivité n’est que factice.
Enfin, les Tchadiens sont lassés de cette génération d’hommes et des femmes politiques souvent chefs de coterie, toujours chef de guerre, jamais hommes d’État. Ils sont aussi fatigués de ces leaders d’opinion qui ont le menton toujours levé et les propos incendiaires.
Bello Bakary Mana
Depuis la mort du Maréchal-président Idriss Deby Itno, le pays semble vivre dans l’insécurité. Au sommet de l’État, c’est silence radio. Alors qui gouverne réellement cette transition ? Le PCMT a-t-il le volant du gouvernail entre ses mains? Il y a de quoi s’inquiéter face à la recrudescence de l’insécurité, de la répression et de l’absence des sanctions. Pourquoi ?
À N’Djamena, un ministre de la République, de surcroit chargé de la Sécurité publique se fait tirer, après des menaces. L’affaire concerne un jeune colonel assassiné. Une affaire rocambolesque qui semble aujourd’hui sans solution. Et dont les frères de l’ex-première dame Hinda Deby Itno sont présumés coupables. Ils sont incarcérés aux renseignements généraux. La justice est tenue à l’écart, l’exécutif est pris à la gorge, les parents de la victime crient justice, les tchadiens sont médusés, le président est silencieux. Un fendant communiqué de la Police national est diffusé, non pas pour condamner l’acte, mais pour s’attaquer aux images fantaisistes qui circulent sur les réseaux sociaux. C’est dire combien la police tchadienne a le sens de la priorité.
À Abéché, capitale de l’Est tchadien, des militaires ont tiré sur des manifestants pacifiques contre l’intronisation d’un chef de Canton. Comme si cela ne suffisait pas, le lendemain, des militaires récidivent au cimetière, sur ceux qui enterraient les morts de la veille. Bilan 21 morts et plusieurs blessés. Aucune mesure n’est prise contre le gouverneur, premier administrateur de la région. Des gestes mous ont été posés comme, l’envoi d’une délégation gouvernementale pour calmer les familles endeuillées. Comme si les victimes sont morts d’une mort banale. Les « abéchois » ruminent leurs frustrations et réclament le départ du Gouverneur.
À Sandana, un village au sud du pays, un massacre a eu lieu. La cause, la mort d’un berger a déclenché la vendetta sur des agriculteurs. Un bilan s’élève à 12 morts. Massacres, morts, blessés les autorités ont repris leur recette habituelle : envoi d’une délégation. Sans plus. Dans un post sur Facebook, le PCMT a réagi tardivement pour condamner ces massacres. Il a promis que les auteurs de ces actes seront poursuivis et punis. Comme à Abéché, on ne sait ni quand, ni comment justice sera rendue.
Enfin, insécurité, vendetta, répressions, absence des sanctions, silence en haut lieu, sortie à minima du PCMT sont à l’origine de la défiance de l’autorité de l’État déjà mis à mal du vivant du Maréchal. Le PCMT doit comprendre que le Tchad a changé. Et les tchadiens ont soif de justice.
Bello Bakary Mana
Abéché la capitale de l’Est tchadien est connue pour être une ville hospitalière, cosmopolite et intellectuelle. C’est la ville de tous. On dit que celui qui va à Abéché y laisse une peu de son âme. Ceux qui y sont nés, qui y ont grandi partout où ils vont, ils racontent leur ville avec beaucoup d’emphase. Abéché reste en eux malgré la distance, malgré les années. Mais voilà « Abbacha » la ville du savoir et du savoir-vivre est martyrisée, brisée, violentée. Elle est devenue involontairement le péché originel du président du Conseil militaire de transition (PCMT). Abéché est piétinée par notre faute à tous, par notre faiblesse à tous. Cette faiblesse de ne jamais vouloir s’indigner collectivement devant l’abject. Cette lâcheté de détourner le regard. De faire comme si rien de grave ne s’est produit. Ainsi, notre vilénie a permis d’abattre des abéchois comme des oies sauvages sous nos yeux. Assassinés parce qu’ils manifestaient contre l’intronisation dans leur ville d’un chef de canton. Les disperser à coups de gaz lacrymogènes ne suffisait plus il fallait tirer sur eux à coup d’armes de guerre. Il fallait les humilier même lorsqu’ils enterraient leurs morts le lendemain. La souillure du supplice suprême jusqu’à dans les tombes pour que cela serve de leçons. Le président du CMT Mahamat Idriss Deby Itno doit sévir contre les auteurs de ce massacre pour effacer cette infamie. Comment?
D’abord, le PCMT, suivi du CMT et du gouvernement de transition doivent sortir de leur ambiguïté. Ils doivent abandonner cette vieille méthode qui consiste à envoyer une délégation gouvernementale distribuer des enveloppes pour calmer les esprits. Et noyer ensuite le problème dans une commission et un rapport. Une solution sparadrap qui couvre la plaie sans la guérir. Suspendre le sultan et le chef de canton est insuffisant. Il fallait démettre le gouverneur et le nouveau sultan. Un sultan déjà mal assis sur un trône controversé. Et qui, selon plusieurs sources, est à l’origine de la raison de cette contestation. Il serait le maître d’œuvre de l’intronisation dans la ville et à la place de l’indépendance d’un chef de canton sans véritable territoire, une insulte suprême pour Abéché ville conservatrice. Et oh, geste de lèse-majesté, il a planifié, disent ses détracteurs, d’accueillir ce chef de canton dans l’ancien palais royal. Inadmissible pour les abechois.
Ensuite, le PCMT ne doit pas gouverner par mimétisme durant cette transition. Pour mieux administrer ce pays, il faudra changer de méthode. La nomination des militaires à la tête des gouvernorats doit être abandonnée. Les militaires ont pour mission de défendre la patrie. Ils ne sont pas formés pour diriger une administration. Il faudra donc remettre à la tête des gouvernorats des administrateurs civils. La militarisation de l’administration civile est une erreur. Il n’y a pas longtemps, la palmeraie de Faya, capitale de la région de Borkou s’est enflammée parce que le gouverneur, un militaire a agi militairement. Il a été démis de ses fonctions, mais il semble que le PCMT et le gouvernement n’ont toujours pas tiré des leçons.
Enfin, les manifestations d’Abéché contre l’intronisation du chef de canton cachent le vrai problème: la désignation forcée, voire usurpée du nouveau sultan du Dar Ouaddaï. C’est l’arbre qui cache la forêt de la discorde. Presque tous les ouddaïens digèrent mal la méthode peu orthodoxe avec laquelle le nouveau sultan leur a été imposé. Ce sultan est l’épicentre de la contestation. Le PCMT a hérité d’un péché paternel qu’il a mal géré. La seule façon pour lui de laver ce péché originel est de, vite, rendre justice aux abéchois afin qu’Abéché panse ses plaies, respire la paix et pardonne.
Bello Bakary Mana