L’ancien député de Ouara, dans le Ouaddaï et membre du CNT, Mahamat Saleh Ahmat Khayar explique l’origine des conflits intercommunautaires qui ont ensanglanté sa province. Il met les autorités publiques devant leur responsabilité et tente d’esquisser quelques pistes de solutions pour permettre à sa province et tout le pays d’amorcer le chemin du développement socio-économique. Entrevue.
La province du Ouaddaï est l’une des provinces du Tchad où les conflits intercommunautaires ne cessent d’endeuiller les familles. Cette province située à l’Est du pays, en proie depuis plusieurs années à des conflits entre éleveurs et agriculteurs, qui sont condamnés à vivre ensemble dans le même espace. Depuis ces conflits sanglants, les autorités publiques du pays, peinent à trouver une solution définitive et permettre aux deux communautés de vivre côte à côte et en paix. Pour le conseiller Mahamat Saleh Ahmat Khayar, le conflit intercommunautaire a toujours existé depuis que les gens font des activités champêtres, et d’autres des activités d’élevage. Pour lui, comme les communautés vivent ensemble dans le même espace, les bêtes entrent dans les champs et parfois les champs sont aussi dans le couloir de transhumance. Il souligne qu’entretemps, les gens essaient toujours de régler ces différends de façon amicale, traditionnelle. Et l’administration était forte pour régler tous ces problèmes.
Pour l’élu de la province du Ouaddaï, maintenant, le problème s’est aggravé parce que chacun veut accaparer de la terre. « Les agriculteurs veulent s’en accaparer, ils sortent du couloir et les éleveurs aussi veulent s’installer et faire paitre leurs bétails jusqu’aux dans les champs », explique-t-il. M. Kkayar estime que l’origine du problème intercommunautaire du Ouaddaï provient aussi de la défaillance des autorités traditionnelles et administratives. Elles ont prouvé leurs limites, leur incapacité à résoudre ce problème. « Je dis cela parce que les autorités traditionnelles sont souvent complices. Au lieu de défendre la vérité et l’Intérêt Général, chacun se campe pour défendre l’intérêt de son groupe », dit-il. Toujours selon lui, un autre facteur s’ajoute. Les autorités traditionnelles n’ont pas les moyens nécessaires pour dire la vérité et trancher juste. Ces autorités locales ne sont pas indépendantes pour agir correctement, ils dépendent des gens. Outre ce facteur s’y greffe selon l’ex-député, les hommes politiques impopulaires qui cherchent à récupérer ce problème pour en faire un enjeu politique dans le seul but de gagner en popularité. À son avis, les autorités administratives, surtout les sous-préfets sont pratiquement dans leur totalité nommée par message. « Ce sont des gens qui n’ont pas de compétence technique ni d’éthique pour gérer de tels problèmes. Du moment où ils sont nommés par message, ils ne sont pas alignés sur le budget de l’État, ils ne sont pas salariés, donc c’est à travers ces conflits qu’ils vivent », affirme le nouveau conseiller du CNT. Pour lui, il faut dire la vérité en face si l’on régler le problème de façon définitive.
« Les choses ont été forcées dans la Province du Ouaddaï »
Pour régler ce conflit intercommunautaire, beaucoup de missions officielles ont été effectuées au temps du président Idriss Debby Itno. Mais, malgré ces interminables missions, la crise persiste, sans aucune solution idoine. M. Mahamat Saleh Ahmat estime que plusieurs choses ont été forcées. « Vous savez, on ne peut pas obliger les gens à vivre ensemble, c’est impossible. Personne ne peut obliger les communautés à vivre ensemble, c’est à eux de choisir de vivre ensemble. Quand l’État intervient pour forcer les gens, ça ne marche pas et ça ne marchera pas », déclare-t-il. L’homme politique et ambassadeur de la paix estime que quand les communautés elles-mêmes se rendront compte qu’elles sont condamnées à vivre ensemble, de partager le même espace et d’utiliser les mêmes puits elles n’auront aucun intérêt à se battre. Elles seraient obligées de s’assoir entre eux et vivre ensemble comme avant.
Concernant la spécificité des conflits intercommunautaire, il explique que la différence est si l’on prend le sud du pays, les éleveurs quittent le Nord pour aller au Sud et remontent pendant la saison sèche vers le Nord. Il affirme que dans le Ouaddaï, éleveurs et agriculteurs vivent ensemble. Ils sont des parents et se marient entre eux. Selon lui, ils sont habitués à ce mode de vie depuis des siècles. M. Khayar précise que de nos jours, quand ils se battent, ils sont armés.
À la question des armes utilisées dans les conflits intercommunautaires, il souligne que ce sont les réseaux venus de la Libye via Calaïb et les livraisons se font à domicile. « Nous savons qu’il y a des armes qui se vendent au vu et au su de tout le monde. Il y a des réseaux de trafic d’armes. Nous savons qu’il y a des mains d’une autre société qui alimente cela. », dit le conseiller. Il affirme connaître certaines personnes dans ce conflit et que si les autorités veulent, il est prêt à les dénoncer. Pour lui, quand le gouvernement est coincé, il accuse les hommes politiques de la région. L’ancien député du Ouara dénonce cette voie de facilité que le gouvernement empreinte parce qu’il est incapable de trouver de solutions à ces conflits qui gangrènent le pays.
Enfin, il revient et insiste sur la défaillance de l’administration de notre pays. Il fait allusion à la nomination des sous-prêts illettrés, des chefs traditionnels sans moyens conséquents pour mener leur mission. Il a révélé qu’il était sur le terrain pour constater les faits. « J’ai constaté que les gens sont laissés à leur triste sort. J’ai constaté l’absence totale de l’État. Ils sont face à face et chacun se prépare pour attaquer l’autre ». L’ambassadeur de la paix dit avoir pris sa responsabilité pour écrire au gouvernement pour envoyer une mission, mais qu’on a laissé trainer les choser et le pire est arrivé. Le député estime que « si l’on ne fait rien, c’est la haine tribale va s’installer ». Il prend pour responsable les autorités qui traînent les pieds à ce sujet. Il a décidé de déposer un rapport aux autorités sur ce qui se passe dans sa province.
La paix est un choix
Pour l’homme politique, la paix est un choix, il faut amener les citoyens tchadiens qui n’ont pas la volonté de vivre en paix à faire le choix de la paix. Il croit au dialogue national inclusif, mais à son avis, il faut partir au dialogue avec l’esprit de vivre en paix.
Il suggère l’envoi d’une mission pour apaiser la tension, recenser les problèmes et proposer des pistes de solutions. Pour le conseiller, il faut une mission mixte et responsable, composée des membres du gouvernement, des Conseillers du Conseil national de transition et des personnes ressources pour aller vers la population pour apaiser les esprits.
Jules Doukoundjé