Le 1er juillet, Saleh Abdel-Aziz Damane a cédé officiellement sa place à la tête de l’exécutif communal de N’Djamena à Oumar Boukar. C’est lors d’une cérémonie de passation de service à l’hôtel de ville. Retour sur les faits intrigants d’un changement éclair à la Mairie de la capitale.
De la suspension de l’ancien maire Saleh Abdel-Aziz Damane à la désignation définitive du nouveau Maire Oumar Boukar Gana, tout s’est passé en moins de 48 heures. C’est sans parler de la période intérimaire et de la passation de service, au point où l’on est en droit de se demander : pourquoi cette précipitation ?
Tout a commencé dans la soirée du 29 juin 2020. Dans les couloirs de l’Hôtel de Ville de N’Djamena, des rumeurs faisaient déjà cas d’une imminente suspension du maire Damane. Des instructions auraient été données à sa hiérarchie pour le suspendre. Les regards étaient tournés vers le Gouvernorat de N’Djamena. Comme d’habitude, c’est le Délégué Général du Gouvernement auprès de la commune de N’Djamena qui suspend le maire. C’était le cas lors de la première suspension de M. Damane.
Cette fois, surprise ! Tôt dans la matinée du 30 juin, c’est le ministre de l’Administration du Territoire et des Collectivités territoriales décentralisées, Mahamat Ismaïl Chaibo, qui prend les choses en main. Par un arrêté n°111 « portant suspension du maire de la ville de N’Djamena », Saleh Abdel-Aziz Damane est limogé pour « manquement grave ». Dans la foulée, une note de service signée le même jour par le même ministre désigne Oumar Boukar, adversaire « légendaire » du « maire déchu » pour assurer l’intérim.
Ne fallait-il pas attendre que les choses se calment ? Que les tensions retombent pour désigner officiellement un nouveau maire ? Non, estime le conseil communal. Saleh Abdel-Aziz Damane est déjà revenu d’une première suspension, il faut faire vite. Y’avait-il autre urgence ? Toujours le 30 juin, le conseil communal extraordinaire a siégé pour désigner officiellement l’intérimaire Oumar Boukar Ngana comme nouveau maire de la ville de N’Djamena. Brahim Foullah est son 1er adjoint. Cet emballement suscite des interrogations. Le plus intrigant reste le discours d’installation du nouveau maire par le délégué du gouvernement. Au cours de l’installation du nouveau maire et son équipe, aucun mot n’a été adressé à l’ancien maire Saleh Abdel-Aziz Damane.
S’adressant au nouveau maire Oumar Boukar, le délégué général du gouvernement a dit : « je voudrais attirer votre attention que contrairement aux années antérieures, cette année, les caniveaux n’ont pas été curés, les ordures ménagères n’ont pas été enlevées et l’état de nos routes laisse à désirer ». Est-ce cela, le « manquement grave » de l’ancien maire ? Le délégué général du gouvernement poursuit : « les querelles inutiles au sein de l’exécutif et avec les conseillers municipaux doivent cesser ».
Aux dernières nouvelles, il semblerait que le Maire Damane aurait démissionné de son propre gré, fatigué des querelles intestines à l’exécutif de la Mairie. L’establishment du parti au pouvoir aurait tenté une médiation. Et accepter le départ de l’ex-Maire sans démission publique pour atténuer la controverse tout en lui tordant le bras afin qu’il assiste à la passation de service. Damane s’exécute, mais la passation s’est déroulée dans la tension. Les caciques du parti sont soulagés. Ils ont réussi à limiter les déchirements dans le parti à la veille des élections législatives prévues en octobre 2021.
Maurice Ngonn Lokar