jeudi 28 mars 2024

Résidus Culturels et Conscience Nationale : Dépolitiser l’Ethnitisation de la Rébellion et de la Prise du Pouvoir d’Etat au Tchad

Written by  Mai 29, 2008

Le pouvoir d’Etat est devenu une marchandise à vil prix que n’importe qui peut prétendre de s’en approprier au Tchad. Et le prix à payer c’est d’appartenir à une ethnie d’un certain standing social pour conclure ce marché avec tous les marchands d’illusions à travers le monde. C’est cette illusion d’accès facile au pouvoir qui occasionne la course effrénée à la rébellion chez les chasseurs de pouvoir dans ce pays. Les raisons avancées par les uns et les autres pour entrer en rébellion sont parfois dépourvues de toute moralité et conscience nationale et frisent l’entendement des Tchadiens eux-mêmes. Il y a ici un problème de prise de conscience nationale dans les guerres perlées pour le changement de pouvoir au Tchad. Et ce problème est créé par l’ethnitisation et la géopolitisation de la lutte pour la réappropriation de la Souveraineté Nationale.

Toute lutte doit se faire à la base, dit-on. Mais chez les Tchadiens, la base politique de lutte nationale est réduite banalement à la personne du chef de parti/de guerre, à la famille, au clan, à l’ethnie, à la région, voire à un clique d’amis tout simplement. Là encore, la préparation à la relève s’avère une mission casse-tête pour la majorité des « leaders tchadiens » en question. Car ces derniers préfèrent toujours manquer à leur devoir national que de former plus jeunes qu’eux de peur d’être d’emblée écarté de la mangeoire nationale. Ainsi, le Tchad se retrouve avec d’éternels chefs de guerre et de partis qui ne font que jouer des vieilleries politiques à fond ethnique pour être appeler à servir la Nation. En fait, là, ils finissent parfois par ne pas émouvoir le Grand Sultan National de Djabal Ngatto, Idriss Deby Itno.

Pour changer un tant soit peu les mentalités autour de la lutte démocratique ou armée pour la prise du pouvoir d’Etat au Tchad, il faut dépolitiser l’utilisation des noms d’ethnies pour se prévaloir de la cause nationale de libération. Les politico-militaires doivent surtout élever le niveau du débat actuel par des comportements nationalistes sur le terrain afin de lever tout doute qui plane actuellement sur le véritable mobile de leur lutte armée en dispersion. Et s’il faut favoriser ou encourager la lutte armée pour la prise du pouvoir au Tchad, tous les Tchadiens doivent veiller à ce qu’aucune ethnie n’acquiert la direction ou en fasse une propriété privée. C’est-à-dire que la lutte armée actuelle doit être la résultante des aspirations légitimes du peuple tchadien et doit jouer le rôle de prolongement des luttes sociales, syndicales, démocratiques, économiques, politiques, voire de droits de l’homme pour la réappropriation de la Souveraineté tchadienne. Je ne dis pas qu’il faut un « chef désethnitisé » pour accomplir ce rêve tchadien ! Mais simplement de quelqu’un d’une certaine probité morale pour requérir la légitimité de tout le monde. Et il y en a des milliers parmi les Tchadiens.

Les bonnes initiatives ne manquent pas au Tchad, entend-on souvent. Cependant, il y a un problème criard de suivi chez les Tchadiens dans toute entreprise politique. Par exemple, les efforts fournis par les premiers mordus de la démocratie tchadienne autour des thèmes de grands débats nationaux (Constitution, Bilinguisme, Décentralisation, Fédération, Religion/Etat, Identité Nationale etc.) pendant et après la Conférence Nationale Souveraine de 1993 pour ramener la paix et mieux orienter l’avenir sociopolitique du Tchad sont tombés en disgrâce aujourd’hui. Cela est dû aux résidus culturels de débats « à mains armées » et surtout au leurre, par la majorité des Tchadiens, de la victoire facile de l’opposition armée sur le régime de N’Djamena. Dans la foulée, le langage des armes a primé sur cette belle approche de changement en douceur envisagé par ces pionniers politiques de la démocratie tchadienne. De nos jours, intellectuels tchadiens et anciens témoins de ces forums se taisent parce que dépassés par les événements. Et la majorité de journaux tchadiens en ligne en font le cadet de leur souci dans leur exhortation au dialogue national entre frères-ennemis tchadiens.

