dimanche 24 novembre 2024

Faut-il une seule loi pour tous les puits de pétrole ?

Written by  Mar 24, 2005

Je ne voudrai pas me prononcer sur la polémique soulevée dans la nouvelle « affaire Dobian », entre le gouvernement et les adh. Car c’est de bonne guerre et c’est plutôt un indice de la dynamique de notre jeune démocratie. En effet, chacun des deux camps tente de tenir son rôle, même joué maladroitement. Dobian ne devrait pas oublier la constance de la traîtrise de certaines de ses anciennes amitiés militantes à en découdre avec lui ! Mais le problème qui nous intéresse est celui de l’extension de la loi 001 à tous les puits de pétrole qui seront exploités au Tchad.
Le gouvernement de M. Déby a eu le mérite d’initier la fameuse loi 001 sur la gestion des revenus du pétrole des trois puits actuellement en exploitation. Malgré les insuffisances de cette loi, le gouvernement pourrait avoir raison de cette limitation. Il faut avoir l’honnêteté de se rappeler la chronologie des évènements liés à l’exploitation du pétrole de Doba. Le processus de négociation et de management du projet a été graduel et tout le monde y avait été comme dans une nouvelle école. Les pétroliers et leurs sous-traitants (qui ne sont pas des enfants de cœur), la Banque Mondiale qui y joue presque son honneur, le gouvernement et la société civile, chacun a appris à tenir compte de l’avis des autres. La grosse difficulté pour le gouvernement, c’est sa politique de communication défaillante : il doit souvent rattraper sa négligence envers l’opinion publique par des mises au point encore plus nuisibles parce que faits sous l’effet de la panique et de la pression. Sinon, dans une certaine mesure, la position de mutisme du gouvernement est compréhensible : conscient d’avoir mal négocié ce dossier, le gouvernement fait de la loi 001 un levier correctif qui lui a permis d’obtenir vaille que vaille le financement du pipeline par des ressources non appropriées de la Banque Mondiale.
Mais ce que le gouvernement ne veut pas clairement dire, c’est que cette loi n’est plus avantageuse quand il doit s’agir d’autres puits pétroliers à exploiter. Nous allons relever quelques points d’achoppement :

1)   Le grand défaut de la loi 001 est celui d’avoir mis ensemble canevas de gestion transparente et clés de répartition des revenus pétroliers. En effet, si nous sommes tous d’accord que les revenus pétroliers devraient être gérés dans la transparence, il n’était pas prudent d’inclure dans la même loi une clé de répartition arbitraire des dits revenus. La définition des secteurs prioritaires qui devraient recevoir 80% des revenus pour la réduction de la pauvreté est trop contraignante pour n’importe quel gouvernement qui voudrait se donner les moyens d’une bonne gouvernance politique et économique.

2)   Pour mieux comprendre la difficulté, le cas du FACIL est assez éloquent : la gestion des 5% accordés à la région productrice est étroitement liée à la réalisation d’une bonne décentralisation administrative. Or, la politique de décentralisation en cours n’est pas dans les priorités de la loi 001. Le FACIL se trouve donc compromis pour longtemps dans sa mise en œuvre à cause de cette lacune de la loi 001.

3)   Bien des secteurs pourraient demain devenir prioritaires : le gouvernement pourrait valablement décider de consacrer une triennale budgétaire pour régler définitivement le problème de l’Armée par exemple (réorganisation des corps, équipement, casernement, formation, etc.), un chantier gigantesque attendu par tout le monde. Alors que dans le même temps, l’Administration territoriale aurait besoin de ressources adéquates pour son redressement total et sa modernisation comme préalable à la bonne gouvernance et au développement. Il ne faudrait donc pas s’enfermer dans les contraintes d’une loi qui a déjà fixé les quotas de répartition.

