Ce que 2022 réserve aux Tchadiens

Written by  Jan 02, 2022

2022 est là. Le Tchad aussi est là, mais en pleine phase de transition. Beaucoup de choses se passeront au cours de la nouvelle année. Je me suis dit, cette fois-ci, ce pays soit il se redresse pour tous les Tchadiens, soit nous allons tous sombrer. Je ne suis pas un oiseau de malheur, mais un observateur du « yougou yougou » de la scène politique tchadienne. D’ailleurs, bien malin serait celui qui lira l’avenir. Avec cette chronique, j’ajoute mon grain de sel dans la marmite bouillante de la transition. Alors que réserve 2022 aux Tchadiens?

D’abord, le Dialogue national inclusif aura lieu le 15 février. C’est décidé à la surprise de tous par le président du Conseil Militaire de transition (PCMT) Mahamat Idriss Deby Itno. Il a choisi le moment et l’endroit seul sans concertation. Signe qu’il a pris confiance en lui. Il donne le tempo. Il a quelques coups d’avance sur ce rendez-vous. Et fort probablement, il veut être le maître d’œuvre et en sortir gagnant. Les autres acteurs et participants n’ont qu’à suivre le rythme. Les questions importantes à se poser sont : de quoi accouchera cette rencontre? Sera-t-elle inclusive? Souveraine? Les décisions et recommandations qui en sortiront seront-elles appliquées? Il faudra maintenant débattre des outils qui feront que ce dialogue ne soit accaparé par aucun groupe ou individu pour asseoir ses seuls intérêts. Tous ceux qui défilent à N’Djamena reprennent la chansonnette « dialogue inclusif », mais personne ne discute des outils qui feront le succès de cet évènement. Il est temps de commencer le débat.  Je crois que la seule façon d’y parvenir est de s’atteler à modifier la charte de transition pour disqualifier tous ceux qui sont impliqués dans cette transition en cours. Oui les disqualifier pour les futures échéances électorales. Le premier qui doit donner l’exemple, c’est le président de la transition Mahamat Idriss Deby Into. Je crois qu’il n’y a aucune autre alternative que celle-ci. Sinon le pays risque de basculer dans l’instabilité et les rancunes hostiles. 2022 sera l’année de tous les dangers. Mahamat Idriss Deby Itno ne modifiera pas la charte. Il tentera de se présenter. Et les mêmes d’hier feront tout pour garder le pouvoir demain même au prix de la violence et des tripatouillages.

Il y a aussi l’Amnistie qui est acquise, le pré-dialogue avec les politico-militaires se tiendra. On ne sait ni quand ni comment. Seule certitude, cette rencontre se tiendra au pas de charge parce qu’il manquera du temps pour bien faire. En un mois, rencontrer les politico-militaires, s’entendre avec eux et organiser le grand DNI me paraît serré. La liste des amnistiés est publiée. Des grandes figures de la lutte armée y figurent; si le CMT arrive à une entente, ils pourront enfin rentrer chez eux. Des flammèches se produiront certainement, car ces leaders ne se laisseront pas faire. 2022 promet de l’action politique. L’autre inconnue est la rébellion du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT). Elle ne rentre pas dans la case amnistie. Pourtant elle est la plus dangereuse des mouvements politico-militaires. C’est un casse-tête pour la transition. Il faudra trouver une formule pour amener cette rébellion à la table du DNI. J’espère qu’elle ne sera pas le foyer d’un incendie qui enclenchera la encore de la violence pour la conquête du pouvoir.

Aussi, la prolongation de la transition aura-t-elle lieu ou n’aura-t-elle pas lieu? Cela se saura dans les prochains jours. Mais le CMT et ses amis politiques auront-ils besoin d’une prolongation? Oui si la machine se grippe quelque part. Non si tout baigne dans l’huile pour eux comme cela semble être le cas pour l’instant. Le CMT a les cartes entre ses mains. C’est le suspense sans suspense de l’année qui commence.

Ensuite, la forme de l’État, voilà un thème qui reviendra au cours de l’année. Et j’espère que le débat amorcé continuera pour que les Tchadiens se fassent une tête sur le sujet. Faut-il à ce pays le fédéralisme pour tenter un autre système? Ou faudra-t-il continuer avec l’État unitaire? Les partisans de deux options doivent affûter chacun leurs arguments. Déjà, il me semble que certains tentent d’escamoter le débat en remuant les vieux démons de la division. Ils tentent de faire croire que fédéralisme rime avec division. Ce qui est faux. D’autres, plus mesurés, croient que le Tchad a besoin d'abord de justice et de bonne gouvernance. Ces positions augurent un excellent débat. Le prochain DNI doit en tenir compte et faire ressortir les deux options. Aux Tchadiens d’en décider après une campagne référendaire.

Enfin, le débat sur médias publics s’impose dans cette transition. Dire que les médias publics tchadiens sont les plus médiocres de la planète est un compliment. Ils sont en dessous de la médiocrité. Le journalisme pratiqué dans ces organes de presse n’est pas du journalisme. C’est maintenant que les acteurs politiques tentent, de façon hypocrite, d’en parler. La preuve de cette médiocrité est étalée aux yeux de tous par l’interpellation du ministre de la Communication par le Premier ministre (PM). Ne sont-ils pas tous en conflit d’intérêts? Ou du moins en apparence de conflit d’intérêts? Vu leur rôle et leurs casquettes de président de parti? Bref, le dossier des médias publics est un véritable enjeu démocratique. Les assises du DNI doivent s’en occuper. Tout est à construire dans ce secteur. Il faudra innover, mais avec des vrais professionnels, des vrais passionnés du métier. Parce que les médias publics appartiennent à tous les Tchadiens et ne doivent pas servir de relais d’un groupe politique au détriment de l’intérêt public.

Bonne année.

Bello Bakary Mana

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