La situation des droits de l’homme s’est dégradée depuis longtemps au Tchad. L’année 2021 a commencé avec de troubles politiques. Des voix se sont élevées pour contester le 6e mandat du défunt président Deby Itno. Pour les défenseurs des droits humains, en prélude à la journée mondiale des droits de l’homme célébrée chaque 10 décembre, la situation au Tchad est tantôt sombre, tantôt clair-obscur. Après la mort de Deby, la prise du pouvoir par la junte a été contestée par des manifestations populaires violemment réprimées. Cette répression a assombri la situation des droits de l’homme. Reportage.
« Le Tchad a ratifié les conventions et les traités internationaux sur la protection des droits de l’homme. Le problème c’est l’inapplicabilité de ces textes. C’est bien dommage que les violeurs de ces droits ne soient pas punis. Les autorités elles aussi, à différents niveaux, abusent de leur pouvoir », affirme Layibé Tourdjoumane, président de l’association de droits de l’homme sans frontière (DHSF). Selon lui en 2021, il y a des violations des droits de l’enfant et de la femme. Certains enfants sont vendus, d’autres transportés d’une région à une autre, dit-il. Soit pour élever des chameaux, soit pour assurer le ménage, a-t-il ajouté. M. Layibé évoque aussi le cas des femmes violées, bastonnées et souvent assassinées. Il soutient que le dernier cas est celui des prisonniers qui subissent des traitements dégradants et inhumains. Tout cela montre que notre pays n’est pas un État de droit, insiste le défenseur des droits de l’homme.
Le président de DHSF souligne que dans le monde rural, le conflit agriculteur-éleveur a endeuillé beaucoup des familles. M. Layibé Tourdjoumane cite aussi le phénomène d’enlèvement des personnes contre rançons dans le Mayo-kebi Ouest. À ce phénomène, il affirme que les autorités locales sont incapables d’éradiquer cette pratique néfaste qui terrorise la population. D’après lui, au Maya-Kebi Ouest, les villages ne sont pas distants les uns des autres. « Nous sommes allés sur le terrain. Nous avons rencontré les victimes, les autorités locales et les juges. Cela m’étonnerait qu’on enlève une personne sans que les autorités ne le sachent. C’est une chaîne de complicité, certains chefs traditionnels sont impliqués », dit-il. Il témoigne qu’en dénonçant et en sensibilisant ils ont pu, avec ses collègues, démasquer des chefs de villages et des chefs de cantons qui sont directement impliqués. « Un chef de canton a été destitué de sa fonction pour cela », dit M. Layibé. Le président de DHSF annonce l’organisation à Pala, le 29 décembre une rencontre avec les victimes, la société civile, les autorités et les religieux. L’objectif dit-il, c’est de mettre fin aux enlèvements contre rançons dans cette localité.
Pour l’ex SG de la Convention tchadienne des droits de l’Homme(CTDH), M. Mahamat Nour Ibédou, le bilan de la situation des droits de l’homme est assez mitigé. Il affirme que depuis la prise du pouvoir par la junte, les choses ont été difficiles au début. Selon lui, les forces vives de la nation en l’occurrence, le mouvement Wakit Tama a contesté la conduite de la transition par les militaires. « À mon avis, c’était une occasion pour le Tchad pour mettre ensemble d’une façon concertée les institutions de la transition. Malheureusement, ce n’était pas le cas, les militaires ont taillé une charte avec des zones obscures sans une perspective d’avenir précises », lâche-t-il. Cela a entraîné des contestations populaires durement réprimées avec plus de 15 morts, rappelle-t-il. Ce qui rend assez sombre la situation des droits de l’homme au Tchad, dit-il.
Pour M. Ibédou, les autorisations octroyées pour les 3 marches pacifiques de Wakit Tama ont été les premières au Tchad. C’est le résultat d’un léger respect des droits humains. « Les marches pacifiques, mêmes dans les pays évolués, l’itinéraire est toujours fixé par les autorités en charge de sécurité publique. Sauf que l’insécurité s’est accentuée et la junte a du mal à maîtriser le terrain. Ce qui risquerait d’assombrir la situation des droits de l’homme dans notre pays en cette année 2021 », dit M. Ibédou. La CTDH, assure-t-il, fera ce qui est à son pouvoir dans ce processus de transition afin que les droits humains soient respectés.
Moyalbaye Nadjasna