Officiellement les N’Djamenois sont en confinement total depuis le 1er janvier. Mais sur le terrain, montre tout le contraire. Les grandes artères de la capitale tchadienne sont bien animées. Ialtchad Presse a fait le tour de la ville. Reportage.
Il s’agit du confinement total, personne ne doit sortir de sa maison sauf force majeure ou pour se ravitailler, a martelé le ministre d’État, ministre secrétaire général à la Présidence M. Kalzeubé Payimi Deubet le 2 janvier dernier. Cependant, depuis l’entrée en vigueur de cette décision, les N’Djamenois défi cette décision et circulent normalement comme si de rien n’était. Est-ce un ras-le-bol ou une désobéissance à la loi ?
10 h. Mercredi 6 janvier. Nous avons parcouru les principaux axes de la ville. Il est difficile de traverser une voie pour une autre. La circulation est dense. Chacun est happé par ses courses du quotidien : vendeurs d’essence à la sauvette, marchands ambulants des paires de lunette, réparateurs des motos, ouvriers sur les chantiers, etc. Sur les artères des marchés, les mamans, jarres sur leurs têtes s’affairent, des jeunes gens s’activent cache-nez au menton, menuisiers et charpentiers ont ouverts leurs ateliers. Tous bravent l’interdiction de sortie décréter par le gouvernement. Les autorités ont tenté d’appliquer la force en déployant l’armée. Mais les N’Djamenois refusent d’obtempérer. « Nous tenons beaucoup à plus à notre survie quotidienne, qu’au risque de contracter le coronavirus », dit un passant sous le couvert de l’anonymat.
En fait, 24h après l’annonce de la mesure, l’ambiance habituelle a repris le dessus. Et la confusion que le gouvernement sème dans l’interprétation du décret portant confinement de la ville de N’Djamena, semble galvaniser les N’Djamenois. Ils en profitent. Sur certaines petites avenues, par exemple au quartier Zongo réputé être celui des mécaniciens par exemple, les gens s’attroupent et se bousculent sans s’inquiéter du coronavirus.
Certes, exception est faite à certaines activités notamment, les centres de santé, les cliniques privées, les boulangeries, les pharmacies, les sapeurs-pompiers, les hôteliers, le personnel de la Société nationale d’électricité et la Société Tchadienne des Eaux, les étals, etc.
Au marché Dombolo, non loin de l’Hippodrome, l’attroupement des clients, vendeurs de tomate et mototaxis (clandoman) inquiètes. « Il est vrai, il s’agit de notre vie et de notre santé, mais le gouvernement exagère. D’ailleurs, ils ne se comprennent pas entre eux », disent-ils.
Selon les N’Djamenois, ils écoutent la radio, regardent la télévision et lisent la presse électronique et traditionnelle. Ils demandent aux autorités de les comprendre. « C’est difficile de rester à la maison. Comment nourrir la maisonnée alors », se plaignent-ils.
Selon plusieurs citoyens, il faut bouger pour trouver de quoi manger. « On sait qu’on prend des risques, mais la vie elle-même est un risque. C’est bien que les autorités se soucient de notre santé, mais la faim est aussi une maladie. Une décision pareille doit être suivie par des mesures d’accompagnement. Et vous verrez que personne ne défiera cette mesure », s’énervent-ils en haussant le ton.
Selon le sociologue Mbété Nangmbatnan Félix, le non-respect du confinement par les N’Djamenois s’explique par la question de subsistance. « Il y a plusieurs facteurs, mais le principal est la difficulté de la population à se nourrir », dit-il. Surtout que les habitants de N’Djamena vivent dans l’informel. À ce moment le confinement est presque impossible. Sinon, dit-il, à court terme c’est la mort « les gens ne pourront pas survivre », ajoute-t-il.
Selon le sociologue, même si le gouvernement a averti la population, le confinement ne pourrait pas être respecté. « Le problème fondamental est la capacité à être confiné. Les gens ne peuvent pas. Ils n’ont pas les moyens », justifie-t-il.
Mbété N. Felix trouve que le couvre-feu de 18h à 5h du matin cause des préjudices à une catégorie de la population. « Il y a des mamans qui tiennent des restaurants de fortune la nuit, les bars qui fonctionnent en grande partie la nuit. Empêcher ces personnes de sortir le jour et d’exercer encore la nuit ne peut que les amener à braver la loi», dit-il.
Mbété N. Felix demande aux autorités d’intensifier la sensibilisation sur les mesures de prévention, « plusieurs citoyens ne se sentent pas concernés. Ils pensent que c’est la maladie des N’Djamenois ».
Moyalbaye Nadjasna
Christian Allahadjim