Pour beaucoup, la lutte pour asseoir la démocratie et l’expression plurielle des opinions au Tchad est un domaine réservé aux seuls bidasses tchadiens. C’est à dire ceux qui détruisent chaque année le pays sous prétexte de cause d’injustice à réparer par les bouts de canons. Alors qu’à proprement parler, ils se rivalisent de galons, postes et/ou parrains plutôt que de penser à construire ce pays. Dans cette impasse politique, c’est toujours des colonels et généraux sortis de nulle part qui rallient des badeaux et mineurs à leur supercherie politiquement ethnicisée pour chercher à arracher le pouvoir d’Etat afin de s’enrichir au détriment d’une communauté qu’ils croient défendre au Tchad. Comme quoi, pour les dissidents tchadiens au régime d’Idriss Deby, la guerre devient un raccourci pour s’enrichir et enrichir son ethnie ou son clan qu’un moyen de revendication politique. Pour ce faire, les journaux tchadiens en ligne ont un travail de taille à faire : impliquer, informer et éduquer les Tchadiens pour qu’il y ait un véritable changement de mentalité vis à vis de ses résidus culturels qui poussent à l’incurie guerrière chez les rebelles/dissidents tchadiens. Il est avant tout du devoir des média tchadiens de dénoncer et de déconstruire l’attitude récupérateur des politico-militaires qui utilisent le nom de leur ethnie comme étendard de la cause nationale pour accéder au pouvoir.

La pléthore et le morcellement au jour le jour de mouvements armés au sein de la rébellion tchadienne qui combat le régime de N’Djamena créent de la confusion dans l’esprit de beaucoup de Tchadiens. Ces tendances armées causent de sérieuses inquiétudes dans certaines couches de la population tchadienne. Alors que les mouvements armés croient représenter ces couches, ces dernières, elles, n’ont qu’une idée vague de la lutte armée/résistance nationale prônée par ces mouvements en leurs noms. Pis le Gouvernement de N’Djamena voit parfois ces chefs de tendances à travers le prisme de leur appartenance ethnique, et non nationale, pour mieux réprimer ceux des Tchadiens qui s’agitent à croire naïvement qu’un de leurs va bientôt s’accaparer du pouvoir d’Etat pour les soulager de la misère noire. Et l’arrestation de certains dignitaires goranes et arabes, voire d’un sous clan Zaghawa récemment à N’Djamena en est un exemple palpable. Ainsi, comme toujours, rebelles et Gouvernement politisent l’appartenance ethnique comme moyen de rallier des sympathisants ou comme argument pour réprimer certains Tchadiens lors d’une tentative de prise de pouvoir par les armes dans ce pays.

C’est pourquoi disais-je précédemment que c’est aux Tchadiens épris de paix de défendre l’idée que la lutte de « libération nationale » ou du régime d’Idriss Deby ne passe pas par l’installation d’une ethnie, d’un clan ou d’un clique de mafiosi de l’Etat,  mais par une réorganisation de la conscience nationale orientée vers la satisfaction des besoins exprimés par ces ethnies exploitées. Pour cela, la récente déclaration du nouveau Premier Ministre d’Idriss Deby à l’endroit de l’opposition armée du Tchad est pertinente ; quoiqu’ elle ne semble pas requérir l’agrément de nos chefs de guerre connue sous le vocable de politico-militaires.

