Le passage systématique en classe supérieure décidé par le ministère de l’Éducation nationale ne fait pas l’unanimité. Une bonne partie des parents, d’élèves, d’enseignants et des chefs d’établissement ne sont pas d’accord. Reportage.
« Cette nouvelle rentrée va être catastrophique », prédit Ndonane Allandigta, chargé de cours en Philosophie au Lycée de Walia. En cause, la décision du ministère de l’Éducation de faire passer systématiquement les élèves en classe intermédiaire et ensuite en classe supérieure. La raison officielle est la perturbation des cours par la pandémie du Covid-19.
« C’est une décision bidon », dit M. Modobé Jean, parent d’élèves rencontré au lycée Hérédité. Pour lui, la décision du gouvernement est infondée. « Dans la plupart des systèmes éducatifs, surtout en Afrique, il y a le redoublement. Dire que les élèves doivent passer systématiquement relève de la complaisance », fustige-t-il avant de rajouter, « si c’est le cas, pourquoi ceux qui ont passé les examens ne sont pas tous admis d’office ? » D’autres parents ont des mots très durs. Mme Solkem, mère de 3 élèves rencontrée au Lycée Ibrahim Mahamat Itno (LIMI) de Farcha, confie que tous ses enfants ont raté la moyenne et ils vont tous reprendre. « Je ne tolère pas les bêtises que le gouvernement est en train d’organiser. Cette décision est un crime contre la jeunesse », accuse-t-elle.
Les parents ne sont pas les seuls à fustiger cette décision qu’ils jugent incompréhensible. Comme par solidarité, les élèves ne sont pas en reste. Fabrice Allata est élève en classe de Première L au Lycée Apha 3. Pour lui, cette décision fait la promotion de la médiocrité. « Ceux qui ont de faibles moyennes doivent absolument reprendre. Sinon ça va être pire. Déjà que le phénomène de baisse de niveau ternit l’image du système éducatif tchadien », dit-il.
Certains élèves se disent conscients de leur avenir. Comme, Allasra Ferdinand, élève en Seconde unifiée au Lycée Ibrahim Mahamat Itno (LIMI). Il refuse de passer en classe supérieure bien que la décision l’y autorise. « J’ai une moyenne annuelle de 8,45/20 et j’ai pris la décision de reprendre ma classe et je ne regrette pas », insiste-t-il. Par contre, d’autres élèves estiment qu’ils n’ont pas le choix. « Qui suis pour contredire une décision gouvernementale. J’ai accepté malgré ma mauvaise moyenne », justifie un autre élève qui devrait redoubler.
Pour les chefs d’établissement, le sujet est délicat. « Je ne peux pas me prononcer sur une décision politique », a sèchement répondu un chef d’établissement privé. « Mais c’est anti pédagogique en tout cas », se résume-t-il. Pour le directeur d’un collège privé à Farcha, le passage systématique des élèves en classe supérieure est une décision salutaire. Il s’explique, « faire reprendre les élèves, c’est une manière de les retarder. » Si les avis sont divergents, tous reconnaissent que l’avis des parents compte. La direction du LIMI explique que les élèves qui ont des faibles moyennes passent ou redoublent seulement après accord des parents. Passage ou redoublement, Casimir, élève en seconde, conseille aux parents de trouver des répétiteurs à leurs enfants. Sinon, dit-il, ils auront des difficultés.
Il faut rappeler que c’est à cause du dépistage du 1er cas de coronavirus au mois de mars passé, que le gouvernement a suspendu toutes les activités académiques. Les cours ont été dispensés en ligne (Internet) pour les élèves des classes d’examen. Initialement, ceux des classes intermédiaires doivent reprendre les cours en présentiel en septembre pour boucler l’année. Mais revirement à la dernière, ces cours sont annulés. Et la nouvelle rentrée est déjà arrivée. Pris en tenaille, le gouvernement a décidé par cette mesure controversée de régler le problème de retard.
Christian Allahdjim
Orthom L’Or