Les concertations citoyennes ou le pré dialogue pour l’organisation du dialogue national inclusif (DNI) ont permis de débattre de la forme de l’État. Selon plusieurs sources, les échanges révèlent que la plupart des provinces souhaiteraient un État fédéral au Tchad. Les mêmes sources accusent certains rapporteurs d’avoir falsifié les contenus des rapports en privilégiant l’État unitaire, mais fortement décentralisé. Depuis, le débat sur le fédéralisme continue à dominer tout le reste des thèmes. Plusieurs intellectuels, la société civile et quelques hommes politiques, dont le père de l’idéologie fédéraliste au Tchad, le député Yorongar Ngarléjy, haussent le ton en débattant de la forme d’État dans l’espace public traditionnel. Ialtchad Presse est allé interroger quelques fédéralistes. C’est le premier article d’une série de reportages sur le sujet.
Le contenu des rapports des concertations citoyennes qui vient de s’achever semble déranger une certaine classe politique disent les tenants de l’option fédéraliste. Dans le rapport, soutiennent-ils, la plupart auraient souhaité si les Tchadiens devaient continuer à vivre ensemble, il faut une fédération. Ce désir, disent-ils, a pris au dépourvu certains petits politiciens véreux qui auraient falsifié les rapports en proposant un état unitaire fortement décentralisé.
Le député fédéraliste Yorongar Ngarléjy affirme n’est pas être surpris par la volonté des participants de choisir un État fédéral. Selon lui, les Tchadiens ont dans leur âme l’esprit fédéral. L’homme politique déplore malheureusement que « les tueurs de la République » aient falsifié les rapports pour proposer un État unitaire fortement décentralisé. Pour lui les consultations citoyennes qui viennent de s’achever montrent que les Tchadiens, dans leur majorité, ont opté pour un État fédéral. « Je suis ravi. Idriss Deby lui-même s’est rendu corps et âme au fédéralisme. Il avait dit que le fédéralisme, ce n’est pas l’apanage de Yorongar, donc soyez-en rassurés que les Tchadiens soient des fédéralistes », savoure le vieil homme politique. Celui qu’on surnommé « le député fédéraliste » estime que la fédération du Tchad est une évidence parce que c’est une des solutions efficaces à la mauvaise gouvernance. Seule la fédération peut résoudre des problèmes importants. « On a testé la centralisation excessive de l’État, ça n’a pas marché. On a aussi testé la décentralisation cela a été un échec. On est aujourd’hui à la dernière étape : la fédération », explique-t-il. Pour Yorongar Ngarléjy, les détracteurs du fédéralisme seront surpris le jour où on demandera aux Tchadiens par référendum d’être pour ou contre le fédéralisme. Ils comprendront davantage, selon M. Yorongar, qu’il avait raison. Il a cité les provinces du Ouaddaï, du Guerra, du BET et bien d’autres provinces du pays ont préconisé la fédération du Tchad.
Le notaire, Me Djomia Germain, membre de la commission sur la forme de l’État pour la province de N’Djamena, rajoute son grain de sel dans le débat. Il soutient que dans la commission qui a débattu de la forme de l’État, il n’y a pas eu une position tranchée entre la forme fédérale de l’État et la forme unitaire décentralisée. Selon lui, le rapporteur de cette commission a rendu public son rapport et c’était clair au sujet du fédéralisme. Il était question de soumettre cette solution à un référendum. Et traiter les autres questions comme le mandant présidentiel, l’élection des gouverneurs des états fédérés, etc. Il constate malheureusement que le rapport général du pré dialogue pour la province de N’Djamena, a dit dans son rapport le contraire. Le rapport soutient que la tendance était pour un état unitaire fortement décentralisé. « On voudrait bien réagir, mais on dit que nous sommes membres de la commission, donc on n’a pas le droit de contester ses propos », fustige Me Djomia Germain.
Pour le sociologue Félix Mbété Nangmbatena, le souhait d’un État fédéral s’explique par la présence d’une génération des jeunes gens mûrs et qui ont constaté l’échec de l’État unitaire décentralisé. Ils veulent une autre forme de l’État. « C’est une nouvelle génération des Tchadiens qui commencent à se rendre compte qu’il est temps de franchir l’étape », ajoute avec ironie le chercheur. Pour lui, les Tchadiens veulent changer. D’après lui, après 25 ans, les Tchadiens ont eu le temps d’expérimenter l’État centralisé qui a échoué, l’État fortement décentralisé qui est un avorton. Donc ils veulent tenter autre chose, le fédéralisme. Pour lui, on ne peut pas créer des états fédérés sur la base ethnique, mais il faut créer sur la base pluriethnique.
Le débat sur le fédéralisme semble prendre au dépourvu les autorités de la transition par sa brusque apparition, par la popularité du sujet et par le ton des débats. Déjà, la Radio France internationale (RFI) a été mise en demeure par la Haute Autorité des Médias l’Audiovisuel (Hama) à partir de ce 22 novembre pour diffusion de déclaration contraire à l’éthique et à bon vivre ensemble entre les Tchadiens et les Tchadiennes. Elle doit prendre toutes les dispositions professionnelles pour éviter la diffusion des déclarations de nature à stigmatiser les communautés. RFI est pointée du doigt par le président de la Hama au sujet de l’entrevue de l’universitaire Banyara Yoyana sur Fédéralisme. Il avait dénoncé l’emprise de certaines communautés sur les ressources du pays. Pour lui, cette captation des ressources est une des sources du problème tchadien depuis plus de 30 ans. Il soutient que seul le fédéralisme, comme forme de l’État, permettra de bien gérer les ressources nationales. Et forcera l’État fédéral central d’être à l’écoute des besoins des états fédérés, tout en restant chacun dans son domaine de compétence.
Jules Doukoundjé