L’ancien rebelle devenu nouveau PM est-il également déçu du manque de sérieux dans les rangs des politico-militaires dans l’optique d’imposer le changement à coups de canons ? Ou bien veut-il les convaincre ou les conseiller à s’unir pour mieux être représentatifs du peuple tchadien à l’échelle nationale, vu leurs déboires accumulés au fil des ans à cause des considérations ethniques dans leurs rangs face à la machine de guerre du président Idriss Deby ? Peut-être pense-t-il encourager les politico-militaires à choisir une autre alternative que la guerre ? Du moins, culturellement parlant, il y a une dichotomie dans la perception du devoir politique national au Tchad entre ceux qui prennent le pouvoir par les armes et ceux qui les croient sur parole et veulent les aider à faire aboutir la paix dans le pays. Comme il n’y plus de parole donnée chez les militaires, méfions-nous de ces rebelles qui promettent un beau temps après le départ d’Idriss Deby. Car la promesse de gérer politiquement le pays par les uns et les autres dépend de la manière dont ils arrivent le plus souvent au pouvoir à N’Djamena, comme le soulignait déjà Deby, il y a quelques années, à l’un de ses nombreux Premiers Ministres : « sur une Toyota bourrées de soldats» ou « dans un avion d’Air France ». C’est ce double-jeu des maquisards qui a ôté l’idéal politique d’Idriss Deby de « ni or, ni argent, mais la démocratie » de toute sa substance de conciliation du départ.

Il est connu aujourd’hui que ces faiseurs de guerre se laissent embourber et éblouir devant de piètres victoires à cause de guéguerres de revendications ethniques autour du pouvoir d’Etat. Car le plus souvent, même à un pas de la victoire, ces prétendus libérateurs du peuple tchadien s’arrêtent en plein combat pour régler d’abord leurs différends ethniques autour du pouvoir d’Etat par Puissances Étrangères interposées. Il est clair que les chefs rebelles tchadiens sont beaucoup plus obnubilés à prendre le pouvoir au nom de leur ethnie que de se sacrifier pour une cause nationale pour le pays. Pour ce faire, le Tchad ne sera pas sauver par ces usurpateurs s’ils continuent à politiser leur appartenance ethnique au détriment de la cause nationale à laquelle ils prétendent toujours prendre les armes. Dans le contexte actuel, disons que la prise du pouvoir par les armes ne peut se réaliser que si les rebelles/politico-militaires tchadiens acceptent de dépolitiser l’ethnitisation de la lutte nationale en s’unissant pour rallier le peuple tchadien à cette cause. Mais jusqu'à là, le sentiment d’unité des forces hostiles au régime d’Idriss Deby est trop mince. Il est impératif que les politico-militaires ou les demandeurs du dialogue national harmonisent les mobiles politiques ou agendas de leur « lutte nationale » avant toute concertation de cette envergure.

Car si c’est Idriss Deby qui ne sait pas gérer politiquement le Tchad, ne faut-il pas s’unir tous en tant que mouvements armés pour lui imposer un bon plan de gestion ? Pourquoi y a-t-il souvent d’éclatement au sein des mouvements armés ? C’est naturel dans tout groupe humain, me dira-t-on ! Mais c’est à se demander si leur seul objectif est-il véritablement de faire partir Deby et sauver le Tchad ? Tout compte fait, affirmons qu’en qualité d’anciens amis, collaborateurs, compagnons d’arme, co-régionnaires et religionnaires, parents et alliés tout court du président Idriss Deby, la majorité de nos chefs de guerre et/ou de mouvements armés pensent ethniquement leur lutte tout en agissant militairement contre le pouvoir de N’Djamena ! Car comment arriver à convaincre les Tchadiens que les Mahamat Nouri, Erdimi, Koulamallah, Albissati, Tollimi et compagnie n’agissent pas sous ces considérations ethniques ? Sont-ils véritablement beaucoup plus enclins à sauver le Tchad que d’occuper le strapontin de Deby pour connaître les mêmes critiques et pressions ?

Mis à part ces enjeux ethniques chez les rebelles qui gangrènent la société tchadienne, le problème de l’organisation d’un dialogue national ne se pose pas. Il faut plutôt créer les conditions d’un vrai dialogue national à travers de vrais thèmes qui doivent être débattus sans passion et parti pris afin de mettre le doigt sur le mal tchadien. Cela mérite avant tout une prise de conscience nationale chez les Tchadiens en général et chez les fléaux politiques que sont les chefs de guerre en particulier. Car l’indifférence des Tchadiens de tout bord vis à vis de la chose politique crée cette aliénation politique dont nous sommes tous incapables d’y remédier par une lutte cohérente (armée, démocratique ou intellectuelle etc.) tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays pour apporter le changement voulu.

Laounodji M. Monza

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