Lorsque j’ai vu les images du président candidat Deby Itno, une seconde après sa publication, coude contre coude avec le chef des Transformateurs Succès Masra, je l’ai montré à un cousin. Il me répond : « Non, ces images sont truquées ». Je lui réponds, « non, elles sont authentiques ». Une autre personne entre dans la pièce. Il regarde les images, il a la même réaction, « non, c’est un montage ».
Un débat s’engage. Je leur dis « a priori, un président qui rencontre son compatriote, il n’y a rien de plus normal. Sauf que le timing est mauvais pour le jeune leader. Et excellent pour le Maréchal ».
Mes deux interlocuteurs lâchent, « tu as raison », mais ils avaient l’air sonné. Pourtant ils ne sont ni membres ni sympathisants des Transformateurs. Ils aimaient simplement l’audace de M. Masra. Ils sont déçus. « Il est comme les autres politiciens, je le présentais. », conclut une troisième personne qui s’est jointe à la discussion.
Voilà. Le génial Maréchal tacticien et stratège, président et candidat sortant vient de réaliser un coup fumant en s’appuyant avec succès sur Succès. Il vient d’effacer son « Damboula présidentiel » et a atténué « la bavure Dillo »
Le chef des Transformateurs vient par cette rencontre de rentrer dans la catégorie de « tous les mêmes », enfin peut-être...
Ensuite, la toile apprend la nouvelle et s’enflamme. Les internautes ont pris d’assaut les réseaux sociaux (RS) pour, en majorité, dénoncer M. Masra. Dans la précipitation, les Transformateurs ont tenté de faire barrage face au feu des critiques. C’était du parler pour parler.
Le lendemain : Conférence de presse au QG des Transformateurs. J’ai écouté et j’ai regardé avec beaucoup d’attention M. Masra accompagné de son Bureau Exécutif sur les RS. Certains ont la tête du mauvais jour. Il y a visiblement du gène dans les regards. La communication du chef était dispersée et surtout elle ne disait rien de plus que la veille. C’était de la redite. J’ai eu le sentiment qu’il parle trop. Il parle tantôt comme un gourou. Oui le gourou de la secte des transformateurs. Tantôt, comme un nationaliste entonnant les premiers mots du premier ver de l’hymne national tchadien : « Ta liberté… ». Et les autres membres du parti complètent le ver « …naîtra de ton courage ». Il y a quelque chose d’hallucinant.
Je ne le comprenais pas. Si j’étais là, je l’aurais certainement interpellé sur sa méthode de presbytérien. Une nouvelle religion est-elle née?
Il enchaîne son introduction avec des « la Terre promise », « Moïse », « Desmund Tutu », « Mandela », « De Klerk », « Martin Luther King » et tutti quanti pour nous convaincre que les Transformateurs ne sont pas un parti comme les autres, mais des « dialogueurs, des solutionneurs ». J’étais perdu. Succès et ses lieutenants sont sur leur comète. Ils parlent d’eux. Pour eux. À eux.
Les Tchadiens veulent qu’il explique le « pourquoi maintenant ? » de cette rencontre. Et s’il reconnaît avoir commis une erreur en acceptant de rencontrer le président Deby à ce moment précis. Mais tout cela lui passait par-dessus la tête.
Pourtant, les erreurs de Succès Masra sont nombreuses. Mais le public lui donnait l’avantage du doute. Et surtout donnait la chance au coureur parce qu’il représente la relève comme Yaya Dillo d’ailleurs.
Il en a commis des erreurs….
Première erreur : adopté la ligne dure avec ses marches et ses critiques acerbes. Aller rencontrer le président presque en catimini, il ne fallait pas. Il devait au moins annoncer la nouvelle avant d’aller à cette rencontre. Cet oubli voulu ou pas, a laissé un goût amer à ses admirateurs et aux Tchadiens.
Deuxième erreur : à quel titre est-il allé rendre visite à celui qui tire les ficelles de la non-reconnaissance de son parti?
Troisième erreur : Masra dans sa communication dit que le président le reconnaît enfin. Il affirme que le président demande qu’on arrête d’emmerder son parti. Il cherche donc la légalité et la légitimité à la présidence. Est-ce la bonne adresse? J’en doute…
Quatrième erreur : le jeune leader dit demander le report de l’élection présidentielle. Très bien. Est-ce qu’il faut le faire à la présidence? N’est-il pas plus indiqué de revendiquer l’annulation de cette élection devant les institutions en charge et devant les médias?
Cinquième erreur : cette rencontre précipitée avec le président et candidat Deby Itno a semé le doute chez les autres chefs de parti. Surtout dans le rang de la nouvelle génération qui demande un dialogue inclusif.
Enfin, après la conférence de presse, les Transformateurs et leur chef ne mesurent toujours pas les dégâts de cette rencontre improvisée. Une rencontre qui a permis au Maréchal d’apaiser les tensions. De baisser les pressions diplomatiques de plus en plus fortes sur son régime. Succès Masra a commis une boulette pour parler vulgairement. Il a servi sciemment ou inconsciemment d’oxygène à un pouvoir à bout de souffle, en bout de course. Pis, il n’en a même pas conscience.
Masra fait comme si rien ne s’est passé en appelant à une nouvelle marche. Sortez de votre bulle M. Succès. Le doute s’est installé. Il faut maintenant le dissiper en donnant des solides gages. Les Tchadiens n’en peuvent plus. Et n’en veulent plus de cette pratique « politicienne » de la politique.
Bello Bakary Mana