Autorisée par le ministère de la Sécurité, la marche du consortium des associations féminines a eu lieu ce lundi. Objectif, dénoncer les violences faites aux femmes et l’impunité qui y va avec. Reportage.
Le rendez-vous est pris à 9 heures, devant le palais de Justice de N’Djamena. C’est de là que doit partir le cortège de la marche contre les violences faites aux femmes. Selon Epiphanie Dionrang, présidente de la Ligue tchadienne de défense des droits de la femme, le choix du lieu de départ est symbolique, « c’est la Justice qui doit condamner les violeurs. Malheureusement ce n’est pas le cas. Nous sommes ici pour dire non à l’impunité. »
11 heures, des consignes sur la marche sont données. Top départ. La Police prend ses dispositions. Près d’une soixantaine de femmes, habillées en noir « signe de deuil » et en orange « symbole de la lutte contre les violences basées sur le genre » se mettent en rang. Pancartes en mains, des papiers collés sur des poitrines, sifflets à la bouche, la marche peut commencer. L’hymne national est entonné. Et la manifestation prend son envol. « Pas des violences », entonne Nguemta Patricia, secrétaire de l’association Femme aussi. « Faites aux femmes », reprennent en chœur les autres manifestantes durant tout le trajet de la marche qui va du palais de Justice au palais du 15 janvier.
C’est une première fois qu’une marche en faveur des droits de la femme est autorisée. Et les manifestantes en sont ravies. « C’est ma première fois de marcher pour cette cause et je me sens vraiment motivée », déclare Nguemta Patricia. « Moi je me sens libérée. Je croyais que ça n’allait pas être possible mais on nous a laissées cette opportunité », se réjouit Constance Nérolel, leader d’une association féminine.
Des messages tels que « brise le silence », « respectez mon vagin », « je ne suis une femme pas un objet », « arrêtez d’utiliser vos pénis comme des gaz qui nous explosent », « ma famille le sait mais personne n’en parle » sont lisibles sur des pancartes et autres moyens utilisés par les manifestantes.
Une quarantaine de minutes de marche sous un soleil de plomb. Au rythme des coups de sifflet couplé à l’hymne national, les manifestantes atteignent le palais du 15 janvier, point d’arrivée. Sur place, des messages sur le mobile de la marche ont été adressés en français, en arabe local et en ngambaye. Puis des recommandations ont été faites aux autorités en charge de la Justice. « Garantir une protection des droits de femme, rendre indépendantes les institutions judiciaires, créer une unité spéciale de gestion des cas de violences faites aux femmes et assurer une répression rigoureuse et conforme aux textes des auteurs de violences faites aux femmes », telles sont ces recommandations.
Si la mobilisation à cette marche n’a pas été de taille, néanmoins l’organisation a été une réussite. Et les initiatrices s’en félicitent. « L’organiser est déjà une réussite. Car, c’est pour la première fois que les autorités ont donné leur aval pour une telle marche. On a fait un pas », dit Madtoingué Djemilla Carole, artiste musicienne. Même sentiment de la part d’Epiphanie Dionrang : « je peux dormir aujourd’hui mais pas profondément », exprime-t-elle sa joie, avec réserve. Pour elle, la satisfaction sera totale lorsque les autorités prendront en compte leurs différentes recommandations. « Tant que celles-ci ne sont pas prises en compte par les autorités, la lutte continue », prévient-elle.
Le travail qui reste à faire d’accentuer la sensibilisation pour aider les femmes à sortir de leur silence, continuer à dénoncer, à dire non. « Nos violeurs sont souvent à la maison, à nos lieux de service. Ils nous terrorisent après leurs actes. Mais il faut que la peur change de camp », raisonne Nguemta Patricia. « Il faut que la Justice tienne compte des douleurs des victimes. Il ne faut pas qu’on traite les violeurs selon la catégorie sociale ou professionnelle », renchérit Constance Nérolel.
La marche initiée par le consortium des associations féminines devrait avoir lieu en 2020, dans le cadre des 16 jours d’activisme. Elle n’a pu être organisée ce 21 juin 2021. D’après les initiatrices, d’autres actions seront menées pour défendre les droits de la femme. « Dès l’instant que j’entends qu’une femme a été violée ou violentée, je reprendrai la lutte », affirme Epiphanie Dionrang. Il faut signaler que quelques hommes sont venus manifester leur soutien à ces marcheuses pour le respect de la dignité de la femme et la Justice.
Christian Allahadjim
Orthom L’Or