Grève de l’UST, les conséquences des arrestations

Mai 26, 2022

L’UST a déclenché une grève sèche depuis le 25 mai pour demander la libération des leaders de Wakit Tamma arrêtés suite à leur marche autorisée du 14 mai dernier. Pour l’analyste politique Prof. Ahamat Mahamat Hassan, les conséquences auraient dû être évitées. Il note une responsabilité co-engagée. Entrevue.

 Le Tchad selon le Prof. Ahamat Mahamat Hassan, est entré dans une période de transition, entre deux normalités. Pour retrouver l’équilibre normal, dit-il, il faut un dialogue inter-tchadiens. Seulement, il déplore qu’en interne, les forces vives aient de tout temps revendiqué une meilleure gouvernance. L’analyste rappelle que la dernière manifestation contre la France supposée être à la base de la mauvaise gouvernance au Tchad. A son avis, les marcheurs ont considéré la France comme coauteur des malheurs tchadiens (la pauvreté, la paupérisation, le chômage, etc). Il dit avoir malheureusement constaté qu’au cours de ces manifestations, des casses et autres brigandages ont été relevés. « Ils sont déplorables et d’ailleurs condamnables. Le gouvernement à travers les forces de la sécurité à appréhender les leaders considérés comme les organisateurs de ces manifestations qui ont eu de débordement », signifie-t-il.

Pour revenir à la question juridique et judiciaire, Pr Ahmat précise que le Tchad est sous le régime de l’autorisation préalable en matière de manifestation depuis 1962.  Premièrement, selon M. Ahmat, après l’octroi de cette autorisation préalable, les organisateurs de la marche (Wakit Tama) et le gouvernement devraient prendre de prédispositions relatives aux textes réglementant les manifestations sur les voies publiques au Tchad. Une telle prédisposition permettrait de prévenir le débordement, estime-t-il. Ce manquement de deux côtés a conduit au-delà des questions pacifiques, cause de la destruction des biens publics et privés, analyse l’enseignant chercheur. Pour lui, les deux responsabilités sont co-engagées : le gouvernement a failli à sa responsabilité de prévention, mais les organisateurs de la marche aussi. Car, soutient-il, l’autorisation n’a pas été soumise à l’obligation d’encadrement.

Deuxièmement chose, pour le Pr c’est l’idée de poursuite judiciaire relative aux casses opérées. « Le premier manquement de ces poursuites judiciaires est la procédure d’arrestation. On devrait arrêter les auteurs directs. En matière pénale, la responsabilité n’est pas collective, mais individuelle et personnelle », explique-t-il. La police souligne l’analyste politique, devrait prendre les manifestants qui ont détruit les biens privés. Ce qui est déplorable c’est que le gouvernement ait envoyé arrêter les leaders, dit-il. « La procédure de leur arrestation ressemble à un enlèvement. Car si on convoque un individu et qui ne répond pas il commet une infraction. La 2e étape c’est de lui délivrer un mandat d’arrêt qui permettrait de le prendre par contrainte ou par force », explique le chercheur. Il rappelle que, le cas de Me Max Loalngar où le gouvernement a envoyé les gens en civile le cueillir à la maison. C’est une procédure illégale, un enlèvement, critique le professeur.

Autre précision, l’analyste affirme que le gouvernement était dans la détente d’autoriser la marche sans prévenir les exercices de la liberté. « Nous sommes dans une dynamique du dialogue, et ces arrestations conduisent les gens à se radicaliser. Ces arrestations n’apaisent pas l’atmosphère pour un dialogue sincère de cœur et d’esprit. Ce que je déplore pour mon pays », dit le prof. Ahamat.

Légale? Illégale? les conséquences de ces arrestations

D’après prof Ahamat, il faut d’abord analyser que l’Union des Travailleurs du Tchad (UST) a déclenché la grève sèche avec un service minimum au niveau des districts sanitaires. C’est déjà une conséquence des arrestations qu’il faut gérer. Le gouvernement dit que cette grève ne correspond pas à des revendications sociales. Pourquoi attendre maintenant pour signifier que l’UST sort du cadre de pacte social en déclenchant sa grève ? Pour l’analyste, il ne faut pas toujours attendre les conséquences d’un fait souvent difficile de gérer, souligne-t-il. « J’appelle à la libération des leaders. On constate que l’évènement devient une surenchère politique. Les politico-militaires demandent la libération, les politiques aussi s’entremêlent. Cela ne soigne pas l’image de la transition et surtout du dialogue national inclusif projeté ». Il insiste sur le caractère illégal de la procédure d’arrestation. « Le tribunal compétent c’est celui de N’Djamena. Le Procureur de la République est compétent pour déclencher l’action publique. On aurait dû les garder à la maison d’arrêt de Klessoum à N’Djamena. Ils n’ont pas été encore jugés et sont présumés innocents donc en aucun cas on ne doit les transférer à Moussoro. Puisqu’ils n’ont pas été condamnés, cette procédure est aussi illégale », explique l’enseignant chercheur. Prof. Ahmat soutient que c’est un amalgame et dans cette confusion c’est le Tchad et le peuple tchadien qui perdent.  Un tel extrémisme n’augure pas un bon dialogue, insiste-t-il.

Moyalbaye Nadjasna

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