Donc Deby père n’est plus. C’est Deby fils qui est là. Il est imposé par un groupe des généraux au mépris des textes de la République. Il est adopté par l’État-major militaire du grand chef blanc, la France, au mépris de la souveraineté du pays. Les deux cercles sont copains-copains. Ils ont créé le Conseil Militaire de transition et ses organes. Le Conseil National de Transition (CNT) et le gouvernement de transition. Un Premier ministre (PM) vient d’être nommé. Il s’agit de Pahimi Padacké Albert (PPA). Est-ce le bon choix? Que peut-il apporter de neuf celui qui a été le dernier Premier ministre du père? Et le tout premier Premier ministre du fils?
D’abord lorsque la primature fut abolie par le défunt président, PPA, dit-on, se vantait de dire que c’était parce que le président ne le supportait plus. Le voilà de retour. Espérons que le fils puisse le supporter durant les 18 mois de transition. Le choix de PPA donne le sentiment que le fils est dans les pas du père. Et PPA est la caution civile de la junte. Elle n’a pas fait beaucoup d’efforts pour trouver quelqu’un de plus rassembleur. Quelqu’un qui a une forte personnalité. Et qui peux animer un gouvernement de crise. Et qui puisse dire, de temps à autre, par nécessité et Intérêt Général non à la junte.
Aussi, le choix de PPA ne semble pas être un choix consensuel, mais plutôt un choix dans la droite ligne du père. Un choix comme une prière au nom du père. C’est un signe que Deby Itno vivant aurait fort probablement choisi comme Vice-président la même personne. PPA est réputé être un « accompagnateur professionnel ». Le nouvel homme fort aurait dû faire un autre choix. Un choix nouveau. Différent. Un choix osé dans un contexte particulier où il faut chercher à apaiser, à rassurer. PPA réussira-t-il? Surprendra-t-il? Difficile à dire. L’intéressé demande l’union sacrée. Vœux pieux. Impossible de l’avoir lorsqu’on est plus imposé que nommé. PPA n’est pas la solution, il est une partie du problème. Il est bien vrai qu’en politique presque tous les coups sont permis. La junte par son choix recycle PPA pour s’assurer que le système battu par le père puisse continuer à servir de levier au fils. Et d’accoudoirs aux alliés du parti au pouvoir. PPA n’apportera rien de nouveau. Rien de plus. Il est et restera une continuité. Il reprend la primature où il l’a laissé. Il fera semblant de faire du neuf avec le fils.
Ensuite, tout le monde suit depuis quelques jours les sorties baveuses du patron du parti au pouvoir le Mouvement patriotique du Salut (MPS).
Zene Bada se débat comme un diable dans l’eau bénite pour dire aux Tchadiens que le Tchad est un pays particulier. Et qu’heureusement il y a le CMT. Il est pieds et mains liées à la junte. Alors qu’il pouvait si le MPS était un vrai parti demander une transition civile. Cela aurait été au bénéfice du parti et de son Secrétaire Général. Le MPS aurait pu enfin se remettre en cause, débattre entre membres, restructurer, animer l’héritage du président Deby Itno et de mesurer son réel poids lors des prochaines échéances électorales. Au lieu de s’atteler à relever ce défi, le parti de Bamina s’adonne à son exercice favori : la paresse intellectuelle et la servitude volontaire au profit du fils Deby. Sur le plateau du journaliste Alain Foka, le militant des droits humains M. Ibedou a bien résumé les ambitions du MPS. Étape 1 : faire démissionner Mahamat Idriss Deby de l’armée. Étape 2 : le propulser président du parti. Étape 3 : faire de lui candidat. Étape 4 : le faire élire président.
Enfin, la junte change de position. Elle referme la porte du dialogue parce qu’elle a entendu de la bouche du grand chef blanc un soutien inconditionnel doublé d’une menace envers quiconque menacerait le pouvoir du fils de l’ami de la France. L’ami du père est forcément l’ami du fils. Quelqu’un disait que les pays n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Emmanuel Macron fait croire que son adoubement empressé n’est que de l’affection amicale au fils éprouvé. Les Tchadiens regardent tout cela étonnés et fâchés. La France n’a encore rien compris à ce pays. Son empressement à imposer la junte ne résoudra rien. Cela risque même d’envenimer les choses comme à l’époque du Conseil Supérieur Militaire (CSM). D’ailleurs ce CMT ressemble un peu au CSM. Le refus du dialogue avec la rébellion du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact) est une mauvaise idée. La junte, forte du soutien de la « France jupitérienne » campe sur ses positions au nom du Père, du Fils et de de Jupiter, Macron.
Bello Bakary Mana