4)   La loi 001 voudrait épargner 10% des revenus pour les générations futures. En réalité, les Tchadiens ne maîtriseront pas facilement la gestion de cette épargne. C’est de l’argent public qui fera le bonheur des banquiers, alors que la notion de « générations futures » mérite d’être sérieusement débattue dans tous ses contours et non pas comme une vérité intangible collée à une loi votée à une époque donnée. Nous croyons sincèrement que le Tchad ne peut continuer de se contenter du statut de pays producteur, attendant que la Citybank lui verse chaque fois l’aumône. En tant que nationaliste, nous disons tout haut que le Tchad doit dès à présent se préparer à être actionnaire dans tous les consortiums qui vont exploiter ses gisements pétroliers. Il y a d’énormes avantages pour notre pays à entrer un jour dans le cercle de la grande magouille, c’est à dire des actionnaires de notre pétrole. Il ne faut jamais perdre de vue le fait historique que le pétrole a été la cause du renversement des régimes précédents et de la guerre civile ! Pour devenir un jour les maîtres de nos richesses nationales, donc de notre destin, nous devons développer dès maintenant des visions futuristes pour notre pays que d’être toujours à la traîne, gouvernement et société civile, des courants venus de l’extérieur.

5)  Que devrait être le contenu d’une loi sur la gestion des revenus pétroliers ? Elle devrait être limitée aux principes et aux mécanismes de la gestion transparente. Tout ce qui relève des opportunités économiques et des choix conjoncturels devraient être renvoyé aux décrets pris en Conseil des ministres, après de larges consultations d’usage bien sûr. En d’autres termes, pour tous les gisements pétroliers, il ne devrait y avoir qu’une seule loi, comme le réclame la société civile. Mais pour la répartition des revenus d’un nouveau gisement, le gouvernement devrait être en mesure de décider de leur affectation selon les priorités officiellement retenues, à commencer par la Stratégie nationale de réduction de la pauvreté (SNRP), celle de la Bonne Gouvernance (SNBG) et d’autres. Cela est plus conforme à la logique des budgets-programmes qui vont désormais composer la Loi des finances votée par les députés. Ainsi par exemple, s’il a été décidé la construction de 40.000 logements sociaux en trois ans, le gouvernement pourrait affecter une partie des revenus du puits X de Bongor ou Y de Kyabé à ce programme de réduction de la pauvreté par décret pris en conseil des ministres. Cela relève de ses prérogatives et n’empêchera pas que le processus de gestion soit transparent et suive les mêmes procédures de contrôle instaurées.

6)  Pour mieux se faire comprendre, prenons l’exemple de la Fonction Publique : une seule loi régit tous les fonctionnaires et agents de l’Etat ; cependant il y a des statuts particuliers légitimement revendiqués par des corps de métiers. En tant que citoyen averti, je n’accepterai pas que ma région subisse un jour les mêmes désagréments dus aux carences de la loi 001 que Dobian dénonce chez lui. Alors le système mérite d’être revu pour une plus grande capacité d’adaptation aux situations dans l’intérêt des populations et du Tchad.

7)  Par ailleurs, l’autre polémique soulevée il y a quelques mois par Dobian concernant le prix du baril de pétrole tchadien par rapport à la hausse des cours mondiaux, plaide aussi en faveur d’une plus grande prudence dans la rapidité du gouvernement à signer des conventions et à les faire ratifier deux semaines plus tard par le Parlement, pour le regretter et pleurnicher plus tard. Rien ne sert de courir ! Avec le pipeline et les trois puits actuels, nous sommes devenus attirants : ce n’est plus la peine de se comporter toujours comme des éternels « allaoro » devant les premiers venus. Nous devons prendre le temps de bien cerner les problèmes, surtout avoir des ambitions claires, de l’amour et un projet de société cohérent pour notre pays. Il n’y aura pas de bonheur et d’épargne réelle en faveur des « générations futures » si nous continuons à évoluer dans la brumeuse de nos mauvaises habitudes de gouvernance.

Avec cet éclairage, nous souhaitons recentrer les débats sur les véritables questions de fond non encore soulevées et dépasser les querelles rituelles entre les institutions politiques et la société civile. Peut-être sommes-nous mal informés par rapport aux cercles d’initiés sur ce dossier ? Cependant, en tant que citoyen, vivement que nous puissions être compris dans la clameur des passions actuelles !

Enoch Djondang

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