Le Premier ministre de la junte au pouvoir Succès Masra vient d’être investi candidat de son parti Les Transformateurs pour les élections présidentielles du 6 mai prochain. Je regardais les images de la rencontre à la place de l’espoir devant le siège de son parti. C’est une bonne chose, mais cette candidature est une drôle de candidature. Pourquoi dîtes-vous?
Parce que….
D’abord, elle est d’une naïveté désarmante. Depuis son retour de Kinshasa, le leader de Transformateurs et son équipe se sont tellement fondus dans ke système Deby fils, défendus la politique de la junte au pouvoir, par exemple la hausse des prix du carburant, qu’ils ont perdu leur originalité et la raison de leur existence : prendre le pouvoir et transformer le pays. Cette transformation devrait commencer par l’exigence de la révision de la liste électorale, la composition de l’Agence nationale de gestion des élections (ANGE) dominée par les caciques de la junte, de leur parti le Mouvement patriotique du Salut (MPS) et de leurs alliés. Il est drôle d’entendre le chef des transformateurs soutenir que la durée du mandat des membres de l’ANGE et leur « inamovibilité » leur conférait par magie un esprit d’indépendance et de neutralité politique.
Ensuite, elle n’est pas exemplaire. Pour celui qui plaide la nouveauté, le juste et la transparence, il donne l’image de quelqu’un qui s’accroche à son poste de Premier ministre. J’espère que le moment venu il démissionnera. S’il ne le fait pas après la validation du Conseil Constitutionnel, ces élections seraient malsaines. Pis, cela donnera le sentiment que Masra n’est rien d’autre qu’un nouvel « accompagnateur de luxe » comme tant d’autres avant lui.
Aussi, à la place de l’espoir dimanche passé, il n’y avait pas la foule des grands jours. Il y a comme une déception des Tchadiens et surtout des militants. Le ralliement à la junte semble avoir laissé des traces. Le dur est à venir, mais l’expression favorite des transformateurs « quand le chemin est dur, c’est aux durs de tracer le chemin n’est plus d’actualité ». Les durs Transformateurs semblent avoir pris le raccourci, ils le paieront cash le moment venu. Les électeurs tchadiens sont exigeants dans leur aspiration au changement. Et Masra et ses amis ne sont plus ce véhicule de changement à force de dire une chose et faire son contraire.
Enfin, dans son allocution le candidat s’est enfermé dans son concept creux du pilote et du copilote. Bref, il a promis d’investir des milliards de nos francs dans l’éducation, la sécurité, la Justice, la diplomatie. Ils se sont, comme disent les Nord-Américains, définitivement « peinturés dans le coin ». Il ne reste au copilote plus que la jouissance du pouvoir à la Primature. Le temps que le commandant de bord, Mahamat, décide de changer de copilote. Masra avait tout pour réussir à peser sur l’avènement d’un Tchad nouveau et juste. Il a choisi d’aider, sciemment ou inconsciemment, à maintenir le vieux Tchad injuste. Masra et Les Transformateurs sont un gâchis de plus. Et de trop.
Bello Bakary Mana