Les problèmes de succession au Tchad pullulent devant les tribunaux et s’empilent dans les cabinets notariaux. Très souvent, les héritiers se voient confisquer leur droit par certains descendants ou des ayants droit des défunts. Reportage.
Le Tchad, depuis 1960 jusqu’aujourd’hui est régi par le Code civil français de 1958 déclare, Me Djomian Germain, président de l’Ordre national des notaires du Tchad (ONNT). Selon lui, la loi est claire en matière de droit à la succession. Il affirme que les articles 731 et suivants du Code civil de 1958 qui stipulent que, « la succession est dévolue aux descendants, ascendants et collatéraux. » Pour le notaire, c’est un droit qui se situe par degré d’élimination. D’après lui, si le défunt a des enfants, ils sont d’office héritiers et éliminent les autres prétendants héritiers. Mais au cas où le défunt n’aurait pas d’enfants, c’est le père, la mère ou les frères et sœurs qui héritent, explique-t-il. Les collatéraux (oncles, tantes, cousines, etc.) viennent en dernière position s’il n’y a pas des parents.
Me Djomian Germain regrette que les réalités sur le terrain soient autres. « Il arrive que les gens ignorent les droits des enfants et se partagent l’héritage. Au regard du droit c’est inadmissible », dit-il. Concernant la hiérarchie des normes pour régir la succession, le président des notaires du Tchad cite les conventions et traités ratifiés par applicable au Tchad : le Code civil, les us et coutumes ainsi que le droit musulman. Pour lui, des contradictions sont constatées parfois dans les dispositions respectives. Il précise que, en succession, le droit positif applicable au Tchad met tout le monde sur le même pied d’égalité. Or, dit-il, en droit musulman, une fille n’a droit qu’à la moitié de l’héritage d’un garçon. Me Djomian soutient que, si le juge lui notifie la liquidation et le partage des biens selon le droit musulman, il fait appel aux dépositaires de ce droit qui s’exécutent et il cautionne. En cas de refus opposé par un héritier, c’est le Code civil qui s’applique, soutient-il.
Le juriste indique que le grand problème c’est sont les parents. Ils ignorent les vrais héritiers, c’est-à-dire les enfants des défunts. Ces individus parfois, se partagent les biens des défunts, disparaissent et laissent les veuves et les orphelins dans la misère, « lorsqu’on reçoit des cas pareils, on conseille les clients de déposer une plainte à la justice. Ce, pour réclamer ce qui leur revient de droit. Habituellement ils obtiennent gain de cause et les juges ordonnent la restitution de ces biens », dit le notaire.
L’indivision
Me Djomia Germain clarifie aussi sur la question de l’indivision. Il évoque l’article 815 du Code civil de 1958 qui stipule que « nul ne peut être contraint de rester dans l’indivision. » L’indivision, dit-il, est un bien commun à tous les héritiers, appelés indiviseurs. Si l’un d’eux décide d’avoir sa part et sortir de l’indivision, c’est son droit le plus absolu. Un notaire sera chargé d’évaluer le bien et faire une simulation de partage. Autre possibilité, renchérit le notaire, si les autres indiviseurs disposent en liquide la somme qui doit revenir à l’indiviseur sortant, ils le désintéressent et gardent la propriété ou les biens.
Le Code civil français de 1958 ne sied pas au Tchad
Me Germain émet le vœu de voir l’adoption prochaine du Code des biens et de personnes au Tchad. Selon lui, cela va permettre d’avoir une loi plus adaptée à nos réalités. Le président des notaires relève que, le code civil dans sa version de 1958 qui régit le Tchad a connu en France, plusieurs reformes et d’innovations. Ces changements ne sont pas pris en compte au Tchad, précise-t-il. Il explique que dans le Code civil français, le régime légal du mariage est la communauté des biens. Un tel régime affirme-t-il, est favorable à la monogamie. « La tendance majoritaire au Tchad est la polygamie. Au regard du Code civil, la polygamie pose un problème sérieux dans la liquidation et le partage des biens entre coépouses et les enfants », dit Me Djomian. Il souhaite que notre Code de biens et personnes adopte le régime de séparation de biens afin de répondre à nos réalités. Pour toutes ses raisons, le président des notaires du Tchad estime qu’il est urgent d’accélérer le processus de la mise en place de notre régime matrimonial.
Selon lui un comité de toilettage a été mis sur pied par le Ministère de la Femme et de l’Enfance. Ce comité va travailler sur les points de divergence de façon à faire l’unanimité avant adoption.
Moyalbaye Nadjasna