Justice : Pour les auxiliaires, « l’État doit s’assumer »

Juil 08, 2021

La Justice ne fonctionne pas sans ses auxiliaires notamment les avocats, les huissiers et les notaires. La grève illimitée lancée des magistrats lundi ne laisse aucun acteur judiciaire indifférent. Les auxiliaires pensent que les plus hautes autorités doivent s’assumer entièrement pour établir un climat serein de travail pour tous. Reportage.

11 heures, nous franchissons la cour du ministère de la Justice tchadienne sis à Diguel, dans le 8e arrondissement de N’Djamena, capitale tchadienne. Derrière le bâtiment se trouve un joyau isolé. C’est le bureau du Bâtonnier Me Dionro Djerandi Laguerre. Très courtois, le Bâtonnier nous reçoit. Quelques minutes de familiarité, nous échangeons ensuite sur la colère des acteurs judiciaires après l’assassinat du procureur de la République du Tribunal de Grande Instance (TGI) d’Oum-Hadjar. « C’est une perte et c’est bien déplorable. En principe la vie humaine est sacrée. Elle ne devrait pas être ôtée. Vous voyez qu’il est assassiné dans l’exercice de sa fonction. C’est bien dommage. Cela rejoint les multiples cas d’insécurité constatés dans le milieu judiciaire que nous avons toujours dénoncé dans le passé », lance Me Dionro Djerandi Laguerre. Selon lui, ils ont toujours appelé les autorités à assumer leur responsabilité en assurant la sécurité des acteurs judiciaires dans leur ensemble.

Pour le Bâtonnier, le problème d’insécurité au Tchad est d’abord général. D’après l’avocat, déjà l’entrée au palais de justice de N’Djamena laisse à désirer. « Elle n’est pas normalement contrôlée. Les gendarmes se retrouvent-là sans minutions. Ils ne sont pas remplacés régulièrement. Ils sont les mêmes. Ils finissent par s’habituer au public ou aux justiciables qui viennent. Mais tous ceux qui y entrent ne sont pas forcément de justiciables qui ont un dossier au palais », dit-il. Me Laguerre démontre le phénomène en citant l’exemple des démarcheurs et des vendeurs ambulants et beaucoup de gens qui viennent pour d’autres intérêts. Il déplore la persistance de ces habitudes parfois cautionnées par eux-mêmes les acteurs judiciaires. « Il faut que je le dise pour le déplorer. Et s’il y a des démarcheurs, ils font du démarchage auprès de qui ? Est-ce auprès des avocats, des magistrats ou des greffiers etc. ? mais si c’est cela, et bien c’est déplorable. Il faut que cela change », dit-il.

Le Bâtonnier estime qu’il faut un climat serein de travail pour les acteurs judiciaires afin que les magistrats rendent des décisions dans de conditions de sécurité. « Imaginez qu’on abat lâchement comme ça un président de tribunal. Demain ça sera le tour d’un avocat, greffier, huissier ou notaire. Nous avons vu dans le passé les avocats et les huissiers être menacés. Nous appelons les autorités à plus de responsabilités et a créé des conditions de sécurité au palais de justice », confie Me Laguerre. Selon lui, l’État doit être construit un palais de Justice digne de ce nom avec de conditions normales de sécurité afin qu’il y ait un tri à l’entrée. « Aujourd’hui, les gens entrent avec des armes à feu et de couteaux sans être inquiétés, ce qui leur permet de faire ce qu’ils veulent et repartir en toute impunité. Quelquefois, ils sont arrêtés poursuivis et jugés et mis à la maison d’arrêt. Au bout de quelques jours, ils sont dehors pour narguer encore leurs victimes », affirme le Bâtonnier.

« Investiguer et dénicher les complices d’assassin du PR d’Oum-Hajar …»

L’avocat propose une investigation pour découvrir ce qui se cache derrière l’assassinat du PR d’Oum-Hajar. Pour lui, le phénomène de la corruption est réel dans le milieu judiciaire, il faut être inconséquent pour ne pas le reconnaître. « Cela touche tous les acteurs judiciaires. Nous travaillons à combattre cette pratique. C’est dans cette optique que j’inscris mon mandat en tant que Bâtonnier. Mais cela ne justifie en rien qu’un acteur judiciaire soit lâchement abattu. Il y a d’autres voies judiciaires pour la poursuite les corrupteurs et les corrompus qu’ils soient magistrats ou avocats ». D’après Me Laguerre, les acteurs judiciaires en leur sein doivent s’amender. Ils doivent revoir leur méthode de travail, de gestion des affaires judiciaires, pour plus de sécurité juridique et judiciaire. « Nos concitoyens doivent comprendre qu’il n’y a aucune raison pour qu’on puisse porter atteinte à la vie d’un être humain de façon générale d’un magistrat ou pour le cas particulier d’un autre acteur judiciaire », a-t-il ainsi terminé.

Me Djomia Germain est le Président de la Chambre Nationale des Notaires du Tchad.  « C’est avec une grande consternation et beaucoup d’indignation que nous avons appris l’odieux assassinat du Procureur d'Oum-Hadjer. C’ est le symbole de la force de l’État qui est nié. Et qu’il soit assassiné en service, au sein du palais de la Justice, on a l’impression que le contrat social est rompu », dit-il.

Selon lui, les notaires, officiers publics, auxiliaires de la Justice, sont également victimes d’agression. Il rajoute qu’un sérieux problème existe. « Je suis sidéré d’écouter certains compatriotes dire que les magistrats sont victimes de leurs propres turpitudes. Ce n'est pas sérieux. Il y a des magistrats très intègres qui font leur travail avec probité. Hamba qui vient d'être assassiné, son honnêteté et sa compétence sont de notoriété publique », s’insurge-t-il. Me Djomia Germain souligne que, même parmi les tomates pourries, on trie celles qui sont en bon état. Pour lui, il serait très aventureux de généraliser la corruption à tous les magistrats. « Et même là, quand un justiciable se sent lésé par une décision de justice, la loi lui offre des voies de recours : appel et pourvoi. Quant à se rendre Justice soit même en éliminant un magistrat, cela relève d’une sauvagerie inouïe ».

Moyalbaye Nadjasna

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