Ce 10 décembre 2020, le Tchad à l’instar des autres pays du monde va commémorer la journée mondiale des droits de l’Homme. Ialtchad s’est rendu dans les locaux de l’Association des victimes des crimes du régime Hissène Habré (AVCRHH). C’est bientôt 6 ans que les victimes attendent d’être indemnisées. Pourquoi ça bloque ? Reportage.
La joie des victimes des crimes du régime Hissène Habré, après le procès a été éphémère. Confiants d’être indemnisées au lendemain de ce procès, tristesse et frustration semblent peu à peu les envahir. Ce lundi 7 décembre au matin, Ialtchad Presse est allé aux nouvelles dans les locaux de l’Association des victimes des crimes du régime Hissène Habré (AVCRHH) au quartier Chagoua. Quelques victimes étaient présentes. Ils se comptent au bout du doigt. Hommes et femmes sont hantés par une chose : leurs indemnisations.
Selon Abaifouta Ndokhote Clément président de l’AVCRHH, c’est avec beaucoup d’amertume qu’il réalise que le gouvernement tchadien n’a aucune volonté d’indemniser les victimes. Il se dit navré de voir les décisions de justice rendue au nom du peuple tchadien, mais 5 ans plus tard, la décision est inappliquée. D’après lui, le gouvernement brandit la crise financière pour justifier son refus de payer. « Bien que le pays ait connu la crise comme le reste du monde, mais il s’en est déjà sorti. Or le ministre de la Justice semble évoquer encore la crise. Il faut être honnête et dire que le Tchad ne veut pas indemniser les victimes », a-t-il indiqué. M. Abaifouta Ndokhote Clément affirme que c’est une question de droits et non un cadeau ni un avantage social. Il précise que le Tchad a l’obligation en tant que membre de l’Union Africaine (UA) et des Nations- unies de dédommager les victimes. Il se dit désolé et se demande « par quel miracle, des gens jugés et condamnés à perpétuité, 10 ans pour les uns et 15 ans pour les autres sont hors de la prison, sans être inquiétés. Ni les victimes ni leurs avocats ne sont avisés », cela démontre, dit-il, que le Tchad a trompé tout le monde en organisant ce procès, celui de N’Djamena. « En Gambie, Yaya Djamé est en train d’être jugé sur l’exemple du Tchad, même chose en Centrafrique. Dans les universités européennes et américaines, les gens évoquent le procès Habré ce qui constitue déjà une importante jurisprudence, un exemple à suivre », dit le président de l’AVCRHH.
Pour Abaifouta Ndokhote Clément, le Président de la République dit qu’il est victime. « Étant victime, il ne peut pas aider ses concitoyens victimes à entrer dans leurs droits ?», s’interroge-t-il.
Pour le dossier de Dakar, le président de l’AVCRHH indique que jusque-là, l’UA qui a jugé Hissène Habré laisse les choses à la traîne. « C’est un immobilisme insolant », dit-il d’un air agacé. Et pourtant, poursuit-il, l’UA est dirigée par un tchadien qui a connu les affres du régime dictatorial de l’ex-président Habré. Il relève en outre qu’on parle d’un fonds qui a été créé sans plus. « Mais qu’on nous dit au moins quand il démarre », dit-il.
Pour le dossier du procès au Tchad, « on dit qu’il n’y a pas d’argent, c’est de la rigolade ». Selon lui, la commission n’a pas besoin d’argent pour se réunir, la cour spéciale l’a déjà constitué, explique-t-il. « Franchement, ça me fait mal ; à l’heure où je vous parle, j’ai 250 cas de décès. Ces gens auraient pu se faire soigner s’ils avaient reçu leurs indemnisations. Inscrire les enfants ou même se trouver un toit. Une vingtaine des cas des malades. Je ne sais quand ils vont mourir », confie Abaifouta Ndokhote Clément.
Plus choquant encore, « nous avons écrit une demande au ministère de tutelle, particulièrement à l’Office national de la Sécurité alimentaire (ONASA) pour qu’on donne quelques « coros » aux victimes pendant le confinement de la covid-19. Mais aucune de ces institutions n’a répondu », dit le président de l’AVCRHH.
Le Tchad a reculé en matière des droits de l’Homme…
Le président de l’AVCRHH affirme qu’en matière des droits de l’Homme, le Tchad a reculé. Pour lui, les conflits agriculteurs-éleveurs, les filles violées, les stations des radios séquestrées et les journalistes violentés et mis en prison, on est loin de la démocratie. « Nous allons fêter avec beaucoup d’amertume cette journée du 10 décembre 2020. Il faudrait que le gouvernement du Tchad se ressaisisse en matière des droits de l’Homme », dit-il.
Moyalbaye Nadjasna