La marche du 13 février dénommée la marche pour la Justice, l’inclusion et l’alternance a eu lieu malgré l’interdiction. Ialtchad Presse était présent et vous décrit le fil des événements. Reportage.
Samedi 13 février. 6h 30 min. Le jour J de l’acte 2 de la marche du peuple pour l’inclusion, la justice et l’alternance initiée par une partie de l’opposition. Dix minutes ont suffi pour rallier le QG des initiateurs, le parti Les transformateurs, de cette marche politique.
Tout au long du trajet, aucun élément ne laisse présager une quelconque manifestation. Au rond-point du pont à double voie, quelques éléments de la commission mixte de sécurité sont visibles. Sur l’espace appelé « terrain Koulamallah » qui jouxte le siège du parti, rien en vue. Pas de mouvement. Pas un élément de la Police. À l’angle de la rue du terrain, un groupe de jeunes tenant des affiches avec des inscriptions se concerte. Au siège, quelques militants sont présents. Le président des Transformateurs s’y trouve aussi. Un point focal de la marche nous notifie qu’il n’y pas un point de départ. « Les gens s’organisent par secteur et là ils sont déjà en action. Il faut les chercher », nous dit-il. Par où commencer ? Nous nous sommes résolus à sillonner le quartier Habbena et Chagoua, dans le 7e arrondissement de la ville de N’Djamena.
6h 55mn. Départ du QG des Transformateurs à la recherche des manifestants. 4 véhicules des unités du Groupement mobile d’intervention de la Police (GMIP) se déploient tout autour du lieu.
7h 03 min. Avenue Mathias N’garteri. Un pneu brûle au loin, mais aucun manifestant en vue. Les éléments de la Police antiémeute s’activent pour éteindre le feu afin de libérer le passage. Tout au long du trajet, des habitants de la zone, tous curieux, observent les mouvements qui se font dans leur quartier. La Police patrouille dans le secteur. Sur l’avenue principale, la circulation est libre, les habitants vaquent à leurs occupations. Le marché Taradona commence à s’animer peu à peu.
7h 08 min. La Police se retire. Les premiers manifestants apparaissent. Ils ne sont que 3 âmes. Jouent-ils au chat et à la souris avec les forces de l’ordre ? Tous les trois sont des diplômés sans emploi. Ils traversent la voie bitumée et s’engagent sur la rue du marché Taradona. Ils avancent en chantant en arabe local. « Deby ne veut pas de nous. Donc, allons-y. Les armes c’est pour vous, mais la liberté c’est pour nous. Allons-y », entonnent-ils sous le regard étonné du public. « Nous revendiquons la liberté comme le président Deby nous l’a promis en 1990. Nous réclamons aussi de l’emploi », dit le leader de ce petit groupe. Il a un master 2 en Transit et Transport. « J’ai 32 ans je vis toujours chez mon tuteur. C’est inacceptable. J’en ai assez de ce régime », s’emporte-t-il. Le deuxième du groupe explique que c’est la peur qui empêche les Tchadiens de manifester, « les Tchadiens ont la rage, mais ils ont peur de la manifester à cause de la répression. Ce que le pouvoir fait du n’importe quoi ».
Pendant ce temps, les policiers du GMIP étaient en approche. Le leader du groupe hausse le ton, « personne ne fuit ». Les membres du groupe s’agenouillent, les mains sur la tête. Ils se sont laissés arrêter, sans résister, en entonnant l’hymne national.
Nous reprenons notre chemin vers Dembé. Direction : ambassade des États-Unis où le leader des Transformateurs M. Masra a trouvé refuge lors de la première marche. La zone est quadrillée par le GMIP. Sur presque chaque rue est posté un véhicule de l’Unité spéciale d’intervention de la Police (USIP) et du GMIP. La sécurité est renforcée à l’entrée. Aucun mouvement n’est à signaler.
7h : 42 min. Retour au QG des Transformateurs. En route un groupe de jeunes, plus de 100 sont sur une rue du quartier Habbena. Ils brandissent des inscriptions contre le pouvoir du président. Ils scandent le nom du leader des Transformateurs, Succès Masra. L’un d’eux s’adresse au public, « venez-vous joindre à nous. Il faut que nous exprimions ce que nous ressentons ». Personne n’a rejoint les marcheurs. Le groupe réussit à atteindre l’axe CA7. Il progresse sur le marché Taradona. La Police intervient : tire des gaz lacrymogènes. Les manifestants se dispersent. Les Transformateurs ont marché 5 min.
8h : 05mn. Retour au QG. Le gardien nous informe que le président des Transformateurs est parti avec les membres de son Bureau Exécutif pour marcher aussi. Où ? Personne n’a été à mesure de nous indiquer. Nous avons décidé de faire le tour de la zone en espérant croiser M. Succès Masra, en vain. Le cortège de Max Loalngar, président de la Ligue tchadienne des droits de l’Homme et/ou de l’artiste Raïs Kim, est introuvable aussi.
8h : 22 min. Quartier Moursal. Les rues sont vides. Des boutiques fermées pour raison de salubrité. Elles ouvrent à partir de 10h 00. Nous avons fait un tour chez l’Union Nationale pour le Développement et le Renouveau (UNDR). Le chef de ce parti M. Saleh Kebzabo, opposant historique soutient cette marche en affirmant qu’il allait lui aussi marcher. Au moment de notre détour, il était à sa résidence.
L’acte 2 de la marche du 13 février s’est déroulé de manière sporadique et en petits groupes comme le premier. Les manifestants promettent de ne pas lâcher.
Christian Allahadjim
Djilel-tong Djimrangu